Opinion
Inflation, dévaluation et crises
monétaires
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Mercredi 9 janvier
2013
Les crises
succèdent aux crises
Les
économistes s’interrogent à propos des
crises monétaires de l’inflation et des
dévaluations. Il ressort de leurs
divagations une immense confusion qui
mérite clarification. Un économiste
béotien observait récemment « Entre 1970
et 2007, 124 crises bancaires, 324
crises des taux de change et 64 crises
de la dette publique. Et on ne parle pas
ici de la crise systémique qui nous
frappe depuis 2007 et dont nous sommes
loin d’être sortis » (1).
Inflation,
dévaluation et
crises monétaires sont les symptômes
des spasmes de sous-production alternant
aux crises de surproduction en système
capitaliste anarchique. Pour bien
démontrer cette praxéologie nous devrons
toutefois emprunter un détour et amorcer
notre explication par l’exposition de
quelques concepts prolégomènes ; puis,
libéré de la doxa des économistes
vulgaires, nous reviendrons aux concepts
d’inflation, de dévaluation et de crises
monétaires.
Produire –
vendre – consommer pour empocher
L’objectif de produire des biens et des
services
– de la production de marchandises –
n’est pas de satisfaire les besoins de
la population. Le but du système de
production de marchandises est de faire
produire de la
plus-value qui sera expropriée aux
travailleurs-producteurs.
Le but du système de
distribution-consommation des
marchandises n’est pas non plus de
satisfaire les besoins de la population.
Les appétits des clients pour les
produits du commerce sont simplement des
syndromes dont le traitement entraîne la
consommation-destruction des biens et
des services contre paiement en argent,
ce qui est l’ultime objectif de ce
rapport marchand.
Il est
impératif pour la classe capitaliste
financière qu’il y ait
consommation-destruction des
marchandises pour deux raisons
fondamentales : A) la première raison
est la reproduction de la force de
travail de millions de
travailleurs-consommateurs qui sont
autant de travailleurs-producteurs de
plus-value. Jour après jour ces «
esclaves salariés » doivent retourner au
boulot produire leur quantum de «
plus-value » quotidienne, car sans
plus-value nul
profit et donc aucune accumulation
capitaliste. B) Le deuxième motif de
l’absolue nécessité de vendre et de
faire consommer-détruire des
marchandises est d’empocher
monétairement cette « plus-value »
contenue virtuellement dans chaque
produit. Pas de vente de marchandises et
pas d’argent et donc pas d’accumulation
de capital préparant un nouveau cycle de
reproduction élargie (Capital –
Marchandise – Capital élargie’).
Le mystère
de l’argent
C’est ici
précisément que l’argent – la monnaie –
sous toutes ses formes et apparences,
joue ou ne joue pas adéquatement son
rôle de moyens de représentation
facilitant l’échange.
Le système monétaire est un système de
correspondance favorisant les flux
économiques et financiers
(investissement – production de
marchandises – distribution – vente –
consommation – accumulation &
thésaurisation – réinvestissement). Dans
cette équation linéaire les traits (–)
représentent le système monétaire qui
assure que chaque étape se déroule à la
suite afin de boucler le cycle
économique (cycle de reproduction
élargie).
Contrairement à ce qu’affirment les
économistes vulgaires, la fonction de la
monnaie n’est pas de mesurer la valeur
des marchandises. La monnaie n’est ni
une mesure, ni une unité de mesure et
encore moins comme l’écrit l’ami Bonafi
: « in fine, une information. (…) elle
n'est qu'une convention, un archétype
issu de notre inconscient collectif »
(2).
L’argent
sous toutes ses formes (monnaie,
placement capital en actions,
obligations, produits boursiers dérivés,
prêts, cartes de crédit, thésaurisation)
est un instrument de représentation de
la valeur –
de la quantité de travail social
contenue dans chaque marchandise.
L’argent est un reflet de la richesse
sociale collective créée par le travail
social humain. L’argent est un reflet de
la valeur de chaque produit et de
l’ensemble de tous les produits
disponibles dans une économie nationale.
Il n’y a aucun intérêt à « étudier la
valeur intrinsèque de la monnaie » comme
le propose le camarade
Gilles Bonafi (3). Une telle
étude (de la valeur intrinsèque de la
monnaie) ne servirait nullement à
comprendre les problèmes d’inflation ou
de dévaluation. Il ne serait pas plus
utile d’étudier la composition chimique
de l’encre du papier monnaie pour
résoudre les problèmes de rareté ou de
surabondance du numéraire sur un marché
multipolaire.
L’inflation
et le « Crédit Social »
L’inflation
est le nom que l’on donne à la
distorsion de la représentation
monétaire de la réalité économique
nationale.
L’inflation est une conséquence de
la surabondance du numéraire et du
crédit diffusé sur un marché national
exigu. Au cours des années cinquante et
soixante (1950-1960) le Parti du Crédit
Social de Réal Caouette avait compris le
système monétaire jusqu’à un certain
point, mais pas plus loin que ce certain
point. Le tribun eut tout de même l’idée
saugrenue de proposer l’émission par la
Banque du Canada d’un
crédit social – destiné à favoriser
la consommation des marchandises
soutenant ainsi l’activité économique au
Canada (4).
Aussitôt,
les « experts économistes patentés » de
l’époque, ceux qui promulguaient la doxa
économique et « ses grandes lois
édictées avant l’apparition de
l’ingénierie financière, de
l’informatique, du trading quantique,
lois qui ne sont plus valables (sic). »
selon l’édit du camarade Gilles Bonafi
(5). Tous ces pédants courtisans se
gaussèrent des Bérets Blancs et du petit
gérant de Rouyn-Noranda ;
tous déconseillèrent fortement au
gouvernement d’émettre un Crédit Social
destiné aux familles sans logement et
aux itinérants. À la place, ces
obséquieux prétentieux préconisèrent des
mesures keynésiennes de crédit social –
et d’émissions d’argent – mais
exclusivement réservées aux
milliardaires, aux usuriers et aux
banquiers, similaires aux mesures
adoptées par le Président Roosevelt au
cours du New Deal américain (Théorie
générale de l’emploi, de l’intérêt et de
la monnaie. J.M. Keynes. 1936). Si
ces parangons reclus aux HEC avaient
pris la peine d’écouter leur gourou J.K.
Galbraith (L’Ère
de l’opulence – L’économie de marché n’a
pas de sens. 1953) ils auraient
compris que ce tour de passe-passe ne
fonctionne jamais puisque les
gouvernants gourmands à la solde, et les
riches voraces aux commandes, ne
remboursent jamais ces «avances de
capitaux» une fois revenu l’été de la
prospérité, quand l’hiver de l’austérité
est terminé (6).
En 1971,
les États capitalistes abrogèrent les
Accords de Bretton-Woods restreignant
quelque peu l’émission d’argent. Les
États capitalistes prédateurs se mirent
à faire tourner leur planche à billet et
émirent divers papiers monnaies et
documents de crédit inflationniste et
insolvables (7).
Il y eut
donc émissions outrancières de monnaies
inflationnistes dont nous reprenons ici
le cycle de reproduction symbolique : «
Prêts aux banques à charte et aux
capitalistes financiers par les Banques
centrales nationales – subventions
industrielles à la charge de l’État,
destinées aux entreprises monopolistes –
endettement public souverain vis-à-vis
des banquiers, des requins de la
finance, des grands et des petits
déposants – crédits débridés aux
consommateurs – hypothèques insolvables
et impayées – pyramides de Ponzi
boursières et orgie de produits dérivés
frauduleux – concomitantes aux baisses
du pouvoir d’achat des
travailleurs-consommateurs dues à
l’affaissement des salaires réels de
millions de
travailleurs-producteurs – émissions
de monnaies inflationnistes ne
correspondant à aucune valeur, à aucun
produit tangible disponible sur les
marchés.» (8).
L’inflation c’est la dépréciation de
cette monnaie bidon mise en circulation.
L’inflation (la hausse du prix des
marchandises par la diminution de la
valeur comparative de la monnaie en
circulation dans l’économie nationale)
est
un processus par lequel
un système d’économie-politique réajuste
la valeur globale de la monnaie
disponible sur un marché national (ou
multinational comme l’Euro) par rapport
à la valeur des marchandises disponibles
globalement sur ce même marché national
(ou multinational comme l’Euro).
L’inflation c’est quand trop
d’argent-capital est à la poursuite de
trop peu de plus-value et de profits.
De toute
cette gabegie naquirent les dettes
souveraines si imposantes que la
majorité des États ne peuvent même plus
songer à les rembourser. Au Québec
seulement elle atteint 254 Milliards et
elle augmente de 28 millions de dollars
chaque jour. La situation est pire aux
États-Unis, en France et dans la plupart
des pays occidentaux (9).
La loi de
correspondance nécessaire
In fine,
la masse monétaire en circulation a pour
propriété de s’ajuster au marché des
biens et des services et ceux qui
croyaient déjouer le système financier,
boursier, bancaire et monétaire sont
rattrapés par leur propre fraude et par
la monnaie de singe, l’argent de
Monopoly mal acquis qu’ils ont émis.
Tout cet argent superflu perd de sa
valeur et s’ajuste à la baisse afin de
représenter plus fidèlement la valeur
des marchandises réellement disponibles
dans l’ensemble de chaque marché
national, comprenant la valeur de la
marchandise la plus convoitée, la «force
de travail ouvrière» gaspillée par le
chômage des déshérités.
Tous les
petits épargnants innocents et tous les
spéculateurs fraudeurs voient leurs
argents dévalués sur les marchés
financiers anarchiques. En réaction les
banques centrales, la FED et la BCE
notamment, réduisent les taux d’intérêt
sur les prêts – réduisent le loyer de
l’argent – afin de stimuler les marchés
et la consommation de marchandises
abaissant d’autant la rentabilité des
placements financiers. Les petits
rentiers tout comme les ouvriers voient
leurs épargnes et leurs salaires
s’envoler en fumée spéculative
dégressive...pendant que les
Méphistophélès boursiers s’enfuient avec
leurs papiers éventés.
La loi de correspondance nécessaire, la
loi du reflet monétaire de l’activité
économique s’applique à nouveau au beau
milieu de la crise générale alors que le
système impérialiste mondial vacille.
Tout ceci est inexorable et les
forfanteries des économistes surfaits ne
pourront rien y changer. Tout ceci n’est
pas le crime de cupidité circonstancié
de la Banque Goldman Sachs et de ses
«traders» cupides ou stupides. Messieurs
Bonafi, Chouard, Cloutier et Chomsky
auront beaux pleurnichés leur rage
contre le «crapulisme» embaumeur du «bon
capitalisme d’antan» et contre le
«pouvoir antisocial de l’argent» et
autres misérables flagorneries, la loi
du système fait Loi (10).
Le système
de déprédation puis de dévaluation de la
monnaie et
les crises économiques successives que
nous venons de décrire
sont les rejetons du capitalisme,
certifié authentique selon les
spécifications d’origine. Le
capitalisme n’a aucunement été dévoyé et
ne peut absolument pas être réaménagé ou
réparé. Personne n’a trafiquée votre
capitalisme messieurs les économistes,
il livre aujourd’hui la marchandise pour
laquelle il a un jour émergé de la
féodalité déprimante puis lentement
évolué vers sa phase suprême
impérialiste obsolescente.
Ce n’est
pas l’argent qu’il faut condamner ou
abroger. Ce n’est pas la députation dans
les parlements de vaudeville, ni les
gouvernants serviles qu’il faut «enfirouâper»,
c’est le régime capitaliste qu’il faut
renverser pour ainsi tout changer.
1. Pierre
Cloutier. L’arnaque du siècle.
13.12.2012.
http://www.politicoglobe.com/2012/12/larnaque-du-siecle/
2. Gilles Bonafi. Exponentielles
chinoises économie et psyché.
12.12.2012.
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/exponentielles-chinoises-economie-127409
3. Gilles Bonafi. Repenser la monnaie.
30.12.2012.
http://les7duquebec.org/7-dailleurs/repenser-la-monnaie/
4. Le Parti du Crédit Social.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_Cr%C3%A9dit_social_du_Canada
5. Gilles Bonafi. Repenser la monnaie.
30.12.2012.
http://les7duquebec.org/7-dailleurs/repenser-la-monnaie/
6.
http://fr.wikipedia.org/wiki/John_Maynard_Keynes
http://fr.wikipedia.org/wiki/John_Kenneth_Galbraith
7. Accords de
Bretton Woods.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Accords_de_Bretton_Woods
8. Les produits boursiers dérivés.
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/pourquoi-les-produits-derives-127229
9.
http://www.iedm.org/fr/57-compteur-de-la-dette-quebecoise
10. Étiene Chouard. Le pouvoir
antisocial de l’argent.29.10.2012.
http://
www.yout.
com/watch?v=WKBj8rtiL6Q&noredirec...
L’évasion fiscal.
ttp://
www.dailymotion.com/video/xvxsei_en-direct-de-mediapart-l-evasion-fiscale-sport-international_news
Goldman Sachs
http://www.oulala.info/2012/12/goldman-sachs-la-banque-qui-dirige-le-monde/
Dans le
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nationale (Le modèle canadien) (2012)
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