Tunisie
Un gouvernement
«provisoire» peut durer très longtemps
Ridha
Kéfi
Mercredi 5
septembre 2012
Et si le parti islamiste Ennahdha était
en passe de s’installer durablement dans
le paysage politique tunisien comme un
parti-Etat, à l’instar du Psd sous
Bourguiba et du Rcd sous Ben Ali? Le
risque ne peut être totalement écarté.
Et pour cause…
Ridha Kéfi
«Le gouvernement a donné forme à
un programme clair, qui s’étendra
jusqu’à 2016», a déclaré, samedi,
le ministre de la Justice Noureddine
Bhiri, lors d’un meeting de
sympathisants du mouvement Ennahdha,
samedi à Bir Belhassen à l’Ariana.
Des élections
reportées aux calendes grecques
Ce genre de petites phrases, lancées
de temps en temps, comme autant de
messages codés ou de ballons d’essais,
pour jauger de la vigueur de la réaction
de l’opinion publique, trahissent les
véritables desseins d’un gouvernement
censé être «provisoire», et
gérer les affaires courantes, mais qui
compte rester aux commandes au-delà de
toute limite légale.
Le retard enregistré dans la
rédaction de la nouvelle constitution
par l’Assemblée nationale constituante
(Anc), dont le mandat devrait légalement
s’achever le 23 octobre 2012, et les
reports successifs des prochaines
élections (qui n’auront probablement pas
lieu le 20 mars 2013, comme annoncé
antérieurement par le chef du
gouvernement Hamadi Jebali et le
président de l’Anc Mustapha Ben Jaâfar),
censées mettre fin à la seconde phase
transitoire, remettre le pays sur les
rails de la légalité constitutionnelle
et le doter d’institutions légitimes et
stables, sont des signes qui ne trompent
pas de la volonté de l’actuelle «troïka»,
la coalition au pouvoir dominée par le
parti islamiste Ennahdha, de garder le
pouvoir le plus longtemps possible ou,
plutôt, le temps nécessaire pour assurer
sa mainmise sur tous les rouages de
l’Etat.
Noureddine
Bhiri-: "Nous y sommes, nous y restons".
La volonté
d’hégémonie d’un parti monolithique
Les retards enregistrés dans la mise
en place des nouvelles instances de
régulation démocratique (de la
magistrature, des élections, des médias
audio-visuels…), la configuration très
contestable proposée pour la composition
de ces instances, et les assauts du
parti Ennahdha, qui met ses hommes dans
tous les postes qui comptent
(gouverneurs, délégués, Pdg
d’entreprises publics, directeurs
généraux des médias publics, etc.),
trahissent encore davantage cette
volonté d’hégémonie d’un parti qui est
en passe de s’installer durablement dans
le paysage politique tunisien comme un
nouveau parti-Etat, à l’instar du Psd
sous Bourguiba et du Rcd sous Ben Ali.
De là à parler d’une nouvelle
dictature, vaguement religieuse cette
fois, qui tente de s’installer dans le
pays, il y a un pas que les observateurs
avisés sont de plus en plus tentés de
franchir…
Les
dirigeants d'Ennahdha parlent rarement
d'alternance.
Il appartient à
Ennahdha et à la «troïka» qu’il
conduit d’une main de fer, si tant est
qu’ils veulent démentir cette analyse,
d’envoyer des signaux forts d’une
volonté réelle de s’inscrire dans une
perspective consensuelle et
participative, ouverte à toutes les
autres forces du pays, pour conduire la
seconde phase transitoire vers une
véritable construction démocratique, qui
vise l’«alternance» (un mot
devenu rare dans le discours des
Nahdhaouis) à la tête de l’Etat. Ces
signaux demeurent encore imperceptibles…
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Publié le 5 septembre 2012 avec
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