Alternatives International
Vers une nouvelle politique française
au Proche-Orient
Renée Anne Gutter
Les
médias israéliens ont salué une victoire qui prélude à
« une ère nouvelle dans les relations franco-israéliennes ».
L’élection de Nicolas Sarkozy semble laisser présager
une politique française au Proche-Orient a priori plus
pragmatique et moins personnalisée que celle de Jacques Chirac,
soulignent lundi les commentaires de presse et les analystes.
« La politique de Sarkozy se veut avant tout en rupture avec
le passé », analyse pour l’AFP le politologue libanais
Joseph Bahout, enseignant à l’IEP (Institut d’études
politiques) de Paris. « Mais, sa tâche sera d’autant plus
rude qu’il succède à un homme, Jacques Chirac, dont la geste
diplomatique envers le monde arabe était surtout empreinte de
considérations affectives et personnelles, et parfois d’un
certain paternalisme bienveillant pour ses dirigeants »,
souligne ce spécialiste du Proche-Orient.
Pour l’heure, la victoire de Nicolas Sarkozy a
suscité une grande satisfaction en Israël et au sein des
organisations juives dans le monde, tranchant avec les
commentaires plutôt sobres dans le monde arabe et en Iran, à
l’exception du Hezbollah libanais, allié de Téhéran et de
Damas, qui s’est aussitôt mis en position d’ouvrir un
dialogue avec la France.
Le parti chiite -qualifié de « terroriste »
par Nicolas Sarkozy en septembre alors qu’il était ministre de
l’Intérieur- a rapidement félicité M. Sarkozy,
l’invitant toutefois à mener une politique « plus équilibrée »
au Liban et dans la région. Téhéran s’est abstenu de tout
commentaire. Mais le président syrien Bachar Al Assad, allié de
l’Iran, a félicité lundi M. Sarkozy, souhaitant que les
relations entre les deux pays « évoluent »
positivement.
« Nous nous attendons à ce que M. Sarkozy
réévalue les relations franco-syriennes qui se sont crispées
ces deux dernières années, à cause des a priori du président
sortant Jacques Chirac à l’encontre de la Syrie » a déclaré
à l’AFP le rédacteur en chef du quotidien officiel As-Saoura,
Khalaf al-Jarad. « On ne ne peut exclure de parler avec la
Syrie, c’est une évidence mais la question est de savoir si la
Syrie est prête à devenir une puissance constructive, qui
participe à la recherche de solutions dans les crises de la région
plutôt que de les rendre plus complexes encore », avait récemment
déclaré M. Sarkozy. A Beyrouth, le président libanais
Emile Lahoud, boycotté par Jacques Chirac, a souhaité un
« renouvellement et une intensification des relations
libano-françaises ».
Durant sa campagne, M. Sarkozy a affirmé que
la création d’un tribunal international pour juger les
assassins du dirigeant libanais Rafic Hariri « est une nécessité »,
une position que M. Lahoud, allié de Damas, voit d’un
mauvais oeil. En Israël, le Premier ministre Ehud Olmert s’est
« déclaré convaincu que les relations entre Israël et la
France (allaient) se développer et se resserrer » durant le
mandat de M. Sarkozy. Proche « ami » de Sarkozy,
le chef de l’opposition israélienne Benjamin Netanyahu a estimé
que le prochain président français -contrairement à son prédécesseur
Jacques Chirac qualifié d’« ami des Arabes » - est
« un homme qui voit les intérêts de la France sous un
autre angle ».
Les médias israéliens ont salué une victoire
qui prélude à « une ère nouvelle dans les relations
franco-israéliennes », comme l’écrit en Une le quotidien
populaire Yédiot Aharonot à gros tirage. Le quotidien Maariv
(indépendant) a souligné qu’en entamant sa campagne électorale
à l’étranger en visitant Yad Vashem (le Mémorial de la Shoah)
à Jérusalem, Sarkozy est désormais « tenu de faire face
au défi du nucléaire iranien ».
Chez les Palestiniens, le président Mahmoud Abbas
et le mouvement islamiste Hamas ont espéré que Nicolas Sarkozy
oeuvre à une reprise de l’aide internationale directe au
gouvernement d’union palestinien.
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