Opinion
Génocide arménien:
Le jeu trouble de la France
René
Naba
René Naba
Paris, samedi 14
avril 2012
Adresse au
prochain président post sarkozyste de
France.
La politique
des égards (1)
«Il a fait deux
séjours assez long en France, où la cour
dans l’idée qu’il deviendrait un jour un
personnage important dans l’Empire, le
traita parfaitement bien. Isaac Bey a
perdu dans ses voyages, soit en France,
soit en Russie, les qualité solides qui
rendent les Ottomans recommandables et a
contracté, à un haut degré, les défauts
des Européens. Esprit d’intrigue,
légèreté, inconsidération, corruption,
tout ce qui caractérise essentiellement
les sociétés de la Cour dans laquelle il
était admis se fait singulièrement
remarquer en lui». Dépêche du 1 er
Messidor an III (19 juin 1795) de
Verniac, Ambassadeur de France auprès de
la Sublime porte, in «La vie de Pierre
Rufin, orientaliste et diplomate (tome
1er)», par Henri Déhérain, conservateur
de la Bibliothèque de l’Institut-
Librairie orientale Paul Guethner –
Paris 1929.
Il fut un temps où
apprendre le turc, l’arabe ou le persan,
c’est à dire les langues vernaculaires
des peuples autochtones, constituait le
dernier des raffinements. Bien avant la
Révolution, Molière, à l’instar de
Monsieur Jourdain, s’ouvrant par
curiosité intellectuelle à la culture
des autres, s’y était essayé avec son
Mamamouchi au XVII me siècle, et,
Voltaire, un siècle plus tard, avec
Zadig, ce jeune babylonien (Irak) qui se
hissera au symbole de la sagesse
contrariée par l’injustice. Il n’y avait
pas besoin d’être grand clerc à l’époque
pour savoir que la politique d’un pays
est dictée par son histoire et sa
géographie et qu’une diplomatie de bon
voisinage est gage de prospérité.
François Ier
(1494-1574) et Soliman Le Magnifique,
surmonteront ainsi leurs récriminations
réciproques sur le contentieux des
Croisades, particulièrement le sac de
Jérusalem (1099) et de Constantinople
(1204), -«les pages honteuses de
l’Occident chrétien», selon l’expression
de l’historien Jacques Le Goff-, pour
sceller une audacieuse alliance. Pris en
tenaille entre l’Allemagne et l’Espagne,
tous deux sous la couronne de Charles
Quint (1550-1558), François Ier
pactisera avec le chef de l’Empire
ottoman, un infidèle, au grand scandale
de la chrétienté d’alors, en vue de
contrebalancer la puissance du saint
Empire. Dans la même veine de son
inspiration, il créera le «Collège des
lecteurs royaux», précurseur du Collège
de France et imposera l’enseignement de
l’arabe, en1537, qui connaitra sa
consécration cinquante ans plus tard par
la création de la chaire d’arabe.
Louis XIV
parachèvera son œuvre sur le plan
culturel. Sous l’impulsion de Colbert
désireux de mettre à la disposition des
négociants français des interlocuteurs
appropriés en Orient, le Roi Soleil
fonde la section des langues orientales
au Collège Louis le Grand. Colbert,
l’auteur du si horrible «Code Noir de
l’esclavage» qui sera publié après sa
mort sous l’Edit de Mars 1695, décrétera
«le privilège de la terre de France» et
son pouvoir libératoire; une clause de
sauvegarde qui permettait de satisfaire
un triple objectif: l’affranchissement
automatique des esclaves du seul fait de
fouler le sol français, la consécration
a priori de l’esclavage ans les
possessions d’outre mer et la
préservation des intérêts fondamentaux
de la France par la mise en valeur de sa
tradition d’hospitalité et de son bon
renom dans le monde.
Sous la Révolution,
la section des langues orientales du
collège Louis le grand deviendra une
institution autonome «l’Ecole des
langues orientales». L’arabe, le turc et
le persan y seront les premières langues
enseignées. Le général Bonaparte en
Egypte décrètera la politique des
égards…à l’égard des indigènes. Non pas
par tropisme arabo musulman, mais pour
l’évidente raison que le respect
d’autrui constitue la première forme de
respect de soi. En un mot par un
réalisme enrobé d’idéalisme qu’il
considérera comme le meilleur gage de la
pérennisation de son action.
François Ier le
précurseur, Bonaparte, le successeur,
percevront les dividendes de cette
politique d’ouverture vers l’outre mer,
deux siècles plus tard avec Jean
François Champollion, l’un des plus
illustres élève des «Langues O»,
décrypteur des hiéroglyphes égyptiennes,
une découverte qui fera de l’Egypte,
l’un des centres du rayonnement culturel
français en Orient, un exemple de
rentabilité opérationnelle, le fameux
«retour sur investissement» du jargon
moderne (2).
En stratège, le
général corse, sans doute plus averti
des subtilités géostratégiques de la
Méditerranée, s’est borné à recentré la
politique de son royal prédécesseur
considérant que La Mecque et non
Constantinople constituait le centre
d’impulsion de la politique française de
la zone. Se gardant de tout messianisme,
il revendiquera pour la France la charge
du domaine régalien, laissant aux
autochtones la gestion de leurs propres
affaires locales, en application de «la
politique des égards», première
expression politique de l’autogestion
des territoires conquis. Son neveu,
Napoléon III, caressera même le projet
de fonder un «Grand Royaume Arabe» en
Algérie. Cette évidence mettra deux
siècles à s’imposer. Mais, entretemps,
que d’humiliations, que de gâchis. Pour
avoir méconnu ce principe, pour avoir
renié ces propres principes, la France
en paiera le prix.
Le ver dans
le fruit
L’alliance entre
François 1er et Soliman le Magnifique
portait en germes les termes de la
discorde. Le pacte des Capitulations,
s’il prenait bien soin de recenser, en
les récapitulant, les droits et devoirs
des deux contractants, a constitué l’un
des premiers des traités inégaux de
l’histoire moderne en ce que le français
bénéficiait du privilège de juridiction,
le soustrayant à la justice de la
sublime porte, tandis que l’ottoman
était soumis à la loi commune du fait
qu’il était déjà perçu comme la «tête de
turc» du Français.
Terre d’asile, la
fille aînée de l’Eglise accueillera les
Arméniens rescapés du génocide turc, en
1915, mais, paradoxalement, gratifiera
de son forfait la Turquie, leur
éradicateur et ennemi de la France lors
de la première guerre mondiale, en lui
offrant sur un plateau Hatay, par
amputation du District d’Alexandrette de
la Syrie. Une opération qui s’est
révélée être une aberration de l’esprit
vraisemblablement unique dans l’histoire
du monde, pathétique illustration d’une
confusion mentale au nom de la
préservation de prétendus intérêts
supérieurs de la nation au détriment de
la victime.
Dans cette
perspective, la criminalisation de la
négation du génocide arménien aurait été
exonérée de tout soupçon électoraliste
si elle ne s’était pas accompagnée de la
prime à la forfaiture turque
(Alexandrette), d’une coopération
stratégique cinquantenaire
franco-turque, y compris contre
l’indépendance de l’Algérie et d’une
hostilité résolue de la France à l’égard
des deux grands protecteurs des
Arméniens, l’Iran, voisin et allié de
l’Arménie à travers les siècles, et la
Syrie, qui abrite le grand mémorial des
Arméniens à Deir Ez-Zor, le lieu de
pèlerinage annuel de la diaspora, le 23
avril.
Protectrice des
chrétiens d’Orient, elle a facilité
l’accès de son territoire aux Libanais
fuyant les ravages de la guerre civile
(1975-1990), mais elle a, dans le temps
institutionnalisé et instrumentalisé le
confessionnalisme politique, au mépris
du principe de la laïcité et de la
séparation de l’Eglise et de l’Etat, un
des principes fondateurs de la
République française. Le montage
confessionnel français aura été le
déclencheur de cette guerre fratricide
qui gangrène la vie publique nationale
depuis l’indépendance du Liban il y a
soixante dix ans avec des conséquences
désastreuses sur la chrétienté arabe,
particulièrement les Maronites, les
alliés privilégiés de la France dans la
zone.
Dans une inversion
de tendance sans doute irréversible, le
nombre des locuteurs francophones au
Liban connu une baisse drastique au
bénéfice de l’anglais, passant de 67
pour cent dans la décennie 1960 à 27
pour cent au début du nouveau
millénaire, alors que l’exode des
chrétiens du Liban atteignait un taux
alarmant: 40 % des chrétiens libanais
auraient quitté le pays depuis le début
de la guerre, en 1975, quand bien même
la diaspora déployée en Amérique du Nord
(Etats-Unis, Canada), en Amérique
latine, en Australie et en Afrique, a
gardé des liens puissants avec la mère
patrie. Dans le même ordre d’idée, la
mise à l’index du président libanais
Emile Lahoud, dans la foulée de
l’assassinat du premier ministre Rafic
Hariri, en février 2005, le milliardaire
libano saoudien ami du président
français Jacques Chirac, a abouti à
ostraciser l’unique dirigeant chrétien
du Monde arabe. Un précédent lourd de
conséquences pour l’avenir de la
chrétienté arabe.
L’expédition
franco-anglo-israélienne de Suez, en
1956, a abouti à un exode des chrétiens
d’Egypte, la création d’Israël du fait
occidental et la judaïsation rampante de
la Palestine, un fort exode des
chrétiens palestiniens, de même que
l’implosion de l’Irak du fait américain,
l’exode des chrétiens d’Irak.
Il n’est pas
indifférent de noter à ce propos que les
plus célèbres réfugiés politiques du
Moyen Orient en France de l’époque
contemporaine, l’ayatollah Rouhollah
Khomeiny, guide de la révolution
islamique iranienne, et l’ancien chef du
gouvernement intérimaire libanais, le
général Michel Aoun, chef du courant
patriotique libanais, se soit retourné
contre leur pays hôte à leur retour au
pays natal.
La «déconcertante
alliance» du Hezbollah et du général
Michel Aoun, pour reprendre l’expression
des analystes occidentaux, apparaît
ainsi comme la résultante et la réplique
de la «déconcertante attitude» des
Occidentaux à l’égard des aspirations du
monde arabe, particulièrement en ce qui
concerne la Palestine et les Chrétiens
d’orient. Une alliance d’autant plus
impérieuse pour «préserver le caractère
arabe» qu’elle a brisé stratégiquement
le clivage confessionnel islamo chrétien
de l’équation libanaise. L’adhésion à
cette alliance du parti Tachnag, le plus
important parti arménien de la diaspora,
rejoint ces préoccupations, de même que
les réticences du nouveau patriarche
maronite à opter pour un alignement
inconditionnel à la stratégie
occidentale en terre arabe.
De la Grande
Syrie à la Syrie mineure.
Près de 560.000
Arabes et Africains, Chrétiens et
Musulmans ont volé au secours de la
France durant la 1ère guerre mondiale,
dont 73.OOO tués, autant pour la 2eme
guerre mondiale, mais la France
gratifiera en retour les Arabes
d’ingratitude, deux fois en un même
siècle, à Alexandrette (Syrie) d’abord,
à Sétif (Algérie) ensuite, une récidive
qui n’est nullement le fruit du hasard.
En Syrie, le projet
français ne manquait pourtant ni
d’audace ni de grandeur. La France se
proposait de constituer une «Grande
Syrie englobant Jérusalem Bethléem,
Beyrouth, Damas, Alep, Van Diyarbakir,
jusque même Mossoul, c’est à dire un
territoire englobant la Syrie, une
partie du Liban, de la Palestine, de la
Turquie et de l’Irak. Les instructions
du ministre français des Affaires
étrangères Aristide Briand à Georges
Picot, son consul général à Beyrouth
étaient claires et ne souffraient la
moindre ambigüité: «Que La Syrie ne soit
pas un pays étriqué…Il lui faut une
large frontière faisant d’elle une
dépendance pouvant se suffire à
elle-même», concluait la note en date du
2 novembre 1915 (3).
Face aux habiles
négociateurs anglais, la Syrie du fait
de la France et contrairement à ses
promesses, a été réduite à sa portion
congrue au prix d’une quadruple
amputation, délestée non seulement de
tous les territoires périphériques
(Palestine, Liban, Turquie et Irak),
mais également amputée dans son propre
territoire national du district
d’Alexandrette. Une trahison qui
conduira le ministre syrien de la
défense, Youssef Al Azmeh, en personne,
à prendre les armes contre les Français
pour la conjurer à Mayssaloune (1925),
dans laquelle il périra ainsi que près
de 400 des siens dans la bataille
fondatrice de la conscience nationale
syrienne.
Depuis lors la Syrie a tenu la dragée
haute à la France s’opposant
frontalement à toutes ses équipées en
terre arabe, que cela soit en Algérie où
elle sera le premier pays arabe à y
dépêcher des volontaires auprès des
«Fellaghas»; au Liban dont elle
constituera le «verrou arabe» pendant un
demi siècle. Au regard de la duplicité
française et de la voracité turque, le
parrainage franco turc obère ainsi
quelque la crédibilité de l’opposition
syrienne de l’extérieur dans sa
contestation du régime baasiste.
L’erreur est
humaine, mais pour un pays qui
revendique une posture moralisatrice sa
répétition est maléfique. Puissance
continentale et maritime, bordée de
surcroit sur son flanc sud de la rive
musulmane de la méditerranée, la France
tournera le dos à la vision novatrice de
François Ier et de Bonaparte et optera
au niveau de la sphère musulmane pour
une diplomatie de la canonnière et une
politique du cantonnement.
Héritière de Rome
et de l’universalisme catholique, la
France ne renouvellera pas l’Edit de
Caracalla qui accorda aux hommes libres
de l’Empire romain la qualité de
citoyens romains. Comme si les héritiers
de la Révolution française avaient voulu
pénaliser les autochtones de leur
condition d’opprimés. Elle s’en trouvera
pénaliser à contrecoups.
Ainsi, en Algérie,
en guise de «Grand Royaume Arabe»
imaginé par Louis Napoléon, pieds noirs
et pères blancs, les soldats laboureurs
du Général Thomas Robert Bugeaud et les
disciples du Cardinal Martial de
Lavigerie se lanceront, de concert, dans
une politique de conquête sur la base de
la constitution de «colonies militaire»
s’accompagnant de la destruction
systématique des institutions
musulmanes. L’Algérie sera même livrée
aux colons par une politique
d’assimilation qui assimilera tout, sauf
l’indigène, le propriétaire authentique
du pays, irrémédiablement rejeté dans sa
condition subalterne par le «Code de
l’Indigénat».
Pis, dans une projection hégémonique et
égocentrique de sa représentation, comme
une marque d’incompétence ou
d’ingratitude, par une aberration de
l’esprit sans dote unique dans
l’histoire du monde, la France commettra
le plus grand carnage de son histoire le
jour même de la fête de la victoire
alliée, le 8 mai 1945, noyant dans un
bain de sang à Sétif, la première grande
manifestation autonomiste algérienne.
Sans le moindre égard pour le sacrifice
qu’ils ont consenti lors de la II me
Guerre mondiale.
Si la France se
range de nos jours dans le camp de la
démocratie, elle le doit certes aux
«Croix Blanches» des cimetières
américains de Normandie, mais aussi au
sacrifice des quelques cinq cent mille
combattants du Monde arabe et africain
qui ont aidé la France à se libérer du
joug nazi, alors qu’une large fraction
de la population française pratiquait la
collaboration avec l’ennemi. Cinq cent
mille combattants pour la Première
Guerre mondiale (1914-1918), autant
sinon plus pour la Deuxième Guerre
mondiale (1939-1945), il n’était pas
question alors de pistage génétique, de
«test ADN» ou de «seuil de tolérance».
Sous Sarkozy,
un double camouflet retentissant à la
Turquie
Barrer à la Turquie
la voie de l’Europe au prétexte qu’elle
n’est pas européenne gagnerait en
crédibilité si cet argument fallacieux
s’appliquait également à sa présence au
sein de l’Otan, le pacte atlantique dont
elle n’est nullement riveraine. Sceller
une Union transméditerranéenne sur la
base d’une division raciale du travail,
«l’intelligence française et la main
d’œuvre arabe», selon le schéma esquissé
par Nicolas Sarkozy dans son discours de
Tunis le 28 avril 2008, augurait mal de
la viabilité d’un projet qui validait la
permanence d’une posture raciste au sein
de l’élite politico-médiatique
française, une posture manifeste à
travers les variations séculaires sur ce
même thème opposant tantôt «la chair à
canon» au «génie du commandement»
forcément français lors de la première
guerre Mondiale (1914-1918), tantôt «les
idées» du génie français face au pétrole
arabe» pour reprendre le slogan de la
première crise pétrolière (1973): «Des
idées, mais pas du pétrole».
Substituer de
surcroît l’Iran à Israël comme le nouvel
ennemi héréditaire des Arabes viserait à
exonérer les Occidentaux de leur propre
responsabilité dans la tragédie
palestinienne, en banalisant la présence
israélienne dans la zone au détriment du
voisin millénaire des Arabes, l’Iran,
dont le potentiel nucléaire est
postérieur de soixante ans à la menace
nucléaire israélienne et à la
dépossession palestinienne.
L’Union pour la
Méditerranée, mort née, est apparue
comme un dérivatif, un leurre qui
trahissait les véritables intentions des
Occidentaux à l’égard d’un pays certes
membre de l’alliance atlantique, mais
musulman, en ce que les Européens
voulaient bien de la Turquie en tant que
force supplétive de l’Occident mais pas
tant en tant que membre de plein droit
de la famille européenne. Au ban de
l’Europe mais pas au banc de l’Europe
quand bien même jamais aucune puissance
militaire musulmane n’avait été aussi
loin dans sa collaboration avec
l’Occident, nouant un partenariat
stratégique avec Israël dans une
alliance contre-nature conclue entre le
premier Etat «génocidaire» du XX me
siècle et les rescapés du génocide
hitlérien.
Au-delà des constructions théoriques, le
choix atlantiste de la Turquie reposait
sur un pacte tacite conclu avec le camp
occidental, fondé sur l’occultation de
la responsabilité de la Turquie dans le
génocide arménien en contrepartie de
l’implication de ce pays de culture
musulmane non seulement dans la défense
du «Monde libre» face à l‘Union
soviétique, mais aussi dans une alliance
stratégique avec Israël contre le Monde
arabe.
L’effet second de
son adhésion à l’Otan répondait au souci
des Etats-Unis de placer le contentieux
gréco-turc, le binôme Athènes
Constantinople, au delà le contentieux
Islam-Chrétienté sous contrôle de
l’Occident, en ce qu’Athènes constituait
le berceau de la civilisation
occidentale et Constantinople-Ankara,
l’ultime empire musulman. Le déploiement
de la Turquie sur la scène régionale du
Moyen orient sur la base d’une
diplomatie néo-ottomane véhiculée par un
islam teinté de modernisme, en
concurrence directe avec les intérêts
des anciennes puissances coloniales, a
conduit la France à se draper de son
ancienne posture.
A l’épreuve des faits, la politique
arabe de la France, dogme sacré s’il en
est, s’est révélée être une vaste
mystification, un argument de vente du
complexe militaro-industriel français.
Alexandrette, Sétif mais aussi Suez: Dix
ans après la fin de la 2me Guerre
mondiale, en 1956, de concert avec
Israël et la Grande Bretagne, la France
se livrera à une «expédition punitive»
contre le chef de file du nationalisme
arabe, Nasser, coupable d’avoir voulu
récupérer son unique richesse nationale
«le Canal de Suez». Curieux attelage
d’ailleurs que cette «équipée de Suez»
entre des rescapés du génocide hitlérien
(les Israéliens) et l’un de leur ancien
bourreau, la France, qui aura sabordé sa
flotte et sera sous Vichy l’antichambre
des camps de la mort? Curieux attelage
pour quel combat? Contre qui? Des
Arabes? Ceux-là mêmes qui furent
abondamment sollicités durant la
Deuxième Guerre Mondiale pour vaincre le
régime nazi, c’est-à-dire l’occupant des
Français et le bourreau des Israéliens.
Véritable
«porte-avions» américains en
Méditerranée orientale, la Turquie a
loyalement servi l’Occident, y compris
la France, allant même jusqu’à se
prononcer contre l’indépendance de
l’Algérie, déniant, contre toute
évidence, au combat des nationalistes
algériens, le caractère de guerre de
libération, allant même jusqu’à mettre à
disposition de l’aviation israélienne
ses bases militaires et son espace
aérien pour l’entraînement de ses
chasseurs-bombardiers en opération
contre le monde arabe.
La mise en route du
projet de loi sur la criminalisation de
la négation du génocide hitlérien, si
elle a paru répondre au premier chef à
des considérations électoralistes, a eu
pour première conséquence la rupture de
la coopération entre les deux parrains
essentiels de l’opposition syrienne,
plaçant les deux pays artisans du
démembrement de la Syrie en position de
guerre larvée. Curieux retournement de
vieux complices.
Le
déclassement de la France dans la
hiérarchie des puissances
Première puissance
continentale de l’Europe, au début du XX
me siècle, à un moment où l’Europe était
le centre du monde, la France sera
relégué au 9me rang des puissances
mondiales à l’horizon de l’an 2017, dont
la dégradation de sa notation économique
de triple A à double A en est le signe
précurseur.
Sans doute imputable à la montée en
puissance des grands ensembles (Chine,
Inde), à la perte de son empire, cette
relégation est tout autant imputable aux
déboires militaires français
ininterrompus depuis plus d‘un siècle,
de la défaite de Waterloo (1815) à la
défaite de Fachoda, de l’expédition du
Mexique (1861-1867) à l’expédition de
Suez (1956), de la capitulation de Sedan
(1870), à la capitulation de Montoire
(1940à à la capitulation de Dien Bien
Phu HU (1954), du coup de Trafalgar au
sabordage de Toulon (1942), aux déboires
économiques, du Crédit Lyonnais, d’Elf
Aquitaine, à France Télécom, au Gan à
Dexia, aux marchés d’Ile de France et
aux frais de bouche, ainsi qu’à cette
fameuse exception française qui fait
qu’en un quart de siècles, la France
aura perdu 40 pour cent de parts de
marché au niveau du commerce mondial,
entraînant la fermeture de 900
industries, une réduction drastique du
nombre des ouvriers de 6 millions à 3,4
millions avec l’augmentation corrélative
du nombre des chômeurs de l’ordre de 4
millions, l’un des plus élevés d’Europe.
Sans la moindre remise en question, sans
la moindre remise en cause.
Une décote qui
sanctionne la perte de 40 pour cent de
part de marchés en un quart de siècle et
signe le déclassement de la France au
rang des puissances moyennes, un niveau
sensiblement équivalent à celui de la
Turquie, nouvelle puissance régionale au
Moyen Orient, en concurrence directe
désormais avec la France. Un
déclassement qui signe du même coup huit
siècles après les capitulations de
Soliman le Magnifique, la capitulation
de la France dans la hiérarchie des
puissances mondiales.
Sous la mandature
Sarkozy, la France a ainsi asséné en
moins d’une décennie à la Turquie deux
camouflets majeurs: l’interdit européen
et la criminalisation du génocide
arménien. La Syrie, leur point de
convergence et de connivence au XXème
siècle, aura été leur point de
percussion au XXIème siècle. Un résultat
imputable à une politique de duplicité
générée par une posture proto-fasciste
inhérente à tout un pan de la société
française, fondée, non sur une vision
prospective, mais sur les présupposés
idéologiques d’une classe politique
compulsive animée d’une pensée
convulsive.
Précurseur, la
France l’a souvent été au cours de son
histoire, mais cette spécificité nourrie
d’une conception hiératique de
l’universalisme de sa mission versera
dans la spéciosité au point de devenir
un mode de comportement. Aux chemins de
crête qu’elle ambitionnait d’arpenter,
elle substituera parfois les méandres
fangeux des chemins tortueux, réduisant
à néant les bénéfices de cette posture
anticipatrice.
L’Occident,
particulièrement le bloc atlantique, est
redevable d’une part de sa victoire sur
l’Union soviétique au Monde arabe et
musulman dont il aura soutenu toutes les
équipées même les plus aberrantes,
compromettant ses intérêts à long terme,
que cela soit contre l’empire
soviétique, hier, contre l’Iran,
aujourd’hui, quand bien même cet
Occident-là aura été l’adversaire le
plus implacable des aspirations
nationales du Monde arabe depuis près
d’un siècle, à Mayssaloune-Alexandrette
(Syrie), à Sétif (Algérie), à Suez
(Egypte), à Bizerte (Tunisie) et
naturellement la Palestine, la plus
importante opération de délocalisation
de l’antisémitisme institutionnelle
européen en terre arabe.
A la tête d’un état
dégradé, expurgé toutefois des
transfuges malfaisants, le prochain
président post sarkozyste de France se
devra d’être le président de la
solidarité nationale et de la
réconciliation post coloniale. A Alger,
à Dakar voire même à Damas, et non le
président des stocks options et d’un
atlantisme fébrile au service du
sionisme…. au Kurdistan, au sud Soudan,
en Libye et à Gaza.
Références
1-La documentation
Française/ Monde arabe- Machreq Maghreb,
revue trimestrielle N°152 (Avril-Juin
1996) «La politique musulmane de la
France» sous la direction d’Henry
Laurens.
2-«Du Bougnoule au
sauvageon, voyage dans l’imaginaire
français» René Naba Editions Harmattan.
2002.
3- Paris 2 novembre
1915 (Archives du ministère des affaires
étrangères) Instructions d’Aristide
Briand, ministre des Affaires étrangères
(1862-1932) à Georges Picot, consul de
France à Beyrouth. Document publié dans
«Atlas du Monde arabe géopolitique et
société» par Philippe Fargues et Rafic
Boustany, préface de Maxime Rodinson
(Editions Bordas)
© René Naba
Reçu de René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
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