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Opinion
France
Tunisie:
Pierre Lellouche, de l'atlantisme au service du sionisme,
À l'ombre de Raymond Aron et de Gabriel Banon
René Naba
Mercredi 23 mars 2011
Ce papier est publié en simultané par renenaba.com et
nawat.org,
En témoignage de solidarité pour le rôle majeur joué par ce site
alternatif tunisien dans la couverture du soulèvement populaire
qui a abouti à la destitution du kleptocrate Zine El Abidine Ben
Ali,
En témoignage d’estime à l’un des Co fondateurs du site Malek
Khadraoui (1)
Pierre Lellouche, qui se présente comme un pur produit de la
méritocratie française, n’est pas l’agneau que la version arabe
de son patronyme ne le suggère (a3allouche=agneau), et, sous
l’apparence de l’eternel jeune premier, se cache un véritable
requin de la vie politique française, nullement disposé au rôle
de «bouc émissaire».
Ni agneau, ni bouc émissaire, mais un véritable prédateur
dont il tempère les aspérités de son personnage par l’évocation
de sa jeunesse de gauche dans un kibboutz d’Israël.
Fils d’un restaurateur de condition modeste, ce «juif tune»,
comme se plaisent à le désigner les sites communautaires du
judaïsme institutionnel français, est l’un des Co fondateurs, à
30 ans, de l’IFRI (Institut Français des relations
Internationales), le fortin atlantiste de la pensée stratégique
de la diplomatie française.
Une intrépidité précoce réalisée sous le double parrainage du
sociologue Raymond Aron et du prestataire multicartes franco
israélien Gabriel Banon: Raymond Aron, l’un des maîtres d’œuvre
de la guerre souterraine culturelle américaine contre l’Union
soviétique, à l’apogée de la guerre froide (1945-1989), au sein
du Figaro, avec le tandem Pierre Brisson et Annie Kriegel (2),
Gabriel Banon, l’interface des Français et des Israéliens lors
de l’agression tripartite anglo franco israélienne contre
l’Egypte nassérienne, en 1956, et…. futur beau père de Pierre
Lellouche qui épousera sa fille, Marie Laure, artiste peintre et
mère de ses trois enfants.
Par un curieux hasard, Pierre Lellouche retrouvera le pays de
son enfance, en 1994, l’année suivant la signature des accords
israélo-palestiniens d’Oslo, où il pratiquera la plongée sous
marine au large de Tabarka, à la frontière algéro tunisienne,
tandis que son beau père était propulsé conseiller économique de
Yasser Arafat, chef de l’OLP.
Gabriel Banon, un
prestataire multicartes franco israélien.
Ancien officier de liaison franco-israélien, lors de la
guerre de Suez, en 1956, Gabriel Banon, de souche judéo arabe,
est né le 26 décembre 1928 à Casablanca. Après des études
primaires et secondaires au lycée Lyautey au Maroc, il se rend à
la fin de la 2me guerre mondiale en France pour poursuivre ses
études supérieures. A Lyon où il s’installe, il décroche un
diplôme de droit et un diplôme d’ingénieur, puis retourne au
Maroc, en 1953, pour épouser une actrice juive égyptienne,
Ghislaine Accocca, à la forte personnalité qui passe pour avoir
joué un rôle prépondérant dans sa vie. Lors de son service
militaire, en 1955-1956, il est détaché par l’armée française
comme officier de liaison au moment de la guerre de Suez,
l’opération tripartite menée par la France, La Grande-Bretagne
et Israël contre l’Egypte, à la suite de la nationalisation du
canal de Suez par Nasser.
Rompu aux contacts avec l’armée israélienne et aux industries
françaises d’armement, il supervise la logistique et la
maintenance des escadrilles des Fouga Magister vendues par la
France à Israël. Il se lie d’amitié alors avec Shimon Pérès,
chef de la mission d’achat israélienne à Paris, discret maître
d’œuvre de l’édification du site nucléaire de Dimona. Se
développe alors une carrière de haute voltige dans le monde des
affaires: assistance logistique à la base américaine de Mekhnès
(Maroc), administrateur de la société Japy à Montbéliard
(France), à l’instigation de la Banque Worms, ralliement à la
société suédoise Wallenberg (climatisation), avant de prendre, à
34 ans, la tête du «centre des jeunes patrons», frange rebelle
du patronat français. En 1981, le «péril rouge» en France avec
l’arrivée de la coalition socialo communiste au pouvoir provoque
un exode des capitaux vers la Suisse et les Etats-Unis.
Gabriel Banon émigre vers New York où il s’occupera pendant sept
ans de la gestion des portefeuilles des capitaux français en
errance. Après le crash boursier de 1989, il retourne en France,
à Nice, pour une courte escale avant de reprendre du service en
1990.
Dans la foulée de l’effondrement du bloc soviétique, il lance
un fonds de placement «Invest» en direction de l’Europe
orientale avec le concours de son ami Yuri Rubinsky, lequel, par
un curieux hasard, avait été en poste pendant 20 ans à Paris, en
tant que premier secrétaire de l’ambassade soviétique. Nul ne
s’est jamais hasardé à expliquer l’exceptionnel concours de
circonstances à l’origine de la jonction Rubinsky Banon, ni non
plus celui qui sera à l’origine de la rencontre avec Yasser
Arafat.
L’été 1994, alors qu’il passait ses vacances en Tunisie avec
son gendre, à l’époque conseiller diplomatique du Maire de Pais,
Jacques Chirac, l’homme aux multiples activités fait
connaissance, selon la version la plus répandue, avec une
mystérieuse personnalité arabe qui le présente au dirigeant
palestinien. Cette rencontre météorique le place sur orbite.
Quatre mois plus tard, en décembre 1994, Gabriel Banon est
officiellement présenté par le dirigeant palestinien à l’opinion
publique comme son conseiller économique et financier, sans que
nul n’ait jamais su l’élément déterminant dans cet engouement.
Sans doute le zèle du pouvoir tunisien dont Yasser Arafat en été
l’hôte obligé.
Surgi de l’ombre pour être propulsé à un poste surexposé au
moment où la jeune entité palestinienne était à la quête de
l’aide internationale promise, M. Banon, discret et secret,
tissera inlassablement sa toile depuis son bureau parisien pour
devenir l’homme incontournable des transactions économiques sur
la Palestine. Au grand désappointement des jeunes entrepreneurs
palestiniens, mais aussi des grandes firmes multinationales.
Privilège rarissime, M. Banon rendra compte en tête à tête à
M. Arafat de ses contacts, sans fouille. Un privilège jugé
exorbitant qui donne lieu à d’autres motifs de grincements de
dents chez les jeunes nationalistes palestiniens.
Passage obligé pour toutes les transactions en relation avec
la reconstruction de la Palestine, l’homme suscite des
sentiments mitigés, en tout cas franchement hostiles de la part
du géant américain ATT, écarté du marché palestinien pour avoir
ignoré «Monsieur le conseiller». Econduit au profit de son rival
ITT, ATT a déclenché une violente campagne anti-Banon, relayée
par le «Wall Street journal», l’influent journal des milieux
d’affaires américains, à deux doigts de clouer au pilori cet
homme, qui de par ses alliances et sa descendance constitue «une
mosaïque de la synthèse de la complexité du jeu moyen-oriental».
M. Banon ambitionnait, il est vrai, de passer à la postérité
pour un des artisans de la reconstruction de la Palestine après
avoir été un des artisans de l’effort de guerre israélien. Dans
cette sphère de la planète en ébullition constante, l’homme
pensait pouvoir concilier son cheminement contradictoire par une
résilience salvatrice.
Matière stratégique de premier plan à l’aube d’un siècle
annoncé comme le siècle de l’information, les télécommunications
constituent un des principaux terrains de la compétition
internationale contemporaine, un des principaux champs
d’investissement et un des principaux gisements d’emploi du 21
me siècle. Domaine d’avenir, la communication a été un domaine
de rêve les grands requins de la finance. La jonction Rafic
Hariri-Banon aura été assurée tout naturellement par l’entremise
du marché palestinien des télécommunications que le beau père du
conseiller diplomatique du président Chirac venait d’emporter
pour le compte du géant ITT, mais dont le gendre du premier
ministre libanais, Nizar Dalloul, en était l’agent régional pour
le Moyen-Orient.
Grâce à ses mousquetaires, ITT avait obtenu, en effet, une
exclusivité de 25 ans sur le marché palestinien dans la totalité
des phases de sa réalisation: installation du réseau, équipement
des centraux, exploitation de la téléphonie fixe et mobile Gaza
et en Cisjordanie. Ce fabuleux marché était assortie toutefois
d’une clause de confidentialité, sans doute en raison de la
combinaison explosive des démarcheurs et de leurs ramification,
une association hétéroclite qui mettra en scène, sous la
houlette libanaise, d’anciens ennemis reconvertis aux affaires,
réconciliés en affaires notamment Pierre Rizk, ancien
responsable des services de renseignements des Forces
Libanaises, Soha Tawil, la propre épouse du chef palestinien
Yasser Arafat, ainsi que Gabriel Banon, beau-père de Pierre
Lellouche, l’ancien conseiller diplomatique du président
français Jacques Chirac. De par son enchevêtrement, le système
des télécommunications au Proche orient constituait un réseau
dans toute l’acceptation du terme.
La cohorte des
«pervers polymorphes»
Vingt ans de plongée sous marine et de navigation dans le
monde interlope des affaires auront raison de sa lucidité, et
les premières révolutions démocratiques du XXIème siècle, de sa
pertinence, révélant par la même sa nature souterraine.
Douchant l’enthousiasme de la multitude des sympathisants du
«printemps arabe», l’homme n’aura de cesse de mettre en garde
contre le péril islamiste que fait peser sur la transformation
démocratique du Monde arabe les soulèvements populaires en
Tunisie et en Egypte, se faisant épingler en direct, depuis le
Caire, sur les écrans de la télévision française, par
l’intellectuel égyptien Ala’a Al Aswani, l’inoubliable auteur de
«l’Immeuble Yacoubian» sur les tares de la société égyptienne,
qui le traitera tout bonnement de «raciste».
Pierre Lellouche se trouvait, il est vrai, aux premières
loges du mémorable voyage de Nicolas Sarkozy à Tunis en avril
2008, en compagnie de Daniela Lambroso, Rama Yade et le Rabbin
Joe Sitruk, pour applaudir le président français préconiser une
coopération transméditerranéenne par la conjugaison de
l’intelligence française et la main d’œuvre arabe, dans la pure
tradition des poncifs coloniaux sur la division raciale du
travail (3)
Pierre Lellouche, comme Bernard Henry Levy, Alain
Finkielkraut, André Glucksmann, Romain Goupil, Jean Pierre el
Kabbache, Ruth El Krief, Elizabeth Levy, Philippe Val et
l’inoubliable Yves Calvi (4) appartiennent à l’escouade des
chevaux légers du judaïsme institutionnel français, agglutinés
autour de leur figure de proue Alexandre Adler, l’intellectuel
évolutif médiatique et sa cohorte de «pervers polymorphes» (5),
fer de lance des équipées atlantistes contre le Monde
arabo-islamique, contre l’Irak, hier, l’Iran et la Syrie,
aujourd’hui, le Pakistan, demain, qui s’imaginent pouvoir
enfumer l’opinion publique par un soutien médiatique à l’Islam
périphérique (Darfour, Kurdistan, Tchétchénie, Ouïgours) afin de
masquer leur hostilité résolue au Monde arabe, cœur historique
de l’Islam, particulièrement la Palestine, la ligne de fracture
majeure entre le Monde arabe et le Monde occidental, au-delà,
entre L’Islam et l’Occident.
Les stigmates de la conscience ressurgissent toujours aux
grands moments de l’Histoire et Pierre Lellouche a failli à
cette épreuve de vérité, épreuve cruciale s’il en est en ce
qu’elle constitue l’épreuve de sa vie.
Notes 1-
Pour en savoir plus sur Malek Khadraoui
http://www.liberation.fr/monde/01012320930-droit-dans-son-blog
2-Who
Paid the Piper: CIA and the Cultural Cold War by Frances Stonor
Saunders – The New press 2000. La version française “Qui mène la
danse ? La CIA et la guerre froide culturelle, Paris, Denoël,
2003.
3-
La Tunisie est une terre d’élection de l’industrie européenne,
qui y sous-traite de nombreuses activités. Les industries
mécaniques et électroniques viennent au premier rang, suivies
par l’industrie du textile et de l’habillement, qui emploie 200
000 ouvriers et ouvrières, et exporte 97% de sa production vers
l’Union européenne. Le secteur du textile habillement compte
plus de 2000 entreprises et emploie près de 200.000 personnes.
La Tunisie est classée parmi les cinq premiers fournisseurs de
l’UE en produits d’habillement, elle se place derrière la Chine,
la Turquie, le Bangladesh et l’Inde.
Par ailleurs La Tunisie attire 1,4 million de vacanciers
français (sur 6 millions de touristes en moyenne) par an. Le
secteur touristique, premier pourvoyeur de devises, représente
6,5% du PIB du pays et emploie plus de 350.000 personnes sur dix
millions d’habitants. Au-delà du seul secteur touristique,
quelque 1.250 filiales d’entreprises françaises sont
physiquement présentes en Tunisie, employant plus de 110.000
personnes.
Pour aller plus loin sur la
problématique de l’Union pour la Méditerranée
http://www.renenaba.com/union-pour-la-mediterranee
4-Libération
14/02/2011 « les caches joie» de la Révolution égyptienne par
Daniel Schneidermann: «Au palmarès de ces
réjouis-bien-entendu-mais-sous-condition, il faut faire une
place de choix à Yves Calvi. L’autre soir, Calvi consacrait son
émission (Mots croisés, France 2) à l’Egypte. Et il faut au
moins reconnaître à l’animateur le mérite de la franchise: tout
le premier quart d’heure fut consacré, avec ses variantes, à une
question unique, exposée dès les premières secondes: «La
démocratie fait-elle aussi le jeu des barbus ?» Dès le
début:«Pierre Lellouche, ma première question est très simple.
Doit-on avoir peur des Frères musulmans qui négocient la
transition ?» Au même, qui ne répondait pas assez vite: «Le fait
que vous ne répondiez pas, vous qui n’avez pas l’habitude de la
langue de bois, me fait penser que vous êtes inquiet. Mais
peut-être que vous ne pouvez pas l’exprimer ?» Dans le mille ! A
coup sûr, les Frères musulmans étaient si terrorisants que le
ministre français n’était pas libre de sa parole. Un peu plus
tard: «Hubert Védrine, concrètement, les Frères musulmans au
pouvoir, est-ce que c’est inéluctable ?» Au prince Moulay
Hicham, troisième dans l’ordre de succession au trône du Maroc
(et chercheur): «Au moins en Europe et en partie en Occident,
ceux qui pourraient accéder au pouvoir inquiètent et font peur
parce qu’on les prend pour des intégristes islamistes. Qu’est-ce
que vous avez à nous dire sur cette question ?» Au même: «Vous
nous dites qu’il ne faut pas qu’on se focalise aujourd’hui sur
l’islamisme radical ?» A un expert: «Est-ce que l’objectif des
Frères musulmans est l’instauration de la charia dans un pays
comme l’Egypte ?». A Alain Finkielkraut, présent sur le plateau,
et prototype des «enthousiastes mais»: «Alain Finkielkraut, je
vous pose la question: est-ce que vous, vous craignez par
exemple un scénario à l’iranienne ?» A Alaa el-Aswany, écrivain
égyptien, en duplex du Caire: «Ma première question est la
suivante : les Frères musulmans ont négocié avec le
vice-président Souleiman. Est-ce que ça vous effraie ou au
contraire est-ce une bonne chose ?» L’interrompant:
«Pardonnez-moi, j’insiste, est-ce qu’ils vont la récupérer ?»
5-«Pervers Polymorphes»: L’expression a été utilisée par
Alexandre Adler pour designer Mohamad al Baradéi, ancien
directeur de l’Agence atomique de Vienne, Prix Nobel de la Paix,
opposant notoire à l’ancien président égyptien Hosni Moubarak, à
qui il reprochait son manque de fermeté face à l’Iran, dans le
contentieux nucléaire iranien.
Avec, en prime, l’anthologie des perles d’Alexandre ADLER:
« Non, à tout prendre, je préfère que les Frères musulmans
soient cooptés par les militaires égyptiens qui gardent
l’essentiel du pouvoir plutôt que de les voir gagner des
élections libres, instituant un Tariq Ramadan comme ministre de
la Culture. Je soutiens donc le maintien des dictatures les plus
éclairées possibles – voire pas éclairées du tout – en Egypte et
en Arabie saoudite plutôt que l’application, dans ces régions du
monde, des principes démocratiques qui, dans l’immédiat, ne
seraient que porteurs de désordres et de violences. » Alexandre
Adler, Le Figaro, 6 septembre 2004.
•
http://www.acrimed.org/rubrique296.html
•
http://www.monde-diplomatique.fr/2005/06/REYMOND/12563
•
http://socio13.wordpress.com/2009/01/09/alexandre-adler-espece-de-con/
•
http://www.communautarisme.net/Les-traitres-juifs-d-Alexandre-Adler_a108.html
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Publié le 23 mars 2011 avec l'aimable autorisation de René Naba.
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