Opinion
Réformons le
capitalisme avant qu'il ne s'effondre
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Mercredi 31 août
2011
Ils sont nombreux à crier du côté
gauche de la bouche : « À BAS LE
CAPITALISME » et du côté droit de la
bouche : « RÉFORMONS LE CAPITALISME
AVANT QU’IL NE S’EFFONDRE ». Tous
ces sociaux-démocrates et leurs amis
opportunistes qui les encadrent sont
sortis de sous terre cet été et ils
organisent présentement des universités
d’été et des colloques anti-capitalistes.
Comme lors de la dernière flambée de
révoltes entre 1968 et 1978 ils montent
aux créneaux remplir leur mission au
service du capital.
La révolte arabe est grosse d’une
Révolution mais l’accoucheur tarde à se
présenter afin de libérer le bébé des
forceps de la réaction nationale et
internationale. Il est important
d’analyser et de comprendre les révoltes
du Printemps arabe car les mêmes
conditions économiques, sociales et
politiques prévalent ici en Occident où
les soulèvements populaires spontanés
(Athènes, Londres) risquent de donner
les mêmes résultats, une succession de
flambées de violence anarchiques
durement réprimées par la violence
d’État et sans lendemain.
Où réside la responsabilité de ce
gâchis militant révoltant ? C’est ce que
nous allons examiner.
Un samedi matin du mois d’août 2011,
nous sommes plus d’une centaine entassés
dans une salle du camp forestier de
Saint-Alphonse (l’héritage chrétien est
prégnant sur les terres autochtones du
nord québécois). Un pageant de militants
pavane sur la scène en avant. Ces
sommités de « gauche » et de centre
gauche tentent de nous expliquer
pourquoi les « Révolutions » arabes
victorieuses ont du mal à accoucher
d’élections « démocratiques crédibles et
populaires ».
J’écoute le salmigondis des experts
empêtrés dans des analyses alambiquées
qui ne font qu’approfondir l’incrédulité
de l’auditoire. Difficile d’expliquer et
de faire comprendre une révolte
populaire anti-impérialiste quand on
épouse la grille d’analyse de madame
Hillary Clinton, secrétaire d’État de la
première puissance impérialiste du
monde.
C’est madame Clinton qui la première
a dit, un peu avant le départ précipité
de Ben Ali (Tunisie) pour son repaire
d’Arabie, que les « Révolutions arabes »
visaient essentiellement à conquérir le
douteux privilège de voter
« démocratiquement » en faveur du
dictateur de son choix. Ils seront
finalement cent candidats tunisiens à
proposer leur service comme sous-fifres
entre Madame Clinton et le peuple
tunisien. Pendant ce temps l’ancienne
équipe de Ben Ali poursuit ses travaux
de mystification – Constituante – et
prépare fébrilement cette élection
bidon.
Mais voilà où le bat blesse.
L’experte sur la scène à l’avant,
militante féministe tunisienne depuis
longtemps, est horrifiée par les
résultats anticipés de ce vote
« démocratique ». En effet, les
islamistes réintroduits dans le
pays à la faveur de la nuit, soutenus et
lourdement financés par les principautés
intégristes du Golfe Persique, avec la
bénédiction de leur patron américain,
risquent d’emporter le scrutin. Doit-on
retirer le droit de vote à ce peuple
ingrat et ignare songe-t-elle, et
réclamer un coup d’État réactionnaire de
la part de l’armée de Ben Ali (sans Ben
Ali), ou doit-on laisser cheminer cette
élection bidon, qu’elle a tant réclamée,
au risque de devoir reporter le voile
dans les rues d’El Kantaoui ? Dilemme
cornélien n’est-ce pas ? Mais était-il
nécessaire de renverser Ben Ali qui
avait réussi à expulser les islamistes
pour aujourd’hui demander à son armée de
réimposer la dictature militaire de Ben
Ali (sans Ben Ali) ?
Revenons à l’essence de ces
soulèvements arabes afin de mieux
comprendre leur dynamique et leur
évolution et comment la « gauche » et le
centre gauche ont pu se laisser
fourvoyer de la sorte jusqu’au point de
s’empêtrer dans ces contradictions
loufoques.
Le soulèvement populaire spontané et
anarchique tunisien, pour prendre cet
exemple spécifique, fut un soulèvement
pour le pain, le logement, le travail,
le pouvoir d’achat, contre la répression
policière et pour la dignité d’un peuple
courbé sous l’oppression d’un dictateur
élu au service des puissances
impérialistes.
Dès son origine cette lutte
populaire, menée sur le front économique
était inconsciemment une lutte
anti-impérialiste. Inconsciemment
disons-nous, car bien peu de
manifestants lançaient l’appel au
renversement du capitalisme en Tunisie.
La plupart des tunisiens croyaient que
le pouvoir d’État entendrait leurs
protestations et leurs récriminations et
obtempérerait à leurs revendications.
Nous disons tout de même
anti-impérialiste car nonobstant
l’inconscience des masses en soi, le
simple fait de revendiquer la
nourriture, le logement, le travail, le
pouvoir d’achat et la fin de la
répression policière heurtait
directement les forces compradores
locales qui ne peuvent tout simplement
pas continuer à la fois à exporter le
capital, la plus value et les richesses
tunisiennes dans les pays impérialistes
d’Europe et satisfaire également les
demandes des insurgés. C’est tout
simplement impossible.
La présente crise économique
impérialiste ne peut être contenue qu’en
imposant encore et toujours de plus
lourds sacrifices à tous les peuples du
monde afin de maintenir les richesses et
les profits d’environ 10 millions de
milliardaires mondiaux qui ensemble
représentent moins de 1% de la
population mondiale (00,15 %) mais qui
ensemble possèdent 42,700,000,000,000.$
(ça se lit 42,7 mille milliards de
dollars) des valeurs mondiales.
Sans l’intervention de madame Hillary
Clinton à laquelle ont fait écho
l’ensemble des médias bourgeois mondiaux
ainsi que les groupes
sociaux-démocrates, pacifistes,
altermondialistes et gauchistes, le
soulèvement tunisien, suivi par une
kyrielle d’autres soulèvements
populaires arabes, risquait de dégénérer
en soulèvement anti-impérialiste
généralisé.
En effet, tous ces soulèvements
visaient les mêmes revendications,
certes selon des modalités locales
différentes, mais ces différences
étaient sans grande importance quant au
fond de cette guerre de classes. Que les
soulèvements soient pris en charge par
des tribus rebelles, ou impulsés de
l’extérieur par des magouilleurs à la
solde des puissances occidentales ne
change rien au fait que ces soulèvements
ont été possibles parce que les peuples
arabes en avaient assez de vivre dans la
misère alors que leur richesses sont
exportées à l’étranger et qu’il ne leur
reste qu’à s’expatrier pour survivre.
Comme chacun a pu l’observer, ces
soulèvements spontanés, ou impulsés en
profitant du mécontentement local
évident, sont des manifestations de la
conscience de classe en soi des
ouvriers, des chômeurs et des
populations locales. Ces révoltes n’ont
pas besoin d’organisation
révolutionnaire pour être déclenchées et
pour entraîner des manifestations de
masse très importantes. Spontanément,
les masses populaires savent mener ces
luttes sur le front économique (manger,
pouvoir d’achat, logement, emploi)
mais ces révoltes s’essoufflent
rapidement et ne peuvent mener qu’au cul
de sac car ces révoltes posent
rapidement la question du pouvoir
d’État, c’est-à-dire la question de la
révolution de classe.
Que l’État arabe soit entre les mains
de Ben Ali, ou un mois plus tard entre
les mains des coéquipiers de Ben Ali, ou
encore entre les mains de l’armée de
Moubarak (sans Moubarak), ou bien entre
les mains des ex-ministres de Kadhafi et
d’ex-militants d’Al Qaida, ou des
successeurs de Assad, ou de Saleh, il
demeure un État bourgeois dont la
mission est de maintenir le peuple dans
les conditions de l’exploitation
impérialiste actuelle quitte si les
opposants et candidats à la succession
réussissent à désorienter le mouvement
populaire et à l’entraîner vers la
revendication pour obtenir des élections
« libres et démocratiques », à leur
accorder le privilège de choisir leur
garde chiourme.
L’important pour les puissances
étrangères étant que la structure
d’État, la structure de pouvoir, la
structure de répression militaire et la
structure économique d’exploitation des
peuples, du capital, de la plus value et
des richesses nationales arabes
demeurent intacte au service de
l’impérialisme.
De toute façon comme nous le verrons
bientôt en Tunisie, en Égypte, en Libye
et au Yémen, il sera toujours temps, une
fois tous ces gens calmés et retournés
croupir dans leurs logements insalubres,
ou chômer sous les ponts, ou picorer
leurs aliments trop chers dans leurs
bidonvilles et planifier leur
immigration vers le nord hors de cet
enfer, il sera toujours temps,
disions-nous, de leur retirer cette
concession « démocratique » bien
théorique. Pire, si une fraction de la
bourgeoise locale soutenue par les pays
intégristes du Golfe Persique joue
correctement ses cartes, les populations
arabes désemparées, sans direction
révolutionnaire et sans organisation
révolutionnaire, pourraient bien en
venir à voter pour la mise au pouvoir de
ces intégristes qui savent hurler avec
les loups et se poser en « opposants »
de l’Occident exploiteur et honni.
La boucle se referme ici sur les
prétendus amis des peuples arabes, qui
auront réussi tout en scandant du côté
gauche de la bouche : « À BAS LE
CAPITALISME » à liquider le soulèvement
populaire arabe anti-impérialiste au cri
de : « RÉFORMONS LE CAPITALISME AVANT
QU’IL NE S’EFFONDRE » afin de diriger
ces mouvements vers la voix
d’évitement pseudo démocratique en
contrepartie de l’illusoire privilège de
choisir son dictateur au scrutin secret
ou pire vers le cul de sac de la
dictature militaire fasciste comme au
Chili de Pinochet.
La démocratie populaire véritable en
pays arabes requiert que sur le front
politique ces peuples renversent et
détruisent la structure Étatique
capitaliste qui les opprime et sur le
front économique qu’ils renversent le
système économique d’exploitation qui
les écrase en leur faisant subir les
contrecoups des crises impérialistes
successives. Où se trouve donc
l’avant-garde pour diriger ce mouvement
?
La semaine prochaine «COMMENT
SAUVER LE CAPITALISME EN OCCIDENT».
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