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Blog René Naba
Golfe
arabo-persique: les pétromonarchies arabes
face à un triple péril démographique, militaire et domestique
René Naba
Golfe arabo-persique: Bouc émissaire idéal de la
faillite du système financier occidental, les pétromonarchies
arabes face à un triple péril démographique, militaire et
domestique.
Dernière partie (3/3).
III- Le péril militaire: la
présence militaire américaine, un paratonnerre ou un détonateur?
IV - Le péril domestique:
les frasques monarchiques, une gangrène qui sape les assises du
pouvoir pétromonarchique
Paris, le 8 novembre 2008
III- Le péril militaire: la
présence militaire américaine, un paratonnerre ou un
détonateur ?
La constellation des pétromonarchies,
un des principaux ravitailleurs du système énergétique mondial,
sert en même temps de gigantesque base militaire flottante de
l’armée américaine, qui s’y ravitaille à profusion, à domicile,
à des prix défiants toute concurrence. Tous, à des degrés
divers, y paient leur tribut, accordant sans états d’âme, des
facilités à leur protecteur.
La zone abrite en effet à Doha
(Qatar), le poste de commandement opérationnel du CentCom (le
commandement central américain) dont la compétence s’étend sur
l’axe de crise qui va de l’Afghanistan au Maroc, et, à Manama
(Bahreïn), le quartier général d’ancrage de la Vme flotte
américaine dont la zone opérationnelle couvre le Golfe
arabo-persique et l’Océan indien. En complément, l’Arabie
saoudite abrite, elle, une escadrille d’AWACS (Airborne warning
and control system), un système de détection et de commandement
aéroporté, dans la région de Ryad. Le Royaume est en effet le
seul pays au Monde à abriter des radars volants américains en
dehors des Etats-Unis, indice qui témoigne de l’importance
accordée par les Etats-Unis à la survie de la dynastie
Wahhabite. Le Koweït, très dévoué à son libérateur, fait office
de zone de pré positionnement et de ravitaillement à la
gigantesque infrastructure militaire américaine en Irak, le
nouveau champ d’expérimentation de la guerre moderne américaine
dans le Tiers-monde. S’y ajoute, dernier et non le moindre des
éléments du dispositif, Israël, le partenaire stratégique
des Etats-Unis dans la zone, ainsi que la base-relais de Diégo
Garcia (Océan indien), la base aérienne britannique de Massirah
(Sultanat d’Oman) ainsi que depuis janvier 2008 la plate forme
navale française à Abou Dhabi. Près de quarante ans après
l’indépendance de la côte des pirates et le redéploiement
britannique à l’Est de Suez, en 1970, les principautés du Golfe
vivent de nouveau sous protectorat de fait de leurs anciens
tuteurs, en une sorte de «servitude volontaire».
Faiblement peuplées, entourées de
puissants voisins tels l’Iran et l’Irak, de création récente et
inexpérimentées en la matière, les pétromonarchies ont longtemps
confié leur protection à des pays amis aguerris, ou, à défaut, à
des compagnies militaires privées, les mercenaires des temps
modernes, et, les fabuleux contrats d’armement qui excédaient
les capacités d’absorption des servants locaux, étaient
généralement perçus comme des polices d’assurance déguisées en
raison des fabuleux rétro commissions qu’ils généraient. La
protection de l’espace aérien saoudien a été longtemps confié
aux aviateurs pakistanais, le territoire national du Sultanat
d’Oman aux bédouins de la légion arabe jordanienne, les
mercenaires occidentaux se chargeant du reste, avec une
répartition des rôles entre les Anglais, surtout présents dans
leur ancienne zone d'influence, notamment les émirats pétroliers
du Golfe, et les Américains ayant la haute main sur l'Arabie
Saoudite et le reste du Moyen-Orient. La protection du Cheikh
Zayed Ben Sultan Al-Nahyane, Emir d'Abou Dhabi et président de
la Fédération des Émirats du Golfe, ainsi que l'encadrement des
troupes omanaises dans la répression de la guérilla marxiste du
Dhofar, dans les années 1965-1970, ont relevé de la
responsabilité de «Watchguard», une des deux compagnies de
mercenaires britanniques, dont le siège est à Guernesey. Fondée
en 1967 par David Sterling, un ancien des commandos de l'air
britanniques (Special Air Services), elle passe pour être un
instrument d’influence de la diplomatie britannique. Outre
Blackwater, qui s’est fâcheusement illustrée en Irak, les
États-Unis comptent, eux, deux grandes sociétés privées
militaires:Vinnell Corp, dont le siège est à Fairfax, en
Virginie, et BDM international. Toutes deux filiales de la
multinationale Carlyle, elles apparaissent comme les bras armés
privilégiés de la politique américaine en Arabie et dans le
Golfe. Vinnel corp, dont la mission saoudienne a fait l'objet
d'un attentat à Khobbar en 1995, a la haute main sur la
formation de la Garde nationale saoudienne, tandis que BDM gère
la formation du personnel de l'armée de l'air, de la marine et
des forces terrestres saoudiennes.
A- Les pétromonarchies: un
«oasis de sécurité sécurisé» de l’économie occidentale face à la
«zone de pénurie» du versant méditerranéen frondeur du Monde
arabe.
Dans la foulée du triomphe de la Révolution islamique,
en 1979, les Etats-Unis ont veillé à propulser Israël au rôle de
«super gendarme régional», concluant avec lui un «partenariat
stratégique» en vue de le substituer au rôle précédemment assumé
par le Chah d’Iran, l’Ethiopie assumant un rôle identique pour
l’Afrique orientale, avec comme point d’appui la base
franco-américaine de Djibouti. L’administration américaine,
quelle que soit sa coloration politique républicaine ou
démocrate, s’est appliquée avec constance depuis près de trente
ans à y aménager une zone économique libérale unique liée au
marché américain, en vue de promouvoir la libre circulation des
capitaux et des biens, mais pas nécessairement de la
main-d'œuvre.
Le Moyen-Orient ayant vocation, dans l’optique
américaine, à devenir une zone de sous-traitance de l’économie
américaine comparable à la zone Maghreb pour l’Union Européenne.
L’objectif central de cette démarche étant la normalisation et
l'intégration d'Israël au Moyen Orient dans l’esprit des Forum
économique de Casablanca (1994) et d’Amman. (1995). Un tel
projet s’articulerait, dans la vision américaine, sur deux
piliers, la technologie israélienne à l'Ouest, et le capital
financier du Golfe à l'Est. Pour ce faire, l’autonomie des
pétromonarchies par rapport au reste du monde arabe a été
encouragée par la diplomatie occidentale au sein du Conseil de
Coopération du Golfe.
La mise sur pied de cette entité sous entité régionale
visait à constituer un «oasis de sécurité sécurisé» face à la
«zone de pénurie» du versant méditerranéen frondeur du Monde
arabe. Mais la réussite du projet demeure tributaire en fin de
compte de la neutralisation du problème palestinien par la
création d’un «état croupion» bénéficiant d’une indépendance
formelle sous l’étroite dépendance d’Israël et le double
parrainage de l’Arabie saoudite et de l’Egypte. A noter que sans
attendre le règlement final du conflit israélo-arabe et dans la
droite ligne de sa politique ouvertement pro occidentale, gage
de la survie du Trône Hachémite, la Jordanie a déjà mis en place
une zone franche jordano-israélienne dont les produits sont
directement exportés vers les Etats-Unis (8)
B- Maurice Lévy (Publicis) et Richard Attias
(Dubaï Event Management), une normalisation feutrée avec Israël.
C’est dans cette perspective qu’il importe de situer le
parrainage par la firme publicitaire française Publicis du
Festival controversé de Jordanie, l’été 2008, et le
redéploiement la même année vers Doubaï du publiciste Richard
Attias. Le recours aux services de deux acteurs de premier plan
de la scène événementielle mondiale, notoirement connus pour
leurs sympathies pro israéliennes, témoignerait du souci des
monarchies pro-occidentales arabes de donner, en sus de la
représentation commerciale israélienne au Qatar, des gages de
bonne volonté à leur protecteur américain, et, ce faisant, de
procéder à une normalisation feutrée avec Israël à l’effet de
promouvoir, parallèlement à leur expansion, leur nouvelle image
de marque avec la secrète ambition de se hisser au rang des
nouvelles cités monde du XXI me siècle. Maurice Lévy, président
de Publics, et, Richard Attias, sont tous les deux originaires
du Maroc, le premier d’Oujda et le second de Fès. Maurice Lévy a
été le maître d’œuvre des festivités organisées à Paris, en mai
dernier, à l’occasion du 60me anniversaire de la déclaration
unilatérale d’indépendance d’Israël. Son parrainage du festival
culturel jordanien a été fortement critiqué conduisant de ce
fait bon nombre d’artistes arabes à boycotter cette
manifestation commanditée par la Reine Rania de Jordanie.
La présence de Richard Attias paraît mieux agréée en raison
vraisemblablement de son parcours sensiblement différent de son
ancien associé et désormais concurrent. Maître d’oeuvre
d’événements politico-médiatiques internationaux, tel le forum
des Prix Nobel de Petra (Jordanie) et le forum économique de
Davos (Suisse), dont il a été évincé pour cause de
matrimonialité para-présidentielle, Richard Attias dirigera,
depuis Doubaï, la «Dubaï Event Management Corporation», en
association avec le prince Ahmad, fils du gouverneur de Doubaï,
Cheikh Rached al Maktoum. Le recrutement du fils de l’ancien
costumier du Roi du Maroc, titulaire d’une nationalité marocaine
qu’il n’a jamais voulu troquer contre toute autre nationalité,
ne relève pas d’un «coup de pub et de communication», mais d’un
choix raisonné à l’égard d’un professionnel confirmé. Elle a été
perçue comme une marque de confiance à l’égard d’une personne
demeurée de surcroît fidèle à ses racines judéo-arabes dans la
pure tradition du judaïsme marocain, à l’exemple de l’écrivain
Edmond Omrane El-Maleh, de l’ingénieur Abraham Sarfati et du
mathématicien Sion Assidon, deux anciens prisonniers d’opinion à
l’avant garde du combat pour la conquête des libertés
démocratiques dans le Monde arabe. Par ricochet, l’installation
à Doubaï de l’époux en secondes noces de Mme Cecilia Siganer
Arbaniz, l’ancienne épouse du président français Nicolas
Sarkozy, a pu apparaître comme un magistral «pied de nez»
adressé, sans doute involontairement, à l’islamophobie ambiante
attisée en France au plus haut sommet de l’Etat par la
stigmatisation permanente des Musulmans «égorgeurs de moutons
dans leur baignoire» Ces deux objectifs sont en pleine
conformité avec l’objectif stratégique majeur des Etats-Unis:
l’intégration d’Israël, en position de leadership, au Moyen
orient.
Balisant le terrain à l’Arabie saoudite, Bahrein, qui
abrite la base navale du QG de la Vme flotte américaine pour la
région Golfe arabo-persique/Océan Indien, a abondé en ce sens,
le 9 octobre dernier, en proposant la mise sur pied d’une
nouvelle organisation régionale englobant l’ensemble des pays du
Moyen orient, c’est à dire les pays arabes du Proche et du Moyen
Orient mais aussi la Turquie, l’Iran et, dernier et non le
moindre, Israël.
Tout cet échafaudage pourrait être sinon réduit à
néant, à tout le moins mis à mal du fait de la bourrasque
boursière et financière qui a emporté à l’automne 2008 les
économies occidentales, plongeant dans la perplexité bon nombre
des alliés des états occidentaux dans la zone. Prenant argument
d’un prétexte oecuménique, le Royaume Wahhabite a invité Israël,
à son tour, a participer à un «dialogue des religions» qui
se tiendra le 11 novembre 2008 à New York, après les élections
présidentielles américaines.
L’affaiblissement militaire et économique des
Etats-Unis, la nouvelle tonicité de la Russie après la guerre de
la Géorgie, en août 2008, l’activisme chinois en Afrique font
craindre aux stratèges occidentaux la consolidation du groupe de
Shangai (Chine, Russie, Iran), à l’effet de modifier les
rapports de force régionaux notamment au Moyen-orient, au
détriment des pétromonarchies alliées du camp occidental.
Bien qu’antérieure à l’émergence de l’Iran comme
puissance nucléaire virtuelle, la forte concentration militaire
occidentale dans le golfe arabo-persique est néanmoins présentée
dans les médias occidentaux comme destinée à protéger les
princes du pétrole contre les convoitises du régime islamique de
Téhéran. Force pourtant est de constater que l‘unique
intervention militaire iranienne contre les pétromonarchies
s’est produite à l’époque où l’Iran se situait dans la mouvance
occidentale dans la décennie 1970 sans que la protection
américaine n’ait été d’un grand secours aux protégés arabes qui
se sont vus amputer ce jour là de trois îlots appartenant à
l’Emirat d’Abou Dhabi. Il est vrai que le Chah d’Iran Mohamad
Reza Pahlevi faisait office à l’époque de gendarme du Golfe pour
le compte des Américains et que les princes arabes ne pouvaient
qu’obtempérer, sur injonction américaine, au super gendarme
régional qui leur avait été assigné. Sous couvert de
guerre contre le terrorisme ou de démocratisation du Moyen
orient, deux des objectifs déclarés de la diplomatie
néo-conservatrice américaine, la présence militaire américaine
vise en outre à maintenir en fait cette zone énergétique
d’importance stratégique sous contrôle occidental, alors que les
prix pétroliers flambent et que la guerre pour le contrôle des
matières premières redouble d’intensité tant en Asie qu’en
Afrique au moment où la Chine opère une percée remarquable sur
le flanc méridional de l’Europe.
Indice du malaise régnant entre les Etats-Unis et le
Golfe pétro monarchique du fait de la faillite bancaire
américaine et de la pesante tutelle américaine sur les zones
pétrolifères, l’ancien secrétaire d’Etat Henry Kissinger n’a pas
hésité à désigner à la vindicte publique les pétromonarchies du
golfe, préconisant en pleine tourmente financière mondiale, la
constitution d’un cartel des pays industrialisés face aux pays
producteurs de pétrole afin de juguler la hausse des prix du
brut... comme si le G7 n’avait pas la maîtrise des principaux
rouages de l’économie mondiale. Vingt cinq mille milliards
(25000) de dollars de capitalisation boursière, soit deux fois
le produit intérieur américain), se sont évaporées depuis
janvier 2008 du fait de la crise des actifs toxiques de
l’économie occidentale, une somme largement excédentaire des
besoins de la communauté internationale pour satisfaire les
besoins hydrauliques de la planète, les besoins de la recherche
scientifique pour la découverte des thérapies aux maladies
incurables, éradiquer la faim et la soif dans le monde (Trois
milliards de dollars, les épidémies et les pandémies (9).
Jugée malvenue au moment où la
faillite bancaire américaine avait atteint un seuil excédant la
totalité de la dette publique des cinquante pays d’Afrique, la
déclaration Kissinger, désignant par ailleurs l’Iran comme la
principale menace de l’époque contemporaine (10) a suscité un
véritable tollé au sein des pays du tiers monde particulièrement
agacés par le rôle prescripteur que s’arrogent les Etats-Unis
dans leur prétention à régenter le Monde et à le sinistrer du
fait de la cupidité de leurs opérateurs financiers et l’égotisme
de leurs politologues. Survenant dans la foulée de la mise en
route du processus de neutralisation à distance de la balistique
iranienne avec la signature du pacte de déploiement de missiles
intercepteurs en Pologne, en Tchéquie et en Israël à la faveur
du conflit de Géorgie, en Août 2008, la déclaration Kissinger
survenue le jour commémoratif du 33me anniversaire de la
3eme guerre israélo-arabe, de même que les réitérations de
Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, sur
l’inéluctabilité d’une intervention israélienne contre l’Iran,
ont placé le Golfe arabo-persique sous vive tension et les
alliés américains de la zone sur la défensive. Les
pétromonarchies qui ont volé au secours de l’économie américaine
dans un premier temps, enregistrant au passage, sans plainte ni
complainte, une perte sèche de 150 milliards de dollars au cours
du 3me trimestre 2008 du fait de leurs placements sur les
marchés occidentaux, ont depuis lors reconsidéré leur position
percevant l’appel à la constitution d’un cartel anti-OPEP comme
une forme de chantage déguisé, privilégiant désormais, en une
sorte de réplique oblique, les placements sur les marchés
asiatiques (11).
A l’apogée de sa puissance, au plus
fort de son alliance avec l’Iran, l’Amérique n’a jamais réussi à
faire restituer à leur propriétaire arabe légitime ces trois
îlots qui ont nom, pour mémoire, Abou Moussa, Grande et Petite
tombe. En phase de puissance relative, saura-elle au moins
protéger durablement ces relais régionaux, au moment où ses
déboires en Irak et en Afghanistan la place sur la défensive,
alors que, parallèlement, l’Iran, fort de sa maîtrise de la
technologie nucléaire et des succès militaires des ses alliés
régionaux, le Hezbollah (Liban), Moqtada Sadr (Irak) et le Hamas
(Palestine) se pose en parfait contre exemple de la servitude
monarchique, avec un rayonnement se projetant bien au-delà
des zones à fortes minorités chiites arabes dans les régions
pétrolifères d’Arabie Saoudite, de Bahreïn, du Koweït, d’Irak,
et dans la zone limitrophe d’Israël dans le sud du Liban pour
s’étendre à l’ensemble de la sphère arabo-musulmane ? Plus
précisément, l’Amérique, pourra-t-elle protéger ses relais des
turbulences internes attisées par les frasques monarchiques
répétitives, en parfait décalage avec les dures conditions de la
réalité quotidienne de la multitude de leurs concitoyens et qui
gangrènent inexorablement les assises de leur pouvoir.
IV - Le péril domestique: les
frasques monarchiques, une gangrène qui sape les assises du
pouvoir pétromonarchique
Un spectacle à deux dimensions s’est offert au monde
arabe en cet été 2008, comme en 2006 lors de la guerre
destructrice israélienne contre le Liban, symptomatique du
divorce entre gouvernants et gouvernés arabes. Pendant que le
chef du Hezbollah libanais Hassan Nasrallah s’appliquait à
libérer, en juillet, le doyen des prisonniers arabes en Israël,
Samir Kantar, un druze pro palestinien détenu pendant 29 ans,
les princes saoudiens faisaient étalage d’un luxe tapageur sur
la baie de Cannes, sud de la France, avec leurs Yachts
surdimensionnés, dans des escapades nocturnes mouvementées en
compagnie d’une cohorte d’escorte bruyante d’un goût douteux,
loin des préoccupations quotidiennes de leurs compatriotes. Le
gouverneur de Doubaï, de son côté, laissait à son sort son
Emirat pour deux mois en vue de satisfaire au Royaume-Uni son
goût poussé pour les concours hippiques et les sports équestres
alors que la propre mère du président de la Fédération du Golfe,
Cheikha Fatima d’Abou Dhabi, et dix sept (17) de ses courtisanes
étaient interpellées en Belgique au Conrad Bruxelles
pour «sévices et maltraitance» à l’égard de sa domesticité.
Chaque année apporte son lot de scandales: 2005, année
de l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais Rafic
Hariri et de l’arrivée au pouvoir du Président iranien Mohamad
Ahmadi-Nijjad, l’opinion occidentale a eu droit au feuilleton de
la «Saudi connection», le trafic transcontinental de drogue
depuis la Colombie jusqu’à la France à bord d’un appareil de la
flotte privée de la famille royale saoudienne. En 2006, année de
la guerre destructrice israélienne contre le Liban, deux
scandales défrayèrent la chronique: le scandale Yamamah sur les
faramineuses rétro commissions de l’ordre de 1,8 milliards
d’euros perçues par le prince Bandar Ben Sultan, fils du
ministre saoudien de la défense, à l’occasion de la vente de 150
avions de combat anglais TORONADO à l’Arabie, ainsi que le
scandale de l’assassinat en Australie dans de conditions
mystérieuses d’un ancien prétendant au trône de Doubaï, un crime
couvert de l’immunité diplomatique et jamais élucidé.
En 2007, les frasques du Prince Abdel Aziz Ben Fahd,
valurent au fils de l’ancien Roi d’Arabie et camarade de jeu de
M. Saadeddine Hariri, l’héritier politique de l’ancien premier
ministre milliardaire libano-saoudien, d’être déclaré «non
grata» dans un grand palace parisien pour son goût prononcé pour
la compagnie de «filles bruyantes» (12). En 2008, la libération
de Samir Kantar et la restitution de près de 200 dépouilles
libanaises et palestiniennes, a coïncidé avec le retentissant
assassinat d’une chanteuse vedette libanaise, le 29 juillet
2008, à Doubaï. Suzanne Tamime passe pour être à la fois une
proche des familles régnantes d’Arabie saoudite et des Emirats.
Son meurtre impliquant des personnalités égyptiennes proche du
pouvoir a mis à mal les relations entre l’Egypte et les princes
du pétrole. Egorgée avant d’être assassinée, la fin tragique de
l’artiste libanaise est comparable à celle de la marocaine
Hanane Zamrani retrouvée assassinée dans la piscine d’un
richissime homme d’affaires des Emirats, en mai 2005.
L’auteur fera grâce à ses lecteurs des frasques
annuelles répétitives à Paris et à Genève de Hannibal Kadhafi,
fils cadet du dirigeant libyen, nouvelle dynastie autocrate
arabe du fait de la cooptation monarchique du pouvoir. Sur fonds
de corruption et de népotisme, de zone de non droit et de passe
droit, d’abus d’autorité et d’excès de pouvoir, ces frasques,
les chancelleries occidentales se gardent bien de l’avouer,
gangrènent les assises du pouvoir pétromonarchique et donnent
argument à leur contestataires politiques dont ils constituent
un parfait contre exemple.
Doubaï (12) vient d’ailleurs d’ordonner en Août 2008
une vaste campagne anti-corruption, l’érigeant en «priorité
nationale» mettant en cause huit dirigeants de firmes
financières et immobilières de premier plan, assurant que
désormais nul ne sera à l’abri de l’impunité. A cet égard,
la naissance en Arabie saoudite du mouvement «Al_Qaïda» ne
paraît pas le fruit du hasard, de même que la chaîne
transfrontière arabe «Al-Jazira» au Qatar. Tous les deux sont
perçus comme des excroissances rebelles à l’hégémonie saoudienne
sur l’ordre domestique arabe, le premier dans l’ordre
politico-militaire, le second dans le domaine médiatique. Dans
cette perspective, la présence militaire américaine dans le
Golfe vise-t-elle d’une manière subséquente à assurer une
impunité aux princes du pétrole à l’effet d’accentuer leur
dépendance personnelle à l’égard de l’Amérique? Autrement dit,
cette concentration militaire américaine dans le Golfe, la plus
dense au monde en dehors des Etats-Unis, constitue t-elle
véritablement un parapluie? Ne risque-t-elle pas, au contraire,
de servir de catalyseur au courroux arabe et, de faire fonction,
le cas échéant, de détonateur cataclysmique à un violent
débordement de mécontentement populaire dans l’hypothèse d’une
éventuelle confrontation avec l’Iran? En l’état actuel de la
science médicale, la gangrène se purge par l’amputation.
L’organisme pétromonarchique saura-t-il s’immuniser de cette
atteinte par une refonte drastique de son mode de
fonctionnement, ou, par l’effet des surcharges pondérales
générées par les facilités d’une existence assistée, se
laissera-t-il affecté, par négligence, par cette pathologie
incurable, à l’issue inexorable ??
Références
8- «Foire d’empoigne autour de la
Méditerranée» par Georges Corm, in le Monde diplomatique Juillet
2008.
9- « 25 000 milliards de dollars
évanouis ». Le Monde 25 octobre 2008. Depuis le début de
l'année, les grandes places boursières internationales ont perdu
presque la moitié de leur capitalisation. Cela signifie
qu'environ 25 000 milliards de dollars sont partis en fumée,
soit près de deux fois le produit intérieur brut ( PIB ) des
Etats-Unis. Certaines places ont presque disparu du paysage. La
Bourse de Reykjavik a perdu 94 % de sa valeur, Moscou 72 %, tout
comme Bucarest. l'Islande, au bord de la faillite, a annoncé
avoir signé un accord avec le Fonds monétaire international
(FMI) pour un prêt de 2,1 milliards de dollars (1,7 milliard
d'euros). Et la liste des pays en grande difficulté ne cesse de
s'allonger: Ukraine, Pakistan, Argentine, Hongrie, etc. Aux
Etats-Unis et en Europe, la contamination de"l'économie
réelle "commence à se matérialiser, avec une forte hausse
du chômage et une réduction du pouvoir d’achat. Selon une étude
du courtier Cazenove, les plus exposés sont, dans l'ordre, la
construction, les mines, les grands magasins, l'assurance-vie et
la banque.
Les valeurs refuges défensives se
réduisent à une peau de chagrin : produits de grande
consommation, spiritueux… A la Bourse de Paris, la plus mauvaise
est le fait de Renault, dont l'action a baissé de 77,12 % depuis
le 1er janvier, la moins mauvaise performance revient à
GDF Suez, qui affiche un recul de 21,66 % depuis le début de
l'année. Sur le plan budgétaire, les injections de fonds publics
pour sauver les banques vont se traduire par une hausse sensible
des dettes publiques et par un recours massif à l'emprunt de la
part des Etats. Cet afflux d'obligations du Trésor sur les
marchés financiers risque de provoquer une forte remontée des
taux d'intérêt à long terme qui jouent un rôle majeur dans le
financement de l'économie. "Les marchés broient du noir et
imaginent le pire avec un caractère autoréalisateur,
notent
les économistes du Crédit agricole.
La question de la
confiance reste centrale, et personne ne sait bien aujourd'hui
quel élément catalyseur est susceptible de la restaurer de
manière durable."
10- “Scholar statesman
award dinner- Henry Kissinger versus Robert Satlof october 6th
2008” Special forum report Washington Institute for Near East
Policy, Policy Watch N°1411 du 10 octobre
2008
11-«Lundi noir dans le Golfe: les
bourses des pétromonarchies enregistrent une perte de 150
milliards de dollars au cours du 3me trimestre 2008», in «Al-Qods
al-Arabi», mardi 7 octobre 208
12- «Ryad sur Seine, Mon patron est
un Emir: De l’argent sans limites, des distractions de grands
enfants, des serviteurs corvéables jusqu’à l’épuisement. Trois
ex salariés des Saoud racontent le quotidien des nababs à
Paris», par Christophe Boltansky, Nouvel observateur 22-28
Mai 2008.
13- Doubai lance une campagne anti
corruption, cf le Journal transnational arabe paraissant à
Londres «Al Quds al Arabi» en date du 18 Août 2008, qui précise
que huit dirigeants de firmes financières et immobilières
de premier plan sont poursuivis à Doubaï pour des faits en
rapports avec l’argent illicite, notamment des responsables de
la Banque Islamique de Doubaï et du Fonds d’investissement «Tamwil»,
des promoteurs immobiliers du projet «Ad-Diar» et «Al-Nakheel»,
la célèbre marina conquise sur la mer et édifiée en forme
de palmier.
Première partie
Deuxième partie
René Naba
Auteur « aux origines de la tragédie arabe »
Editions Bachari 2006
« Du bougnoule au sauvageon, voyage dans l'imaginaire français »
Harmattan 2002
« Rafic Hariri, un homme d'affaires premier ministre »
- Harmattan 2000
« Guerre des ondes, guerre des religions, la bataille
hertzienne dans le ciel méditerranéen »- Harmattan 1998
© Toute reproduction intégrale ou
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les articles L.335-2 et suivants du Code.
Publié le 8 novembre 2008 avec l'aimable autorisation de René Naba.
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