Syrie
Assef Chawkat: un
personnage encombrant,
le boulet du
régime alaouite
René
Naba
René Naba
Jeudi 19 juillet
2012
Syrie-Attentat-Portrait Assef
Chawkat
Paris- Un attentat-suicide a visé,
mercredi 18 juillet à Damas le centre du
pouvoir syrien, emportant l’une des
figures le plus emblématiques du clan
Assad, le général Assef Chawkat, le
propre beau-frère de Bachar Al-Assad,
et, ce faisant, pour cruel et indécent
que soit le constat, il débarrasse le
président d’un personnage encombrant,
d’un gros boulet dont les excès ont
constamment desservi le régime.
L’attentat, qui aurait été mené par un
membre de la garde rapprochée d’un des
participants à une réunion du Conseil
national de sécurité, a emporté
plusieurs hauts responsables de
l’appareil militaro sécuritaire syrien,
notamment le ministre de la défense,
Daoud Rajha et le responsable de la
cellule de crise chargée de la
rébellion, le général Hassan Turkmani.
L’attaque, -revendiquée simultanément
par deux formations, l’Armée Syrienne
Libre (ASL) et Liwa’ Al-Islam, un groupe
islamiste dont le nom signifie «La
brigade de l’islam»- est la plus
spectaculaire meurtrière opération
contre le régime depuis le déclenchement
des hostilités.
Survenant deux semaines après la
défection d’un membre du premier cercle
du pouvoir baasiste, le général Manaf
Tlass, officier supérieur de la garde
présidentielle et fils de l’ancien
ministre de la défense, le général
Moustapha Tlass, elle tend à donner une
plus grande visibilité à une opposition
gangrénée par ses divisions et à
galvaniser leurs ardeurs combatives.
Intervenant dans un climat exacerbé par
l’épreuve de force diplomatique à l’ONU
entre l’alliance occidentalo-pétromonarchique
et leurs adversaires russes et chinois,
elle tendrait à accréditer l’idée d’un
régime sur la défensive, en perte de
maitrise de la situation et inciter, du
coup, les Occidentaux à chercher à
vouloir forcer la décision finale en
Syrie, en vue de couper court à la
contestation qui se fait jour dans la
zone chiite du Royaume Wahhabite,
notamment le secteur d’Al Qatif, où de
violents heurts ont opposé à la
mi-juillet des activistes saoudiens aux
forces de l’ordre dans le mutisme quasi
général de la presse occidentale.
Assef Chawkat
Epoux de Bouchra, l’unique fille de
l’ancien président Hafez al-Assad,
fondateur de cette dynastie
républicaine, Assef Chawkat, est
l’ancien chef des services de sécurité
dont les Occidentaux réclamaient la tête
en compensation de l’assassinat de
l’ancien premier ministre libanais Rafic
Hariri.
Perçu comme une pièce rapportée par le
clan, Chawkat a entretenu des relations
houleuses avec le frère cadet du
président, le colonel Maher, le nouvel
homme fort du régime, au point que le
benjamin de la fratrie a blessé à
l’estomac son beau-frère, d’un coup de
pistolet en 1999, en plein palais
présidentiel.
Réputée autoritaire, Bouchra passe pour
nourrir une forte intimité à l’égard de
l’épouse de Bachar et, prétention
abusive, se rêvait en Première dame de
Syrie en substitution d’Asma, fille d’un
médecin de la grande bourgeoisie
syrienne, ancienne spécialiste des
transactions boursières dans un
établissement londonien, à la forte
présence médiatique, infiniment plus
populaire et pertinente. Le clan
alaouite au pouvoir en Syrie est
articulé autour de l’alliance scellée
entre deux familles Al-Assad et Makhlouf,
concrétisé par le mariage de Hafez Al-Assad
et Anissa Makhlouf.
Rami Makhlouf
Cousin du président Bachar, est le fils
du général Mohamad Makhlouf, pro consul
de la région nord de Syrie du temps de
la mandature de Hafez al Assad, qui
choisit de soutenir le président, lors
de la guerre fratricide qui opposa Hafez
à son frère cadet Rifa’at, à l’époque
chef des troupes spéciales «Saraya ad
dif’a» responsable à ce titre de la
répression du soulèvement de Hama, en
1982, qui fit plusieurs milliers de
morts.
Dénommé «Roi de Syrie» Rami Makhlouf est
un richissime homme d’affaires. Il
incarne, à ce titre, la corruption et le
népotisme du régime. Depuis mle début de
la contestation populaire anti assad, il
a déclaré renoncé aux affaires mpour se
consacrer aux œuvres caritatives.
Quant aux autres membres de la fratrie,
L’ainé Bassel, destiné au départ à
succéder à son père, a trouvé la mort
dans un accident de voiture.
Le frère cadet du fondateur de la
dynastie, Rifa’at Al Assad, ancien
vice-président de la république, est
entré en dissidence fin 1983. Il vit en
exil en Espagne. Ses deux fils, Sumar et
Ribal, organisent depuis Londres la
campagne médiatique contre le régime via
la chaine de télévision ANN TV, (Arab
Network News). Deux autres cousins
Mounzer et Fawwaz Al-Assad, fils de
Jamil Al Assad, cousins germains du
président, se comportent en chefs de
milices dans les montagnes alaouites,
berceau de la famille, à l’ouest du
pays.
Ses deux fils, Sumar et Ribal,
organisent depuis Londres la campagne
médiatique contre le régime via la
chaine de télévision ANN TV, (Arab
Network News). Selon les révélations
Wikileaks, cette chaîne aurait obtenu
des subventions de l’administration
américaine pour une campagne de
désinformation contre le régimle
baasiste. Deux autres cousins Mounzer et
Fawwaz Al-Assad, fils de Jamil Al Assad,
cousins germains du président, se
comportent en chefs de milices dans les
montagnes alaouites, berceau de la
famille, à l’ouest du pays.
Manaf Tlass et la diplomatie
saoudienne du «carnet de chèques»
Dans le même ordre d’idées, Manaf Tlass
constitue à ce jour la plus grosse
défection médiatique du régime baasiste
en dix-huit mois de déstabilisation anti
syrienne.
La désaffection entre le play boy et son
compagnon de jeunesse Bachar s’est
progressivement installée au fur et à
mesure que la solution sécuritaire
prenait le pas sur le règlement
politique. Manaf s’était mis à l’écart
depuis près d’un an à la suite de l’exil
à Doubaï de son frère aîné Firas,
fournisseur en équipement de l’armée
syrienne. Farouk Al Chareh, le
vice-président de la République syrienne
en titre, programmé en sa qualité de
sunnite pour piloter dans le schéma
occidental la période transitoire post-Assad,
aurait adopté la même attitude.
La «diplomatie du carnet de chèques» a
été, de tous temps, maniée par les
Saoudiens, pour restaurer le pouvoir
sunnite tant à Beyrouth qu’à Damas.
Au-delà du cas de l’ancien premier
ministre Rafic Hariri, artisan de la
délocalisation de l’intégrisme wahhabite
dans une société pluraliste, les deux
cautions sunnites inamovibles du pouvoir
alaouite, pendant quarante ans, le
général Moustapha Tlass, ministre de la
Défense, et Abdel Halim Khaddam,
Vice-président de la république et
ministre des Affaires étrangères, deux
personnalités de premier plan présumées
socialistes du régime baasiste, ont cédé
aux sirènes des pétrodollars saoudiens,
avant de se désintégrer.
Le militaire laissera convoler sa fille
Nahed, une belle tige de la société
syrienne, vers le septuagénaire marchand
d’armes saoudien Akram Ojjeh, avant de
sombrer dans le comique d’un
problématique doctorat universitaire
parisien.
Son héritier Manaf Tlass, général au
sein de la garde républicaine syrienne,
scellera sinon la rupture du moins le
désaveu de la famille Tlass avec le clan
Assad, avec l’annonce de sa défection à
Paris, fin juin 2012, à l’occasion de la
«Conférence des amis de la Syrie»
chapeautée par la France.
Mais en choisissant comme lieu d’exil,
Paris, la capitale occidentale la plus
active dans le combat anti Assad, Manaf
a franchi un point de non-retour,
mettant un terme à près d’un demi-siècle
ans de prédation conjointe de l’économie
syrienne, témoignant de son vif dépit de
son absence de promotion au grade de
général de division lors de la promotion
annuelle de juillet. Manaf est en 9e
position à l’échelle des responsabilités
du Quartier général du Mont Qassiyoune
qui commande la défense de Damas.
Exfiltré via Beyrouth, selon toute
vraisemblance sous la supervision des
services de Daniel Pitton, ancien
ambassadeur de France au Liban et
directeur de cabinet de Laurent Fabius,
ministre socialiste des Affaires
étrangères, maître d’œuvre de
précédentes exfiltrations de servants
français de la bataille de Bab Amro
(Homs), en février 2012, Manaf Tlass
paraît destiné, dans le schéma
occidental, en cas de réussite de la
déstabilisation de la Syrie, au rôle de
futur chef fédérateur de la Syrie post
baasiste, un vœu secret de l’Arabie
saoudite, avec pour mission de coopérer
avec le bloc atlantiste dans la lutte
contre la dissémination des armes
toxiques, y compris à l’égard du
Hezbollah Libanais. Cet ancien membre du
premier cercle du pouvoir baasiste
paraît proche des thèses de l‘opposition
interne représentée par l’activiste
Michel Kilo. A tout prendre, son
engagement dans l’arène diplomatique en
faveur d’une transition politique du
pouvoir, sans intervention extérieure,
donnerait du relief à une coalition
oppositionnelle apparue jusqu’à présent,
au vu de ses prestations, comme une
conjuration de cloportes de supplétifs
de l’équipée atlantiste. Il reléguerait
à l’arrière-plan la cohorte des
théoriciens de pacotille des opposants
de la dernière heure.
Quant à l’autre transfuge célèbre,
également sunnite, le bien nommé Abdel
Halim Khaddam, dont le patronyme en
arabe signifie littéralement «le
serviteur», il reniera singulièrement
son militantisme après avoir abusivement
ponctionné le Liban, opérant par
cupidité la plus retentissante
reconversion de l’histoire politique
récente, finissant sa vie en factotum de
son coreligionnaire sunnite libanais
Rafic Hariri.
Vice-président de la République sous
Hafez Al-Assad, il sera l’un des plus
fermes opposants à la politique
d’ouverture prônée par Bachar à la
succession de son père, dont il
redoutait les conséquences comparables à
la perestroïka soviétique. A Paris, il
fera alliance avec les Frères Musulmans
syriens, la bête noire du régime, et se
targue de mener, depuis Paris, un combat
pour la restauration de la démocratie en
Syrie, après avoir abusivement
ponctionné l’économie libanaise, en
partenariat avec Rafic Hariri, l’ancien
premier ministre libanais assassiné.
Fondateur en 2006 du Front de Salut
national (FSN), il est condamné par
contumace en 2008 par un tribunal
militaire syrien pour avoir notamment
«organisé un complot en vue de renverser
le pouvoir politique.
M. Khaddam a été amplement gratifié de
sa forfaiture d’un somptueux cadeau, -la
résidence du nabab pétrolier grec,
Aristote Onassis, sur la plus célèbre
artère de la capitale française,
l’Avenue Foch-, alors que le compère
français de Hariri, l’ancien président
Jacques Chirac avait droit à un
appartement avec vue sur Seine, Quai
Voltaire à Paris, pensionnaire posthume
de son ami, dont l’assassinat résulte
vraisemblablement du grand basculement
opéré par le président français dans la
foulée de l’invasion américaine de
l’Irak.
Curieux destin que celui des sunnites
syriens, les familles Khaddam et Tlass,
qui auront activement participé à la
prédation de l’économie syrienne et qui
pourraient se voir propulser au rôle de
sauveur de la Syrie, du fait de leur
appartenance sunnite, exonérés de leurs
turpitudes antérieures de leur seul fait
sunnite, exclusivement du fait de cette
appartenance sunnite et de leurs
connexions saoudiennes, en dépit des
nombreux griefs qui pèsent sur eux. Une
communautarisation instrumentalisée par
la France au Liban, reprise par les
occidentaux sur l‘ensemble arabe en vue
d’entraver l’avènement d’une société
démocratique et laïque.
Cauda
La polémologie du Moyen orient recense
de nombreux attentats infiniment plus
spectaculaires et meurtriers que
l’attentat de Damas du 18 juillet 2012,
dont voici les plus importants 1986-
Attentat d’Aden ourdi par le propre
premier ministre Ali Nasser Mohamad
contre ses rivaux entrainant la
décapitation de toute la hiérarchie
marxiste du Yémen sud, provoquant par
ricochet une guerre civile et la fuite
de M. Ali Nasser vers damas. 1981-
attentat des Moujahiddine Khalq contre
le centre du pouvoir à Téhéran,
entraînant l’élimination des certains
des principaux dirigeants la hiérarchie
politico religieuse de la République
islamique iranienne. 1982 – Double
attentat de Beyrouth contre le Quartier
général des forces américaines et le
Drakkar, le PC français, provoquant une
hécatombe, fauchant près de quatre cents
soldats et civils. 1983 – Attentat de
Beyrouth contre l’ambassade américaine
provoquant la décapitation de
l’Etat-major de la CIA au Moyen orient.
1984- Attentat contre le QG israélien à
Tyr, faisant deux vingt victimes, dont
le commandant des forces israéliennes au
Sud Liban.
© René Naba
Reçu de René Naba pour publication
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