Opinion
Où va la résistance
palestinienne ?
Robert Bibeau
Vendredi 26 novembre 2010
Le peuple palestinien apprécie
que le Hamas ait grandi en son sein et qu'il dirige aujourd’hui
la résistance nationale. Les sionistes israéliens sont eux aussi
très heureux d’affronter cette organisation islamique. Cela leur
permet d’exciter la fibre raciste d’une partie de la population
israélienne et de l’effrayer avec le spectre du « rejet à la
mer » et des pogroms d’extermination par les roquettes
artisanales de ces Arabes vindicatifs.
Une aubaine pour les chancelleries occidentales qui soutiennent
les visées hégémoniques de l’État hébreu. Elles se croient
justifiées de crier : « Sus aux islamistes sanguinaires !». Il
n’y a que les peuples de la Terre qui ne gobent pas ce bobard
lamentable et qui s’entêtent, comme le révèlent les sondages, à
considérer l’« État juif » responsable des guerres dans
cette zone de l'hémisphère. (1)
Mais les choses pourraient changer. À partir d’un examen
minutieux des déclarations des porte-parole du Hamas il
nous a été facile de percevoir la lutte interne qui déchire
l’organisation entre l’option de résister à l’occupation
sioniste, conforme aux désirs du Peuple Palestinien et le désir
de participer aux « pourparlers directs » visant à l’associer au
Fatah, histoire de partager les utopiques fruits malodorants de
l’État-bantoustan (2).
Voilà qu’un journaliste palestinien, Abdel Bari Atwan, nous
rejoint et pose crûment la question : « Le Hamas serait-il en
train de dévier ? ».
Nous reprenons ci-après l’essentiel de l’interrogation du
journaliste : « Notre reproche va au mouvement « Hamas »
plus qu’à tout autre. Nous le lui disons avec amertume, car, en
tant que chef de file des mouvements constitutifs du camp de la
résistance en Palestine, il aurait « facilité » ces concessions
en fermant les yeux sur la pratique de certains de ses
responsables (ou considérés comme tels), pratique exactement
comparable à celle de M. Abed Rabbo : de leur propre initiative,
et sans que cela leur ait été demandé, ils ont proposé des
projets de règlement aussi proches de ceux de l’Autorité
palestinienne que tout autre, comme l’acceptation d’un État en
Cisjordanie et à Gaza en échange d’une trêve ou par la reprise
de nouveaux pourparlers de réconciliation avec l’Autorité dont
ils mettent, par ailleurs en cause la légitimité, la
représentativité et la capacité de traiter au nom du peuple
palestinien. Il en fut ainsi de la rencontre à Damas (…), tout
cela en concomitance avec la poursuite des négociations
directes, auxquelles le Hamas s’est pourtant déclaré
farouchement opposé. » (3).
S’il ne s’agissait que de convenir d’une trêve en échange de la
paix et de la possibilité pour la Résistance de refaire ses
forces dans deux enclaves (Gaza et Cisjordanie) sans cession de
territoires et sans renonciation aux droits légitimes du peuple
palestinien, le « deal » serait acceptable pour la partie
palestinienne, même si, comme chacun le conçoit, l’entité
sioniste n’entérinera pas de sitôt une telle « offre
généreuse ». Nous en voulons pour preuve que Mahmoud Abbas
vient de se voir offrir par Netanyahu trois mois de moratoire
partiel sur la construction de nouveaux logements en Cisjordanie
(Jérusalem non compris), en contrepartie de sa renonciation au
droit de retour et de l’abandon de 90 % des terres
palestiniennes. Qui dit mieux ?
Il n’est plus possible, pour le mouvement mondial de soutien à
la résistance palestinienne, de mettre en doute la
représentativité de ces porte-parole du Hamas, quand le chef du
bureau politique de cette organisation affirme, dans une
déclaration récente, ce qui suit : « Parce
que le Hamas est réaliste, nous sommes parvenus à un
accord entre les factions palestiniennes et les pays arabes pour
accepter un État en Palestine, établi sur la base des frontières
de 1967, avec Jérusalem comme capitale, et l’application du
droit au retour des réfugiés ». Le dirigeant du Hamas poursuit :
« Le plus grand compromis a déjà été fait par les factions
palestiniennes et les États arabes.
Il a été d’accepter les
frontières de 1967, nous laissant 20% de l’ensemble du
territoire en litige. Il n’est plus admissible que
certaines puissance continuent à faire pression sur le côté
palestinien pour lui demander d’autres compromis, parce qu’elles
le considèrent comme le côté le plus faible ».
En effet, une organisation patriotique qui, avant même d’amorcer
les négociations, annonce qu’elle abandonne plus de 80% de sa
terre n’a plus grand-chose à compromettre. Que ce soient les
États arabes qui accordent 80% de la terre palestinienne n’est
pas plus acceptable pour le Peuple Palestinien que si c’était
l’ONU qui le donnait.
De plus, le chef du Hamas endosse la mystification qui a cours
en Occident à l’effet que ce seraient les sionistes israéliens
qui décideraient du sort de ce monde et ce seraient eux qui
donneraient des ordres à leurs maîtres américains. Mashal
déclare ainsi : « Il est immoral de maintenir la pression sur
les Palestiniens tout simplement parce que les Américains et la
communauté internationale ne font pas le poids face à
M. Netanyahu » (4). L’homme qui se rend au bureau Ovale pour
commander ses F-35 tout neufs n’est pas le maître de celui qui
lui accorde ou lui refuse.
La mascarade des réticences de Netanyahu pour prolonger de trois
mois le pseudo-moratoire sur la construction de nouvelles
habitations illégales sur une partie de la Palestine occupée est
une farce orchestrée par la Secrétaire d’État en personne.
Demain, quand Netanyahu mentira et fera mine de se rendre aux
suppliques de Madame Hillary Clinton pour étendre et prolonger
le moratoire d’une année…, que fera le chef du Hamas, qui sera
peint dans le coin de la pièce avec sa mauvaise foi, alors que
Mahmoud Abbas se déclarera satisfait de cette fourberie et se
précipitera vers la table des pourparlers directs pour entériner
la capitulation finale ?
Il est par ailleurs fallacieux de tenter de justifier cette
remise en cause de la question palestinienne sous le couvert du
« réalisme » et de la « complexité » de l’analyse concrète d’une
situation concrète, comme le fait le Collectif Cheikh Yassine
dans cet extrait : « Notre situation de militants de la cause
palestinienne n’est en rien comparable à celle de tous les
Palestiniens résistants vivant et agissant en Palestine occupée.
(…) avoir plus d'empathie envers ceux qui sont en train de vivre
la réalité de la résistance et qui en paient le prix fort face
au collaborationnisme, au soutien et au silence complice de
l’humanité entière! La situation est sans aucun doute bien plus
complexe que celle que nous arrivons à observer vue de
l’extérieur! » (…) « Dans ce contexte précis, (…) si
le Hamas avait refusé la « trêve » et la possibilité d’établir
une sorte de refuge (la Cisjordanie et Gaza) permettant à la
Résistance de se renforcer et de se structurer pour pouvoir
mener son combat de manière organisée et efficace, espérant par
ailleurs, que les masses arabes et musulmanes allaient
s’identifier à cette Résistance pour l’accompagner par un combat
mené à l’extérieur, cela risquait bel et bien de signifier tout
simplement l’éradication définitive de la Résistance et de la
Cause palestinienne! » (5).
On doit regretter amèrement la collusion des autorités arabes et
la collaboration du gouvernement égyptien dans l’étranglement de
la bande de Gaza ; on ne saurait pour autant rejeter le blâme de
la désorientation du mouvement mondial de solidarité avec le
peuple palestinien sur le dos des masses arabes, ces masses qui
voient chaque jour Mahmoud Abbas, le président échu de
l’Autorité sans autorité, se prosterner devant les États-Unis,
qui ont fourni l’armement et les munitions pour détruire Gaza et
qui ont empêché toute dénonciation onusienne contre la piraterie
en haute-mer envers la Flottille de la Liberté. Ce sont ces
mêmes masses arabes qui aujourd’hui entendent les responsables
du Hamas exiger de pouvoir se concerter avec les harkis de
l’Autorité palestinienne et accepter de céder 80 % de la terre
palestinienne avant même de s’être assis à la table des
négociations.
Le Viêt-Cong et le FLN algérien ont négocié avec les
envahisseurs, mais seulement pour discuter des modalités du
retrait de l’ennemi, et non pas pour convenir du pourcentage de
leur terre qu’ils abandonneraient aux colonisateurs.
Nous convenons avec le Collectif Cheikh Yassine que la
collaboration concrète avec l’occupant concret est plus facile à
réaliser que la Résistance. Le fils de Mahmoud Abbas vous
expliquera clairement qu’il ne pourrait diriger son entreprise
de télécommunications en Cisjordanie occupée, ni obtenir de
voiture de fonction, ni de sauf-conduits pour passer prestement
les check-points, s’il s’aventurait à frayer avec la Résistance.
Le discours « réaliste, complexe et concret » a déjà été servi
au peuple palestinien au moment de la capitulation d’Oslo : il
sait où cela mène.
La lutte de libération nationale palestinienne ne peut être
dirigée, ni par conséquent gagnée, de l’extérieur de la
Palestine et la liberté ne sera jamais offerte aux Palestiniens
par le geôlier américano-israélien. Le Jihad Islamique a bien
raison de refuser toute concertation avec le pouvoir harki qui
siège à Ramallah. Le Hamas devrait suivre cet exemple. Un
proverbe afghan dit « Vous avez la montre, nous avons le
temps », un proverbe canadien dit « Le bœuf est lent, mais la
terre est patiente, elle se donne à qui la mérite. ».
Ces maximes devraient guider l’action de la Résistance
palestinienne.
(1) La baronne
Tonge déclare qu’Israël est la principale cause du terrorisme
planétaire. 18.11.2010.
http://www.ism-france.org/news/article.php?id=14617&type=analyse
(2) Le
Hamas à la croisée des chemins de la résistance. Robert Bibeau.
1.03.2010.
http://www.robertbibeau.ca/palestine/hamas.doc
(3) Hamas
est-il en train de dévier ?! Collectif Cheikh Yassine.
http://soutien-palestine.blogspot.com/2010/11/hamas-est-il-en-train-de-devier.html
(4) Notre
premier objectif c’est d’être libres. Khaled Mashal. 22.11.2010.
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=9703
(5) Hamas
est-il en train de dévier ?! Collectif Cheikh Yassine.
http://soutien-palestine.blogspot.com/2010/11/hamas-est-il-en-train-de-devier.html
Publié sur le site de Robert Bibeau
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