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Actualité
L'Egypte ou la pyramide renversée
René Naba
Paris, le 14 juillet 2010
L’Egypte célèbre, le 23 juillet 2010, le 58 eme anniversaire
de la chute de la Monarchie sur fond de compétition électorale,
législative et présidentielle, qui pourrait tourner la page de
l’ère Moubarak.
4 eme Président d’Egypte depuis la chute de la monarchie en
1952, Hosni Moubarak est au pouvoir depuis trente ans, un record
de longévité politique en Egypte.
Agé de 82 ans, cet ancien chef de l’aviation, promu vice
Président, a succédé, en 1981, au président Anouar el Sadate,
assassiné. Depuis cette date l’Egypte vit sous l’état d’urgence.
Retour sur le bilan du Président Hosni Moubarak,
lointain successeur de Gama Abdel Nasser, fondateur de l’Egypte
moderne.
ارفع رأسك يا أخي Relève ta tête mon frère
- Gamal Abdel Nasser (15 janvier 1918 à Alexandrie – 28
septembre 1970 au Caire), Tombeur de la monarchie égyptienne à
la tête du groupe des «officiers libres», fondateur de l’Egypte
moderne (1954-1970), chef du combat nationalise arabe, un des
principaux dirigeants politiques arabes de l’histoire moderne.
Ce papier est dédié à la mémoire du Général Abdel
Moneim Riyad, commandant en chef des forces armées
égyptiennes, maître d’œuvre du plan de bataille de la reconquête
du Sinaï, tué par un missile israélien alors qu’il survolait les
lignes égyptiennes sur le front de Suez lors de la guerre
d’usure (1968-1970), et, à son fidèle lieutenant, le Général
Saad Eddine Chazli, chef d’état major égyptien durant la guerre
d’octobre 1973, artisan de la percée du Canal de Suez et de la
destruction de la Ligne Bar Lev, le 6 octobre 1973, lors de la
«Bataille Al Badr», nom de code de l’offensive, par référence à
la conquête arabe.
1 – Sous Moubarak, l’Egypte marche sur la tête
Sous Moubarak,
l’Egypte marche sur sa tête et réfléchit comme un pied, pyramide
renversée de tant de reniements et de renoncements.
Misr Oum ad Dounia, l’Egypte, Mère du Monde, l’Egypte, dont
l’histoire s’est longtemps confondue avec l’épopée, n’est plus
que l’ombre d’elle-même, un pays méconnaissable qui a
intériorisé sa défaite, voué au rôle peu glorieux de sous
traitant de la diplomatie américaine sur le plan régional, de
factotum des impératifs de sécurité d’Israël, le ventre mou du
Monde arabe, son grand corps malade.
Placée au centre géographique du Monde arabe, à
l’articulation de sa rive asiatique et de sa rive africaine,
abritant la plus forte concentration industrielle dans une zone
allant du sud de la Méditerranée aux confins de l’Inde,
contrôlant de surcroît, de manière exclusive, les deux
principaux axes de communication du Monde arabe, le Nil vers le
continent africain, le Canal de Suez vers le Golfe pétrolier,
l’Egypte a longtemps été le fer de lance du combat nationaliste
arabe. Plaque tournante de la diplomatie arabe, elle a assumé
sans relâche le rôle du grand frère protecteur, le régulateur de
ses turbulences, le parrain de ses arrangements, comme ce fut le
cas de l’accord libano palestinien du Caire, le 3 Novembre 1969,
qui mit fin à la première guerre civile libano palestinienne, ou
de l’accord jordano-palestinien, le 27 septembre 1970, dans la
foulée du Septembre Noir jordanien.
Mais le plus grand pays arabe, longtemps cauchemar de
l’Occident, s’est révélé sous Moubarak, un nain diplomatique, le
pantin disloqué de la stratégie israélo américaine, curieuse
mutation de ce pays en un demi siècle, de Nasser à Moubarak,
illustration pathologique des dérives du Monde arabe, de la
confusion mentale de ses dirigeants et de leur servilité à
l’ordre occidental.
Le fer de lance du mouvement national arabe est désormais le
voltigeur de pointe de menées israélo américaines au Moyen
Orient; l’artisan de la première nationalisation victorieuse du
tiers monde, la nationalisation du Canal de Suez (1956), le
principal fournisseur énergétique d’Israël; le destructeur de la
ligne Bar Lev (1973), la ligne de fortification israélienne dans
le Sinaï, l’édificateur du mur d’enfermement des Palestiniens de
Gaza.
Nasser est passé à la postérité pour avoir été l’homme du
haut barrage d’Assouan, qu’il construira avec l’aide soviétique,
bravant les foudres américaines pour nourrir son peuple.
Moubarak sera l’homme du bas barrage, le vil barrage, qu’il
édifiera par anticipation d’une requête israélo américaine
visant à rendre hermétique le blocus de Gaza, détruite et
affamée par les Israéliens.
Nasser, l’homme de la fermeture du Canal de Suez, en 1956,
défiera le droit maritime international pour couper le
ravitaillement énergétique de l’Occident coupable d’alignement
pro israélien, Moubarak sera le ravitailleur énergétique
d’Israël à des prix avantageux, dans une transaction apparue par
sa coïncidence comme une prime à la destruction de l’enclave
palestinienne de Gaza.
Nasser, le partenaire de la guerre d’indépendance de
l’Algérie, assumera sans broncher les conséquences de son
soutien à la révolution algérienne, une agression tripartite des
puissances coloniales de l’époque (France, Grande Bretagne) et
de leur poulain Israël, l’expédition punitive de Suez en
novembre 1956. Moubarak revendiquera comme unique titre de
gloire de son long règne, une piètre performance chauvine, le
caillassage de footballeurs de l’équipe nationale d’Algérie
(décembre 2009 – janvier 2010), son ancien partenaire du combat
de libération national arabe.
Nasser a scandé le redressement arabe avec son légendaire cri
de ralliement « ارفع رأسك يا أخي» Irfah Ra’sak Ya Akhi- Relève
ta tête mon frère», Moubarak, lugubre, sera l’homme de la
reptilité face aux oukases israéliens et américains. Quand le
charisme de Nasser enflammait les foules de la planète bariolée
au point de faire peser une menace d’implosion du Commonwealth
britannique, dans la foulée de l’expédition de Suez, Moubarak
détourne les foules par son défaitisme et sa vassalité
revendiquée, telle «la vache qui rit», le sobriquet emprunté à
une marque de fromage pour le désigner, qui lui colle à la peau
depuis le début de son règne pour souligner son cynisme
faussement niais.
Nasser, enfin, avait pour interlocuteur des figures de
légende: Chou en lai (Chine), Ho chi Minh (Vietnam), Nehru
(Inde), Tito (Yougoslavie), Soekarno (Indonésie), De Gaulle,
avec lequel il a procédé à la réconciliation franco-arabe à la
suite de la rupture de Suez. Moubarak a eu pour partenaire
Nicolas Sarkozy avec lequel il a lancé le projet mort né de
l’Union Pour la Méditerranée.
2 – Le syndrome de l’éléphantiasis diplomatique
Même dans le domaine privilégié de sa suprématie qui capta
l’imaginaire et l’adhésion des foules pendant un demi siècle, le
domaine culturel, sa supériorité parait battue en brèche.
L’échec de l’Egypte à briguer le poste de Directeur général de
l’Unesco, en Mai 2009, avec la candidature de son ministre de la
culture Fouad Hosni, malgré le soutien de son partenaire
français et celui plus inattendu d’Israël, porte témoignage de
ce désaveu.
Premier exportateur de vidéocassettes, de films et de
téléfilms dans le Monde arabe, l’Egypte disposait d’un magistère
culturel sans égal, s’articulant sur trois piliers: Le charisme
de son chef, Nasser, sa brochette prestigieuse de vedettes de
grand talent, Oum Kalsoum et Abdel Wahab, ses grands écrivains
Taha Hussein, Naguib Mahfouz et le poète contestataire Cheikh
Imam, Tahia Karioka et Nadia Gamal, sur le plan de l’industrie
du divertissement et du spectacle, le tandem formé, enfin, sur
le plan de la communication, par le journal Al-Ahram, le plus
important quotidien arabe, et Radio le Caire, la doyenne des
stations arabes.
Septième diffuseur international par l’importance de sa
programmation radiophonique hebdomadaire, Radio le Caire émet en
32 langues couvrant un large spectre linguistique (Afar,
Bambara, pachtoune, albanais). Il constituait un puissant
vecteur de promotion des vues égyptiennes aux confins du quart
monde. Mais son primat culturel pâtit désormais de la
renaissance de Beyrouth, le point de fixation traumatique
d’Israël, capitale culturelle frondeuse du Monde arabe, et de la
fulgurante percée des chaînes transfrontières arabes, en
particulier Al-Jazira, désormais indétrônable par son
professionnalisme.
L’activisme diplomatique tardif déployé par le Caire ne
modifiera en rien la cruauté du constat: la base arrière des
principaux mouvements de Libération du Monde arabe et africain,
de l’Algérie au Sud Yémen au Congo de Patrice Lumumba, le pays
qui exorcisa le complexe d’infériorité militaire arabe vis à vis
d’Israël, parait comme atteint d’éléphantiasis diplomatique, à
en juger par son comportement honteusement frileux durant les
deux dernières confrontations israélo-arabes, la guerre de
destruction israélienne du Liban, en juillet 2006, et la guerre
de destruction israélienne de Gaza, deux ans plus tard, en
décembre 2008.
Son primat diplomatique est remis en question par l’émergence
des deux puissances musulmanes régionales non arabes, l’Iran et
la Turquie, dans la suppléance de la défaillance diplomatique
arabe, principalement de l’Egypte et surtout de l’Arabie
saoudite, mutique pendant les trois semaines de la destruction
israélienne de Gaza (Décembre 2008-Janvier 2009). Il en est de
même son primat militaire, relégué aux oubliettes par la relève
rebelle des artisans victorieux de la nouvelle guerre
asymétrique contre Israël, le chiite Hezbollah libanais et le
sunnite Hamas palestinien, rendant obsolète la fausse querelle
que tentent d’impulser l’Arabie Saoudite et l’Egypte entre les
deux branches de l’Islam dans l’espace arabe.
L’entrée en jeu de la Turquie et du Brésil dans la mise en
oeuvre du transfert du combustible nucléaire iranien vers son
enrichissement dans les pays occidentaux, le 18 mai 2010, a
accentué la déconfiture égyptienne en tant qu’acteur
diplomatique de dimension régionale. Le tribut de sang payé deux
semaines plus tard par la Turquie pour briser le blocus de Gaza
par l’envoi d’une flottille humanitaire, en contraignant
l’Egypte à ordonner sous la pression populaire la réouverture de
terminal de Rafah et permis à la Turquie du fait de sa
diplomatie néo-ottomane à ravir à l’Egypte et à l’Arabie
saoudite, le leadership du monde sunnite traditionnellement
dévolu à ces deux pays arabes.
Suprême infamie pour la diplomatie égyptienne, son échec dans
un domaine qui constitue un de ses champs d’action privilégié:
l’Afrique. La conférence des pays riverains du Nil, le 14 avril
2010, consacrée à la répartition des eaux de ce grand cours
d‘eau africain entre sept riverains s’est soldée par un échec du
fait de l’opposition de trois pays africains pro israéliens
(Ethiopie, Kenya, Ouganda), hostiles au plan de partage des eaux
du Nil, conçu en 1929 et reconduit en 1959. Plus grave et
menaçant pour l’Egypte pour sa survie économique au point que
plane le risque que l’Egypte perd de «la bataille du Nil»,
l’accord conclu à ce sujet un mois plus tard, le 18 mai à
Entebbe, prévoyant la répartition des eaux du Nil entre les pays
africains, excluant l’Egypte et le Soudan, avec la participation
de la Tanzanie et l’Ethiopie, fer de lance des Etats Unis dans
la corne de l’Afrique, alimenté par 58 pour cent des eaux du Nil
bleu.
Le plus grand et le plus peuplé pays du monde arabe avec 80
millions d’habitants, est au bord de l’implosion sociale avec 34
% d’Egyptiens vivant en dessous du seuil de pauvreté, avec moins
de deux dollars par jour. Depuis le revirement proaméricain du
président Anouar el Sadate, en 1978, et son traité de paix avec
Israël, il y a trente ans, l’Egypte fonctionnait sur un mode
binôme, par une répartition des tâches entre le pouvoir
politique géré par la bureaucratie militaire, alors que la
gestion culturelle de la sphère civile était confiée au zèle de
l’organisation des Frères Musulmans, dont le prosélytisme s’est
matérialisé par le rétablissement du crime d’apostasie. Sous la
menace islamiste, l’Egypte navigue ainsi entre corruption,
régression économique et répression, avec 1,3 million de flics
employés par le ministère de l’Intérieur et plusieurs milliers
de prisonniers politiques, sous la férule d’une oligarchie dont
sept membres, tous des milliardaires, occupent des postes clés
au sein du gouvernement égyptien ou du parti au pouvoir le Parti
National Démocratique, et cinquante pour cent du hit parade des
cent premières fortunes égyptiennes appartiennent aux instances
dirigeantes du pays, du jamais vu depuis l’époque monarchique
(1)
La passivité égyptienne devant le bain de sang israélien à
Gaza, sa léthargie diplomatique face à l’activisme des pays
latino-américains (Venezuela, Bolivie, Nicaragua) et de
l’Afrique du sud avec la rupture de leurs relations
diplomatiques avec Israël a suscité une levée de boucliers des
Frères Musulmans conduisant la confrérie à cesser toute
opposition à la Syrie, rendant caduque sa collaboration avec
l’ancien vice-président syrien Abdel Halim Khaddam, le transfuge
baasiste réfugié à Paris. Par un invraisemblable renversement
d’alliance qui témoigne du strabisme stratégique de l’Egypte,
c’est la Syrie, son ancien partenaire arabe dans la guerre
d’indépendance, et non Israël, qui constitue désormais sa bête
noire. C’est Gaza, à bord de l’apoplexie, qui est maintenu sous
blocus et non Israël, ravitaillé en énergie à des prix
avantageux, défiants toute concurrence, sans doute pour
galvaniser la machine de guerre israélienne contre un pays sous
occupation et sous perfusion, la Palestine.
Indice de sa servitude à l’égard des Etats-Unis, la moindre
initiative de l’Egypte est tributaire du contreseing américain,
que cela soit dans le domaine de la technologie nucléaire
obtenu, en 2005, après que l’Iran se soit engagé dans la course
atomique et afin d’y faire contrepoint, ou que cela soit dans le
domaine diplomatique. L’Egypte bénéficie, il est vrai, d’une
rente stratégique matérialisée par une aide américaine de trois
milliards de dollars par an. Mais cette obole apparaît à bon
nombre d’observateurs comme une sorte de denier de Judas, ne
pouvant compenser aux yeux de l’opinion publique du tiers monde,
le socle de la puissance diplomatique égyptienne, les effets
dévastateurs de ce lymphatisme tant sur le plan du prestige
international de l’Egypte qu’au plan de la sécurisation de
l’espace national arabe.
Anouar el Sadate a récupéré le Sinaï mais marginalisé son
pays par sa signature d’un traité de paix solitaire avec Israël
(1979). Moubarak, lui, passera dans l’histoire pour avoir été le
dirigeant égyptien sans la moindre action d’exploit à son actif,
sinon de réintégrer son pays au sein Ligue arabe pour en faire
une rente de situation à l’effet de cautionner toutes les
interventions militaires américaines contre les pays arabes que
cela soit lors de la première guerre du Golfe contre l’Irak, en
1990, ou encore treize ans plus tard, lors de l’invasion
américaine de l’Irak, en 2003 ou enfin en contre pied du
Hezbollah libanais (2006) ou du Hamas palestinien(2008-2009).
Pis, la grande œuvre diplomatique du tandem franco-égyptien
-l’Union Pour la Méditerranée- a tourné à la bérézina
diplomatique absolue (2). Sa principale réalisation, la
destruction d’un état membre (Gaza Palestine) par un autre état
membre (Israël), sous le regard complice des deux pays
fondateurs de l’organisation, a accentué le mur de méfiance
entre arabes et européens, un résultat aux antipodes des
objectifs de ses promoteurs.
Le cessez le feu unilatéral israélien dans la bande de Gaza
conclu à la suite d’un arrangement entre deux gouvernements
moribonds, le revanchard israélien Ehud Olmert mal remis de
défaite face au Hezbollah libanais, en 2006, et le pantin
américain George Bush, a retenti comme un cinglant camouflet
tant pour le nouveau président américain Barack Obama que pour
le médiateur égyptien que pour son alter ego français, le
vibrionnant et inopérant co-président de l’Union pour la
Méditerranée.
Le contournement de l’Egypte par ses deux partenaires du
Traité de Paix de Camp David dans des arrangements de sécurité
concernant l’enclave palestinienne qui lui est frontalière a
cruellement mis à jour le rôle de servant -et non de partenaire-
des états arabes au sein de la diplomatie occidentale.
Le ballet diplomatique orchestré dimanche 18 juillet au Caire
par Hosni Moubarak par ses concertations avec les principaux
protagonistes du conflit, -l‘émissaire américain George
Mitchell, le président palestinien Mahmoud Abbas et le premier
ministre israélien Benyamin Netanyahu- relevait d’un exercice de
gesticulation destiné en premier lieu à décourager les
spéculations sur son état de santé apères son ablation d’une
tumeur maligne en Allemagne en mars 2010 et à démontrer sa
viabilité après des mois de convalescence et donner l’illusion
d’un activisme diplomatique au moment où des attributs de la
puissance l’Egypte ne dispose plus désormais que du pouvoir de
nuisance.
Dans une quête désespérée d’une nouvelle respectabilité à
l’intention de son bailleur de fonds américain, elle a participé
à la construction d’un barrage contre Gaza, accueillant, en juin
2010, en grande pompe, le chef des milices chrétiennes
libanaises, Samir Geagea, au bilan sanguinaire, infligeant dans
le même temps une lourde peine de prison à trois combattants du
Hezbollah libanais pour leur soutien à la lutte du peuple de
Gaza. Une telle disparité de traitement pénal entre Israéliens
et arabes, qui tranche avec le laxisme observé à l’égard d’un
espion israélien, le druze Azzam Azzam, libéré après sept ans de
détention en 2004, a achevé de ternir l’image de l’Egypte dans
le quart monde.
L’Egypte est frappée du symptôme d’éléphantiasis, à l’image
de son vieux Président (82 ans), un personnage au teint cireux,
un personnage de cire, en voie de momification par près de
trente ans d’un pouvoir autocratique schizophrénique, ultra
répressif sur le plan interne, léthargique sur le plan
international, cramponné à son siège dans l’attente d’une
succession filiale, davantage préoccupé par sa succession
biologique que de la pérennité de l’Egypte, un des plus anciens
foyers de civilisation dans le Monde.
Au regard de l’histoire, le seul exploit de Mohamad Hosni
Moubarak aura été sa longévité politique. Nasser a gouverné 18
ans décédant le 28 septembre 1970 d’une crise cardiaque au
lendemain d’un sommet arabe consacré au Caire à la
réconciliation jordano palestinienne, dans la foulée du
septembre noir jordanien. Sadate a régné 11 ans, assassiné pour
collusion avec Israël, l’ennemi officiel du Monde arabe, le 6
octobre 1981, lors du défilé célébrant la destruction de la
ligne Bar Lev, premier exploit militaire égyptien de l’histoire
contemporaine. Moubarak trône, lui, depuis trente ans, échappant
à une vingtaine d’attentats, record mondial absolu de tous les
temps.
Son exubérance matérielle, fruit de son alliance matrimoniale
et financière avec les plus fortunés des plus grosses fortunes
d’Egypte, tranchant avec la sobriété ascétique de Nasser, a
catapulté la candidature de Mohamad al Baradéi au rang de
nouveau sauveur du pays, secouant la léthargie ambiante d’une
fin de règne crépusculaire.
Le rapprochement syro saoudien pour cause de guerre inter
yéménite, matérialisée par la visite à Damas du nouveau chef du
gouvernement libanais Saad Hariri, fils du premier ministre
libanais assassiné Rafic Hariri, a marginalisé l’Egypte, son
échec à la conférence des riverains du Nil a accentué sa
solitude, révélatrice de la nécrose diplomatique égyptienne.
Le surgissement de l’ancien Monsieur atome de l’ONU sur la
scène politique égyptienne dans la foulée de ces deux événements
fait désormais planer sur Moubarak le «syndrome du chah d’Iran»,
par référence à l’expérience de l’ancien souverain iranien,
(1979), féal par excellence des Américains, décrété «obsolète»
du jour au lendemain pour cause de réajustements stratégiques de
son protecteur.
Le Pharaon d’Egypte est nu, dénudé par ses nouveaux alliés:
le Primus inter pares (3) des Arabes est désormais «le passeur
des plats» officiel de la diplomatie israélo américaine. Triste
destin pour Le Caire, Al-Kahira, la victorieuse dans sa
signification arabe, ravalée désormais au rang de chef de file
de «l’axe de la modération arabe». L’ancien chef de file du
combat indépendantiste arabe, amorphe et atone, assume désormais
sans vergogne le rôle de chef de file de l’axe de la soumission
et de la corruption….l’axe de la résignation et de la
capitulation…l’axe de la trahison des idéaux du sursaut
nassérien.
Sous Moubarak, l’Egypte a marché sur sa tête et pensé avec
ses pieds, pyramide renversée de tous ses reniements.
Notes :
1-Sept milliardaires égyptiens occupent des
postes de responsabilité soit au sein du gouvernement soit au
sein du parti dominant Le Parti National Démocratique (PND) du
président Hosni Moubarak. Cf. Al Qods Al-Arabi 22 Mai 2010.
-Ahmad Ezz, ingénieur et homme fort du parti
au pouvoir, président du comité de planification au parlement
égyptien. 3me fortune d’Egypte, 46 me fortune arabe, avec un
patrimoine estimé à 1,5 milliards de dollars. Dénommé l’empereur
du fer, il contrôle 60 pour cent du marché égyptien et 40 pour
cent des exportations des produits ferrugineux d’Egypte.
-Mohamad Abou Al Aynayne, chef du groupe
parlementaire du PND. 6eme fortune d’Egypte et président du
Holding «Ceramica Cléopâtre».
-Ahmad Maghrebi, 7 me fortune d’Egypte.
Président du groupe hôtelier franco égyptien Accor, il a été
assumé les fonctions de ministre du tourisme dans un domaine où
planait un risque de confusion des genres. Il a, depuis, troqué
son portefeuille du tourisme pour celui de l’habitat.
-Mohamad Farid Khamis 10me fortune d’Egypte,
membre du sénat, président des «Tisserands orientaux», holding
groupant des entreprises de tissage et de la pétrochimie.
-Mohamad Loutfi Mansour, ancien ministre des
transports, patron d‘un holding complexe groupant des firmes
automobile américaines et européennes (Chevrolet, Oldsmobile et
Opel), la firme de matériel agricole Caterpillar, la chaîne de
restauration rapide Mac Donald’s ainsi que les Cigarettes
Marlboro.
-Mohamad Rachid, 12 m fortune d’Egypte,
ministre du commerce et de l’industrie, président du Holding
Fine Foods Unilever, chargé précisément de la commercialisation
des produits qui relèvent du commerce et de l’industrie, la
marque de thé Lipton, ainsi que les produits cosmétiques Rexona,
Sunsilk, Dove et OMO ;
-Enfin Hicham Taal’at Moustapha, 4me fortune
d’Egypte et 48 me fortune arabe, le milliardaire entrepreneur
membre influent du PND, qui a défrayé la chronique juridico
mondaine en 2009 du fait de son implication dans l’assassinat à
Doubaï d’une artiste libanaise Suzanne Yammime.
2-Le projet de l’Union pour la Méditerranée a
servi de paravent au président français pour éradiquer toute
sensibilité pro arabe au sein de l’administration préfectorale
et du dispositif audiovisuel français et la promotion
concomitante de personnalités notoirement pro israéliennes. La
liste est longue qui va de Bernard Kouchner (Quai d’Orsay),
flamboyant ministre des Affaires étrangères à ses débuts
contraint à une honteuse normalisation avec le génocidaire du
Rwanda, Paul Kagamé, dans la foulée des révélations sur ses
connections affairistes avec les dictateurs africains, à
Dominique Strauss Khan (FMI), qui se demande à chacun de ses
réveils ce qu’il peut bien faire pour Israël et non à la France
dont il porte la nationalité, à Arno Klarsfeld (Matignon),
réserviste de l’armée israélienne, à Pierre Lellouche (Affaires
européennes), à François Zimmeray, ancien vice-président de la
commission d’études politiques du CRIF, Ambassadeur pour les
Droits de l’homme, en passant par Christine Ockrent (pôle
audiovisuel extérieur), Philippe Val (France inter), Valérie
Hoffenberg, directrice pour la France de l’American Jewish
Committee, représentante spéciale de la France au processus de
paix au Proche-Orient, à la toute dernière recrue, Dov Zerah,
président du consistoire israélite de Paris et secrétaire
général adjoint de la Fondation France Israël, promu à la tête
de l’Agence pour le développement chargée de l’aide à l’Afrique.
Une promotion accompagnée parallèlement de la mise à l’écart de
Bruno Guigue (administration préfectorale), de la mise à l’index
de l’universitaire Vincent Geisser et de l’éviction de Richard
Labévière (Média) ainsi que de Waheeb Abou Wassil, seul
palestinien du dispositif médiatique extérieur.
3- Primus inter pares : le premier parmi ses
pairs.
© Toute reproduction intégrale ou
partielle de cette page faite sans le consentement écrit de René
Naba serait illicite (Art L.122-4), et serait sanctionnée par
les articles L.335-2 et suivants du Code.
Publié le 12 août 2010 avec l'aimable autorisation de René Naba.
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