Opinion
La question
palestinienne et l'État palestinien
Robert Bibeau
Jeudi 30 septembre 2010
Si la Palestine
m’était contée
Il est fortement recommandé d’aborder l'ensemble des problèmes,
des événements à présenter, à analyser ou à expliquer sur le
territoire de la Palestine mandataire en les traitant d’abord
sous l'angle de
LA
QUESTION NATIONALE PALESTINIENNE. Il n’est pas
recommandable de privilégier l'angle du
« conflit » israélo-palestinien, ni de privilégier l'angle
d’analyse du sionisme et des négociations de paix, ni l’angle de
la violence et de la non-violence, ni l’aspect de la
réconciliation nationale, etc. (1). Ne jamais privilégier non
plus l’analyse sous l’angle de l’État à construire en Palestine
occupée, ne jamais privilégier aucun autre angle que LA QUESTION
NATIONALE PALESTINIENNE. Les autres problèmes subsidiaires à LA
QUESTION PALESTINIENNE lui sont subordonnées et s’éclairent à la
lumière de cette question.
Quelle différence de perspective me direz-vous ? Toute une
différence. En adoptant l’approche de la question nationale
palestinienne chaque question secondaire prend la place qui lui
revient et l’analyste évite de se laisser emporter par toutes
sortes de distracteurs, toutes sortes de leurres, de
pseudo-problèmes vers lesquels nous entraînent les amis bien
intentionnés de la Palestine occupée. Le risque est grand alors
de ne rien comprendre, d’expliquer tout de travers,
d’embrouiller plutôt que de clarifier et ainsi d’intervenir
maladroitement dans le combat palestinien.
Prenons la question en débat
dans la « communauté internationale » (2) à propos de la
création d’un seul État binational, laïc et démocratique, ou
alors de deux ou pourquoi pas de trois États en Palestine
occupée (Gaza, Cisjordanie, Israël) ! Question qui, incidemment,
ne soulève aucune passion parmi les Palestiniens.
Un individu pourrait aborder ce problème par l’interrogation
suivante : Dois-je soutenir la solution d’un seul État
démocratique, laïc et républicain ou dois-je appuyer la solution
de deux États et pourquoi pas de trois États sur le territoire
de l'antique Palestine du mandat britannique ? La réponse
devient rapidement évidente pour l’individu préoccupé par LA
QUESTION PALESTINIENNE.
Naissance de la question palestinienne
Arbitrairement,
remontons historiquement à l'année 1920. Il n'y avait pas
alors de QUESTION PALESTINIENNE. Ce territoire était occupé par
le peuple arabe local, que nous pourrions déjà prénommer le
peuple palestinien à contrario de madame Golda Meir, la chef
sioniste israélienne, qui prétendit sa vie durant que le peuple
palestinien n’existait pas, alors que nous nous savons que c’est
le peuple « juif » qui n’existe pas en tant que nation. À
cette époque des Arabes de religion musulmane côtoyaient des
Arabes de religion judaïque (juifs) et d'autres de religion
chrétienne, etc. La paix régnait entre eux et il n'y avait
aucune Shoah de l'une envers l'autre partie de la communauté
nationale en émergence. Un seul peuple divisé en plusieurs
confessions religieuses comme il en existe dans chacun de nos
ensembles nationaux (Canada, France, Allemagne, États-Unis,
etc.) occupait cette terre bénie des dieux et promise à nul
autre qu’à ceux qui l’habitaient.
Que s'est-il passé entre 1920 et 1948 ? Les impérialistes
britanniques, français et allemands ont créé LA QUESTION
PALESTINIENNE en expatriant vers cette terre des milliers
d’Ashkénazes, des gens de différentes nationalités européennes
mais possédant la caractéristique commune de présenter un nom à
consonance « juive », ou encore pour certains d’entre eux de
pratiquer la religion judaïque - juive –, souvent des gens
fanatisés par l'idéologie raciste sioniste.
Ces émigrés sionistes ont
commencé à s’emparer de la terre, à se former en milices
terroristes, à provoquer des troubles, à commettre des attentats
terroristes et à tuer des Palestiniens de différentes religions,
y compris de religion juive. Ils ont poussé l'audace,
encouragés en cela par les sionistes d'Europe et armés par les
impérialistes britanniques et français
(3), jusqu'à lancer une
offensive de conquête et de nettoyage ethnique expulsant entre
700 000 et 800 000 Palestiniens devenus les réfugiés de la Naqba
dans leur propre contrée.
LA QUESTION
PALESTINIENNE était née. Elle devenait la bataille du peuple
palestinien pour le recouvrement de sa terre, de ses droits, de
ses habitations, de sa dignité, du maintien de son vouloir-vivre
collectif sur sa terre ancestrale. LA QUESTION PALESTINIENNE est
une question de lutte de libération nationale. Ce n'est pas
d’abord une question de violence ou de paix, ce n'est pas
d’abord une question de lutte pour le socialisme, ni de lutte
pour les droits civiques, pour la libération de la femme, ni une
question de partage de la terre entre l'occupant et l'occupé et
encore moins de constitution de un ou de plusieurs États sur le
territoire occupé par les sionistes. Ces questions subsidiaires
s’intègrent à la question principale qu’elles orientent. Elles
doivent être prises en charge et résolues par le peuple
palestinien dans le cadre de sa lutte de libération nationale.
LA QUESTION PALESTINIENNE est une lutte de libération nationale
classique. La solution de LA QUESTION PALESTINIENNE concerne
d'abord les Palesti- niens. Le choix de la nature, de la forme
de l'État et du nombre d'États à naître sur cette terre qui est
la leur les concerne exclusivement. Associeront-ils les
envahisseurs sionistes, les colonialistes hébreux à cette
démarche et de quelle façon, est aussi une question qui les
concerne eux et eux exclusivement. LA QUESTION PALESTINIENNE
traite du recouvrement par le peuple palestinien (pas par
l'oligarchie palestinienne, non plus que par l'Autorité
palestinienne, pas plus que par l'OLP ou par le Hamas) de
ses droits nationaux inaliénables complets et la récupération
de la terre ancestrale dans son intégralité; accepter ou non de
la partager avec les descendants des envahisseurs colonialistes
occupants deviendra leur choix et chacun devra le respecter.
Par ailleurs, LA QUESTION
NATIONALE PALESTINIENNE est une lutte anti-impérialiste parce
que l’impérialisme occidental dirige le projet colonial
sioniste, le soutient, l’équipe en armement et l’approvisionne
en munitions meurtrières (4); il le subventionne, le protège
diplomatiquement à l’ONU et à l’AIEA
(5), l’intègre aux grandes
alliances agressives comme l’OTAN, l’Union Européenne, l’OCDE,
etc. C’est l’agression de l’impérialisme américain qui fait de
cette lutte de résistance et de libération nationale une lutte
de libération anti-impérialiste.
La question de
l'État palestinien
Quelle
attitude doivent prendre les militants pour la libération de
la Palestine sur la question de l'État palestinien ? Notez que
je n'écris pas sur la question du partage israélo-palestinien de
la terre palestinienne car nous traitons ici de LA QUESTION
PALESTINIENNE exclusivement - l'État - ou entité - sioniste est
un avatar qui est né par la guerre et par le sang, qui ne peut
être transformé et qui sera probablement détruit par la guerre
et par le sang (ce qui ne signifie pas que les israéliens
devront être boutés à la mer) pour que se résolve LA QUESTION
PALESTINIENNE. Quelle doit être l'attitude des
interlocuteurs occidentaux à propos de l'État palestinien ?
Un individu sincère, extérieur à la nation palestinienne, doit
se mettre à l'écoute du peuple palestinien à travers ses
organisations de défense et de résistance. L'Organisation de
Libération de la Palestine (OLP), lors de sa création en
1964, avait proposé une solution précise à LA QUESTION
PALESTINIENNE, solution qu'elle a reniée lors du XIXe
Conseil National Palestinien à Alger en 1989, et qu'elle a de
nouveau trahie lors de la signature des Accords d'Oslo. Ce fut
une trahison des clercs Palestiniens envers LA QUESTION
PALESTINIENNE comme le souligne Khaled Mesh'al dans une entrevue
(6). La récente décision du FPLP de quitter l’OLP s’explique
dans ce contexte (7). La prétendue « unité nationale » entre le
Hamas, qui dirige la résistance, et le Fatah qui dirige la
capitulation est pour sa part incompréhensible (8).
Le Hamas et plusieurs autres organisations de résistance du
peuple palestinien sont nées ou ont prospéré suite à cette
trahison et à cause de cette trahison de la question nationale.
Ils furent la réponse du peuple palestinien à cette trahison. La
Charte de l'OLP n'était pas et n'est toujours pas obsolète dans
ses principes ni dans sa ligne stratégique. Le Hamas n’a pas été
créé par le Mossad contrairement à ce que prétend la propagande
israélienne. Mohamed Al-Rantissi, frère de l’un des
fondateurs du Hamas, a très bien décrit dans son livre intitulé
« Survivre à Gaza» (9) la naissance de cette
organisation dans l’adversité et la répression sioniste. Le
Hamas a été créé pour reprendre le flambeau abandonné par l'OLP.
De bon droit le Hamas et
d'autres organisations de la résistance, qui représentent
ensemble la majorité du peuple palestinien, rejettent la
décision du XIXe Conseil National Palestinien ainsi que les
Accords d'Oslo, ne reconnaissent pas l'entité sioniste et
n'acceptent pas la cession de 80 % de la terre palestinienne à
l’envahisseur sioniste, aux colonialistes.
Un militant pro-palestinien
appuie et soutient les organisations de la résistance ainsi que
les solutions que celles-ci proposent à LA QUESTION
PALESTINIENNE. Il n'est pas de question de « un, deux ou
trois États » qui tienne. Tout ceci n'est que leurre. Il n’y a
que LA QUESTION PALESTINIENNE et l’avènement d'un territoire
palestinien totalement libéré du colonialisme sur l’ensemble de
la Palestine historique qui importe. Sera-t-il démocratique,
laïc ou musulman, républicain ou royaliste comme la
Grande-Bretagne et la Suède, l’État régissant ce territoire
libéré? Cette question ne concernera que les Palestiniens une
fois leur territoire libéré du colonialisme et il y a encore
beaucoup à faire avant ce jour.
Pour conclure, l'État
palestinien sur tout le territoire de la Palestine historique
adviendra-t-il dans vingt ans ou après 191 ans d’occupation
comme il en fut de la destruction du Royaume Latin de Jérusalem
érigé par Baudoin 1er
et les Croisés européens en 1100 de notre ère et libéré par les
Mamelouks d’Égypte en 1291 ap. JC, nul ne saurait le dire avec
certitude, mais il adviendra.
Notes:
(3)
http://www.robertbibeau.ca/palestine/Ghiles-Meilhac,%20Le%20Monde%20diplomatique%20et%20Israel.pdf
Ghiles-Meilhac. Éditions Le manuscrit. 2006. 259 pages.
(6)
http://ism-france.org/news/article.php?id=14380&type=analyse&lesujet=Interviews
(7)
http://www.aloufok.net/spip.php?article2509
(8)
http://www.aloufok.net/spip.php?article2519
(9)
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=6159
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