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Analyses

Alors que prend effet le cessez-le-feu... la vraie guerre commence
Robert Fisk
 

La vraie guerre commence aujourd’hui au Liban. Il se peut que le monde croie - et qu’Israël croit - que le cessez-le-feu de l’Onu, devant prendre effet pour 6 heures du matin (GMT) marquera le début de la fin de la dernière sale guerre au Liban après que près de 1 000 civils libanais et plus de 30 civils israéliens ont été tués. Mais la réalité est plutôt différente et ne supportera aucun aveuglement : l’armée israélienne, titubant sous l’attaque du Hezbollah de ces dernières 24 heures, se retrouve, à présent, face à la guerre de guérilla la plus dure de son histoire. Et c’est une guerre qu’ils pourraient bien perdre.

En tout, au moins 39 - peut-être 43 - soldats israéliens ont été tués ce dernier jour alors que les guérilleros du Hezbollah, lançant toujours des missiles sur Israël, ont repoussé l’invasion terrestre massive d’Israël à l’intérieur du Liban.

Les autorités militaires israéliennes parlaient d’opération de "nettoyage" et de "balayage" par leurs soldats, au sud du fleuve Litani, mais, au Liban, il semble que ce soit le Hezbollah qui a effectué le "balayage". À la nuit dernière, les Israéliens n’avaient même pas réussi à atteindre l’équipage mort d’un hélicoptère - abattu samedi soir - qui s’est écrasé dans une vallée libanaise.

Officiellement, à présent, Israël a accepté le cessez-le-feu qui appelle à la fin de toutes les opérations militaires offensives israéliennes et des attaques du Hezbollah, et le Hezbollah a déclaré qu’ils respecteraient le cessez-le-feu - pourvu qu’aucune troupe israélienne ne reste au Liban. Mais 10 000 soldats israéliens - les Israéliens prétendent même 30 000, bien que personne à Beyrouth ne prenne cela au sérieux - sont désormais entrés dans le pays et chacun d’eux constitue une cible pour le Hezbollah.

À partir de ce matin, les opérations du Hezbollah seront dirigées uniquement contre la force d’invasion. Et les Israéliens ne peuvent se permettre de perdre 40 hommes par jour. Incapables d’abattre les F-16 israéliens qui ont dévasté une grande partie du Liban, le Hezbollah, pendant des années, a prié, espéré et attendu le moment où ils pourraient affronter l’armée israélienne sur le terrain.

À présent, ils sont prêts à mettre leur campagne, planifiée depuis longtemps, en application. Des milliers de leurs membres sont encore en vie et armés, dans les villages en ruine sur les collines du sud-Liban. Ils attendent justement ce moment et samedi, seulement quelques heures après que leur chef, Sayed Hassan Nasrallah, a averti Israël que ses hommes les attendaient sur les berges du fleuve Litani, le Hezbollah a refermé son piège, tuant plus de 20 soldats israéliens en moins de trois heures.

Israël lui-même, selon des rapports de Washington et de New York, avait prévu depuis longtemps sa campagne actuelle contre le Liban - provoquée le 12 juillet par la traversée de la frontière israélienne par le Hezbollah, le meurtre de trois soldats et la capture de deux autres - mais les Israéliens apparaissent n’avoir tenu aucun compte du plan opérationnel le plus évident de cette armée de guérilla : que s’ils pouvaient endurer des jours d’attaques aériennes, ils finiraient par forcer l’armée israélienne de ré-entrer au Liban par la voie terrestre et de les combattre à égalité.

Samedi, les missiles à guidage laser du Hezbollah - fabriqués par l’Iran, de la même manière que les armes israéliennes sont fabriquées aux Etats-Unis - semblent avoir provoqué des dégâts dans les troupes israéliennes, et qu’ils aient abattu un hélicoptère israélien était sans précédent dans leur longue guerre contre Israël.

En théorie, les convois d’aide humanitaire pourront se déplacer aujourd’hui en direction du sud, vers les milliers de Chiites libanais pris au piège dans leurs villages. Mais personne ne sait si le Hezbollah attendra plusieurs jours - comme les Israéliens, ils sont physiquement fatigués - pour permettre à cette aide d’atteindre les villes broyées.

Les atrocités se poursuivent dans tout le Liban. La dernière étant l’attaque d’un convoi de voitures transportant 600 familles chrétiennes, de la ville méridionale de Marjayoun. Conduit par des soldats de l’armée libanaise, samedi, ce convoi se traînait vers le nord en direction de la vallée de la Bekaa, seulement pour se faire attaquer par l’aviation israélienne. Au moins sept personnes y ont trouvé la mort, dont la femme du maire, une Chrétienne qui a été décapitée par un missile qui a touché la voiture.

À Beyrouth-ouest hier, l’aviation israélienne a détruit huit immeubles d’appartements dans lesquels vivaient six familles. Douze civils ont été tués au sud-Liban, dont une mère, son enfant et sa bonne.

Un Israélien a été tué par le tir continue des Katioucha au-dessus de la frontière. L’armée de guérilla - "des terroristes" pour les Israéliens et les Américains, mais de plus en plus des héros dans tout le monde musulman - ont beaucoup de morts à venger, bien que leur dirigeant semble moins intéressé à rendre œil pour œil et dent pour dent et qu’il soit plus enthousiaste à l’idée de frapper l’armée israélienne.

À ce moment fatal dans l’histoire du Proche-Orient - et personne ne devrait sous-estimer l’importance de ce moment pour la région - l’armée israélienne semble aussi impuissante à protéger son pays que le Hezbollah à protéger le Liban.

Mais si le cessez-le-feu s’écroule, comme cela semble certain, ni les Israéliens, ni les Américains semblent n’avoir de plan pour échapper aux conséquences. Les Etats-Unis avaient vu cette guerre comme une occasion d’humilier les sponsors iranien et syrien du Hezbollah mais il semble déjà que les rôles se soient inversés. L’armée israélienne semble efficace pour détruire des ponts, des centrales électriques, des stations services et des immeubles d’appartements - mais elle est inefficace, de façon notable, à écraser l’armée de "terroristes" qu’ils avaient jurés de liquider.

"Le gouvernement libanais est notre adresse pour tous les problèmes ou violation des accords [de cessez-le-feu]", a dit hier le Premier ministre israélien, Ehoud Olmert, comme s’il réalisait que la trêve ne tiendrait pas.

Et cela fournit, bien sûr, encore une autre excuse à Israël pour attaquer les infrastructures du Liban.

Beaucoup plus inquiétant, cependant, sont les termes vagues de la résolution du Conseil de Sécurité des Nations-Unies sur la force multinationale censée occuper la terre entre la frontière israélienne et le fleuve Litani.

Puisque les Israéliens et le Hezbollah sont en guerre dans tout le Sud pendant les semaines à venir, quel pays oserait envoyer ses troupes dans la jungle que le sud-Liban est devenu ?

De façon tragique et fatale pour tous ceux qui sont impliqués, la véritable guerre du Liban commence vraiment aujourd’hui. 

Robert Fisk

publié dans The Independent, le 14 août 2006,
article original : ’As the 6am ceasefire takes effect... the real war begins’
http://questionscritiques.free.fr/e...
Traduction [JFG-QuestionsCritiques] - Reçu de Nadine Ghys

 

 


Source : CCIPPP
http://www.protection-palestine.org/article.php3?id_article=3352


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