Opinion
C'est un joli nom
camarade !
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Mardi 1er mai 2012
ILS ONT TOUT
ACCAPARÉ, ILS NE DEVRAIENT PLUS
GOUVERNER
Camarade, ceux qui
monopolisent les moyens de production,
les moyens de distribution et de
diffusion ; ceux qui s’emparent des
ressources de la nation ; ceux qui
pillent les biens publics privant chacun
de ses droits ne devraient plus
gouverner.
Camarade, ceux qui
spolient la plus-value et s’emparent des
profits qu’ils thésaurisent en quantité
phénoménale pour spéculer à la bourse,
soudoyer le fonctionnaire et comploter
avec le gestionnaire ne devraient plus
gouverner.
Camarade, ceux qui
asphyxient tes rêves raisonnables ne
fêtent pas ce Premier Mai que nous
célébrons à ta gloire – à ta résistance
– à tes luttes et à l’avenir de
l’humanité.
SI L’ÉCHO DE NOS
LUTTES FAIBLIT, NOUS PÉRIRONS
Chaque Premier Mai
succède au précédent et lui ressemble
étrangement. Il est vingt-trois heures à
Tokyo, la manifestation est terminée et
les camarades se sont dispersés. À
Shanghai, les camarades ont fermé
l’usine où les briseurs de grève
tentaient de s’infiltrer. À Pékin, les
dazibaos dénoncent la corruption ; alors
qu’à Bombay la manifestation s’ébranle,
immense, pour venger le paysan « suicidé
» par la pauvreté. Au même instant, à
Dacca les travailleurs des ateliers de
la terreur ont ameuté tout le quartier
suite au dernier incendie meurtrier. Les
ouvriers immigrés de Tel-Aviv commencent
à se rassembler pour manifester pendant
que les camarades opprimés de la
Palestine-occupée préparent leurs
affiches pour dénoncer. Il est seize
heures et les camarades du Caire se
regroupent Place Tahrir, la mascarade «
démocratique bourgeoise » a assez duré.
Ceux de Tunis jurent qu’on ne les y
reprendra pas, alors que les camarades
d’Athènes, n’ayant pas rangé leurs
banderoles, sont déjà prêts pour le
défilé des enragés. Il est quinze heures
à Rome et le cortège est déjà imposant ;
à Paris, le muguet de la journée viendra
parer les révoltés. Il est quatorze
heures à Londres et le Tube est bondé de
camarades pressés de crier leur rage
contre le chômage. À New-York, le soleil
est levé sur les indignés allongés sur
la chaussée des « boursiers » ; ils sont
venus chahuter leurs complicités. À
Montréal, le centre-ville est jonché des
séquelles de l’émeute de la veille, en
ce soir du Premier Mai ce sera pareil ;
les camarades étudiants ne décolèrent
pas. À Alma les « lockoutés » à qui on
avait tout promis tiennent vigie devant
l’usine paralysée. Dans quelques heures
les camarades de Toronto, puis ceux de
San Francisco prépareront leurs cortèges
au soutien d’un florilège de
revendications.
Camarade, le
Premier Mai est la journée pour se
compter – apprécier ses forces – jauger
l’ennemi de classe, l’affronter et en
découdre avec les autorités.
ILS PILLENT LE NORD
Camarade,
entends-tu au nord du Nord les
gémissements de la terre-mère
nourricière, par-delà le 49e
septentrion que leurs routes déchirent
sans ménagement, que leurs voies ferrées
traversent affreusement, que leurs puits
perforent impitoyablement, que leurs
barrages inondent inexorablement, que
leurs machines meurtrissent cruellement
et que les « suicides » endeuillent –
les jeunes « sauvages » particulièrement
– tristement ? J’enrage, camarade.
Camarade, comme à
toi il y a longtemps, ces usurpateurs
ont promis des investissements et
garanti des emplois, et comme à toi au
présent, ils offriront exploitation et
spoliation, et notre avenir n’en sera
que plus languissant.
Camarade
autochtone, ceux de ta tribu bloquent
les routes et repoussent ces intrus,
derniers « occupants » avides venus du
Sud avec leurs lourds équipements,
destructeurs du pergélisol fragile qui
retient les gaz aux effets de serre, et
que les premiers occupants n’avaient
jamais perturbé. Camarade autochtone,
ceux-là ne sont pas tes invités sur la
terre de l’hospitalité.
Camarade, en ce
Premier Mai n’as-tu point convenu avec
ton frère amérindien de barrer le chemin
à tous ceux venus du Sud et des confins
de la Terre piller la terre-mère et ses
richesses pour tenter de raccommoder
leur système en déclin ?
ILS DÉTRUISENT
L’ENFANCE
Camarade, ce
Premier Mai, vois-tu l’enfant soldat
enrôlé – contre son gré – se muter
meurtrier ? Les capitalistes miniers
prennent l’or, extirpent le diamant,
extraient le minerai, colonisent
l’arrière-pays, puis s’enfuient,
laissant la misère mortifère recouvrir
la terre-mère d’un linceul amer après
avoir détruit l’enfance et sa
conscience.
Camarade, as-tu
chanté avec l’étudiant chassé de
l’université, outragé, humilié, que ni
métier ni carrière ni salaire, que rien
n’attend hormis l’endettement et le
désœuvrement ?
Camarade, as-tu
entendu le chauvin crier haut et fort
son refrain à propos de « la nation en
danger », son antienne du pays puissant,
haïssant l’autre – l’immigrant différent
– si pareil pourtant, dans sa misère et
ses tourments ?
ASSEZ, C’EST ASSEZ
Camarade, ce
Premier Mai, nous sommes des milliers de
milliers à marcher, à manifester, à
hurler, révoltés. Ceux-là doivent
s’effacer maintenant qu’ils ont tout
saccagé, tout raflé ce que leur système
pourri pouvait engendrer de richesse
outrageante, ne léguant que pauvreté
humiliante, détresse affligeante, misère
infamante et famine dégradante au milieu
de guerres horrifiantes.
Du Levant au
Couchant, des pôles à l’équateur, leur
monde tremble sur ses bases. Ce n’est
pas encore la lutte finale mais ça ne
saurait tarder. Camarade, c’est le
Premier Mai et nous les confrontons,
notre courage dans une main notre
drapeau dans l’autre, et nous comptons
qu’un jour ce sera l’éruption de la fin…
Assez de
découragement, assez de craintes, assez
de compromis, assez d’attente vaine. Ils
n’ont rien à offrir. Alors que font-ils
à la tête du gouvernement, que font-ils
à l’administration des banques, que
font-ils à la direction des usines, que
font-ils à la gestion des services ? Ils
ont eu tout le temps voulu pour sortir
de la crise et faire fonctionner leur
système d’exploitation et d’oppression ;
qu’ils se retirent, avant qu’on ne les
récuse.
Toi camarade,
fossoyeur de cet univers de guerre, de
pauvreté, de haine et de famine ; toi
l’accoucheur d’un monde nouveau de paix,
de fraternité et de prospérité,
qu’attends-tu ? Le Premier Mai est parmi
nous…c’est un joli nom camarade aux cent
fleurs du mois de Mai !
Publié sur
Les 7 du Québec
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