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Actualité
Les colonies, avant-goût du paradis ou
arrière-goût d'enfer ?
René Naba
Paris, 13 mars 2010
Premier papier du dossier spécial France Afrique préparé
à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance de l’Afrique,
offrant une rétrospective des divers aspects occultés de
l’histoire de France……..une histoire telle qu’elle aurait dû
être enseignée aux écoliers de France.
Le port de Bordeaux peint par
Claude-Joseph Vernet (1714-1789) Que la vie
était belle aux temps bénis des colonies et leur avant goût du
paradis: cinquante deux millions de personnes (1), colons en
quête d’un gagne-pain, aventuriers en quête de fortune,
militaires en quête de pacification, administrateurs en quête de
considération, missionnaires en quête de conversion, tous en
quête de promotion, se sont expatriés du «Vieux Monde», en un
peu plus d’un siècle (1820-1945), à la découverte des nouveaux
mondes, lointains précurseurs des travailleurs immigrés de
l’époque moderne.
Au rythme de 500 000 expatriés par an en moyenne pendant 40
ans, de 1881 à 1920, 28 millions d’Européens auront ainsi
déserté l’Europe pour peupler l’Amérique, dont 20 millions aux
Etats-Unis, huit millions en Amérique latine, sans compter
l’Océanie (Australie, Nouvelle Zélande), le Canada, le continent
noir, le Maghreb et l’Afrique du sud notamment ainsi que les
confins de l’Asie, les comptoirs enclaves de HongKong, de
Pondichéry et de Macao. 52 millions d’expatriés, soit le double
de la totalité de la population étrangère résidant dans l’Union
Européenne à la fin du XX me siècle, un chiffre sensiblement
équivalent à la population française.
Principal pourvoyeur démographique de la planète pendant cent
vingt ans, l’Europe réussira le tour de force de façonner à son
image deux autres continents, l’Amérique dans ses deux versants
ainsi que l’Océanie et d’imposer la marque de sa civilisation à
l’Asie et l’Afrique. «Maître du monde» jusqu’à la fin du XX me
siècle, elle fera de la planète son polygone de tir permanent,
sa propre soupape de sécurité, le tremplin de son rayonnement et
de son expansion, le déversoir de tous ses maux, une décharge
pour son surplus de population, un bagne idéal pour ses
trublions, sans limitation que celle imposée par la rivalité
intra européenne pour la conquête des matières premières.
1-Le fardeau de l’homme blanc et les zoos humains
En cinq siècles (XV me –XX me), 40 pour cent du monde habité
(2) aura ainsi peu ou prou ployé sous le joug colonial européen.
Prenant le relais de l’Espagne et du Portugal, initiateurs du
mouvement, la Grande-Bretagne et la France, les deux puissances
maritimes majeures de l’époque, posséderont à elles seules
jusqu’à 85 pour cent du domaine colonial mondial et 70 pour cent
des habitants de la planète au début du XX me siècle, pillant au
passage, le Portugal et l’Espagne l’or d’Amérique du sud,
l’Angleterre les richesses de l’Inde, la France le continent
africain.
La Grande-Bretagne revendiquera cette responsabilité au titre
du «fardeau de l’homme blanc» exalté par Rudyard Kipling (3), la
France, au nom de sa «mission civilisatrice», corpus
philosophique inaltérable de la pensée française pendant des
décennies au delà des clivages politiques et religieux,
thématique qui fera l’objet de toutes les déclinaisons dans un
florilège littéraire extravagant et une débauche d’initiatives
toutes aussi extravagantes, dont les plus invraisemblables
auront été les «zoos humains» des expositions coloniales.
Nains brachycéphales, bossus dolichocéphales, géants
macrocéphales, nègres albinos, indigènes callipyges (4),
cannibales canaques, toutes les déclinaisons de la morphologie
humaine seront ainsi exhibées pendant une cinquantaine d’années
dans les principales villes françaises, sans la moindre retenue,
pour exalter la splendeur coloniale de la France et théoriser,
par contrecoup, l’infériorité des métèques.
A raison d’une manifestation tous les 18 mois, 38 expositions
ethnologiques, dont 30 pour le seul jardin d’acclimatation de
Paris, seront alternativement organisées à Paris, Marseille et
Lyon pendant plus d’un demi siècle, de 1877 à 1931 dans une
vaste entreprise qui relevait tout à la fois de l’opération de
relations publiques et de l’action psychologique.
Du matraquage? L’effet est immédiat: un million d’entrées
payantes, chiffre énorme pour l’époque, pour la première
exposition (5) organisée par Etienne Geoffroy de Saint-Hilaire
au jardin d’acclimatation en 1877, cinquante millions de
spectateurs pour le «Diorama vivant sur Madagascar» organisé à
l’occasion de l’Exposition de Paris de 1900 dont le clou devait
être pourtant la Tour Eiffel, 34 millions d’entrées payantes
rien qu’en six mois pour l’exposition de Paris de 1931, soit une
moyenne de 166 000 visiteurs par jour.
A croire les Français en manque de sensations fortes à une
époque qu’ils ont pourtant eux-mêmes qualifiés de «belle
époque»: l’engouement pour les «villages nègres» ira croissant,
drainant au total près de 100 millions de spectateurs et le
barbarin à demeure des familles cossus et repus, taillable et
corvéable à merci, sera la marque ultime de distinction sociale,
le nec plus ultra de la mondanité, sans que l’on sache près d’un
siècle plus tard si cette frénésie correspondait à une soif de
découverte, à un sordide besoin de voyeurisme ou encore à une
morbide pulsion de pathologie collective.
Nul ou presque ne résistera au mirage de l’oeuvre
pacificatrice de la France. Pas même un visionnaire tel Alexis
de Tocqueville par ailleurs si lucide théoricien de la
«Démocratie en Amérique» qui légitimera les boucheries comme
«des nécessités fâcheuses auxquelles tout peuple qui voudra
faire la guerre aux Arabes sera obligé de se soumettre», ni
Jules Ferry, père de l’école laïque, la matrice de la III me
République qui revendiquera pour «les races supérieures(…) le
droit de civiliser les races inférieures», ni même un vénérable
humaniste de la dimension de Léon Blum, premier chef du
gouvernement socialiste de la France moderne, artisan des
premières conquêtes sociales sous le gouvernement du Front
Populaire (1936) (6).
Rares seront les voix discordantes au choeur laudateur de la
France coloniale. Guy De Maupassant, en pionnier, ironisera sur
la «singulière conception de l’honneur national» des Français.
Louis Aragon, André Breton et Paul Eluard demanderont le boycott
des expositions coloniales, dénonçant cette escroquerie
intellectuelle dans un manifeste intitulé «Ne visitez pas
l’exposition coloniale». Peine perdue: l’expo de 1931 fera 33
millions de profits rien qu’en six mois.
Symboles oubliés de l’époque coloniale, totalement refoulés
de la mémoire collective occidentale alors qu’elles auront
suscité l’engouement de millions de spectateurs aussi bien à
Paris qu’à Londres, à Hambourg et New York et même à Moscou,
«étape majeure du passage progressif d’un racisme scientifique à
un racisme populaire», les «exhibitions anthropozoologiques», en
mettant en perspective la «spectacularisation de l’autre» par un
savant dosage d’individus exotiques et des bêtes sauvages,
auront donné naissance à bien des stéréotypes encore en vigueur
à l’époque contemporaine. Ils contribueront ainsi puissamment à
façonner l’identité occidentale et l’imaginaire des Occidentaux
(7).
Dans la mémoire vive des peuples, les blessures ne
cicatrisent jamais. Des décennies plus tard, longtemps après la
capitulation de Montoir (1940) et de Dien Bien Phu (1954), dans
un des temps forts de communion française à la fin du XX me
siècle, le triomphe du Mundial de 1998, alors que les
expositions ethnologiques étaient depuis longtemps complètement
tombées dans l’oubli des Français, un kanak de souche, porteur
de la nationalité française, se chargera de remettre en mémoire
le douloureux souvenir de cette vivace cicatrice. De «renvoyer
les Français à leur propre image».
Bouche irrémédiablement hermétiquement fermée devant les
caméras de télévision du monde, devant des milliers de
spectateurs médusés, Christian Karambeu, le footballeur
néo-calédonien victorieux du Mundial 98 qui contribua à la
gloire de la France, n’entonnera pas l’hymne national français
en lever de rideau de la compétition, comme cela était pour lui
le cas à chaque rencontre.
Pas une seule fois, dans aucune compétition internationale si
prestigieuse qu’elle ait pu être, en aucune circonstance, en
aucun cas, sous aucun prétexte, pendant toute sa carrière
sportive, il n’aura dérogé à cette règle. Christian Karambeu n’a
jamais entonné «la Marseillaise», que le Kanak a bannie de son
répertoire en signe de protestation muette contre l’exhibition
d’un de ses aïeux dans les «zoos humains» du temps de la
splendeur coloniale. Telle une revanche du destin, un camouflet
pour les négriers d’antan, Christian Karambeu, le footballeur
champion du monde en 1998 prendra pour épouse un symbole
universel de la beauté slave, la belle Adriana, mannequin
vedette de la décennie 2000. Douleurs muettes, les blessures de
la mémoire ne cicatrisent jamais.
Ce tableau paradisiaque du temps béni des colonies va voler
en éclats avec la Grande Guerre. Première rupture géostratégique
majeure de l’époque contemporaine, la Première Guerre mondiale
(1914-1918), saignée humaine, gâchis économique, provoquera, sur
le plan de la géostratégie, un déclassement progressif de
l’Europe au profit des Etats-Unis, sur le plan démographique, un
renversement des flux migratoires, et sur le plan de la
psychologie des Européens, le rude apprentissage du phénomène
exogène, de la culture de l’altérité, la négation de
l’égocentrisme, une véritable révolution mentale.
Avec 1,4 millions de morts, 900 000 invalides, la France
déplorera la perte de 11 pour cent de sa population active du
fait du premier conflit mondial, auxquelles il conviendrait
d’ajouter les dégâts économiques: 4,2 millions d’hectares
ravagés, 295 000 maisons détruites, 500 000 endommagés, 4.800 km
de voies ferrées et 58.000 km de routes à restaurer et 22 900
usines à reconstruire et 330 millions de m3 de tranchées à
combler (8).
Les premiers travailleurs immigrés, des Kabyles, arriveront
en France dès 1904 par petits groupes, mais la 1ère Guerre
Mondiale provoquera un effet d’accélérateur entraînant un
recours massif aux «travailleurs coloniaux» auxquels se
superposeront les renforts des champs de bataille comptabilisés
sous une autre rubrique.
Durant la première décennie du XX me siècle, la France
comptait déjà 1,1 millions d’étrangers en 1906, soit 2,7 pour
cent de la population. Vingt ans après, le chiffre doublait avec
2,5 millions étrangers, dont 1,3 millions de travailleurs
d’Europe, et d’Asie et d’Afrique recensés en 1926.
L’indigène lointain cède la place à l’immigré de proximité.
De curiosité exotique que l’on exhibe dans les zoos humains pour
glorifier l’action coloniale française, le mélanoderme deviendra
progressivement une donnée permanente du paysage humain de la
vie quotidienne métropolitaine, sa présence vécue comme une
contrainte, exacerbée par la différenciation des modes de vie
entre immigrés et métropolitains, les fluctuations économiques
et les incertitudes politiques du pays d’accueil
Paradoxalement, dans la période de l’entre-deux guerres
(1918-1938), la France va favoriser la mise en place d’une
«République Xénophobe», matrice de l’idéologie vichyste et de la
«préférence nationale», alors que son besoin en main d’oeuvre
est criant. Bien que contribuant à sortir la France de son champ
de ruine, les travailleurs immigrés seront tenus en suspicion,
pistés au sein d’un grand «fichier central». Soumis pour
l’obtention de la carte de séjour à une taxation équivalant
parfois à un demi mois de salaire, source de revenus
complémentaire pour l’Etat français, ils seront de surcroît
perçus comme porteurs d’un triple péril: péril économique pour
leurs concurrents français, péril sanitaire pour la population
française dans la mesure où l’étranger particulièrement les
Asiatiques, les Africains et les Maghrébins étaient présumés
porteurs de maladies, péril sécuritaire pour l’état français
(9).
2- Les cotations boursières des travailleurs
coloniaux
Près de deux cent mille «travailleurs coloniaux» (200 000)
seront ainsi importés d’Afrique du Nord et du continent noir par
de véritables corporations négrières, telle la «Société générale
de l’immigration» (SGI), afin de pallier la main d’oeuvre
française principalement dans le bâtiment et l’industrie textile
en remplacement des soldats français partis au front. Dans la
cohorte de travailleurs immigrés, venus d’abord principalement
d’Italie et de Pologne, les Maghrébins feront l’objet d’une
attention spéciale de la part des pouvoirs publics.
Un «Bureau de surveillance et de protection des indigènes
nord-africains chargé de la répression des crimes et des délits»
est constitué le 31 mars 1925. Un bureau spécial rien que pour
les Maghrébins, précurseur du «service des questions juives» que
le pouvoir vichyste mettra en place en 1940 pour la surveillance
des nationaux français de «race juive» ou de confession
israélite» durant la Seconde Guerre mondiale. L’intitulé de
l’office en dit long quant à l’opinion du gouvernement français
et de ses intentions à leur égard. Le phénomène ira en
s’amplifiant avec la 2me Guerre Mondiale et les trente
glorieuses années de l’après-guerre (1945-1975) qui suivirent la
reconstruction de l’Europe, où le besoin de «chairs à canon» et
d’une main d’oeuvre abondante à bas prix provoqueront un nouveau
flux migratoire égal en importance au précédent.
Même l’immigration clandestine, qui sera traquée sans répit
en fin de siècle avec l’épisode des «charters de la honte»
(1986-1988) et des «sans papiers» (1993-1996) trouvait grâce à
l’époque aux yeux des pouvoirs publics: «l’Immigration
clandestine n’est pas inutile, car si l’on s’en tenait à
l’application stricte des règles, nous manquerions de main d’oeuvre»,
déclarait Jean Marcel Jeanneney, un économiste de premier plan,
à l’époque ministre de l’industrie du général de Gaulle dans une
interview au journal «les Echos» du 29 mars 1966, confirmant
publiquement une vérité d’évidence que les hommes politiques
tairont longtemps pour des considérations électorales.
Luxe de raffinement, le recrutement s’opérait selon des
critères d’affinités géographiques au point de constituer de
véritables couples migratoires en particulier entre Renault et
l’embauche kabyle, les houillères et charbonnages de France et
les travailleurs du sud marocain, de même qu’en Allemagne,
Wolkswagen et les immigrés turcs.
A l’instar d’une cotation boursière sur un marché de bétail,
les travailleurs coloniaux faisaient même l’objet d’une notation
en fonction de leur nationalité et de leur race avec de subtiles
distinctions selon leur lieu de provenance notamment au sein des
Algériens où les Kabyles bénéficiaient d’un préjugé plus
favorable que les autres composantes de la population algérienne
(10).
Ainsi à Nantes, sur une échelle de valeur de 20, les Chinois
se situaient au bas de la hiérarchie. Leur productivité était
évaluée à 6 sur une échelle où les Marocains étaient placés à 8,
les Algériens, les Kabyles et les Grecs à 10, les Italiens et
Espagnols à 12. A Bordeaux, Marocains, Italiens, Kabyles et
Espagnols étaient rangés à 90 sur une échelle où Portugais se
situaient à 75, Sénégalais à 50, Chinois à 40 et l’Indochinois à
30, alors que les Français se trouvaient dans les deux
classements naturellement au sommet de la hiérarchie avec une
note inégalable de 20 sur 20. Score jamais enregistré par aucune
autre nationalité, sous aucun autre ciel, dans aucune autre
compétition.
3 – La revanche de l’indochinois et des peuples
coloniaux
Dans ce classement, la note de l’Indochinois ne manque
d’intriguer: 30 sur cent, soit 3 sur 10, la note la plus basse
de la hiérarchie, l’Indochinois était jugé irrécupérable par les
Français, sa note éliminatoire dans toute épreuve malgré tous
les points de rattrapage, malgré tous les efforts de repêchage.
Elle intriguera un jeune annamite qui se chargera d’en faire
justice ultérieurement au nom de son peuple. Mettant à profit
son long séjour en France entrecoupé de voyages dans l’empire
français, au Maghreb et en Afrique noire (1911-1920), Nguyen Ai
Quoc prendra le temps de se familiariser avec la mentalité
française et les pratiques coloniales. De retour dans son pays,
scandalisé par «l’impôt de sang» que représentait pour les
peuples coloniaux leur embrigadement sur le théâtre européen,
l’Indochinois, méthodique, commencera par instruire «Le Procès
de la Colonisation Française» (11) avant de passer à l’acte,
infligeant à son ancien maître et au nouveau maître du nouvel
ordre international une sévère correction militaire.
Avec ses deux compagnons de route, Pham Van Dong et Vô Nguyen
Giap, il dotera son pays d’un des plus glorieux palmarès
militaires du XX me siècle, contribuant grandement à modifier la
géostratégie de la planète par les revers qu’il aura fait
successivement subir aux puissances militaires majeures de
l’époque, le Japon d’abord, en 1945, la France ensuite à Dien
Bien Phu, en 1954, enfin les Etats-Unis d’Amérique enfin vingt
ans plus tard, en 1975, à Saigon, avec des pertes cumulées de
l’ordre de 67 000 soldats, 15 000 pour la France et 52 000 pour
l’Amérique.
Un des acteurs de premier plan de l’histoire du XX me siècle,
Nguyen Ai Quoc au nom prédestiné de «patriote» est désormais
mondialement connu -et pour l’éternité- sous le nom de Ho Chi
Minh «celui qui éclaire», le père du Vietnam moderne, l’ancienne
Indochine française, dont la deuxième capitale porte d’ailleurs
le nom «Ho Chi Minh-ville», en hommage à son combat pour
l’indépendance et la réunification de son pays, dont le parcours
de l’avis unanime mérite mieux qu’un 3 sur 10.
Sauf à l’attribuer à un sérieux problème de perception
optique du recruteur ou à la pesanteur des stéréotypes qui
auront faussé le jugement français, la note de l’indochinois
demeure inexplicable et a posteriori amplement injustifiée. Ho
Chi Minh, dur au labeur, a réhabilité la notation des
travailleurs coloniaux indochinois de France. Mais en
contrepoint, nul ne s’est jamais hasardé à remettre en cause la
cotation française, pas même au titre d’un salutaire exercice
d’introspection.
La capitulation de Sedan face à l’Allemagne en 1870-71 a
donné naissance à la III me République, la capitulation de
Montoire (12) face à Hitler en 1940 à la IV me République
(1946), celle de Dien Bien Phu et d’Algérie en 1955, à la V me
République (1958), avec leurs cortèges de grandes institutions:
Sedan à la création de «sciences po», l’Institut des Etudes
Politiques de Paris et Montoire à la fondation de l’ENA, l’Ecole
Nationale d’Administration (1945). Le pays des «grandes écoles»,
des concours pépinières des élites, des scribes et des clercs,
-cinq millions de fonctionnaires en France en l’an 2.000, le
plus fort contingent de l’Union européenne, soit 20, pour cent
de la population active (13)- ne tolère pas de retour sur son
passé. Il ne conçoit que les perspectives d’avenir. Jamais de
rétrospectives, toujours des prospectives. Une fuite en avant?
Avant-goût de paradis pour le colon, les colonies auront
laissé un arrière goût d’enfer pour le colonisateur français.
Références
1-
Gildas Simon, «Géodynamique des migrations internationales dans
le monde-PUF», op. cité
2-
Ignacio Ramonet, «cinq siècles de colonialisme», in «Manière de
voir N°58 bimensuel du Monde Diplomatique Juillet Août 2001
«Polémiques sur l’histoire coloniale».
3-
Rudyard Kipling, journaliste et romancier
anglais (1865-1936), issu d’un milieu anglo-indien voua une
vénération pour l’empire britannique, aux valeurs mythiques de
l’énergie, du désintéressement et aux aspects exaltants de
l’aventure impérialiste. Auteur du célèbre poème «If» (Si)…. «Si
tu peux voir détruire l’oeuvre de ta vie et sans dire un seul
mot te mettre à rebâtir….tu seras alors un homme mon fils».
4-
L’une des plus célèbres «Vénus Callipyge», célébrée par le
chanteur populaire français Georges Brassens, est la «Vénus
Hottentote». Née en 1789, année de la Révolution Française, en
Afrique Australe alors sous la domination des colons hollandais,
les Boers, Saartjie Baartman, fille de berger originaire
d’Afrique du sud de l’ethnie Hottentots, a été amenée par un
chirurgien britannique vers 1810 à Londres où elle a été
rebaptisée Sarah Saartmann. Dotée de fesses très larges et
d’organes sexuels hors normes, elle sera exhibée comme une bête
de foire à Londres et à Paris, menant une vie d’enfer, se
livrant à la prostitution jusqu’à sa mort à 27 ans à Paris en
1815.
A la demande Geoffroy Saint-Hilaire, elle sera
disséquée par Georges Cuvier qui conclura à «quelque chose de
curieux et de capricieux», dont les organes rappellent «ceux du
singe». Son squelette, ses organes et un moulage de son corps
seront exposés au public au Musée de l’Homme jusqu’en 1974.
Objet d’un imbroglio diplomatique entre la France et l’Afrique
du sud, la dépouille de la Vénus Hottentote a été finalement
restituée à l’Afrique du sud le 29 avril 2002. cf. à ce propos
«L’énigme de la Vénus Hottentote» de Gérard Badou Ed.JC Lattès
février 2002.
5-
De 1877 à 1912, trente spectacles ethnologiques seront donnés au
jardin d’acclimatation à Paris, puis aux expositions
universelles de Paris de 1878 et de 1889 dont le clou pour celle
de 1889 étaient aussi bien l’inauguration de la Tour Eiffel que
la visite d’un «village nègre». Suivront les expositions de Lyon
(1894), les deux expositions coloniales de Marseille (1906 et
1922), enfin les grandes expositions de Paris de 1900 (diorama
sur Madagascar, 50 millions de spectateurs) et de 1931 dont le
commissaire général n’était autre que le Maréchal Lyautey. cf.
«Le spectacle ordinaire des zoos humains» et «1931. Tous à
l’Expo» par Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine
Lemaire, Manière de voir N°58 Juillet Août 2001,op cité.
6-
«Quand Tocqueville légitimait les
boucheries» par Olivier le Cour Grandmaison et «une histoire
coloniale refoulée» par Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire et
Nicolas Bancel- Dossier général sous le thème «Les impasses du
débat sur la torture en Algérie»-Le Monde Diplomatique juin
2001.
Ibidem pour Guy de Maupassant dans la même
livraison du Monde Diplomatique de juin 2001: «Quand on parle
d’anthropophages nous sourions avec orgueil en proclamant notre
supériorité sur ces sauvages….Une ville chinoise nous fait
envie: Nous allons pour la prendre massacrer cinquante mille
chinois et faire égorger dix mille français. Cette ville ne nous
servira à rien. Il n’y a là qu’une question d’honneur national.
Donc l’honneur national (singulier honneur) nous pousse à
prendre une cité qui ne nous appartient pas, l’honneur national
qui se trouve satisfait par le vol, par le vol d’une ville, le
sera davantage encore par la mort de cinquante mille Chinois et
de dix mille Français. Gil Blas-11 décembre 1883.
Alexis de Tocqueville légitimera les
boucheries considérant «le fait de s’emparer des hommes sans
armes, des femmes et des enfants, comme des nécessités fâcheuses
auxquelles tout peuple qui voudra faire la guerre aux Arabes
sera obligé de se soumettre». De son côté, Jules Ferry
soutiendra dans un discours au Palais Bourbon le 29 juillet 1995
qu’ «il y a pour les races supérieures un droit par ce qu’il y a
un devoir pour elles. Elles ont le droit de civiliser les races
inférieures». De même Léon Blum invoquera son «trop d’amour»
pour son pays «pour désavouer l’expansion de la pensée et de la
civilisation française». «Nous admettons le droit et même le
devoir des races supérieures d’attirer à elles celles qui ne
sont pas parvenues au même degré de culture», écrira-t-il dans
le journal «Le Populaire» en date du 17 juillet 1925.
7-
«Zoos humains, de la Vénus Hottentote aux
reality show» Ed. La Découverte Mars 2002, ouvrage réalisé sous
la direction d’un collectif d’historiens et d’anthropologues
membres de l’Association connaissance de l’Afrique contemporaine
(Achac-Paris), MM. Nicolas Bancel (historien, Université Paris
XI), Pascal Blanchard (historien, chercheur CNRS), Gilles
Boetsch (anthropologue, Directeur de recherche au CNRS), Eric
Deroo (cinéaste, chercheur associé au CNRS) et Sandrine Lemaire
(historienne, Institut européen de Florence).
8-
«La République Xénophobe, 1917-1939 de la
machine d’Etat au «crime de bureau», les révélations des
archives» de Jean Pierre Deschodt et François Huguenin Ed.JC
Lattès septembre 2001.
9-
«La République Xénophobe…de la machine
d’Etat au crime de bureau», op cité.
10-
«Une théorie raciale des valeurs?
Démobilisation des travailleurs immigrés et mobilisation des
stéréotypes en France à la fin de la grande guerre» par Mary
lewis, enseignante à la New York University, in «L’invention des
populations», ouvrage collectif sous la direction d’Hervé Le
Bras (Editions Odile Jacob).
11-
Ho Chi Minh: Le procès de la colonisation
française – Nguyen Ai Quoc (Ho Chi Minh)- Introduction d’Alain
Ruscio. Le temps des cerises, Paris 1999. Ho Chi Minh est décédé
le 6 septembre 1969, soit quatre ans après le début de la 2me
guerre du Vietnam laquelle sera menée victorieusement à son
terme par la prise de Saigon, capitale du sud-vietnam
proaméricaine, en avril 1975, par le duo Phan van Dong-Général
Giap.
12-
L’armistice a été signé le 22 juin 1940
symboliquement à Rethondes au même endroit, dans le même wagon,
que l’armistice du 11 novembre 1918. Toutefois l’entrevue de
Montoire du 24 octobre 1940 entre Pétain et Hitler a scellé la
collaboration entre la France et l’Allemagne nazie. Si
l’armistice constituait une cessation des hostilités, la
rencontre de Montoire a représenté dans l’ordre symbolique le
voyage à Canossa de Pétain et constitué en fait une capitulation
dans la mesure où Pétain a cautionné la collaboration avec le
régime nazie quand bien même l’Allemagne reniant ses promesses
avait annexé l’Alsace-lorraine, août 1940.
13-
De 1975 à 1998, la France a enregistré une
augmentation de 1,2 millions de fonctionnaires, portant le total
de la fonction publique à cinq millions de personnes (20,2% de
la population active, (27% avec les entreprises publiques),
induisant une fracture sociétale et une inégalité de droit entre
les citoyens d’une même société, entre un secteur privé en
première ligne sur le front du chômage et une fonction publique
pléthorique disposant d’un emploi à vie garanti et le droit de
grève) cf. «Jacques Chirac et le déclin français 1974-2002,
trente ans de vie politique premier bilan» par Yves Marie Laulan
Edition François Xavier de Guibert. novembre 2001.
Un mandarin, le professeur Philippe Even,
Doyen de la Faculté de médecine Necker enfants malades
(1988-2000), choqué par les avatars mortels du dernier né des
hôpitaux parisiens «L’Hôpital Européen Georges Pompidou», mis en
service en l’an 2000, fustigera en ces termes ces «hauts
fonctionnaires hiérarques qui confisquent la nation au profit de
leur légion, de leur parti, habiles à paralyser ou à enterrer
toute décision politique pour préserver leur position, leur
avenir ou leur caste (…).
Longtemps sans expérience du terrain,
accrochés au modèle socio-économique appris, sachant un peu de
tout et peu de chaque chose, un savoir de papier qui permet la
rédaction de ces fameuses +notes de synthèse aux ministres+
d’autant plus simplificatrice que l’analyse est restée à bonne
distance du terrain (…), cultivant les faux secrets et les
fausses confidences, étranglés par leur paranoïa des complots,
n’ayant jamais une idée à se reprocher et pourtant pleins d’une
ambition dissimulée sous le masque de la rigueur, de la vertu
républicaine, de la fausse modestie, de l’éternelle prudence,
avant d’aller pantoufler», in «Les scandales des hôpitaux de
Paris et de l’hôpital Pompidou», Philippe Even, le cherche midi
éditeur octobre 2001.
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Publié le 13 mars 2010 avec l'aimable autorisation de René Naba.
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