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Opinion

Défendons Julian Assange
Robert Stevens

Mardi 1er mars 2011

Le verdict du juge Howard Riddle au tribunal d’instance Belmarsh à Londres selon lequel le fondateur de WikiLeaks devra être extradé en Suède représente une grave menace pour sa liberté et même sa vie.

Cette décision est seulement le dernier épisode d’une campagne massive, coordonnée à l’échelle internationale et menée par l’administration Obama et les services de renseignements américains pour discréditer et détruire WikiLeaks.

Assange est la victime d’une tentative politiquement motivée pour le diffamer et le poursuivre en justice sur des accusations totalement forgées d’inconduite sexuelle. Les principaux collaborateurs de Washington sont le gouvernement et les tribunaux britanniques, le gouvernement suédois et son système juridique ainsi que le gouvernement Gillard en Australie, qui n’a rien fait pour défendre un de ses propres citoyens.

Julian Assange a émergé comme une personnalité majeure du journalisme, luttant pour une presse véritablement indépendante. À l’opposé du New York Times et du reste de l’establishment médiatique, qui collaborent systématiquement avec l’État pour dissimuler la vérité et laisser le public dans l'ignorance, il a travaillé pour révéler les crimes de l’impérialisme américain. Pour cette raison, on veut l'éliminer.

La poursuite vise à bâillonner WikiLeaks, qui a rendu publics des milliers de documents secrets de l’armée américaine exposant le caractère criminel des invasions et des occupations de l’Afghanistan et de l’Irak. Il a également rendu publics des câbles diplomatiques américains documentant les sales conspirations qui ont été perpétrées contre la population mondiale par Washington et ses alliés.

La détermination des États-Unis à détruire Assange n’a fait que croître au moment où les révélations faites par WikiLeaks aidaient à déclencher des révoltes populaires de masses en Tunisie, en Égypte et dans d’autres pays, mettant à mal les efforts des États-Unis et de l’Europe visant à se présenter comme des défenseurs bienveillants de la démocratie.

Assange a eu des relations sexuelles consensuelles avec deux femmes en Suède en août dernier avant d’être la cible d’allégations d’agressions sexuelles. En 24 heures, toutes poursuites contre lui furent rejetées par le procureur en chef de la Suède, Eva Finne, qui a déclaré que les accusations étaient sans fondement.

Mais le verdict de Finne fut renversé après qu’un membre important du parti social-démocrate, Claes Borgström, fut intervenu à la faveur des deux femmes. Une des femmes qui a fait les allégations est associée à l’aile chrétienne de la social-démocratie suédoise.

Le 18 novembre 2010, la directrice du département chargé au Parquet des crimes sexuels, Marianne Ny, a transféré un mandat d’arrêt européen à la police britannique, seulement dix jours avant que WikiLeaks ne divulgue les câbles diplomatiques américains.

Borgström a pour partenaire, dans sa société d'avocats, Thomas Bodström, ancien ministre de la Justice dans le gouvernement social-démocrate de 2000 à 2006. En 2001, Bodström avait été impliqué dans l'affaire de deux demandeurs d'asile qui avaient été désignés comme présumés terroristes et rendus à la Central Intelligence Agency. Ils auraient été torturés par la suite en Égypte. Le gouvernement du Parti social-démocrate a participé à la guerre menée par les États-Unis en Afghanistan.

La coalition Alliance pour la Suède élue en 2007, sous la gouverne du premier ministre Fredrik Reinfeldt, entretient des relations tout aussi étroites avec Washington. Karl Rove, anciennement conseiller du président George W. Bush, est maintenant conseiller pour Reinfeldt depuis deux ans.

S'il est extradé en Suède, Assange risque d'être détenu pour une période prolongée, car il n'existe pas de système de libération sous caution pour ceux qui sont accusés de viol. Il devrait ensuite subir un procès à huis clos, où les preuves seraient présentées en privé, présidé par un juge principal et trois juges non professionnels nommés par le gouvernement. S'il est reconnu coupable, il pourrait purger jusqu'à quatre ans de prison.

Il est superflu de soulever la question de l'étroite relation politique entre la Grande-Bretagne et Washington. Londres a été mêlé à tous les crimes des États-Unis révélés par WikiLeaks et Assange, surtout ceux liés aux guerres en Irak et en Afghanistan et à la fameuse « guerre contre le terrorisme ».

Il suffit de comparer le traitement réservé à Assange à l'attitude envers le dictateur chilien Augusto Pinochet pour comprendre combien les actions de la Grande-Bretagne sont politiquement motivées.

Le juge Howard Riddle a statué qu'Assange peut être extradé, même s'il n'est accusé d'aucun crime. Il a rejeté sommairement toutes les préoccupations qu'avaient soulevées les avocats d'Assange.

Pinochet, auteur d'un massacre, fut arrêté en Grande-Bretagne, le 17 octobre 1998, sur la base d'un mandat d'arrêt émis par le juge espagnol Baltazar Garzón. Contrairement à Assange, qui n'a commis aucun crime et qui n'a même pas été officiellement accusé, Pinochet a passé dans le luxe son séjour au Royaume-Uni tout en étant célébré par des politiciens en vue comme l'ancienne première ministre Margaret Thatcher. Parmi ses avocats se trouvait Clare Montgomery, un procureur de la Couronne qui a argumenté en faveur de l'extradition d'Assange.

Montgomery avait notoirement défendu devant les Lords juristes que seul le Chili pouvait poursuivre Pinochet car « lorsque la torture est pratiquée dans un contexte où l'armée fait respecter une certaine politique de sécurité interne... la définition de fonctions souveraines ou du gouvernement s'applique toujours. Et les actes souverains ou de l'État ont droit à l'immunité. »

En janvier 2000, le secrétaire de l'Intérieur du Parti travailliste, Jack Straw, était intervenu directement pour décider que Pinochet ne devait pas être extradé, mais retourné au Chili en raison de ses problèmes de santé.

S'il est extradé en Suède, Assange risque d'être envoyé aux États-Unis, où il pourrait être condamné à mort. Des politiciens au pouvoir aux États-Unis, tels que le vice-président Joseph Biden, l'ont qualifié de « terroriste » et de « traître », tandis que d'autres personnalités en vue, comme l'ancien candidat républicain à la présidence, Mike Huckabee, et l'ancienne candidate républicaine à la vice-présidence, Sarah Palin, ont appelé à son assassinat.

Ce ne sont pas des menaces en l’air. L’année dernière, le président Obama a lui-même ordonné l' « assassinat ciblé » d’Anwar Al-Awlaki, un imam d’origine américaine accusé de terrorisme qui se cacherait au Yémen.

Il suffit de considérer le traitement barbare infligé au soldat de l’armée américaine Bradley Manning, qui est détenu dans une base américaine à Quantico, en Virginie, uniquement car il est soupçonné d’avoir fourni des documents secrets à WikiLeaks. En attente de procès, il a été torturé physiquement et psychologiquement pendant plus de neuf mois, maintenu en isolement 23 heures par jour, il s’est fait refuser le droit de faire de l’exercice ou même d’avoir un oreiller ou un drap. Il est autorisé à porter ses lunettes uniquement pour la lecture, le rendant pratiquement aveugle la majeure partie de la journée.  

Les médias, y compris la presse libérale et de pseudo-gauche, ont joué un rôle politique criminel en légitimant et en promouvant la vendetta contre Assange. Le New York Times et le Guardian, qui avaient initialement décidé de publier et de diffuser les documents de WikiLeaks, l’ont fait uniquement dans le but de supprimer les informations les plus dommageables. Le New York Times admet même avoir consulté le département d'État et des hauts placés de la Maison-Blanche avant de publier un petit nombre de documents.

Une fois que la décision a été prise de s'en prendre à Assange, le Times et le Guardian ont mené la frénésie médiatique visant à dépeindre Assange comme un criminel et ont donné de la crédibilité aux accusations sans fondement de sévices sexuels et de viol portées contre lui. De nombreuses commentatrices féministes ont affirmé que quiconque se portait à la défense d’Assange était non seulement un adepte des théories du complot, mais aussi coupable de salir le nom de ses accusateurs et d’être indifférent au « viol ».

Il faut faire l’avertissement suivant. Le gouvernement américain et ses complices ont travaillé sans relâche pour handicaper WikiLeaks et créer les conditions pour qu’Assange doive possiblement purger une longue peine de prison. Leur capacité à mener une telle attaque témoigne de la vaste érosion des droits démocratiques aux États-Unis et internationalement.

Si les conditions politiques actuelles avaient prévalu en 1969, Seymour Hersh, l’auteur des révélations du massacre de My Lai et le soldat qui lui a fourni les informations se seraient tous deux retrouvés en prison. 

En revanche, aucun des responsables des massacres, de la torture et de la destruction en Irak, en Afghanistan et partout ailleurs qui ont été exposés par WikiLeaks n’ont été tenus de rendre des comptes.

Cela ne peut durer. La décision d’extrader Assange en Suède doit servir de cri de ralliement pour un mouvement de protestation de masse mobilisant les travailleurs, les étudiants et tous ceux qui sont préoccupés par les droits démocratiques afin de revendiquer sa libération.

 (Article original anglais paru le 26 février)

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Publié le 1er mars 2011 avec l'aimable autorisation du WSWS

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