Opinion
Gratuité ou
marchandisation de l'éducation: quelle
solution ?
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Mercredi 23 janvier
2013
« Marchandisation » de l’éducation: de
quoi parle-t-on ?
Après la
victoire étudiante de 2012, suite à des
mois de résistance militante contre le
gouvernement Charest que les partisans
ont finalement défait et expédié dans
l’opposition, que faut-il entendre quand
la « gauche » partisane s’offusque à
propos de la «
marchandisation » de l’éducation ?
Comment les leaders étudiants
parviendront-ils à stopper la «
marchandisation » de l’université ? Où
vont la « gauche » militante et
étudiante après le «Printemps Érable»?
(1)
Quelle
serait la solution de rechange à la «
marchandisation » de l’éducation en
société marchande ? Pour résoudre ce
dilemme il nous faut auparavant
comprendre comment se calcule les
salaires d’un employé diplômé et d’un
ouvrier non diplômé et quelle est la
cause de la différence salariale entre
un diplômé universitaire et un diplômé
du secondaire ou du collégial.
Dans toute
structure sociale, quelle qu’elle soit,
le système d’éducation a pour fonction
de produire la force de travail
nécessaire, en d’autres termes,
d’éduquer et de former les futurs
travailleurs, administrateurs, cadres,
ouvriers, fonctionnaires, militaires,
professionnels et tous les employés
requis pour faire fonctionner
l’économie…du savoir ou de toute autre
espèce ou nature.
L’apparence
des choses laisse croire qu’un ingénieur
reçoit un salaire supérieur à un soudeur
parce qu’il est plus compétent, qu’il a
fréquenté l’université élitiste et qu’il
accomplit un travail socialement plus
important (pseudo économie du savoir)
que le soudeur s’échinant sur un
chantier.
A
contrario, quelques experts font valoir
que le soudeur accomplit un travail
pénible et risqué pour sa santé et que
pour cette raison il devrait gagner plus
cher que l’ingénieur. De plus,
l’ingénieur débute sa carrière plus tard
et il prend sa retraite plus tôt (35
années d’emploi pour une pleine
retraite), alors que le soudeur commence
plus jeune à payer l’impôt et qu'il est
imposé un plus grand nombre d’années (45
ans de travail environ).
L’ensemble
de ces éléments n’est pourtant pas la
cause de la différence de salaire sur le
«marché» de la main-d’œuvre entre
soudeur et ingénieur; ils en sont plutôt
des conséquences.
Valeur de la force de travail
En société
capitaliste le salaire ou la rétribution
du
travail nécessaire, en d’autres
termes,
la valeur de la force de travail –
ou encore le coût du facteur
main-d’œuvre dans le processus de
production – est déterminé par le coût
social de production et de reproduction
de cette marchandise qu’est la force de
travail. Il faut vingt ans de formation,
dont plusieurs
années coûteuses d’université,
pour produire la force de travail d’un
ingénieur, alors qu’il suffit de douze
ou treize années de formation
primaire-secondaire moins coûteuse pour
produire la force de travail d’un
soudeur.
Étant donné
qu’en société capitaliste une
marchandise se vend en moyenne à sa
valeur, la marchandise «ingénieur»,
ayant coûté socialement plus cher à
produire, se vend plus cher sur le
marché que la marchandise «soudeur» qui
a coûté moins cher socialement à
produire. Toute chose étant égale par
ailleurs, cette loi générale de la
valeur de la force de travail souffre
quelques exceptions dans le monde des
sports, des arts et des communications
par exemple où un sportif, un artiste,
un animateur télé
reçoit un salaire bien supérieur
à sa «valeur de production». Il faut
toutefois se rappeler que la masse des
autres employés dans ces secteurs
reçoivent souvent moins que leur valeur
de production.
Tout ceci
n’a absolument rien à voir avec les
profits que le capitaliste tirera de
l’exploitation de ces forces de travail
(ingénieur ou soudeur). Le capitaliste
empochera du surtravail (temps de
travail non payé ou plus-value) aussi
bien du soudeur que de l’ingénieur, tous
deux salariés. Mais le capitaliste sait
que
la force de travail de l’ingénieur lui
coûtera plus cher à acquérir parce
qu’elle coûte plus cher à produire,
pas parce qu’elle a une plus grande
valeur morale ou sentimentale ou qu’elle
est socialement plus importante.
L’université a pour fonction de produire
la marchandise «ingénieur» – alors que
la formation professionnelle
(polyvalente) ainsi que la formation
technique (CEGEP) ont pour fonction de
produire, à moindres frais, la force de
travail pour les usines, les chantiers
et les services tertiaires de proximité.
Réduire le coût de la force de travail
(travail nécessaire)
Depuis
quelques années, particulièrement depuis
l’enlisement de la crise économique
(2008), la tactique de la classe des
propriétaires privés des moyens de
production et de commercialisation a été
de transférer les coûts de
production-formation de la marchandise –
«force de travail» (main-d’œuvre) –
directement sur le dos des étudiant(e)s
et de leurs parents, alors que les
riches refusaient de «faire leur part»
et de sacrifier une partie de leurs
profits spoliés aux ouvriers pour
soutenir la formation de leurs futurs
esclaves salariés.
Dans
plusieurs pays, dont les États-Unis et
le Canada, devant l’augmentation
importante des frais de scolarité,
plusieurs étudiant(e)s ont abandonné ou
renoncé à fréquenter l’université et le
collège et se sont lancés rapidement sur
le marché du travail – réduisant
d’autant le coût social global de
production de la marchandise «force de
travail» – ce qui a augmenté la
concurrence sur le marché de la
main-d’œuvre et réduit les capacités de
négociation des syndicats chargés de la
vente centralisée de la marchandise –
force de travail – sur le marché de
l’emploi. Cette tactique est tout
bénéfice pour les capitalistes.
Résistance étudiante sur le front
économique
Les
résistances étudiantes visant à bloquer
la hausse des frais de scolarité qui
entravent la fréquentation scolaire et
provoquent l’abandon universitaire par
les fils et les filles de la classe
ouvrière et de la petite bourgeoisie
paupérisée sont des guerres de
résistance de classe contre les
prédateurs capitalistes friands de force
de travail à bon marché. Ces luttes de
résistance enrayent la hausse des frais
de scolarité et soutiennent la
fréquentation universitaire et
collégiale, en plus de maintenir
élevé le coût de production de la
marchandise «force de travail», et
par ricochet les salaires des ouvriers,
des techniciens, des employés et des
professionnels dont les revenus sans ces
luttes chuteraient drastiquement.
Réclamer
des étudiant(e)s qu’ils se battent
contre la « marchandisation » de
l’éducation, c’est leur demander de
détruire l’université sans toucher au
reste de la société marchande. C’est un
non-sens tactique, une fadaise
d’intellectuels anarchisants et
ignorants des lois de l’économie
politique capitaliste.
Combattre
la marchandisation de l’éducation c’est
réclamer la gratuité de l’enseignement
collégial et universitaire de façon à
accroître le coût de production de la
force de travail ouvrière et
professionnelle créant ainsi une
pression à la hausse sur les salaires
dans l’ensemble de la société marchande.
Bienvenue
aux représentants du gouvernement et des
marchands de main-d’œuvre au Sommet de
l’enseignement supérieure – 2013.
La gratuité scolaire c’est notre
affaire à nous les étudiants militants !
Que les
riches capitalistes et leurs laquais
politiques, anciens leaders étudiants,
se débrouillent avec leur crise
économique et leur dette souveraine, ce
n’est pas l’affaire des prolétaires ni
de leurs descendants.
(1)
Gabriel Nadeau
Dubois.
Où vont la gauche et le mouvement
étudiant québécois après le «Printemps
Érable»? 15.01.2013.
http://www.pressegauche.org/spip.php?article12839
ANNONCE
Dans le volume Impérialisme et question
nationale (le modèle canadien) (2012)
nous présentons l’évolution de la lutte
de classe au Québec du soulèvement
patriote (1837) jusqu’à aujourd’hui
(2012). Le volume est disponible
GRATUITEMENT en téléchargement (format
PDF Acrobat) à cette adresse :
http://www.robertbibeau.ca/imperialisme.pdf
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