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Opinion
Hommage à Edmond
Amran El Maleh, et Abraham Sarfati,
l'honneur du judaïsme marocain
René Naba
Jeudi 18 novembre
2010
Deux personnalités éminentes du combat pro palestinien, qui
représentaient l’honneur du judaïsme marocain, l’écrivain Edmond
Amran El Maleh, et l’ingénieur Abraham Sarfati viennent de
décéder en mois d’une semaine, à trois jours d’intervalle,
endeuillant le Maroc, le judaïsme marocain et le combat
palestinien.
Edmond Amran El Maleh, militant de la première heure
de la cause de l’Indépendance du Maroc, est décédé lundi 15
novembre à l’hôpital militaire Mohammed V de Rabat à l’âge de 93
ans. Né en 1917 à Safi (Maroc), au sein d’une famille
juive originaire d’Essaouira, Edmond Amran El Maleh a longtemps
été le responsable du Parti Communiste Marocain, du temps de la
clandestinité, à l’époque du combat pour l’indépendance du
Royaume du protectorat français.
A l’indépendance du Maroc, il cessera toute activité politique,
quittant le Maroc en 1965 pour s’exiler, volontairement, en
France, l’année où s’impose la dictature d’ Hassan II. A Paris
où il demeurera pendant près de trente ans, Edmond Amran El
Maleh, enseignera la philosophie, parallèlement à des activités
journalistiques
À partir de 1980, à 63 ans, il se met à écrire une série de
romans et un recueil de nouvelles. Ses écrits sont tous
imprégnés d’une mémoire juive et arabe qui célèbre la symbiose
culturelle d’un Maroc arabe, berbère et juif.
Il a reçu, en 1996, le Grand Prix du Maroc pour l’ensemble de
son œuvre. «Écrivant en français, je savais que je n’écrivais
pas en français. Il y avait cette singulière greffe d’une langue
sur l’autre, ma langue maternelle l’arabe, ce feu intérieur»,
soutiendra Edmond Amran El Maleh dans la revue « Le Magazine
littéraire » en mars 1999.
Juif marocain, défenseur résolu de la cause palestinienne, à
l’instar du mathématicien Sion Assidon et de l’ingénieur Abraham
Sarfati, qui connaîtront la prison, Edmond Amran El Maleh
appartient à cette catégorie de personnes qui font honneur au
judaïsme marocain en ce qu’ils n’ont jamais renié leurs
convictions, en dépit des contraintes et des tentatives de
séduction.
Sa notoriété intellectuelle, grande, ne lui vaudra toutefois pas
les feux de la rampe, en raison précisément de ses positions pro
palestiniennes. Un hommage sera rendu mardi à ce grand
intellectuel et homme de gauche au cimetière juif de Rabat,
avant d’être inhumé le même jour, selon ses voeux, à Essaouira
(sud-ouest).
Abraham Sarfati,
Le plus célèbre des opposants marocains au régime du roi Hassan
II, est décédé, lui, le 18 novembre 2010, dans une clinique de
Marrakech.
Né à Casablanca, au Maroc, en 1926, dans une famille juive de la
petite bourgeoisie de Tanger, il sort diplômé de l’École
Nationale Supérieure des Mines de Paris, en 1949.
Son parcours militant commence très tôt. Il adhère en février
1944 aux Jeunesses communistes marocaines, puis rejoint à son
arrivée en France en 1945 le Parti communiste français. À son
retour au Maroc en 1949, il adhère au Parti communiste marocain.
Son combat anticolonialiste lui vaut d’être arrêté et emprisonné
par les autorités françaises en 1950, puis assigné à résidence
en France jusqu’en 1956.
Il exerce des responsabilités importantes au lendemain de
l’indépendance du Maroc. En tant que chargé de mission auprès du
ministre de l’Économie (1957-1960), il est l’un des promoteurs
de la nouvelle politique minière de Maroc indépendant. De 1960 à
1968, il est directeur de la Recherche-développement à l’Office
chérifien des phosphates. Abraham Sarfaty est révoqué de son
poste pour s’être montré solidaire d’une grève de mineurs. De
1968 à 1972, il enseigne à l’École d’ingénieurs de Mohammedia.
Parallèlement, il anime la revue Souffles dirigée par Abdelatif
Laâbi.
Il payera un lourd tribu à son combat pour la démocratie au
Maroc: 15 mois de clandestinité, 17 ans de prison et 8 ans de
bannissement.
Juif anti-sioniste, Abraham Sarfati reconnaît l’État
d’Israël, mais exige l’abolition de la loi dite «du retour» et
milite pour la création d’un État palestinien. En 1967, il ne se
reconnaît plus dans le nationalisme israélien et s’indigne du
sort fait aux Palestiniens.
En 1970, il rompt avec un Parti communiste trop doctrinaire à
ses yeux et s’engage plus à gauche en participant à la fondation
de l’organisation d’extrême gauche Ila Al Amam (En avant), en
1970. En janvier 1972, il est arrêté une première fois et
sauvagement torturé. Des manifestations étudiantes en sa faveur
pousse les autorités à le relâcher. À nouveau menacé, il entre
en clandestinité en mars 1972. Une enseignante française,
Christine Daure, l’aide à se cacher.
En 1974, il est arrêté après plusieurs mois de clandestinité. En
octobre 1977, lors du grand procès de Casablanca, il est l’un
des cinq condamnés à perpétuité. Il est accusé officiellement de
« complot contre la sûreté de l’État », mais la lourdeur de la
peine provient de son parti pris contre l’annexion du Sahara
occidental, même si ce reproche ne figure pas dans l’acte
d’accusation. Il passe 17 ans à la prison de Kenitra où il
obtient, grâce à l’intervention de Danièle Mitterrand, d’épouser
Christine Daure qui l’a toujours soutenu.
La pression internationale est telle, en sa faveur, qu’il est
libéré en septembre 1991, mais aussitôt banni du Maroc. Il
trouvera refuge en France avec son épouse, Christine Daure-Serfaty.
De 1992 à 1995, il enseigne à l’Université de Paris-VIII
(département de Sciences Politiques) sur le thème «Identités et
démocratie dans le monde arabe».
Il est autorisé à renter au Maroc, en septembre 2000, et son
passeport marocain lui est restitué. Il s’installe à Mohammedia
avec son épouse, dans une villa mise à sa disposition et perçoit
une retraite. En septembre 2000, il est nommé conseiller auprès
de l’Office national marocain de recherche et d’exploitation
pétrolière (Onarep). Abraham Sarfaty n’en transige pas moins sur
les principes, face aux atteintes à la liberté de la presse, il
demande en décembre 2000, la démission du Premier ministre
Abderrahmane Youssouffi.
Parmi les œuvres de Edmond Amran El Maleh, citons:
Le Parcours immobile (Maspero, 1980 puis réédité par André
Dimanche, 2001) : Roman
Le café bleu. Zrirek (La pensée sauvage, 1999)
Mille ans, un jour (Le Fennec, 1990 – André Dimanche, 2002)
Le Retour d’Abou El Haki (La Pensée sauvage, 1990).
Jean Genet, Le Captif amoureux et autres essais (La Pensée
sauvage/Toubkal, 1988)
Aïlen ou la nuit du récit (La Découverte, 1983, réédité par
André Dimanche, 2000)
Des livres sur l’auteur
Edmond Amran El Maleh : cheminements d’une écriture
Edmond Amran El Maleh (André Dimanche éditeur, Marseille, 2000)
Bibliographie d’Abraham Sarfati
(Avec
Mikhaël Elbaz) L’Insoumis, Juifs, marocains et rebelles, Desclée
de Brouwer, 2001, ISBN 2220047245
• Le Maroc du noir au gris, Syllepse, 1998, ISBN 2907993895
• La mémoire de l’autre, Stock, 1993, ISBN 9954419004
• Dans les Prisons du Roi – Écrits de Kenitra sur le Maroc,
Éditions Messidor, Paris, 1992, ISBN 2209066409
• Écrits de prison sur la Palestine, Éditions Arcantère, 1992,
ISBN 2868290590. Éditions Rahma, Alger, 1992.
• Lutte anti-sioniste et Révolution Arabe (Essai sur le judaïsme
marocain et le sionisme), Éditions Quatre Vents, 1977, ISBN
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Publié le 19 novembre 2010 avec l'aimable autorisation de René Naba.
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