Opinion
Chine-Afrique 3/4:
Le jeu de la France:
Défense du pré-carré en tandem avec
Israël ?
René Naba
Vendredi 19 avril 2013
Paris- L’intervention de la France au
Mali, en janvier 2013, relève d’une
stratégie de défense du pré carré
africain, face à la politique de
grignotage menée tant par la Chine que
par le wahhabisme via les finances
islamiques (Qatar et Arabie Saoudite).
Première opération
militaire en solitaire sur un théâtre
extérieur depuis la fin de la Guerre
d’Algérie, en 1962, la France, via
Serval, y joue son rang de puissance.
Une cible idéale en
ce que Le Mali constitue le plus grand
pays musulman d’Afrique occidentale, où
la finance islamique y prospère, alors
que les Maliens depuis une décennie se
détournaient progressivement de la
France vers les pétromonarchies et que
la Chine jouit d’un prestige certain du
fait de sa restauration du centre de
documentation islamique de Tombouctou.
Il en avait été de
même avec la mise en place de l’Eufor
(1), le corps expéditionnaire européen
chargé de s’interposer entre les
belligérants aux confins
soudano-tchadiens qui répondait autant à
des considérations humanitaires qu’au
souci des Occidentaux de créer un glacis
stratégique au centre de l’Afrique, à
proximité de la plateforme
opérationnelle de la Chine dans la zone.
Un cordon sanitaire identique à celui
que les pays occidentaux veulent établir
autour de l’Iran, l’autre grand
fournisseur d’énergie de la Chine.
Dans ce contexte,
le redéploiement militaire français en
Afrique a constitué une opération à
double détente visant à associer des
pays tiers (Afrique, Europe, ONU) aux
opérations militaires françaises en
Afrique dans le but de partager les
coûts et de diluer les responsabilités,
tout en conservant la maîtrise des
opérations.
Un chef d’œuvre de
ravalement cosmétique d’un
repositionnement militaire identique au
dispositif américain dans le Golfe
(Arabie saoudite, Bahreïn, Qatar, Koweït
et Irak), face à l’Iran.
Lointaines
réminiscences de ses déboires coloniaux,
l’activisme de la France au Soudan, puis
en Libye, en Syrie et au Mali, vise à
sécuriser son ravitaillement
énergétique, ses exportations militaires
et ses centrales nucléaires. D’une
manière sous-jacente, répondre à son
souci de purger son «complexe de
Fachoda» (2), le désastre militaire et
diplomatique français subi dans ce pays
contre les Anglais au XIX me siècle
durant la phase de conquête coloniale
écartant durablement la France des eaux
du Nil.
Le Mali, la porte
d’entrée d’Israël en Afrique, via la
France?
Dans un mouvement
de fuite en avant destiné à occulter les
responsabilités de la classe
politico-militaire malienne dans le
désastre national qui frappe le Mali
depuis un an, l’intention est prêtée à
l’équipe dirigeante transitoire du Mali
de mettre à profit l’expédition
militaire française pour faire du Mali,
la porte d’entrée d’Israël en Afrique.
Un coup de bluff?
Un chantage? Une volonté réelle
d’amorcer une nouvelle politique en
contradiction avec la ligne
traditionnelle du Mali, premier pays
africain à avoir dépêché dès son
indépendance, en 1960, un contingent en
Algérie pour sceller dans l’ordre
symbolique la fraternité d’armes des
peuples opprimés?
Sur les conseils de
la France, qui s’est méthodiquement
appliquée à travers ses porte-voix
médiatiques, Bernard Kouchner et Bernard
Henri Lévy, à favoriser la sécession du
Sud Soudan, pour en faire une plateforme
opérationnelle d’Israël sur le cours du
Nil?
Pour rééditer
l’ancien scenario français de relier les
deux anciens Soudan de l’époque
coloniale, le Soudan français et le
Soudan anglais, via le sud Soudan
précisément et qui valut à la France
l’une de ses plus cuisantes défaites
militaires à Fachoda (1898)?
L’instrumentalisation de la justice
internationale à des fins politiques
plaiderait en ce sens. CF. à ce propos
le cas du général Omar al Bachir.
http://www.renenaba.com/justice-penale-internationale-posture-ou-imposture/
Une alliance avec
Israël? L’allié indéfectible du régime
d’Apartheid d’Afrique du sud? La garde
prétorienne de tous les dictateurs
francophones qui ont pillé l’Afrique. De
Joseph Désiré Mobutu (Zaïre-RDC), à Omar
Bongo (Gabon), à Gnassingbé Eyadema
(Togo), à Paul Biya, le président
off-shore du Cameroun), le vacancier
privilégie des pâturages suisse, et,
même Félix Houphouët-Boigny (Côte
d’Ivoire), le prétendu sage de l’Afrique
qui n’était sage que par ce qu’il était
le meilleur serviteur de ses anciens
colonisateurs et de ses alliés
israéliens.
Israël dont
l’expérience de la colonisation de la
Palestine l’a conduite à coloniser des
terres à travers le Monde représentant
vingt fois sa superficie au détriment
des populations et de l’environnement
des pays pauvres. En République
Démocratique du Congo pour la culture de
la canne à sucre; au Gabon pour la
culture du Jatropha, nécessaire à la
production de biocarburants; en Sierra
Leone où la colonisation israélienne
représente 6,9 pour cent du territoire
de ce pays de l’Afrique de l’Ouest (3).
La bataille des eaux
du Nil et Le Canal Ben Gourion (4).
La nomination à
la tête de l’Agence française pour
le développement de M. Dov Zerah,
pourrait donner un début de crédit à
cette hypothèse en ce que la propulsion
du président du consistoire israélite de
Paris et secrétaire général de la
Fondation France Israël au poste
stratégique de dispensateur de l’aide
financière française à l’Afrique est
intervenue, le 2 Juin 2010, six mois
avant l’indépendance du sud Soudan,
alors que «la bataille du Nil» sur la
répartition des quotas des eaux de ce
fleuve africain battait son plein entre
l’Egypte et les alliés africains
d’Israël: l’Ethiopie et le Kenya
notamment. Il pose en filigrane la
question de savoir si le verrouillage du
pré-carré se fera en tandem avec Israël,
face à «l’expansionnisme wahhabite»,
selon la formule consacrée en usage dans
les cercles dirigeants.
L’épisode de la
répartition des eaux du Nil et de la
sécession du Sud Soudan auront constitué
la plus grosse pantalonnade de
l’histoire égyptienne contemporaine.
Pour atteindre cet objectif, Israël
avait mené une stratégie à double
détente qui révélera la cupidité des
investisseurs égyptiens et coutera le
pouvoir à Moubarak et sa place dans
l’histoire.
Israël avait
négocié avec l’Egypte, tout en faisant
des pressions indirectes sur lui,
incitant les états africains à réclamer
une majoration de leur quote-part dans
la répartition hydraulique du cours
d’eau, alléchant les Africains par des
projets économiques et les investisseurs
égyptiens par des promesses
d’intéressement aux projets israéliens.
En Ethiopie, Israël a financé la
construction de dizaines de projets pour
l’exploitation des eaux du Nil Bleu. Le
Mali avant son indépendance, en 1962,
portait le nom de Soudan français, par
opposition au Soudan anglais, le Soudan
actuel.
La revendication
par la secte dissidente nigériane BOKO
HARAM de l’enlèvement de sept français
au Cameroun, le 18 février 2013, un mois
après le début de l’opération Serval
plaide aussi en faveur de cette
hypothèse en ce que le mouvement a voulu
adresser un message subliminal aux
Français en assumant son action au nom
de «Jama’atu Ansarul Musilimina fi
Biladi Al Soudan», littéralement le
Groupement des partisans de l’Islam au
Soudan (au-delà en Afrique noire)».
Pour en savoir plus
sur ce sujet :
http://www.renenaba.com/le-quadrillage-en-douceur-de-l’afrique/
A l’intention des
lecteurs arabophones, ce lien du journal
transarabe de Londres «Al Qods Al-Arabi»:Le
Mali porte d’entrée d’Israël?
http://www.alquds.co.uk/index.asp?fname=data\2013\02\02-14\14qpt999.htm&arc=data\2013\02\02-14\14qpt999.htm
Le Canal Ben Gourion.
L’accès d’Israël au
périmètre du bassin du Nil, via le sud
Soudan avec le concours français et
américain, s’est doublé de la mise en
route de la construction d’un Canal
reliant la Mer Rouge à la Mer
Méditerranée, depuis Eilat. Disposant de
deux voies de navigation, l’un pour
l’aller, l’autre pour le retour, le
canal israélien, contrairement à
l’Egyptien concurrencera fortement le
Canal de Suez et entrainera une perte de
50 pour cent des recettes égyptiennes de
8 milliards de dollars par an à 4
milliards.
D’un cout de 14
milliards de dollars, il sera financé
par un prêt de trois banques
américaines, à faible taux d’intérêt
(1%) sur trente ans. 150.000 ouvriers
majoritairement d’Asie, principalement
de Corée du Sud, participeront aux
travaux de construction qui dureront
trois ans. Plus long de 50 mètres que
son rival égyptien, le canal israélien
pourra absorber les plus grands bateaux
du monde (longueur 300 mètres, largeur
110 mètres).
Sur fond de guerre
de religion de l’Islam wahhabite contre
la dissidence musulmane, sous couvert de
«Printemps arabe», (Syrie, Mord Mali),
un tel projet pourrait constituer, à
n’en pas douter, un casus belli pour
l’Egypte et entrainer sinon une rupture
des relations diplomatiques, à tout le
moins une glaciation durable des
rapports entre les deux pays.
L’enjeu essentiel
de la question saharo-sahélienne ne se
joue pas à l’échelle locale. Il concerne
l’économie mondiale et le redécoupage
des zones d’influence entre les
puissances internationales avec l’entrée
en scène de nouveaux acteurs
(américains, chinois, indiens) qui
bousculent l’ancien paysage colonial.
L’accès convoité
aux richesses minières (pétrole, gaz,
uranium, or, phosphates) dont regorgent
le Niger, la Libye, l’Algérie, et le
Mali d’après des prospections plus
récentes, est au centre de la bataille
invisible qui se déroule dans le désert.
Exclue du Traité de
Partenariat transpacifique en voie de
constitution sous l’égide des
Etats-Unis, la Chine est en outre en
butte à une offensive visant à
contrecarrer son expansion, dont le
signe le plus manifeste aura été le gel
du financement des importants projets
miniers chinois par la Banque Mondiale,
doublé d’une manœuvre de contournement
visant à accentuer la présence des
firmes américaines en République
Démocratique du Congo, considéré comme
le plus riche en matières premières
stratégiques du continent africain.
Dans un livre blanc
de 2010, «Stratégie pour les minéraux
indispensables aux Etats-Unis»,
Washington plaidait, conjointement avec
l’Union européenne, pour l’urgente
nécessité de constituer des réserves de
cobalt, du niobium, du tungstène et
naturellement le Coltàn, indispensables
pour la composition de matières de haute
technologie.
Quatre-vingt pour
cent (80%) des réserves mondiales du
Coltàn se trouvent en République
Démocratique du Congo (RDC-Kinshasa).
Ressource stratégique essentielle au
développement des nouvelles
technologies, le Coltàn (par fusion des
termes Columbio et Tantalio) entre dans
la production des écrans plasma, des
téléphones portables, des GPS, des
missiles, des fusées spéciales, des
appareils photos et des jeux Nintendo),
dont les principaux bénéficiaires sont
les grandes firmes électroniques et
informatiques (Appel, Nokia, Siemens,
Samsung).
Dans ce grand jeu
des puissances, l’Afrique émerge comme
champ de bataille stratégique, dont la
Chine en a fait sa ligne de front dans
sa recherche d’une plus grande influence
mondiale, triplant son commerce avec le
continent, verrouillant ses ressources
énergétiques, et, fait plus grave pour
l’avenir des Occidentaux, assurant
l’éducation des futures élites
africaines dans les universités
chinoises.
Le nouvel
humanitarisme sélectif des anciennes
puissances coloniales, qui fustigent le
Soudan mais couvrent de mansuétude
d’aussi redoutables autocrates que le
tchadien Idriss Deby, de même que son
prédécesseur Hissène Habré, parait sans
consistance face au poids d’une Chine,
sans passif colonial avec l’Afrique,
dispensant de surcroît un important flot
de liquidités, sans contrepartie
politique.
Objectif
sous-jacent, Serval vise à préserver
l’espace francophone, dernier réduit de
la puissance française, de tout nouveau
grignotage arabophone ou sinophone,
alors que la Francophonie est désormais
reléguée au 12 rang mondial par le
nombre de ses locuteurs (120 millions de
locuteurs), que le chinois occupe le
premier rang avec près d’un milliard de
locuteurs, et l’arabe, le 6me rang
mondial avec 400 millions de locuteurs.
En blanchissant la
France de ses turpitudes coloniales,
Serval au Mali apparaît
rétrospectivement comme une opération de
verrouillage de la porte arrière du
Maghreb, l’ultime digue francophone
avant le débordement chinois vers
l’Europe.
Référence
1-A propos des
enjeux sous-jacents de l’opération
Serval. CF. Au Mali, La France joue son
rang de puissance
http://www.renenaba.com/interview-rene-naba-a-la-nouvelle-republique/
Et pour EUFO Cf.
«Le quadrillage en douceur de l’Afrique»
http://www.renenaba.com/le-quadrillage-en-douceur-de-l%E2%80%99afrique/
Eu for-Tchad/RCA est une opération
militaire de transition chargée
notamment de la protection de la
population en proie à la guerre civile
dans l’Est du Tchad et dans le Nord-Est
de la République centrafricaine. Sa mise
en place a été décidée par l’Union
Européenne le 28 janvier 2008, dans le
cadre de la politique européenne de
sécurité et de défense (PESD), en vue de
faire face à la crise du Darfour dans la
zone frontalière soudano-tchadienne.
Forte de trois membres, le contingent
français en constituait l’ossature
(1.700 membres).
2-La crise de
Fachoda: Dans l’imaginaire collectif
français, l’épreuve de force qui opposa
Paris et Londres, en 1898, demeure comme
le plus important revers militaire et
diplomatique, une profonde humiliation
infligée par le Royaume uni à la France
sur le continent africain. Ce sérieux
incident diplomatique au retentissement
considérable en pleine phase d’expansion
coloniale entraîna la fin des ambitions
françaises sur l’Egypte et la zone
nilotique (Egypte, Soudan, Ouganda),
alors qu’elle avait été le maître
d’œuvre du percement du Canal de Suez.
Le site de Fachoda (ou Kodok) est situé
à 650 km au sud de la capitale
soudanaise.
3-«Israel et le
contrôle des terres dans le Monde» Cf.
Golias Hebdo N° 275- semaine du 14 au 20
Février 2013, se référant à une étude de
The Journal of the National Academy of
Sciences of the United States, étude
intitulée «Global Land and Water
Grabbing (accaparement mondial de la
terre et des eaux). Israël est à la tête
des pays qui contrôlent les terrer dans
les pays pauvres, avec les Etats Unis,
la Grande Bretagne et la Chine. Selon
l’étude 90 pour cent de ces terres se
trouvent dans 24 pays situées pour la
plupart en Afrique, en Asie et en
Amérique latine. En Colombie, Israël a
pris le contrôle d’immense superficie
pour cultiver la canne à sucre. Aux
Philippines, la proportion des terres
confisquées atteint 17,2 pour cent de la
surface des terres agricoles. Depuis la
crise alimentaire de 2007-2008, les
sociétés étrangères s’emparent de dix
millions d’hectares annuellement de
terres arables. Les nouvelles cultures
se font souvent au détriment des jungles
et des zones d’importance
environnementales, menacées ans leur
biodiversité. Elles utilisent engrais et
pesticides et libèrent d’importantes
quantités de gaz à effet de serre. Au
final, le phénomène sape les bases de la
souveraineté alimentaire et détourne en
particulier les ressources en eau.
4- Canal Ben
Gourion: Cf. Le journal transarabe de
Londres « Al Qods Al Arabi», 19 Mars
2013. Israël proposerait à la Jordanie
d’aménager des sites touristiques sur la
voie d’eau afin de neutraliser une
éventuelle réaction de la part du
deuxième pays arabe signataire d’un
traité de paix avec Israël. Sur les
berges du canal israélien seront
aménagées des sites touristiques avec
hôtels de luxe, lieux de distraction en
vue d’en faire un gigantesque complexe
touristique dont le périmètre sera placé
sous haute surveillance électronique
avec détection Laser.
Le Qatar avait
auparavant proposé à l’Egypte de lui
louer le Canal de Suez pour cinquante
ans pour la somme de cinquante milliards
de dollars afin de renflouer l’économie
égyptienne, à charge pour le Qatar
d’assurer la sécurité de la navigation,
notamment la péninsule de Sinaï des
attaques terroristes et de rassurer
ainsi les israéliens.
La protection du
Canal et de la Péninsule du Sinaï devait
être assurée par des compagnies
militaires privées. Le Qatar se
proposait de déployer Black Water, les
mercenaires américains qui se sont
illustrés en Irak, pour cette tâche. En
fait l’Egypte perdrait sa souveraineté.
L’idée en a été soufflée par les israélo
américains et viserait à empêcher
l’Egypte de déployer des troupes
supplémentaires, notamment une aviation
dans le Sinaï.
Mais le projet
battait de l’aile car depuis la 2 me
attaque israélienne contre Gaza
(Novembre 2012) et le rôle joué par
l’Egypte, les Américains étaient
satisfaits du rôle de prestataire de
service du président égyptien Mohamad
Morsi. Youssef Al-Qaradawi, le
prédicateur médiatique, avait d’ailleurs
menacé l’Egypte de lui couper une aide
de 20 milliards de dollars promise en
cas de mise en échec de Morsi par le
protestataire anti constitution.
Sur le plan du camp
palestinien de Yarmouk, dans la banlieue
de Damas: Le Hamas qui avait bénéficié
de l’hospitalité active de Hafez et de
Bachar pendant seize ans, s’est allié
avec Al Qaida (alliance sunnite) pour
s’emparer du contrôle de camp et en
faire un sanctuaire de l’opposition et
un vivier de combattants anti-régime. Le
Hamas a ainsi troqué une alliance
stratégique pour une nouvelle alliance
sur une base sectaire, le sunnisme, le
seul point commun aux deux
organisations, qui n’ont pas d’autres
points communs. Le saoudien
transnational ‘un est purement
terroriste, c’est à dire pratiquant une
politique de nuisance par la terreur,
alors que le palestinien se veut un
mouvement de libération nationale.
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