Liban
Vers la fin d'un
partenariat clanique à relent affairiste
René
Naba
René Naba
Mercredi 13 juin
2012
Paris – L’élection du socialiste
François Hollande à la présidence de la
République française devrait mettre un
terme au partenariat clanique à relent
affairiste entre la France et le Liban
initié par le tandem Rafic Hariri
Jacques Chirac, mais le tropisme
israélien du parti socialiste de même
que la présence au sein du gouvernement
de Jean Marc Ayrault de philo sionistes
patentés devraient exclure un recentrage
substantiel de la diplomatie française à
l’égard du Moyen orient.
Une retouche à la marge, pas un
chamboulement. Tel est le premier
constat qui s’impose avec l’élimination
de la vie politique française de Nicolas
Sarkozy.
France-Liban-Moyen
Orient: Vers la fin d’un partenariat
clanique à relent affairiste.
S’y superposant,
l’éclipse de l’héritier du clan Hariri,
Saad, au profit de Najib Mikati, le
nouveau premier ministre sunnite du
Liban et la venue d’un nouveau chef du
clergé maronite, le patriarche Béchara
Rahi, plus réservé que son prédécesseur
atlantiste à l’égard des équipées
coloniales des pays occidentaux dans le
Monde arabe, plaident en faveur d’un tel
infléchissement tant au Liban,
qu’au-delà, au Moyen-Orient, dans le
Golfe, avec le prolongement pétro
monarchique de ce partenariat avec le
duo Nicolas Sarkozy et le Qatar (1).
La répudiation de
ces pratiques anciennes si
préjudiciables au bon renom de la France
pourrait prendre prétexte de la rotation
du personnel politique dans les deux
pays. Il tire surtout argument des
nouvelles données régionales résultant
du passif diplomatique sans pareil
généré par la politique erratique de
Nicolas Sarkozy dans la zone, amplifié
par ce que l’historien américain Paul
Kennedy désigne comme «le lent
glissement des plaques géopolitiques
mondiales».
Nicolas Sarkozy: un
champ de ruines diplomatique (2)
Premier dirigeant
français de la Vème République à
présenter un bilan globalement passif
sur le plan diplomatique, Nicolas
Sarkozy a laissé à son successeur, à
coups d’invectives, un champ de ruines,
avec le naufrage du projet phare de sa
mandature «l’Union Pour la
Méditerranée», le sabordage de sa
relation stratégique avec la Turquie, un
des acteurs clés au plan régional,
l’instauration de la charia talibane en
Libye avec l’aide de son compère Bernard
Henry Lévy, les avanies en Syrie de son
partenaire pétro monarchique, le Qatar,
désormais amputé de son joujou français,
dessaisi au profit de l’Irak de
l’initiative diplomatique arabe, faisant
face, de surcroît, à une manœuvre de
confinement de l’Arabie saoudite et de
Bahreïn, mécontents de son comportement
compulsif.
L’élimination des deux partenariats
claniques du gaullisme d’entreprise au
Moyen Orient, le clan Hariri au Liban et
la dynastie du Qatar, tel qu’il a été
intensivement pratiqué par le tandem
Hariri-Chirac à son arrivée concomitante
au pouvoir dans la décennie 1990,
devrait marquer un tournant diplomatique
français dans la zone et mettre un terme
à deux décennies de fric et de frime.
Elle ne porte pas
pour autant garantie d’un rééquilibrage
de l’approche française en raison des
traditions philo-sionistes du parti
socialiste français, quand bien même
l’on prête au nouveau président
socialiste l’intention de faire un geste
symbolique à l’égard des anciennes
possessions coloniales de la France,
notamment l’Algérie en vue d’y gommer la
stigmatisation sarkozyste.
De l’expédition de
Suez contre Nasser, en 1956, ordonnée
par Guy Mollet, aux ratonnades d’Alger
par Robert Lacoste (1955-1958), au
caillassage de Lionel Jospin à Bir Zeit
pour avoir traité de «terroriste» le
Hezbollah libanais, l’unique formation
politico-militaire du Monde arabe à
avoir infligé un double revers militaire
à Israël (2000-2006), à l’esplanade
David Ben Gourion dédiée par Khoyya
Bertrand Delanoë, le Maire de Paris, au
fondateur de l’armée israélienne au
lendemain de l’attaque navale
israélienne contre un convoi humanitaire
turc en direction de Gaza…. Le registre
est connu et bien tenu (3).
La filiation est
lointaine et ne se dément pas, remontant
au grand manitou du socialisme français,
Léon Blum, qui invoquera son «trop
d’amour» pour son pays «pour désavouer
l’expansion de la pensée et de la
civilisation française», admettant «le
droit et même le devoir des races
supérieures d’attirer à elles celles qui
ne sont pas parvenues au même degré de
culture».
Cette profession de
foi surprenante est parue dans le
journal «Le Populaire» en date du 17
juillet 1926, sans que ce vénérable
humaniste, premier chef du gouvernement
socialiste de la France moderne, artisan
des premières conquêtes sociales sous le
gouvernement du Front Populaire (1936),
ne se doute que, lui-même, à son tour,
subira, quinze ans plus tard, les lois
de l’infériorité raciale de la part de
ses compatriotes non coreligionnaires.
Manuel Valls, Pierre
Moscovici et Laurent Fabius dans le
viseur.
L’éviction de la
vie politique française de Dominique
Strauss Khan, un des parangons d’Israël,
de même que la dérive xénophobe du
gouvernement israélien matérialisée par
la présence au sein du cabinet de
l’ultra droitier Avigdor Libermann,
ministre des Affaires étrangères, n’ont
pas pour autant réduit la vigueur du
tropisme pro israélien au sein de la
hiérarchie socialiste en ce que la
relève est désormais pleinement assurée
par Pierre Moscovici, ancien lieutenant
de DSK, et Manuel Valls, un sarkozyste
de gauche, dont il a hérité de son poste
à Beauvau.
Pierre Moscovici,
le directeur de la campagne du candidat
socialiste François Hollande, confirme
cette filiation en exergue du site
israélien JSSnews.com: «Si j’ai adhéré
au Parti socialiste, en tant que juif
français et socialiste, c’est aussi en
pensant à Léon Blum».
Le ministre des
Finances et de l’économie a certes pris
ses distances avec la libido de son
ancien mentor, sans pour autant répudier
son credo. Celui qui briguait fortement
le Quai d’Orsay, est en effet demeuré
fidèle à la philosophie politique de
DSK, au nom de la lutte contre
l’archaïsme diplomatique français, au
diapason du gouvernement israélien, se
prononçant en faveur d’une action
préventive contre l’Iran,
corrélativement à une mansuétude absolue
envers Israël nonobstant les violations
flagrantes de l’état hébreu de la loi
internationale. Le nouveau gouvernement
Ayrault comble d’aise d’ailleurs les
Français d’Israël en dépit du fait que
92,00 pour cent d’entre eux ont voté
pour le rival des socialistes, Nicolas
Sarkozy (4).
Quant à Manuel
Valls, Valls, lié de son propre aveu,
«de manière éternelle à la communauté
juive et à Israël », dont, de surcroît,
le premier déplacement ministériel en
province, le 21 Mai 2012, aura été pour
un dîner avec le CRIF PACA Marseille,
stigmatise le boycott d’Israël, mais non
la phagocytose de la Palestine ou sa
rétention des recettes d’exportation des
produits de Cisjordanie. Il se place
ainsi sur la même longueur que Richard
Prasquier, Président du CRIF, dont la
tonitruance inconditionnellement pro
israélienne s’accommode mal du
positionnement qui se veut «normal» du
nouveau président français.
La profession de
foi de l’ancien directeur de la campagne
présidentielle de François Hollande,
-lors du lancement du groupe d’amitié
avec Israël, le nouveau lobby français
pro israélien en pleine campagne
présidentielle en avril 2012, «Israël,
grande nation parmi les nations»-, a
retenti comme une tartarinade
démagogique…En résonnance avec ses
prises de position xénophobes à Evry, la
ville dont il est le maire, dont il
souhaitait y implanter,-selon le modèle
des colonies israéliennes?- davantage de
«white et de blancos» pour y diluer la
population bariolée.
Une «présidence irréprochable»
présuppose un comportement à l’opposé de
celui affiché par le nouveau ministre
socialiste de l’Intérieur, désormais
particulièrement dans le viseur des
organisations anti racistes en raison de
ses outrances verbales.
Elle commande,
parallèlement, une prise de distance
envers le traditionnel interlocuteur de
l’Internationale Socialiste dans le
Monde arabe, le chef druze Walid
Joumblatt, dont les jongleries de
saltimbanque, ont déconsidéré et le
socialisme et la démocratie dont il est
le porte flambeau caricatural auprès des
dirigeants occidentaux, de la même
manière que l’élimination du tandem
Nicolas Sarkozy-Alain Juppé devrait
entrainer parallèlement le dépérissement
du duo oppositionnel syrien Bourhane
Ghalioune Basma Kodmani, sans pour
autant modifier la donne syrienne du
pouvoir français.
Sans surprise,
l’expulsion de l’ambassadeur de Syrie en
France et la menace de la saisine de la
Cour pénale Internationale, dans la
foulée du massacre de Houla,-qui a fait
près d‘une centaine de victimes civils,
quinze jours après l’entrée en fonction
de François Hollande, confirme la
pesanteur anti syrienne des socialistes
en ce que le nouveau titulaire du Quai
d’Orsay Laurent Fabius avait cautionné
de sa présence le premier congrès de
l’opposition syrienne tenu à Paris, en
juin 2010, sous l’égide du
philo-sioniste Bernard Henry Lévy et la
branche syrienne des Frères Musulmans.
Au-delà de ces
considérations, La France dont François
Hollande hérite n’est pas la France
qu’il a connu au début de la mandature
de son ancien rival. L’Egypte et la
Tunisie ont basculé hors du giron
français, dans le camp hostile au
tourisme parasitaire du personnel
politique français, la crise bancaire de
2008 qui a volatilisé près de 180
milliards d‘euros du patrimoine français
du fait de placements dans de fonds
douteux ainsi que la crise systémique de
l’endettement européen, devraient
considérablement réduire la posture
exhibitionniste française.
S’y superposant, la dégradation de la
notation économique de la France, la
paupérisation croissante de sa
population avec les tensions sociales
sous-jacentes ont entrainé «un lent mais
vaste glissement de ses plaques
géopolitiques», selon l’expression de
l’historien Paul Kennedy au point de
nous faire changer d’ère.
Parmi les forces
transformatrices de la géostratégie
mondiale, l’historien cite cinq
facteurs: la quête d’indépendance des
BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine,
Afrique du Sud), l’érosion du dollar
comme monnaie de référence mondiale, la
paralysie du projet européen,
l’ascension de l’Asie et la décrépitude
des Nations unies.
Le double camouflet infligé à la France
et au Qatar dans leur guerre de Syrie,
par le véto combiné de la Chine et de la
Russie, a constitué à cet égard e un
revers significatif à l’hégémonie
américaine depuis l’implosion de l’Union
soviétique dans la décennie 1990.
L’hostilité de trois membres du BRICS
(Inde, Afrique du Sud et Brésil) à
l’unilatéralisme atlantiste, en
traduisant ce nouveau rapport de forces
sur le terrain, a témoigné, par
contrecoup, de l’égarement de la
diplomatie française sous l’impulsion
d’Alain Juppé, censé être «le meilleur
d’entre nous».
Un activisme
contreproductif sanctionné par la
déconfiture de l’opposition externe
syrienne chapeautée par Paris et par le
dégagement du pouvoir du duo Juppé
Sarkozy, préalablement à leur homme à
abattre Bachar al Assad……..avec en
perspective la démission du chef nominal
de l’opposition syrienne de nationalité
française Bourhane Ghalioune, paravent
moderniste à des groupements islamistes.
Le choix de
François Hollande a constitué pour plus
d’un tiers de son électorat un choix par
défaut. Un vote de sanction anti-Sarkozy
plutôt qu’un vote d’adhésion à sa
personne. Retirer dans ce contexte les
troupes d’Afghanistan pour les expédier
vers la Syrie serait difficilement
justifiable alors que la France, en état
de faillite, fait face à une cure de
rigueur.
Entonner la
rengaine habituelle du parti socialiste
en affichant sans retenue un
philo-sionisme tapageur comparable à
celui de son prédécesseur pourrait lui
aliéner la sympathie de larges couches
de l’opinion française, sans pour autant
que la soumission au Likoud ne lui
assure, en retour, de percevoir des
dividendes israéliennes, comme son
successeur en a fait la triste
expérience.
Et plutôt que de se lancer dans une
politique déclamatoire, à coups d’effets
d’annonce et d’effets de manche, en vue
d’abuser son peuple, François Hollande
serait avisé de se donner les moyens de
sa politique faute d’être réduit à la
politique de ses moyens.
De s’engager, dans
une zone en transition, sur la voie
d’une résolution durable des problèmes
lancinants qui gangrènent la relation
euro-arabe, notamment la
dénucléarisation du Moyen Orient, la
claire délimitation des zones de
prospection pétrolière dans le triangle
Liban Chypre Israël, une claire
reconnaissance des éléments
représentatifs de la société arabe aussi
bien le Hamas palestinien que le
Hezbollah libanais, enfin, dernier et
non le moindre, un règlement équitable
du conflit israélo arabe, véritable test
de crédibilité de la nouvelle
diplomatique française en ce que
l’affaire palestinienne est la
résultante du jeu trouble des puissances
occidentale dans leur découpage
arbitraire de la zone, à l’origine de la
désaffection croissante du Monde arabe à
l’égard des Occidentaux.
En un mot d’engager
un patient travail de cicatrisation des
plaies béantes générées par la véhémence
de celui qui a incarné mieux que tout
plus que personne, la fonction de tête
de pont sur le théâtre européen de l’axe
israélo-américain, en sa qualité de
«premier président de sang mêlé» de
France, dont le zèle compensatoire en a
fait le plus détesté du monde arabe dans
l’histoire de la Vme République
Références
1-Pour aller plus
loin sur le partenariat clanique du
tandem Hariri Chirac cf. à ce propos
-http://www.renenaba.com/chirac-hariri-l%E2%80%99implosion-du-couple-vedette-de-la-politique-moyen-orientale-de-la-decennie-1990/
Et sur la relation entre Nicolas Sarkozy
et le Qatar cf. à ce propos
http://www.renenaba.com/libye-le-zele-de-la-france-en-suspicion
2- Bilan de Nicolas
Sarkozy sur le plan interne, selon la
Fondation terre Nova (proche du Parti
Socialiste). Nicolas Sarkozy est «le
recordman de la hausse la plus brutale
du taux de chômage depuis trente ans ».
A 8,1% en 2007, le taux devrait être
autour de 10% en 2012, selon les
dernières prévisions de l’Insee. La
baisse des moyens consacrés à la lutte
contre le chômage s’est accélérée depuis
2008 (-10,5% entre 2010 et 2011 et
-11,3% entre 2011 et 2012), pointe Terra
Nova. Le think tank estime que certaines
mesures, comme la défiscalisation des
heures supplémentaires ont eu des effets
néfastes sur l’emploi en période de
crise. La dette publique a explosé de
600 milliards d’euros, alors que,
parallèlement, les cadeaux fiscaux se
sont élevés à 75 milliards d’euros et
que 350.000 emplois industriels ont été
détruits, générant 337.000 pauvres
supplémentaires.
3- A propos du
contexte de l’inauguration de
l’esplanade David Ben Gourion à Paris cf
lettre ouverte à Bertrand Delanoê par
René Naba
http://www.renenaba.com/lettre-ouverte-a-bertrand-delanoe/
4– Le gouvernement
Ayrault satisfait les Français d’Israël
http://jssnews.com/2012/05/16/ayrault1/
© René Naba
Reçu de René Naba pour publication
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