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Opinion
1er anniversaire du
lancement de l'Union pour la Méditerranée
René Naba
Paris, le mardi 7 juillet 2009 La destruction de l’enclave
palestinienne de Gaza par Israël, en janvier 2009, paraît avoir
porté un coup fatal à l’Union Pour la Méditerranée, rendant
aphone et atone la France, pour la première fois dans les
annales diplomatiques internationales, sur un dossier clé de la
géostratégie mondiale, le Moyen orient, un développement
d’autant plus fâcheux qu’il survient au moment même où la zone
auparavant résolument anti-américaine opère un basculement
psychologique à la faveur du discours du Caire du président
Barack Hussein Obama, fondateur de la nouvelle politique
américaine à destination du monde arabo musulman. Sauf
retournement de tendance, tel est le bilan de la diplomatie
méditerranéenne de Nicolas Sarkozy, un an après le lancement à
grand fracas publicitaire du projet phare de sa mandature
présidentielle.
La grande œuvre diplomatique de la présidence Sarkozy a
surtout permis à un état membre (Israël) de détruire un autre
état membre (Gaza Palestine), sous le regard impassible de ses
deux co-présidents Nicolas Sarkozy (France) et Hosni Moubarak
(Egypte), entraînant la paralysie de cette instance et le
rehaussement parallèle des relations entre Israël et l’Union
Européenne, la défense tonitruante du prisonnier
franco-israélien Gilad Shalit et l’omission coupable du cas du
franco palestinien Salah Hammoury.
L’UPM est désormais un château fantôme déserté par ses
nombreux et bruyants pensionnaires, confus devant un tel gâchis,
confus devant ce qui apparaît comme sa principale
réalisation: l’éradication de toute sensibilité pro
palestinienne de l’administration préfectorale et de
l’audiovisuel extérieur français et la promotion concomitante de
personnalités au philo sionisme exacerbé. La mise à l’écart de
Bruno Guigue (administration préfectorale), –dont la destruction
israélienne de Gaza, en janvier 2009, lui a donné a posteriori
raison–, la mise à l’index de l’universitaire Vincent Geisser,
l’éviction de Richard Labévière (Média) et de Wahib Abou Wassel,
seul palestinien du dispositif médiatique extérieur, se sont
accompagnés, en effet, de la promotion concomitante de Bernard
Kouchner (Quai d’Orsay), Pierre Lellouche (Affaires
européennes), Dominique Strauss khan (FMI), Arno Klarsfeld
(Matignon), ainsi que de François Zimmeray, ancien
vice-président de la commission d’études politiques du CRIF,
Ambassadeur pour les Droits de l’homme, de Christine Ockrent
(pôle audiovisuel extérieur) enfin de Philippe Val (France
inter) (1).
Rien n‘avait pourtant été épargné par Nicolas Sarkozy pour
ancrer Israël comme pivot de sa diplomatie. Rien. Ni
la «désarabisation» (2) du Quai d’Orsay, ni sa participation
inaugurale au dîner annuel du CRIF (Conseil représentatif des
Institutions Juives de France), ni l’éradication des
personnalités de sensibilité pro palestinienne au sein de
l’administration préfectorale et du dispositif audiovisuel
extérieur parallèlement à la promotion de pro israéliens
patentés à des postes de responsabilité, ni le contournement du
mausolée du dirigeant palestinien Yasser Arafat à Ramallah, lors
de sa visite officielle en Palestine, en juin 2008. Rien, pas
même la primeur réservée à Israël de la première visite d’état
d’un dirigeant étranger en France sous l’ère Sarkozy, ni
l’obligation faite aux jeunes écoliers d’adopter la mémoire d’un
enfant juif déporté durant la II me Guerre mondiale (1939-1945).
Rien n’a été épargné. Tout a été concédé à Israël à jet continu,
unilatéralement, sans contrepartie, y compris la
démilitarisation du futur état palestinien et la reconnaissance
d’Israël comme l’état du peuple juif, au point de confirmer
Nicolas Sarkozy dans sa réputation de «dirigeant français le
plus honni du monde arabe depuis Guy Mollet», l’ancien premier
ministre socialiste, maître d’oeuvre de l’agression franco anglo
israélienne de Suez, en 1956, et des ratonnades d’Alger.
Tant de prosternation pour une telle impasse? Malgré la
posture reptilienne de la classe française politique devant les
oukases israéliens, malgré les avanies infligées par Israël au
personnel diplomatique français en Israël (3), la France
sarkozienne n’a jamais été, en effet, audible en Israël. Elle ne
le sera jamais dans un pays préoccupé au premier chef de sa
relation stratégique avec les Etats-Unis. Elle n’est plus
audible dans le monde arabe. Dans ce contexte, le
compagnonnage du Qatar avec un pays sans passif colonial dans la
zone ne doit pas faire illusion. Il est avant tout destiné à
dédouaner la principauté de sa trop grande dépendance des
Etats-Unis. Il en est de même d’Abou Dhabi.
Une alliance de second choix qui ne saurait compenser la
brouille de la France avec l’Algérie et la Turquie, deux acteurs
majeurs du monde arabo musulman, ni l’absence de transactions
substantielles avec l’Arabie saoudite depuis une dizaine
d’années, à l’exception du contrat EADS de 2,5 milliards d’euros
concernant la sécurisation électronique de la frontière
saoudienne, ni non plus l’indifférence du monde arabe à son
égard, encore moins l’hostilité résolue de l’Iran, puissance non
méditerranéenne, activement courtisée néanmoins par les
Etats-Unis pour son rôle incontournable au Moyen-orient.
Il n’appartient pas au Monde arabe de servir de thérapie au
complexe de persécution des Juifs, ni aux Palestiniens de payer
par délégation pour les crimes commis par les pays occidentaux à
l’encontre de leur compatriotes de confession juive,
particulièrement l’Europe, plus précisément l’Allemagne et la
France de même que le Royaume Uni (promesse Balfour). Dans le
même ordre d’idées, le Hamas n’est pas responsable du malheur du
peuple Palestinien, comme ont tendu à le soutenir, telle une
rengaine usée pendant la destruction de Gaza, Nicolas
Sarkozy, son ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner
et sa secrétaire d’état aux Droits de l’Homme Rama Yade. Ce
malheur est antérieur de soixante ans à la naissance du Hamas
qui en est la résultante, la résultante de la spoliation du
peuple palestinien, de son identité nationale, de sa
souveraineté et de sa dignité.
Résultante de la négation de sa légitimité pourtant consacrée
par des élections démocratiques, de la poursuite du blocus de
Gaza, des assassinats extrajudiciaires, de la multiplication des
check points de contrôle (750) de l’armée israélienne, soit le
tiers de la Cisjordanie, la poursuite de la colonisation en
Cisjordanie et la judaïsation rampante de Jérusalem. De la même
manière, la menace iranienne est postérieure de soixante ans à
la spoliation palestinienne, la résultante de soixante ans de
comportement abusif d’Israël, unique état du Monde à avoir été
créé par une décision de l’ONU, unique état du monde à
s’affranchir pourtant en toute impunité de la légalité
internationale.
Nicolas Sarkozy est captif de sa démagogie et de ses
préjugés, captif de ses présupposés idéologiques, lorsque depuis
Jéricho, en juin 2008, il tonne ce slogan qui signe de manière
manifeste son incompétence diplomatique: « le pouvoir par les
urnes, pas par les fusils» feignant d’ignorer, ou plus
vraisemblablement ignorant que le Hamas avait emporté haut la
main les élections les plus démocratiques du Moyen-Orient.
L’homme de la rupture est un vil suiviste: suiviste de son
prédécesseur qu’il dénigre tant mais qu’il copie fidèlement même
dans ses errements: tout le monde garde présent à l’esprit la
prescription de Jacques Chirac ordonnant des « mesures
coercitives» à l’égard du Hezbollah libanais lors de la
guerre destructrice israélienne contre le Liban, en juillet
2006, un Hezbollah victorieux renvoyant Jacques Chirac à la
condition de pensionnaire posthume de Rafic Hariri, l’ancien
premier ministre libanais assassiné, sans doute partiellement du
fait de la politique française au Moyen-orient.
Rétrospectivement, la défection de deux personnalités de
premier plan du Moyen orient, auparavant bénéficiaires de
l’Asile politique en France, l’Ayatollah Ruhollah Khomeiny, chef
de la Révolution islamique iranienne (Iran 1979) et du Général
Michel Aoun, chef du principal parti chrétien libanais
(1990-2005), pose le problème de la pertinence de la politique
française dans la zone.
Le premier président de sang mêlé de France parait
pâtir du prestige international du premier président de sang
mêlé des Etats-Unis d’Amérique.
Un an après son sacre diplomatique, le flamboyant président,
orphelin de sa plateforme européenne, privé de sa passerelle
méditerranéenne, plombé par un ministre des affaires étrangères
Bernard Kouchner affligé par son affairisme kurdo gabonais, est
désormais éclipsé par la nouvelle icône médiatique planétaire
Barack Obama. La surenchère protestataire à laquelle s’est
livrée Nicolas Sarkozy par rapport au président américain à
propos de l’Iran, à la mi-juin, correspondait davantage à son
souci de sécuriser le marché militaire français des
pétromonarchies du Golfe dans la foulée de l’aménagement d’une
base navale à Abou Dhabi qu’elle ne répondait à son
intransigeance sur les violations des libertés démocratiques.
La suppression du secrétariat aux Droits de l’Homme dans le
remaniement ministériel de juin 2009 porte confirmation de cette
tendance. Le zèle protestataire anti-iranien de la France aurait
gagné en crédibilité s’il s’était accompagné du même activisme à
l’encontre d’Israël. La conférence des ambassadeurs français en
poste au Moyen orient, qui se tiendra pour la première fois de
l’histoire le 9 juillet à Damas, sous la présidence de Bernard
Kouchner, le plus hostile à la Syrie des ministres français des
Affaires étrangères, témoigne du désarroi général de la
diplomatie française dans la zone. Ce rétropédalage a retenti
comme un désaveu cinglant pour le tandem Sarkozy-Kouchner,
artisan de l’alignement inconditionnel de la France envers
Israël.
En plein naufrage diplomatique, la France a d’ailleurs
sollicité le concours de la Suède pour un co-pilotage de l’Union
Pour la Méditerranée, accentuant le brouillard institutionnel
euro méditerranéen (4). Président semestriel de l’Union
Européenne, la Suède est favorable à l’entrée de la Turquie
au sein de l’ensemble européen. Sa diplomatie est créditée d’un
fort degré de fiabilité au sein du tiers-monde.
Vindicatif, à la culture dyspeptique, au débit
stroboscopique, au comportement nourri de tics, à la démarche
ambulatoire, le «premier président de sang mêlé» de France
parait pâtir du prestige international du «premier président de
sang mêlé» des Etats-Unis d’Amérique. Même sur ce registre là,
le français ne supporte pas la comparaison: Face au Kenyan, le
hongrois fait piètre figure. Le discours fondateur du Caire, le
4 juin dernier, sur la nouvelle diplomatie américaine à l’égard
du monde arabo musulman a révélé, par contrecoup, le caractère
pathétiquement dérisoire des embardées xénophobes
anti-musulmanes du «premier président de sang mêlé» de la
France. En cette heure de grande solitude diplomatique,
qu’il plaise aux oracles de lui prévenir une nouvelle méprise,
et, que dans sa gesticulation démagogique solitaire, la France
ne redevienne une partie du problème et non de sa solution du
fait de la dystopie (5) du discours de son président.
Références
·
1- Philippe Val a imputé la politique
antijuive du Régime de Vichy à la politique arabe de la France,
se livrant ainsi à un sournois travail de
révisionnisme anti-arabe. Sa plus belle perle, qui relève
désormais du domaine de l’anthologie, est incontestablement ce
constat en forme de sentence: «Les otages français (en Irak),
Christian Chesnot et George Malbrunot) ont été enlevés par des
terroristes islamiques qui adorent égorger les Occidentaux, sauf
les Français, parce que la politique arabe de la France a des
racines profondes qui s’enfoncent jusqu’au régime de Vichy, dont
la politique antijuive était déjà, par défaut, une politique
arabe», assurait-il avec beaucoup de suffisance dans Charlie
Hebdo en date du 5 janvier 2005.
·
2- Sous l’autorité de Bernard Kouchner,
transfuge socialiste de l’atlantisme néo-conservateur américain,
Gérard Araud, ancien ambassadeur à Tel-Aviv de 2003 à 2006,
passe pour être l’artisan du virage pro israélien de la
diplomatie française en tandem avec son supérieur hiérarchique,
Gérard Errara, ancien ambassadeur représentant permanent de la
France à l’OTAN à Bruxelles (1995-1998) et ancien ambassadeur à
Londres (2002-2007) sous la primature de Tony Blair, «Le caniche
anglais de Bush ». Leur postulat repose sur l’idée que le monde
arabe est sans influence sur les relations internationales. Ils
sont secondés par Philippe Errera, fils de Gérard et énarque
comme lui, un admirateur de l’historien Bernard Lewis, un des
idéologues des néo conservateurs américains, ainsi que par
Michel Miraillet (ministère de la défense), Thérèse Delpuech
(commissariat à l’énergie atomique) et Bruno Tertrais (Fondation
de la Recherche Stratégique) et Erik Chevalier, porte-parole du
Quai D’orsay, proposé par la France pour être le prochain
ambassadeur de France en Syrie.
·
3- Quatre diplomates français ont fait
l’objet de vexations de la part des autorités d’occupation
israélienne en moins d’un an: Le 22 juin 2009, la directrice du
centre culturel français de Naplouse (Cisjordanie) a été sortie
de son véhicule, jetée à terre et rouée de coups par des
militaires israéliens près de Jérusalem. «Je peux te tuer», a
lancé en anglais l’un des soldats. Le 23 ce fut au tour du
directeur du centre culturel de Jérusalem-Ouest, Olivier Debray,
qui, à bord d’un véhicule pourvu de plaques consulaires, a été
insulté par des policiers. Le 11 juin 2008, Catherine Hyver,
consulte adjointe à Jérusalem, avait été retenue dix-sept heures
sans une goutte d’eau ni une miette de pain par la sécurité
israélienne à un point de passage de la bande de Gaza.
Mais l’incident le plus grave est l’occupation du domicile
l’agent consulaire français, Majdi Chakkoura, à Gaza pendant
l’attaque israélienne de janvier. En son absence, les soldats
israéliens ont complètement ravagé les lieux – pourtant signalés
à l’armée israélienne -, volé une grosse somme d’argent, les
bijoux de son épouse, son ordinateur et détruit la thèse sur
laquelle il travaillait. Et ils ont souillé d’excréments le
drapeau français. Le Quai d’Orsay n’a élevé aucune protestation
à la suite de cet incident.
·
4- Le co-pilotage de l’Union Pour la
Méditerranée a été annoncé par le premier ministre suédois
Frederick Reinfeldt au terme de ses entretiens vendredi 3
juillet à Stockholm avec Nicolas Sarkozy. «Aujourd’hui nous nous
sommes mis d’accord sur une Présidence suédo-française du côté
de l’UE pour l’Union pour la Méditerranée lors de cet automne.
Cela signifie que la France et la Suède vont codiriger les
réunions qui auront lieu» a déclaré M. Reinfeldt. La Suède, pays
à la diplomatie prestigieuse, assume de surcroît président
semestriel de l’Union Européenne.
·
5- Une dystopie est un récit de fiction, parfois raccordé à la
science-fiction, se déroulant dans une société imaginaire,
inventée par les écrivains, afin d’exagérer et ainsi montrer des
conséquences probables. La dystopie s’oppose à l’utopie: au lieu
de présenter un monde parfait, la dystopie propose le pire qui
soit. Cette forme littéraire a été rendue célèbre par «Le
meilleur des Mondes» (1932) de Aldous Huxley, 1984 de George
Orwell (1949) ou encore « Fahrenheit 451» de Ray Bradbury
(1954).
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Publié le 7 juillet 2009 avec l'aimable autorisation de René Naba.
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