|
Analyse
Iran, Israël (3/3)
Les enjeux sous jacents de la confrontation
René Naba
Paris, 19
septembre 2009
Dispositifs et Cibles des protagonistes
1• Le dispositif israélien (1):
Paris, 19 septembre 2009. Le dispositif israélien repose sur
le système balistique de la famille américaine des GBU, plus
communément désignés de «Bunkers Busters», littéralement des
«imploseurs de fortifications». Le GBU 27, d’une longueur 4,2
mètres, pour un poids 900 kg, a une force de pénétration de 2,4
mètres de béton. Le GBU 28 d’une longueur 5,5 mètres, pour un
poids 2,268 kg, a une force de pénétration de six mètres de
béton. L’onde de choc dégagée détruirait toute construction,
jusqu’à cent mètres sous terre.
A la balistique de fabrication américaine, se superpose le
dispositif balistique de fabrication israélienne: Popeye-3,
missile air-sol d’une portée de 350 km, les missiles de la
famille Jéricho 1 Jéricho 2 et probablement Jéricho 3 qui
peut en théorie atteindre Téhéran. La marine israélienne a testé
avec succès, le 26 juillet 2009, un système amélioré de son
missile antimissile « Barak ». Tiré à partir d’une vedette
Saar-5, le nouveau missile « Barak » a été développé
conjointement par des experts de l’armée et de la marine
israéliennes, l’Institut Rafael pour le développement des
armements et le Centre pour la recherche spatiale d’Israël. Ce
système de défense est développé en complément du « Dôme
d’acier », voué à l’interception de roquettes d’une portée
allant de 4 à 70 km.
Israël est en outre crédité d’un arsenal nucléaire, l’un des
plus importants hors du monde occidental, de l’ordre de 150 à
200 ogives nucléaires et d’une puissante aviation de guerre: 710
avions de combat avions, notamment des chasseurs bombardiers
F-15 et F-16, 181 hélicoptères de combat, ainsi que de nombreux
drones (avions sans pilote) d’attaque et de reconnaissance.
Une technologie de pointe produite par l’industrie militaire
israélienne lui assure une grande opérabilité tout terrain
notamment avec le premier robot soldat produit par la firme
«Elbit Systems». Transportable dans le sac à dos d’un soldat, ce
robot soldat, le «VIPeR», est opérationnel tout terrain. Armé
d’un fusil mitrailleur UZI, télécommandé, il est capable de
lancer des grenades et de tirer à la mitraillette. Israël
détient le record mondial en matière de dépenses d’armement par
habitant, de l’ordre de 1.429 dollars par an par habitant
(chiffres 2006). Sa période de circonscription est parmi les
plus longues du monde: trois ans pour les hommes et deux ans
pour les femmes avec une période de réserve d’un mois par an.
2• La défense balistique iranienne
Un commandement autonome de l’armée de l’air, qui repose sur
un double réseau de missiles et une inconnue:
Le brouillage médiatique le plus complet règne quant à La
possession par l’Iran du missile russe S-300 d’une portée de 150
km. La presse israélienne a fait état, à deux reprises, de
visites secrètes à Moscou des dirigeants israéliens –le
président Shimon Pères (août) et le premier ministre Benyamin
Netanyahu (septembre)- en vue d’inciter les dirigeants russes à
renoncer à renforcer la défense balistique iranienne, alors que
des informations de la presse occidentale ont fait état,
celles-là, de la livraison par la Russie de ce missile de haute
altitude à l’Iran, sans que toutefois cette information n’ ait
été confirmée ou infirmée tant du côté russe que du côté
iranien. Selon ces informations, l’Iran disposerait de deux
batteries de ces missiles d’une portée de 150 km, portant une
charge de 143 kg et long de 7 mètres. Le S-300 peut suivre 24
cibles et tirer quatre missiles en même temps à partir d’une
plateforme mobile (camion).
La décision américaine de renoncer à installer un bouclier
anti-missile en Tchéquie, un «casus belli» pour Moscou, a été
interprétée comme relevant d’un marchandage plus vaste visant à
conduire la Russie à se démarquer un tant soit peu de l’Iran et
à refreiner ses livraisons d’armes sophistiquées à la République
Islamique, y compris les S-300.
Au-delà du S-300, la défense balistique iranienne repose sur
un double réseau de missiles, un système de défense et
d’interception et un système de riposte.
•Un système de défense et d’interception
matérialisé principalement par sept batteries anti-aériennes de
basse et moyenne altitude, de quatre lanceurs Tor-M1/SA-15
Gumblet fournis par les conglomérats russes Koupol et Almaz
Anteny, et, selon des informations persistantes de la presse,
par un dispositif articulé autour du missile russe S-300,
l’équivalent du Patriot Pac-3, le missile américain déployé dans
le désert du Néguev pour la protection des sites israéliens.
Missile de haute altitude, long de 7 mètres, d’une portée de 150
km, portant une charge de 143 kg, le S-300 peut suivre 24 cibles
et tirer quatre missiles en même temps. L’Iran disposerait de
deux batteries de ces missiles qui peuvent être titrées d’une
plateforme mobile (camion).
•Un système de riposte représenté par la
gamme des missiles balistiques de type Scud, de la famille
Shahab, développée avec le concours de la Corée du Nord et
couvrant une distance de 300 à 1.500 kms. Shahab 1 a une portée
de 300 km, Shahab 2 de 500 km. Le missile de troisième
génération, Sahab 3, est une variante du missile nord coréen No
Dong I. D’une longueur de 16 mètres, pesant 16.000 kg, propulsé
par un carburant liquide, Sahab 3 dispose d’une portée de
1500 km, qui le met en mesure d’atteindre Tel Aviv, Karachi,
Riyad ou Ankara.
En outre l’Iran assure détenir une «bombe intelligente»
baptisée «Ghassed» (messager) de 900 kg. Version améliorée du
KAB-500 kr, Ghassed est une bombe planeuse d’origine russe à
guidage TV, armée d’une ogive de perforation d’armure ou de
bunker. La bombe peut être lancée à partir d’un
chasseur-bombardier de conception iranienne «Saegheh» (éclair),
produit à partir d’une synthèse de la technologie, russe,
chinoise et nord-coréenne. Ce dispositif est complété par une
aviation militaire comptant près de cinquante
chasseurs-bombardiers peu performants face aux nouveaux
appareils de supériorité aérienne du parc occidental, mais que
l’Iran s’est appliquée à moderniser par un investissement de
l’ordre de huit cent millions de dollars, en particulier la
flotte de fabrication soviétique, les Sukhoï et les Mig.
Au plan naval, l’Iran peut aligner une flotte de sous-marins
de fabrication iranienne ou russe, une flotte d’aéroglisseurs,
l’une des plus importantes du monde, de ROV (véhicules actionnés
à distance), de navires de surface de différentes tailles,
d’unités aéroportées comprenant plusieurs escadrons
d’hélicoptères, des dragueurs de mines et un important arsenal
de missiles antinavires. La flotte sous-marine iranienne
comprend également des « sous-marins de poche » de fabrication
iranienne.
À en juger par un tel dispositif, tout porte à croire que
l’Iran pratiquera la guérilla navale à coup d’opérations
commandos, comme tend à le démontrer le dernier coup de main
contre une unité britannique au printemps 2007 où Téhéran avait
réussi à capturer quinze marins anglais.
3• Les cibles potentielles des raids israéliens
Neuf sites nucléaires iraniens ont vocation à faire l’objet
de cibles potentielles du raid israélien:
Cinq sites majeurs, principalement situés dans le sud du
pays: Arak, sud de Téhéran, chargé de la production de l’eau
lourde, Natanz, sud-est de Téhéran, chargé de l’enrichissement
de l’uranium, Ispahan, dans le sud du pays, qui abrite un centre
de recherche, Gachine, à proximité de Banda Abbas, le port
iranien sur le golfe, qui recèle un mine d’uranium, enfin
Bouchehr, important centre de production électrique.
Et quatre sites mineurs: trois sites situés au nord de
Téhéran (Karaj, Lavizan-Shiam et Parchine) et un neuvième
Sakhand à la hauteur d’Ispahan, dans le sud du pays.
Au vu dispositif israélien, l’Iran ne parait pas devoir se
contenter d’opérations de harcèlement, mais pourrait moduler sa
riposte en fonction de la frappe adverse et le cas échéant
compter sur son propre hinterland stratégique d’une densité
démographique sans pareille pour des opérations « derrière les
lignes ennemies » avec le concours de ses alliés régionaux,
notamment une large fraction de l’importante communauté chiite
du monde arabe implantée à Bahreïn, en Arabie saoudite, dans la
région pétrolifère de l’est du Royaume, dans la zone pétrolière
du Nord du Koweït ainsi qu’en Irak et au Liban, dans la zone
limitrophe d’Israël.
Tirant les enseignements des trois dernières guerres du Golfe
(1979-89), 1990-1991 et 2003), l’Iran a considérablement
renforcé sa flotte militaire au cours de la dernière décennie,
présentant ses nouvelles réalisations au cours de grandes
manœuvres navales. Lors de ces exercices, en avril et en août
2006, l’Iran a présenté les derniers-nés de sa flotte, notamment
le dernier torpilleur de patrouille, petit bâtiment efficace
dans l’attaque de grands navires de guerre. Doté d’une
technologie de pointe sans doute parmi les plus avancées du
monde notamment en ce qui concerne les équipements
électroniques, pouvant atteindre une vitesse de pointe de 45
nœuds, le Joshan de même que son frère jumeau, le Peykan,
disposent d’une redoutable puissance de feu. Patrouilleur
lance-missiles, armé en supplément d’un canon sous-marin de 76
mm, à usage variable, le plus moderne du monde, appelé Fajr, il
peut atteindre des cibles sous-marines et aériennes distantes de
19 km.
L’Iran a également développé sa coopération avec l’Erythrée
et disposerait depuis décembre 2008 de facilités navales au port
d‘Assab, sur la côte orientale de l’Afrique. L’Iran y aurait
déployé des bâtiments de guerre, y compris des sous-marins, et
se place en mesure de neutraliser la navigation dans le Golfe et
le détroit d’Ormuz en cas d’attaque israélienne. Djibouti, en
guerre larvée contre l’Erythrée, abrite une base militaire
permanente française, ainsi qu’une base des forces spéciales
américaines et de l’Etat-major américain pour l’Afrique
(Africom), le camp Lemonnier, visant à «sécuriser» le détroit de
Bâb el Manded, à la jonction du Golfe et de la mer Rouge.
Contrairement à la Corée du Nord, l’autre puissance rebelle
nucléaire, adossée physiquement à la Chine sur 1.416 km de
frontières, l’Iran est entourée de cinq puissances nucléaires
(Russie, Ukraine, Inde, Pakistan et Israël). Son accession au
seuil nucléaire répond donc à des considérations légitimes en ce
qu’il lui permet de se prémunir contre un environnement hostile
de surcroît nucléarisé. Et de lui épargner un sort comparable à
son voisin irakien. Mais en instaurant un «équilibre de la
terreur» au Moyen orient, la bombe iranienne risquerait de
modifier radicalement le rapport des forces au niveau régional
et provoquer un bouleversement stratégique majeur de la zone.
Dans cette perspective, la neutralisation de l’Iran ne
répondrait donc pas exclusivement à des considérations de
formalisme juridique, -le respect de la légalité internationale,
tant bafouée par ailleurs par les États occidentaux eux-mêmes-,
voire même au souci de la non prolifération atomique, mais
relèverait d’impératifs militaires sous-jacents: Le maintien
d’une supériorité stratégique d’Israël sur l‘ensemble des pays
du Moyen-Orient réunis, et, au-delà, la persistance de la
mainmise occidentale sur les réserves énergétiques de l’Asie
occidentale et le contrôle des nouveaux oléoducs stratégiques en
construction depuis l’Asie centrale, une des motivations
latentes de l’intervention américaine en Afghanistan et en Irak.
La dernière transaction militaire américaine à destination du
Moyen-Orient tendrait à accréditer la thèse du primat israélien
qui trouve sa justification la plus récente dans le comportement
de la précédente administration républicaine à l’égard de ses
amis et alliés au Moyen-Orient. Le président George Bush a en
effet promis à Israël, en août 2007, des fournitures d’armes de
l’ordre de trente milliards de dollars sur dix ans, à titre
gracieux, en contrepartie de la vente d’équipements militaires
d’une valeur équivalente à quatre pays arabes représentant une
population de cent millions d’habitants.
Pays frontalier de l’Irak et de l’Afghanistan, les deux plus
importants abcès de fixation de l’armée américaine de l’époque
contemporaine, bordant tout aussi bien le golfe arabo-persique
que l’Océan indien, l’Iran représente la plus forte
concentration industrielle de la zone intermédiaire qui va du
sud de l’Europe aux confins de l’Inde. La réussite de sa
stratégie valoriserait sa politique d’autosuffisance technologie
et militaire, de la même manière qu’un succès politique ou
militaire du Hezbollah chiite libanais ou du Hamas sunnite
palestinien réhabiliterait l’esprit de résistance face à la
finlandisation des esprits en cours dans le monde arabe, à
l’effet de réhabiliterait la guérilla criminalisée sous l’ère
Bush au prétexte de la «guerre contre le terrorisme». Le succès
iranien ferait en outre perdre à Israël son statut de relais
stratégique majeur de l’Occident dans la zone et frapperait de
caducité l’option arabe de vassalisation à l’ordre israélo
américain, déterminant du coup la nouvelle hiérarchie des
puissances dans l’ordre régional. Tel est le véritable enjeu,
sans doute le plus important par sa force d’attraction
symbolique, de la confrontation irano israélienne.
Références
1- «Les scénarios possibles» d’une confrontation entre Israël
et l’Iran, Cf. Le journal Le Monde 20 juillet 2009
Iran, Israël (2/3) - Les
enjeux sous jacents de la confrontation
Iran, Israël (1/3) - Les
enjeux sous jacents de la confrontation
© Toute reproduction intégrale ou
partielle de cette page faite sans le consentement écrit de René
Naba serait illicite (Art L.122-4), et serait sanctionnée par
les articles L.335-2 et suivants du Code.
Publié le 19 septembre 2009 avec l'aimable autorisation de René Naba.
|