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Actualité
L'Arabie saoudite
face au double défi
René Naba
Paris, le 19 septembre 2010
«Il existe quelqu’un de pire qu’un bourreau, son
valet».
Comte Honoré Gabriel de Mirabeau
L’Arabie saoudite face au double défi ; du sunnite
Oussama Ben Laden (Al Qaida) et du chiite Hassan Nasrallah
(Hezbollah) Part1/2
La dynastie wahhabite: Unique entreprise familiale au monde à
siéger aux Nations Unies, une illustration caricaturale de la
réalité paralytique arabe.
Unique famille à avoir donné son nom à son pays, ce que même
Christophe Colomb, le découvreur de l’Amérique, n’a songé à
faire, Unique pays à porter le nom de sa famille conquérante, ce
que même Jules César n’a osé faire, l’Arabie saoudite est aussi
l’unique entreprise familiale au monde à siéger aux Nations
Unies, un privilège qu’aucune dynastie si prestigieuse fut elle,
qu’aucune multinationale si puissante soit elle, n’a jamais pu
exercer, un passe droit qui donne la mesure du laxisme dont
bénéficient les dirigeants ce pays sur le plan international du
fait pétrolier.
Le Gardien des Lieux Saints de l’Islam a certes financé la
promotion de l’Islam à travers le monde, mais son prosélytisme
religieux tous azimut s’est souvent confondu avec une
instrumentalisation politique de la religion comme arme de
combat contre les ennemis de l’Amérique, notamment l’athéisme
communiste, au détriment des intérêts stratégiques du Monde
arabe.
Le chef de file de l’Islam sunnite a porté le fer aux quatre
coins de la planète pour le compte de son protecteur américain,
mais le bailleur de fonds des équipées militaires américaines
dans le tiers monde -de l’Afghanistan au Nicaragua- n’est jamais
parvenu à libérer l’unique Haut Lieu Saint de l’islam sous
occupation étrangère, la Mosquée d’al Aqsa de Jérusalem, au
point que son leadership est désormais concurrencé par le
nouveau venu sur la scène diplomatique régionale la Turquie et
sa posture néo ottomane.
Le protégé de l’Amérique, auteur de deux plans de paix pour
le proche orient, n’a jamais réussi à faire entériner par son
protecteur américain et son partenaire israélien les
propositions visant à régler le conflit israélo palestinien, ni
à prévenir l’annexion rampante de Jérusalem, ni la judaïsation
de la 3eme ville sainte de l’Islam, pas plus qu’il n’a pu éviter
le basculement des grandes capitales arabes hors de la sphère
sunnite, dans le giron adverse: Jérusalem sous occupation
israélienne, Damas sous contrôle alaouite et Bagdad enfin
sous partage kurdo Chiite.
Le plus riche pays arabe, membre de plein droit du G20, le
directoire financier de la planète, a dilapidé une part de sa
fortune à d’extravagantes réalisations de prestige et à la
satisfaction d’invraisemblables caprices de prince, sans jamais
songé à affecter sa puissance financière au redressement
économique arabe ou au renforcement de son potentiel militaire,
bridant au passage toute contestation, entraînant dans son
sillage le monde arabe vers sa vassalisation à l’ordre
américain.
La dynastie wahhabite, détournant les Arabes et les Musulmans
de leur principal champ de bataille, la Palestine, dans de
furieux combats en Afghanistan, n’a jamais tiré un coup de feu
contre Israël, au point que le meilleur allié arabe des Etats
Unis apparaît, rétrospectivement, comme le principal
bénéficiaire des coups de butoir israélien contre le noyau dur
du monde arabe, et Israël, comme le meilleur allié objectif de
la monarchie saoudienne.
En 78 ans d’existence, ce pays de passe droit a été gouverné
par six monarques (Abdel Aziz, Saoud, Faysal, Khaled, Fahd,
Abdallah), mais, à une période charnière de l’histoire du monde
arabe, à l’ère de l’optronique, de la balistique, du combat
disséminé et de la furtivité de basse tension, aucun des six
monarques n’était détenteur d’un diplôme universitaire, tous
formatés dans le même moule de la formation bédouine et de
l’école coranique, à l’instar des autres pétromonarchies
gérontocratiques du Golfe, soit le tiers des membres de la Ligue
arabe et les deux tiers de la richesse nationale arabe, alors
que la théocratie voisine iranienne a, d’ores et déjà, accédé au
statut de puissance du seuil nucléaire.
En 78 ans d’existence, malgré les turbulences, la famille Al
Saoud a réussi à sauvegarder son trône, mais plongé la zone dans
une sinistrose quand Israël sinistrait la zone.
A – Une illustration caricaturale de la réalité
paralytique arabe.
Le roi est nu, la monarchie saoudienne sur la défensive: La
dynastie wahhabite, maître d’oeuvre sous l’égide américaine de
l’islamisme politique, apparaît rétrospectivement, au regard de
l’histoire, au même titre que le colonel Mouammar al Kadhafi de
Libye comme l’un des principaux fossoyeurs du nationalisme arabe
et de la soumission du monde arabe à l’ordre américain.
Soixante dix huit ans après la constitution du royaume, le
bilan est sans ambiguïté et ne souffre aucune circonstance
atténuante à en juger par la décomposition du monde arabe, sa
mise sous tutelle américaine avec le déploiement d’une dizaine
de bases militaires dans l’espace arabe (Arabie saoudite,
Bahreïn, Egypte, Irak, Jordanie, Koweït, Maroc, Oman, Qatar), la
subversion meurtrière qui secoue périodiquement le Royaume, les
dérives de ses anciens sujets dont le plus illustre disciple
n’est autre que l’animateur de la plus importante organisation
clandestine trans-nationale de l’intégrisme musulman, Oussama
Ben Laden, auparavant serviteur dévoué de la politique saoudo
américaine dans la sphère musulmane.
Plus grave, allié inconditionnel et résolu des Etats-Unis, le
bailleur de fonds de toutes ses équipées dans la zone, même au
delà en Amérique latine et en Afrique, hors de la sphère de la
sécurité nationale arabe, l’Arabie Saoudite aura été de surcroît
la caution morale et politique du principal partenaire
stratégique du principal ennemi des Arabes, Israël, le
propagateur zélé d’une politique qui a abouti, paradoxalement, à
la judaïsation rampante de la quasi totalité de l’ancien
territoire de la Palestine du mandat britannique en
contradiction avec les voeux d’un des plus éminents monarques
saoudiens, le Roi Fayçal, assassiné en 1975, avant de réaliser
son souhait de prier à la Mosquée libérée d’Al-Aqsa de
Jérusalem.
Pis. Plus que tout autre, l’Arabie Saoudite aura illustré
jusqu’à la caricature la réalité paralytique arabe dont elle
assume une lourde part de responsabilité avec un monarque (le
Roi Fahd) hémiplégique pendant une décennie de 1995 jusqu’à sa
mort en 2005, à la mobilité réduite, à la lucidité aléatoire,
sous assistance sanitaire permanente animée par une cohorte de
médecins, régnant sur un pays clé de l’échiquier régional à un
moment charnière du basculement géostratégique planétaire avec
la collusion frontale de l’hyper puissance américaine avec les
deux plus importants foyers de percussion de la stratégie
régionale saoudienne, l’Afghanistan et l’Irak, les deux anciens
alliés de l’axe saoudo américain. Un scénario identique s’est
reproduit quinze ans plus tard, en 2009, avec le prince héritier
le prince Sultan Ben Abdel Aziz, désertant son poste de ministre
de la défense et le royaume pour une convalescence prolongée au
Maroc de plus d’un an exerçant ses lourdes responsabilités de
prince héritier, vice premier ministre, ministre de la défense
et inspecteur général des forces armées royales, de manière
fantomatique dans une zone particulièrement tourmentée en plein
bras de fer américano iranien sur le dossier nucléaire iranien.
L’Arabie avait tout pourtant pour être heureuse et son bilan
se promettait radieux: Deux incomparables atouts naturels, La
Mecque et Médine, les deux Hauts Lieux saints de l’Islam,
référence spirituelle absolue d’une communauté de croyants de
1,5 milliards de fidèles de la deuxième religion du monde par
son importance, le pétrole, moteur de l’économie internationale
dont elle détient le principal gisement énergétique du monde,
une immense superficie qui fait de ce pays de 2,5 millions de
km2, un quasi-continent de taille comparable à l’Europe
occidentale (France Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg),
une faible densité démographique (20 millions d’habitants),
enfin, dernier et non le moindre atout: le bouclier américain
mis en place par le Pacte de Quincy, dissuasif contre toute
remise en cause interne, toute intervention étrangère, toute
critique internationale.
A l’ombre des Awacs américains, les avions radars
électronique à long rayon d’action dont l’Arabie était le seul
pays au monde à en abriter hors du territoire des Etats-Unis, le
Royaume wahabite pouvait prospérer sans limite, dans une
quiétude que n’altéraient ni la réclusion féminine, jugée
outrageusement scandaleuse partout ailleurs dans le monde, ni la
ségrégation raciale ou religieuse, ni les abus de domesticité,
qui alimentaient les chroniques mondaines de la presse
occidentale avide de scandales, ni les vexations répétitives
d’une institution unique au monde, la redoutable police
religieuse (Al-Moutawa’a), aussi puissante que sectaire. En
toute impunité, le souverain pouvait à loisir se livrer à
d’invraisemblables passe-droits criminels tel l’enlèvement du
plus célèbre opposant saoudien, Nasser Al-Saîd, mystérieusement
disparu en 1979 à Beyrouth. L’opposition anti-monarchique
soutiendra que l’homme réfugié à Beyrouth a été enlevé par les
services saoudiens avec l’aide de groupements palestiniens à la
faveur de l’anarchie ambiante régnant dans la capitale libanaise
en pleine guerre inter factionnelle, embarqué de force à bord
d’un avion militaire saoudien et jeté par dessus bord au dessus
du désert saoudien. Si l’opposition saoudienne n’a jamais pu
fonder de manière formelle cette accusation, force est toutefois
de convenir que nul, depuis 26 ans, n’a pu retrouver sa trace.
Pays rigoriste, l’Arabie a fait du Coran, son arme absolue et
du prosélytisme religieux son vecteur d’influence diplomatique,
véritable rente de situation stérilisant tout débat interne, au
point que le pays aura sombré pendant un demi siècle dans le
«degré zéro de la culture» (1). Le Royaume a ainsi consacré
durant la décennie 1980-1990 près d’un milliard de dollars à
l’entretien de trente mille (30.000) lieux de culte et aux
quatre vingt dix (90) universités théologiques et facultés
théologiques, record mondial absolu par rapport à sa densité
démographique, faisant du pays un fief intégriste. Un des temps
forts du rituel diplomatique de la dynastie wahhabite, le
pèlerinage de la Mecque, vaste rassemblement humain annuel de
près de deux millions de personnes, constituait le moment idéal
pour les dignitaires saoudiens de déployer des trésors de
générosité au service de la Foi, pour d’incommensurables
retombées politiques au bénéfice du Roi. Sur le plan profane, le
pèlerinage de Riyad constituait pour les dirigeants occidentaux
un rituel comparable par son importance au pèlerinage de la
Mecque pour les Musulmans. En plus lucratif.
L’Arabie Saoudite qui aura effectivement fertilisé son
désert, se dotera, à la faveur du boom pétrolier générateur de
«pétrodollars», dotée d’infrastructures sans rapport avec les
besoins réels du pays, à la grande satisfaction des quémandeurs
de toute sorte, dans une politique dilapidatrice relevant tout à
la fois de l’ostentation, du clientélisme politique et de la
corruption. A croire que les lourds investissements, notamment
dans le domaine militaire, n’étaient stimulés parfois, non pas
tant par les impératifs de sécurité, mais par la perspective
alléchante des commissions et rétro commissions. A l’indice
mondial de la corruption, l’Arabie Saoudite se situait hors
classement. A croire que les surfacturations tenaient lieu de
«police d’assurance tous risques» contre d’éventuelles
tentatives de déstabilisation, de rétribution déguisée
pour un zélé protecteur, une sorte de mercenariat officieux
avant terme.
Dans la foulée de la première guerre contre l’Irak, l’Arabie
a ainsi consacré en 1992 et 1993, vingt neuf milliards de
dollars pour sa défense contre 26,5 milliards à l’éducation
nationale, une somme équivalent, compte tenu de sa faible
densité démographique (12,3 millions de nationaux) et de la
faiblesse numérique de ses forces armées (200.000 entre armée
régulière et garde nationale), à une dépense moyenne de 75
millions dollars par an pour chaque militaire, et, à l’échelle
du pays, un million de dollars par an par habitant, proportion
inégalée partout ailleurs dans le monde. Gigantisme et morgue
vont de pair dans le royaume, dans ce qui apparaît comme une
sorte de démarche de compensation face à une abdication de
souveraineté envers les Américains.
Au delà des apparences, le Royaume, jamais colonisé,
constitue, en fait, une grande prison dorée pour une dynastie à
la marge de manoeuvre réduite envers ses tuteurs américains et
pour une population en état de crainte révérencieuse envers ses
vigiles wahhabites, grands dispensateurs des bienfaits au
Royaume. Unique entreprise familiale au monde à siéger aux
Nations Unies, la dynastie wahhabite aura versé dans toutes les
licences cautionnant au passage de stupéfiants trafics, allant
même, du moins certains des membres de l’entourage royal comme
ce fut le cas dans le narcotrafic saoudien en France, jusqu’à
réquisitionner des appareils de la flotte aérienne royale pour
le transport de la drogue colombienne. Un trafic rocambolesque
qui paraît quelque peu en décalage avec les enseignements
rigoristes que le pouvoir saoudien dispense et qui explique une
part de son discrédit (2).
Anomalie exorbitante, à l’origine du divorce entre la
dynastie wahhabite et son ancien serviteur, Oussama Ben Laden,
la présence des troupes américaines sur le sol du royaume, ainsi
que les dérives mercantiles que la contribution militaire
occidentale a donné lieu lors de la première guerre du Golfe,
consécutive à l’invasion du Koweït par l’Irak (Août 1990-Janvier
1991). Au faite de sa gloire, Oussama Ben Laden avait proposé au
Roi Fahd d’Arabie de bouter les Irakiens hors du Koweït avec le
seul concours des Moudjahiddine, mais la proposition du
vainqueur de l’Armée Rouge en Afghanistan a été accueillie sans
enthousiasme par les dirigeants saoudiens effrayés qu’ils
étaient qu’un de leurs sujets disposa de la capacité de lever
des troupes d’une telle importance pour combattre l’Irak, à
l’époque au sommet de sa puissance. Le Roi Fahd a décliné
l’offre de Ben Laden, lui préférant une proposition américaine
plus coûteuse et contraignante à terme, mais qui avait
l’appréciable avantage de sauver la face des Saoudiens dans la
mesure où la présence des troupes occidentales avaient aussi
pour fonction de masquer l’impéritie et la corruption de l’armée
saoudienne en présentant la guerre contre l’Irak comme une
opération de police internationale menée par une coalition avec
la caution des Nations Unies. Mais, par un effet de pendule, la
présence massive de près de cinq cent mille (500.000) soldats
occidentaux sur le sol saoudien, dont soixante mille soldats
américains de confession juive, à proximité des Lieux Saints de
l’Islam, fait sans précédent dans l’histoire, a été perçue
par une large fraction de la population arabe et musulmane comme
une profanation d’un sanctuaire dont la dynastie wahhabite a en
principe le devoir de garde et de protection.
Elle a été ressentie aussi comme la marque de la collusion du
“Gardien des Lieux Saints” avec les oppresseurs des Musulmans et
servi de justificatif à la rupture de bon nombre de
formations islamistes avec le Royaume saoudien, leur bailleur de
fonds. Pour prix du concours américain, l’Arabie saoudite a
déboursé la coquette somme de cinquante milliards de dollars à
titre de contribution à l’effort de guerre, dont dix sept
milliards de dollars au titre de prime de débarquement sur le
sol saoudien en prélude aux frappes anti-irakiennes (4)..
Autrement dit, la monarchie saoudienne aura débloqué cinquante
milliards de dollars à l’Amérique pour l’autoriser à accentuer
son emprise sur le Royaume et à camoufler la corruption
régnante.
Le Général Khaled Ben Sultan, (57 ans), propre fils du
ministre de la défense, abusivement auto proclamé commandant en
chef de la coalition internationale anti-irakienne, alors qu’il
n’était en réalité que l’interface saoudien du véritable
commandant américain, le général Norman Schwarzkopf, a réussi,
dans ces circonstances dramatiques pour son pays, le tour de
force, de prélever près de trois milliards de dollars au titre
de commissions sur les transactions sur l’équipement et le
ravitaillement des troupes de la coalition estimée à l’époque à
500.000 soldats de 26 nationalités. Une telle ponction,
exorbitante, et à certains égards indécente au regard des enjeux
de l’époque et de la contribution réclamée par des tiers pour la
défense du territoire national, aurait été passible partout
ailleurs d’une comparution immédiate devant la cour martiale.
Elle n’a donné lieu à aucun rappel à l’ordre familial, tout
juste une discrète mise à l’écart provisoire de l’indélicat, qui
s’est traduite pour l’exilé milliardaire de Londres par le
rachat du journal «Al-Hayat». Une prime à la prévarication en
quelque sorte.
Ce Royaume des trois silences «ne pas parler, ne pas voir, ne
pas entendre», avait affecté à sa magnificence les plumes les
plus réputées du monde arabe, édifiant, en un temps record, et
avec l’aide des capitales occidentales, un complexe multimédia,
se hissant en l’espace d’une décennie au rang d’un géant de la
communication, à l’égal des conglomérats occidentaux, dans une
stratégie offensive dont le but non avoué était d’aseptiser les
ondes de toute pollution anti-saoudienne, en vue de faire pièce
à la contamination révolutionnaire dans la sphère musulmane
préjudiciable à son leadership. Le plus grand marché de
consommation du monde arabe avec des investissements
publicitaires de l’ordre d’un milliard de dollars par an,
(Chiffre de 1995), l’Arabie saoudite a favorisé la
libéralisation du consommateur, au détriment du citoyen, et
l’uniformisation de ses désirs et de ses repères institutionnels
par la consommation. Avec des conséquences dramatiques sur sa
démographie qui affiche le chiffre record de dix pour cent (10%)
d’obèses et de diabétiques et un taux élevé de harcèlement
sexuel de l’ordre de 68 pour cent parmi les couches cultivées de
la population, dont 17,32 pour cent de nature incestueuse,
et 20 pour cent sur les enfants (5). Au delà de cette
surcharge pondérale, l’empire médiatique saoudien, pour
performant qu’il ait été, cachait toutefois de sérieuses
lézardes. Le plus grand diffuseur de son et d’images de
l’hémisphère sud s’est trouvé, de par son monopole de fait, son
plus grand censeur. Signe patent de l’échec de la stratégie
médiatique saoudienne se révèle dans le succès de ses jeunes
concurrents, notamment la chaîne transfrontière du Qatar
«Al-Jazira» et le quotidien pan arabe de Londres «Al-Qods
al-Arabi», dont le prestige, notamment au sein de l’élite
intellectuelle arabe, surpasse de loin tous les médias pro
saoudiens, tous vecteurs et toute périodicité confondus.
Fausse bonne idée donc que ce pacte de Quincy. En confortant
la dynastie wahhabite dans son impunité et son faux sentiment de
quiétude et de supériorité, il l’a hypothéqué politiquement.
Conclu en février 1945 sur le croiseur américain Quincy entre le
président démocrate Franklin Roosevelt et le fondateur de la
dynastie saoudienne, le Roi Abdel Aziz Al-Saoud, «The Quincy
Agreement» est une parfaite illustration de l’alliance contre
nature entre une puissance qui se veut la plus grande démocratie
libérale du monde et une dynastie qui se revendique comme la
plus rigoriste monarchie théocratique du monde. En contrepartie
de la protection inconditionnelle de l’Arabie saoudite,
considérée comme relevant des «intérêts vitaux» de l’Amérique,
les Wahhabites ont garanti le ravitaillement énergétique
américain à prix compétitif. Ce pacte a assuré la stabilité du
ravitaillement énergétique mondiale et la prospérité économique
occidentale, parfois au détriment des intérêts des autres
producteurs, sans pour autant donner satisfaction aux
revendications légitimes arabes notamment à propos de la
question palestinienne, encore moins aux aspirations
démocratiques des peuples arabes. En application de ce pacte,
qui a donné lieu aux plus invraisemblables dérives, l’Amérique a
assumé un rôle étymologiquement rétrograde, en négation avec les
valeurs qu’elle professe, mais en conformité avec les souhaits
de son protégé saoudien. Parangon de la démocratie et du
libéralisme dans le monde, elle s’est posée en «parrain» du
royaume le plus hermétique de la planète, s’opposant aux
expériences de modernisation et de démocratisation du
tiers-monde, comme ce fut le cas en Iran, en 1953, lors de la
nationalisation des installations pétrolières par le dirigeant
nationaliste Mohamad Mossadegh, en Egypte, en 1967, contre le
chef de file du nationalisme arabe Gamal Abdel Nasser, ou encore
dans le pré carré des puissances occidentales: l’Afrique et
l’Amérique latine.
Au paroxysme du conflit israélo-arabe alors qu’Israël
entreprenait le détournement des eaux du Jourdain pour anticiper
ses besoins hydrauliques futurs, l’Arabie se livrait à une
opération de diversion en tentant de déstabiliser la jeune
équipe baasiste de Syrie fraîchement parvenue au pouvoir en
1966. Les révélations d’un des conjurés, le Colonel Salim Hatoum,
sur une contribution royale saoudienne de l’ordre d‘un million
de dollar à cette opération de déstabilisation de la Syrie, en
pleine ébullition nationaliste consécutive au détournement des
eaux du Jourdain, entraînera l’éviction de Saoud au profit de
son frère cadet Fayçal au trône d’Arabie, sans que cette
sanction ne mette un terme à ses pratiques. Enivrée par sa
promotion au rang de puissance régionale à la suite de la chute
de la monarchie iranienne, le Royaume, récidiviste, fondera en
1979 avec la France, l’Egypte et le Maroc, le «Safari club», se
donnant ainsi l’illusion de «jouer dans la cour des grands», non
sur le champ de la confrontation israélo-arabe, mais à des
milliers de kilomètres de là, non pour la récupération des Lieux
Saints de l’Islam, mais pour le maintien au pouvoir d’un des
dictateurs les plus corrompus de la planète le Zaïrois Mobutu,
agent attitré des Américains dans la zone centrale de l’Afrique,
en butte à la subversion interne. Si le Royaume a brandi «l’arme
du pétrole» en 1973 contre les pays occidentaux soutenant Israël
en guerre contre l’Egypte et la Syrie, il n’a pour autant jamais
privé les Etats-Unis, pourtant principal soutien de l’Etat
Hébreu, du ravitaillement pétrolier nécessaire au corps
expéditionnaire américain dans ses opérations de guerre contre
le Vietnam du Nord communiste.
Mieux, dans les années 1980, au plus fort de la rivalité
soviéto-américaine consécutive à la perte du Vietnam (1975) et
de l’invasion soviétique en Afghanistan, l’Arabie saoudite
apportera son soutien matériel et financier à la plus grande
opération de déstabilisation d’un régime socialiste, situé au
delà des océans, dans la lointaine Amérique latine, le Nicaragua
du régime sandiniste de Daniel Ortega, dans l’unique souci de
complaire à son complice américain. L’affaire des «contras», qui
mettra en oeuvre la plus grande opération de toxicomanie de
masse de la communauté noire de Los Angeles à la faveur du
trafic du Crack (drogue à charge démentielle), débouchera sur le
plus grand scandale politico financier de l’ère Reagan
(1980-1988), «l’Irangate» et le châtiment de deux fusibles
subalternes, un officier supérieur américain le lieutenant
colonel Oliver North et un richissime intermédiaire saoudien de
renom Adnane Kashoogi, jeter en pâture pour calmer la vindicte
populaire.
Suivra…
2eme volet le 20 septembre 2010 :
Arabie saoudite 2/2 : Le principal bénéficiaire du travail de
sape d’Israël contre le noyau dur du monde arabe
Références
1- «Degré zéro de la culture», expression du
diplomate français Jean Michel Foulquier, dans son ouvrage
«Arabie saoudite, la dictature protégée» Editions Albin Michel
février 1995.
2- «La Coke saoudienne au cœur d’une affaire
d’état» par Fabrice Monti –Editions Flammarion Mars 2004.
L’auteur, un ancien officier de police à la retraite, y
relate un rocambolesque trafic de drogue à grande échelle de
l’entourage royal à bord de la flotte privée de la monarchie à
destination de la France, réalisé dans les années 1990.
3- L’affaire relatée par la revue allemande
Stern a été reprise dans le quotidien français Libération en
date du 2 Août 1995 sous le titre «un souverain effacé et
piégé par les périls» JP Perrin.
4- La famille Al Saoud», documentaire de
Jihane Taheri diffusé sur canal + le 21 septembre 2004 avec
notamment les indications du prince Turki ben Abdel Aziz, ancien
chef des services de renseignements saoudiens sur l’offre de Ben
Laden pour combattre l’Irak et celles de Hermann Eilits, ancien
ambassadeur des Etats Unis en Arabie saoudite, sur le montant de
la contribution financière saoudienne aux Etats unis lors de la
première guerre du Golfe (1990-1991).
5– Communications de Mme Amal Al Dokli,
spécialiste du domaine social à l’office de la défense sociale
de la région orientale du royaume (Dammam) et de Mme Noura
Ibrahim al Souyane, Directrice des prestations sociales du
programme santé de la Garde Nationale Saoudienne, in le
quotidien saoudien «Al Watan» du 8 juin 2010 reproduit par le
journal transarabe «Al Qods al Arabi» du 10 juin 2010.
© Toute reproduction intégrale ou
partielle de cette page faite sans le consentement écrit de René
Naba serait illicite (Art L.122-4), et serait sanctionnée par
les articles L.335-2 et suivants du Code.
Publié le 19 septembre 2010 avec l'aimable autorisation de René Naba.
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