Opinion
Syrie: La bataille
de Syrie et la capture par l'Iran d'un
drone américain sophistiqué
René
Naba
René Naba
Vendredi 6 janvier
2012
Les pays occidentaux et leur allié
régional du pacte atlantique, la
Turquie, ont engagé depuis près d’un an
une offensive diplomatique et militaire
contre le régime baasiste de Damas en
vue de provoquer son implosion, mais
cette offensive sans précédent en 40 ans
de bras de fer entre la Syrie et
l’Occident pourrait connaître un sérieux
infléchissement avec la capture par
l’Iran d’un drone sophistiqué américain
en surveillance des sites nucléaires
iranien, via le Béloutchistan, et la
tension survenue entre les principaux
parrains de l’opposition syrienne, la
France et la Turquie, à propos du
génocide arménien.
Indice de l’importance des enjeux, les
pays occidentaux sont engagés contre la
Syrie, frontalement, sans mandat
international, contrairement aux
opérations de déstabilisation menées
depuis 40 ans contre la Syrie,
habituellement le fait des sous
traitants régionaux des Etats-Unis,
l’Arabie saoudite ou Israël.
La bataille de la Syrie se veut ainsi
une bataille décisive au sens
stratégique de Clausewitz, en ce qu’elle
doit provoquer une modification radicale
des rapports de forces régionaux et la
création d’une nouvelle réalité sur le
terrain par la chute du régime baasiste
dans une manœuvre de contournement
visant à l’étranglement du dernier
récalcitrant arabe. Elle est engagée sur
fond de tractations entre les Etats-Unis
et les Frères Musulmans visant à
propulser la mouvance islamiste sunnite
au pouvoir dans la majorité des pays
arabes, en guise de substitut à la
révolution, en contrepartie d’une mise
en veilleuse de la revendication de la
confrérie sur la question de la
Palestine.
Le collapsus du point focal de l’axe
de résistance à l’hégémonie
israélo-américaine viserait à assurer la
prépondérance sunnite sur les autres
composantes de l’Islam, mais cette
tractation se ferait sur la base d’un
règlement a minima de la question
palestinienne, contrepartie
indispensable pour les occidentaux à la
pérennité d’Israël en terre arabe. La
réhabilitation politique de la mouvance
islamiste sunnite, après les dérives
talibanes des deux précédentes décennies
(1990-2000), de même que la souscription
de l’Islam sunnite à la pérennité
d’Israël devraient ainsi, dans l’esprit
des stratèges occidentaux, assurer la
domination irréversible du camp
occidental sur cette zone pétrolifère et
faire pièce à l’accession de l’Iran au
seuil nucléaire, à la montée en
puissance de la Chine et le retour de la
Russie au Moyen Orient.
La réactivation de la vieille alliance
de l’époque de la guerre froide entre
les Etats-Unis et Les Frères Musulmans
apparait ainsi comme un solde de tout
compte aux déconvenues enregistrées par
le camp sunnite dans sa longue
coopération avec l’Amérique, qui a
abouti au refus de l’adhésion de la
Turquie à l’Union européenne, et au
rejet des deux plans saoudiens de paix
pour la résolution du conflit
israélo-arabe et à la judaïsation
rampante de la quasi totalité de la
Palestine et de Jérusalem, 3me haut lieu
saint de l’Islam.
Le
prédicateur médiatique d’Al Jazira,
Cheikh Youssef Al-Qaradaoui,
en compagnie du président du Conseil
National Syrien Bourhane Ghalioune.
Tant le chef nominal de l’opposition
syrienne, Bourhane Ghalioune, que les
diverses branches de la confrérie ont
déjà donné des gages en ce sens.
L’universitaire franco syrien a assuré
qu’un de ses objectifs diplomatiques
prioritaires serait la rupture du cordon
ombilical avec l’Iran et le Hezbollah
libanais, tandis que, de son côté,
l’opposition syrienne prenait part, en
juillet 2011, à Paris, à un colloque
sous le parrainage du philosophe philo
sioniste Bernard Henry Lévy, parrain de
l’opposition libyenne, et qu’en écho, le
chef de la branche tunisienne Rachid
Ghannouchi, renonçait à inscrire dans le
marbre de la constitution tunisienne des
dispositions ultra restrictives
concernant Israël et que Jeffrey Feltman,
le chef d’orchestre américain pour le
Moyen orient, affichait, sans être
démenti, sa confiance dans la pérennité
du Traité de paix égypto-israélien et
son respect par les Frères musulmans
d‘Egypte .
L’engagement direct des Occidentaux dans
un tel objectif ambitieux a entraîné
l’engagement direct des alliés
historiques de la Syrie aux côtés du
président Bachar Al Assad; la Russie
considère la Syrie, son plus ancien et
loyal allié arabe, comme une «ligne
rouge infranchissable», de même que
l’Iran, le chef de file de la
contestation anti occidentale, et son
allié régional le Hezbollah, maître
d’œuvre de la guerre asymétrique contre
Israël.
Près d’un an après le début des troubles
en Syrie, le champ de bataille présente
la configuration suivante :
1- La France,
Bourhane Ghalioune et la perspective
d’un nouvel Ahmad Chalabi syrien.
Artisan du démembrement de la Syrie
par l’amputation du district
d’Alexandrette et son rattachement à la
Turquie (Hatay), l’ancienne puissance
mandataire chercherait à reprendre pied
dans son ancienne possession en vue de
sanctuariser son influence au Liban, en
régression constante depuis 40 ans, où
ne subsiste que 27 pour cent de
francophones contre 67 pour cent dans la
décennie 1960. Par un activisme
médiatiquement tapageur, elle a réussi à
placer à la tête de la coalition des
opposants de l’extérieur, deux membres
de la fonction publique française, le
président du Conseil National de
Transition, M. Ghalioune et une de ses
collaboratrices, Basma Kodmani,
longtemps chercheuse à l’IFRI, le fortin
atlantiste de la pensée stratégique de
la diplomatie française. Sans assises
populaires, sans ancrage territorial,
sans tradition de lutte, doté d’un
cursus exclusivement bureaucratique, le
clan français de l’opposition syrienne
parait donner un gage de modernité et de
laïcité à une coalition largement
dominée par les Frères musulmans.
L’adoubement empressé de M. Ghalioune
par le prédicateur médiatique Youssef
Al-Qaradawi a démontré les limites de sa
marge de manœuvre, réduisant à néant ce
bel échafaudage médiatique.
Signe d’une désorientation mentale,
Bourhane Ghalioune, ancien militant de
la gauche radicale, expulsé de son pays
pour avoir émis des critiques sur la
pratique religieuse dans les pays
arabes, se livrera, bourgeois de Calais
des temps modernes, corps et âmes,
poings menottés et pieds liés, au dogme
néoconservateur, s’engageant à rompre
avec l’Iran et à couper les voies de
ravitaillement du Hezbollah Libanais.
Invraisemblable posture qui renvoie dans
l’imaginaire arabe au destin funeste
d’Ahmad Chalabi, l’ancien chef de file
de l’opposition irakienne pro
américaine, rejeté dans les poubelles de
l’Histoire une fois son forfait
accompli.
Une abdication qui lui vaudra
d’ailleurs un volet de bois vert de la
part de certaines des plus importantes
figures de l’opposition syrienne et
arabe. «Il n’est pas permis de sacrifier
l’unité des révolutionnaires de Syrie
pour la tranquillité de Hilary Clinton»,
secrétaire d’état américain, lui
assénera Haîtham Mann’ah, une des
figures de l’opposition syrienne, dans
un libelle intitulé «Conseils gratuits
pour une politique étrangère» paru le 10
décembre 2011 dans le journal libanais
«As Safir», tandis que le chroniqueur
d’Al Qods Al Arabi, Rachad Abou Chawar,
s’étonnait que sa priorité porte sur le
châtiment des deux pôles victorieux de
la résistance à l’hégémonie
israélo-américaine (3).
L’activisme pro américain des
pétromonarchies, exclusivement contre
les régimes républicains, tant en Libye
qu’en Syrie, avait suscité d’ailleurs
une levée de boucliers de certains
d’intellectuels arabes qui ont dénoncé
une nouvelle manœuvre américaine visant
à abolir l’esprit de résistance dans le
Monde arabe. Les plus en vue des
critiques pétro monarchiques auront été
l’universitaire égyptien Rifa’at As
Sayyed Hassan, Maan Bachour ainsi que
Ibrahim Allouch, fils du dirigeant
palestinien Naji Allouch, qui a pris la
tête d’une manifestation contre
l’ambassade américaine à Amman.
Sur le terrain (4), La DGSE a aménagé
une plateforme opérationnelle, dans le
nord du Liban, en vue former des
opposants syriens à des opérations
commandos contre le pouvoir alaouite,
avec pour mission précisément
d’instruire et de structurer les «
contingents » de «l’Armée syrienne
libre», censée regrouper des milliers de
déserteurs syriens et dont le chef
nominal, le colonel Ryad al-Asaad, se
trouve précisément réfugié en Turquie
depuis septembre 2011.
Nicolas Sarkozy a caressé le projet
d’une «intervention limitée» de l’OTAN
contre la Syrie, à partir de la Turquie
qui pourrait servir de base arrière à
cette opération «humanitaire, sans
action offensive». Mais ce projet
pourrait avoir été contrarié par la
nouvelle tension surgie entre les deux
parrains de l’opposition syrienne, la
France et la Turquie à la suite de la
volonté de la France de sanctionner la
négation du génocide arménien, sujet
ultrasensible en Turquie qui en fait un
casus belli diplomatique. Des hommes de
la CIA du BND (les services allemands)
et des services anglais seraient eux
aussi déjà à pied d’œuvre, en Turquie et
en Jordanie, tant pour l’entrainement
des dissidents que pour veiller à la
fluidité du trafic d’armes en leur
faveur que pour réceptionner les
combattants salafistes dirigés depuis
les pétromonarchies du Golfe vers ce
fief sunnite du nord du Liban. Du côté
turc, le ravitaillement en armes se fait
depuis la base atlantiste d’Incerlik et
la formation des combattants dans une
localité du sud est de la Turquie
Hakkary.
Ce positionnement des services
français dans une zone à majorité
sunnite dans la région frontalière de la
Syrie, en pleine violation de la
souveraineté libanaise, répond au double
souci de Paris de disposer d’un levier
d’influence au sein de l’opposition
syrienne, en même temps qu’il vise à
bonifier auprès des Arabes l’image du
plus pro israélien des dirigeants
français; de renflouer Saad Hariri, au
moment l’ancien premier ministre sunnite
libanais, en pleine déconfiture
politique, a choisi curieusement
Tripoli, le chef lieu du Nord Liban, au
mépris de tous les usages, pour y
célébrer, avec une semaine de retard, la
Fête Nationale Libanaise; une action
d’éclat destinée à redorer le blason de
ce fugitif permanent, par l’aménagement
d’une zone sécurisée visant à
l’établissement d’un corridor
humanitaire en direction de la Syrie,
dans une démarche qui représente le
degré ectoplasmique de la politique.
2- Les
Etats-Unis
L’administration Obama dispose à
Damas d’un véritable prince des ténèbres
en la personne de son ambassadeur,
Robert Ford, Ambassadeur des États-Unis
en Syrie. «Political Officer» à
l’ambassade des États-Unis à Bagdad de
2004 à 2006, sous l’autorité de John
Negroponte, ancien ambassadeur des
États-Unis au Honduras de 1981 à 1985 et
futur chef du renseignement américain,
Robert Ford a également servi comme
ambassadeur en Algérie (2006-2008);
autant de missions commandos dans les
zones à risque.
Selon le journaliste américain Wayne
Maden (opinion-maker.org, 12 septembre
2011), Robert Ford, en Syrie, a été
chargé du recrutement d’ «escadrons de
la mort» arabes auprès des unités
affiliées à Al-Qaïda en Afghanistan, en
Irak, au Yémen, et en Tchétchénie, pour
lutter contre l’armée et les forces de
police syriennes dans la Syrie assiégée.
En Irak, sous la supervision de
Negroponte, il a mis en œuvre l ’«option
El Salvador» par l’utilisation de
milices chiites irakiennes et de
Peshmergas kurdes pour assassiner,
enlever, et torturer des dirigeants
irakiens de l’insurrection.
Sur le terrain, parallèlement au
déploiement de l’insurrection
clandestine, via leurs alliés locaux, le
clan Hariri au Liban, ainsi que les pays
frontaliers, la Turquie et la Jordanie,
le Qatar et l’Arabie saoudite, les
Etats-Unis se sont livrés à une
démonstration de force, en dépêchant aux
larges de la Syrie, le George Bush
senior. L’entrée en action du
porte-avions George Herbert Walter Bush
sr (CVN-77), la plus importante base
aéronavale mobile au monde, vise à
accentuer la pression sur Bachar Al
Assad, alors que la Ligue arabe votait
la suspension de la Syrie et donner une
impulsion à une opposition syrienne
paralysée par ses divisions.
Transportant 90 aéronefs, six mille
membres d’équipage, propulsé par deux
réacteurs nucléaires, le porte-avions
dispose d’un rayon d’action illimité. De
la classe du Nimitz, le George HS Bush,
est l’un des dix porte avions géants de
la marine américaine. Ce bâtiment, l’un
des plus modernes au monde, construit en
1998, est équipé de 14 radars de
détection et de surveillance, d’un
système de brouillage électronique, de
deux batteries de missiles surface-air
Sea Sparow MK 57 Mod3, de deux batteries
de missiles surface-air RIM-116 Rollin
Air Frame Missile, de quatre canons anti
missiles de 20mm Phalanx.
3- La Russie
L’activisme occidental a donné lieu à
une réplique de la Russie qui a dépêché
trois bâtiments de sa flotte au large du
port syrien de Tartous pour une mission
de collecte de renseignements et de
neutraliser les manœuvres des pays
occidentaux, particulièrement de la
France, contre un pays anciennement sous
son mandat, qui lui a constamment tenu
la dragée haute en soixante ans
d’indépendance.
Pour la première fois depuis la chute
de l’empire soviétique, il ya vingt ans,
le porte-avion Amiral Kouznetzov a fait
route vers la Syrie afin de montrer le
pavillon et réaffirmer son opposition à
une éventuelle offensive militaire
atlantiste contre Damas.
Avec son groupe de bataille,
l’Amiral-Kouznetzov embarque huit
chasseurs Soukhoi Su-33, une dotation
significative de Mig-29K d’interception
et de combat aérien, deux hélicoptères
Kamov Ka-27 et un armement naval fixe
très lourd (12 missiles surface-surface
antinavire Granit, deux systèmes ASM
UDAV-1, un système de missile
surface-air Kinzhal et huit batteries de
canons de défense aérienne rapproché
Kashtan). Des sous marins russes ont
également fait relâche dans le port de
Tartous et, la Russie aurait doté la
Syrie d’un véritable arsenal balistique
doublé d’un système de radars couvrant
tous les objectifs aériens militaires
jusqu’à Tel-Aviv, de même que les
mouvements de la base aérienne d’Incirlik
en Turquie, qui sert à l’US Air Force et
aux forces de l’OTAN. La fourniture
russe comporte 79 missiles de croisière
Yakhont, mobiles, montés sur des camions
radars, d’une portée de 300 kms pour une
charge de 150 kg, propulsées à une
vitesse trois fois supérieure à celle du
son, en complément d’une batterie des
missiles sol-air ultrasophistiqués de
type SS-300; des engins capables
d’intercepter des missiles balistiques
ainsi que des cibles aériennes. Des
experts russes se seraient rendus en
Syrie pour aider à déployer et à rendre
opérationnelles ces batteries de
missiles. Opérationnel en 5 minutes, le
missile SS-300, d’une efficacité
éprouvée, est capable de poursuivre 100
cibles et d’engager une action contre 12
d’entre elles simultanément.
Se référant à une correspondance du
journaliste syrien Kamel Sakr, accrédité
du journal transfrontière arabe «Al Qods
Al-Arabi, le site précise que l’Etat
major russe a pesé de tout son poids
pour trancher en faveur de «la
protection de la Syrie et du régime du
président Bachar Al-Assad considérée
comme «une ligne rouge» infranchissable»
et que le déploiement de la flotte russe
a été opéré en plein accord des
autorités syriennes. Tirant les
enseignements des déconvenues
diplomatiques en Libye résultant d’une
erreur d’appréciation du président russe
Dimitri Medvedev, conséquence du
glissement du mandat de l’ONU à propos
de la Libye, la Russie a décidé d’opérer
un retour en force sur la scène
internationale, avec la réception à
Moscou, pou la première fois depuis sa
création, d’une délégation de la
formation paramilitaire chiite libanaise
Hezbollah, la réactivation de la base
d’écoutes de Cuba pour contourner les
Etats-Unis dans la collecte du
renseignement, le renforcement de sa
présence militaire au Vietnam, faisant
même planer sur la Turquie la menace
d’une relance du mouvement séparatiste
kurde, via le PKK, dont le chef Abdallah
Oçellan, en prison, relevait de la
compétence de Vladimir Poutine en sa
qualité de son ancien officier traitant
du temps du KGB (5).
Président le Conseil de sécurité de
l’ONU, en décembre 2011, la Russie a
crée la surprise en soumettant, le 15
décembre, une résolution condamnant en
de termes identiques tant les rebelles
que le pouvoir central, dans une contre
manœuvre visant à adresser un
avertissement à Damas et à placer Moscou
au centre du jeu diplomatique dans une
recherche d’une sortie de crise
transactionnelle.
4 – Le drone
américain et le bouleversement de la
donne
Le George Bush sr avait opéré contre
la Libye durant la phase terminale du
combat, accélérant la chute du Colonel
Kadhafi. Sa présence en rade de Syrie
avait valeur de message d’avertissement
et d’intimidation. Le message a-t-il été
entendu? Rien n’est moins sûr.
Dès la réception du matériel russe,
la Syrie s’est livrée à d’importantes
manœuvres balistiques sur l’ensemble du
territoire, impliquant diverses
catégories de missiles, tandis que le
Liban et l’Irak refusaient d’ordonner
l’embargo de la Syrie, lui offrant une
respiration économique et une relative
latitude de ravitaillement, alors que,
de son côté, le chef du Hezbollah
libanais, Sayed Hassan Nasrallah,
l’homme sans doute le plus recherché du
Moyen Orient, traqué aussi bien par la
quasi-totalité des services de
renseignements occidentaux et arabes,
rompait la clandestinité dans laquelle
il est plongé depuis son succès
militaire contre Israël, en 2006, pour
se livrer à un gigantesque bain de foule
le 6 décembre 2011, à l’occasion de la
célébration de la fête chiite d’Al
Achoura, commémorant l’assassinat
d’Al-Hussein, le petits fils du
prophète. Un acte de bravade et de
bravoure, un acte de défi qui a pris de
court l’ensemble de la classe politique
libanaise et vraisemblablement du corps
diplomatique occidental accrédité à
Beyrouth.
Plus que tout, la capture d’un drone
sophistiqué américain par l’Iran paraît
devoir bouleverser la donne, selon les
estimations d’un ancien haut
fonctionnaire français spécialiste de
l‘armement (6). Le RQ-170 est un drone
américain si furtif et secret qu’il a
tout à coup disparu des écrans de
contrôle alors qu’il survolait le
Béloutchistan. L’objet perdu est
réapparu quelques jours plus tard à la
télévision iranienne, étrange histoire
qui va peut-être changer la face du
monde. Les Iraniens ont ainsi réussi
l’exploit de prendre le contrôle du plus
sophistiqué des drones d’observation
américain. Pour l‘Iran, c’est une
victoire et un butin inestimable. Ses
savants viennent de démontrer leur
capacité d’électroniciens hors pairs
qu’ils sauront mettre rapidement à
profit pour copier l’engin et produire
un reverse engineering avec l’aide de
leurs complices russes et chinois
accourus en hâte. La frénésie
diplomatique suscitée par l’événement
montre qu’il est d’une portée
insoupçonnée. Car non seulement, l’Iran
dispose maintenant d’un prototype pour
reproduire l’arme secrète, mais elle
vient d’apporter la preuve de sa
capacité à se prémunir des attaques de
ce genre d’engins en les kidnappant.
L’Iran devient ainsi la seconde
puissance mondiale dans ce secteur
d’armement. Il ne serait pas étonnant
que Téhéran annonce l’abandon de son
couteux programme nucléaire devenu
dérisoire face à sa nouvelle arme de
dissuasion.
5- La Syrie
et La guerre des détroits pour l’accès
de la flotte russe aux bases syriennes
de Tartous et de Lattaquié.
Au delà de la démonstration de force,
la Russie entend conférer une prime à la
Loyauté et à la fidélité à l’égard d’un
allié central du Moyen Orient, l’unique
pays arabe à lui être demeuré
inconditionnellement loyal,
contrairement à l’Egypte sadatienne ou à
la Somalie de Zyad Barré, voire même
l’Irak de Saddam Hussein, situé de
surcroît à «toutes les articulations des
conflits du Moyen orient. Moscou vise à
dissuader aussi toute menace contre la
sécurité de la navigation de sa flotte,
particulièrement son accès vers les eaux
chaudes de la Méditerranée, spécialement
le littoral syrien où la Russie dispose
des deux seules bases en Méditerranée,
Tartous et Lattaquié.
La base navale permanente russe en
Syrie offrirait un avant-poste
stratégique en Méditerranée en
remplacement des installations louées à
l’Ukraine, dont le contrat prendra fin
en 2017. Des travaux d’approfondissement
du port syrien de Tartous et
d’élargissement de celui de Lattaquié
ont déjà entrepris. La base de Tartous
serait protégée par un système de
défense antiaérien S-300 PMU-2.
L’acte d’accusation du tribunal spécial
sur le Liban en désignant du doigt le
Hezbollah libanais, le 30 juin 2011, le
jour même de l’adoption de la
déclaration de politique générale du
nouveau gouvernement libanais de Najib
Mikati, en pleine révolte syrienne, de
même que la relance des supputations sur
une possible attaque des installations
nucléaires iraniennes, paraissent
destinés à maintenir sous pression le
binôme Syrie-Liban, dans une guerre de
substitution à l’Iran, en vue de mettre
en sourdine l’offensive diplomatique des
Palestiniens visant à proclamer un état
palestinien indépendant, en dépit de
l’opposition des Etats-Unis et d’Israël.
La Syrie est, ainsi donc, à son tour,
sur la sellette, après l’Irak qui a
implosé en 2003, la Libye qui s’est
caramélisée, en 2011, et l’Egypte qui
s’est neutralisée et marginalisée du
fait de sa cavalcade solitaire dans sa
pactisation avec Israël, en 1979.
L’éternel trouble fête de la politique
arabe fait l’objet d’une manœuvre de
contournement de la part des grands pays
arabes en vue de provoquer sinon
l’effondrement du régime baasiste, à
tout le moins à le forcer à rompre avec
son allié iranien et à annoncer sa
reddition au nouvel ordre américain que
les Etats-Unis et leurs grands alliés
régionaux, l’Arabie saoudite, la
Jordanie et le Qatar, tentent vainement
d‘instaurer au Moyen-Orient depuis le
début de la mandature de George Bush il
y a une décennie.
Unique pays se réclamant de la
laïcité dans le Monde arabe, mais
partenaire stratégique de l’Iran,
l’unique régime théocratique se
réclamant du chiisme, la branche rivale
du sunnisme, segment dominant dans les
pays arabes, la Syrie est simultanément
et cumulativement accusée d’être un
foyer du terrorisme international, un
pivot de l’axe du mal, le phagocytaire
du Liban et de la Palestine, le
fossoyeur du leadership libanais. En un
mot le grand perturbateur d’une paisible
et riante zone par excellence: le
Moyen-Orient. Une thèse relayée sans
retenue et avec une belle unanimité par
les grands médias occidentaux tant dans
la presse audiovisuelle que dans la
presse écrite, tant par les
intellectuels médiatiques que par les
scribouillards besogneux.
Pointée du doigt pour sa
responsabilité présumée mais non avérée
dans l’assassinat de l’ancien premier
ministre libanais Rafic Hariri, la Syrie
est mise en quarantaine diplomatique par
les Etats-Unis, frappée d’un boycottage
de fait des grands pays arabes qui lui
imputent la fragilité du pouvoir au
Liban, régulièrement soumise de
surcroît, en toute impunité, à des coups
de butoir d’Israël, tantôt par un
mystérieux raid aérien au dessus du nord
syrien, à l’automne 2007, tantôt par
l’assassinat sur son sol d’un chef
militaire du Hezbollah Imad Moughniyeh,
le Maître d’œuvre des opérations
antioccidentales au Moyen orient depuis
vingt ans.
Mais ce paria là, selon le schéma
occidental, se trouve être en phase avec
la multitude des «laissés pour compte»
de la paix, à tout le moins perçu comme
tel au delà des turpitudes dont son
régime peut être, à tort ou à raison,
crédité, qui voient en lui l’ultime
porteur de la revendication nationaliste
arabe, à une période de l’histoire
marquée par une déperdition identitaire
et une religiosité régressive.
Redoutable honneur qui lui vaut
l’hostilité sans nuances des pays
qualifiés de «modérés» dans le jargon
diplomatique et médiatique occidental,
principalement les huit monarchies
arabes, c’est-à-dire les régimes
affligés des mêmes tares
d’autoritarisme, de népotisme et de
corruption que le régime syrien mais que
leur alignement docile au camp
occidental exonère de toute critique.
Prise en tenaille par Israël et la
Turquie, barrée par son rival baasiste
l’Irak de Saddam Hussein, la Syrie s’est
appliquée à desserrer l’étau dans une
alliance de revers avec l’Iran, l’ancien
gendarme américain du Golfe, devenu sous
le régime Khomeiniste, le nouveau
croquemitaine des pétromonarchies du
Golfe. Mal lui en prit. En 1982, dans la
foulée de l’annexion de Jérusalem, en
décembre 1981, alors qu’Israël se
préparait à porter au pouvoir son
protégé libanais, le chef phalangiste
Bachir Gemayel, une révolte est
fomentée, à Hama, dans le nord de la
Syrie, par les «Frères Musulmans»,
l’organisation clandestine financée par
l’Arabie Saoudite, en février 1982, à
quatre mois de l’invasion israélienne du
Liban, déclenchant une sévère répression
qui fera, selon des informations de
presse, plusieurs milliers de morts.
C’est Damas qui sera blâmée par la
communauté internationale pour sa
férocité et non l’Arabie saoudite qui
attisait le feu intégriste. C’est le
président Hafez al-Assad en personne qui
sera pointé du doigt et non son propre
frère, le Général Rifaat al-Assad, le
chef des brigades de la défense, la
garde prétorienne du régime, le beau
frère due l’actuel monarque saoudien,
l’ordonnateur des massacres.
Ce frère cadet du président syrien,
un homme aux multiples ramifications et
trafics sera banni par la suite de son
pays. Il continue de bénéficier
curieusement de la mansuétude
occidentale sans doute en raison de ses
alliances matrimoniales avec la famille
Fustock qui fera de lui, le beau frère
de l’actuel roi Abdallah d’Arabie et du
député maronite libanais Nassib Lahoud,
perpétuel candidat à la présidence
libanaise. C’est la Syrie alaouite enfin
qui sera déclarée «ennemi de l’Islam»
pour avoir maté une rébellion
fondamentaliste que toutes les armées du
monde aussi bien arabes qu’occidentales
pourchassaient au nom de la «guerre
contre le terrorisme». La Syrie couverte
de plumes et de cendres, alors que
l’Algérie, l’Egypte, le Maroc et la
Tunisie, sont magnifiés pour avoir
éradiqué l’intégrisme tandis que
l’Arabie fondamentaliste est couverte
d’éloges pour ses présumés progrès dans
de parcimonieuses réformes
démocratiques.
Dans ce climat d’opprobre généralisé,
la Syrie présente au Liban depuis 1976 à
la demande des chefs maronites en
mauvaise posture à l’époque, sera
contrainte à retirer se troupes, en juin
1982, dans la foulée de l’invasion
israélienne du Liban. Une décennie
infernale (1979-1989) s’ouvre alors à
l’Occident au Moyen Orient: Destitution
du chah proaméricain et assaut contre
les Lieux Saints de la Mecque, en 1979,
assassinat de l’égyptien Sadate,
pactiseur d’Israël, en 1981, mise en
échec du traité de paix
libano-israélien, en 1983, attentats
contre les QG occidentaux à Beyrouth, en
1983, spirale des otages occidentaux au
Liban (1984-1988), attentats de Paris
(1986-1988). Une décennie infernale qui
s’achève avec la chute du Mur de Berlin
(1989) l’implosion de l’Union soviétique
et l’affirmation de l’Imperium américain
sur le plan mondial, l’hégémonie
israélienne sur le plan régional et, sur
le plan arabe, la prépondérance
saoudienne sous la tutelle des
Etats-Unis.
L’Arabie saoudite, le plus
intransigeant ennemi d’Israël sur le
plan théorique, aura opéré le plus grand
détournement du combat arabe, soutenant
l’Irak contre l’Iran dans la plus longue
guerre conventionnelle de l’histoire
contemporaine (1979-1988), le détournant
du coup du champ de bataille principal,
la Palestine, déversant des milliards de
dollars, et, surtout, déroutant la
jeunesse arabe et musulmane vers
l’Afghanistan, à des milliers de km du
champ de bataille palestinien, contre un
ennemi athée certes mais allié des
Arabes, l’Union soviétique, le principal
fournisseur d’armes de pas moins de six
pays arabes (Syrie, Irak, Algérie,
Libye, Soudan et Yémen), un utile
contrepoids en somme à l’hégémonie
américaine.
L’attentat du 11 septembre 2001 contre
les symboles de l’hyper puissance
américaine démasque les complicités
saoudiennes dans la montée en puissance
de l’intégrisme antioccidental. Bien que
quinze des dix neuf kamikaze ayant
participé au raid du 11 septembre soient
de nationalité saoudienne,
l’administration Bush, plutôt que de
frapper le Royaume Wahhabite, le foyer
et le terreau du fondamentalisme, va
répliquer en Afghanistan et en Irak, les
deux points de percussion de la
coopération saoudo-américaine dans la
sphère arabo-musulmane à l’époque de la
guerre froide soviéto-américaine,
gommant ainsi au passage toute trace de
leurs forfaits antérieurs, se faisant à
bon compte une nouvelle virginité
politique sous la bannière de la lutte
pour la promotion de la démocratie dans
le monde musulman. Par effet d’aubaine,
la destruction de l’Irak a placé
paradoxalement la Syrie et l’Iran en
vainqueur a posteriori d’un Saddam
Hussein, leur plus implacable ennemi
depuis deux décennies, et, consacré
l’Iran comme puissance régionale de
fait. Un résultat inacceptable pour
George Bush, le grand ordonnateur de ce
chaos destructeur pour la population
locale et corrosif pour l’Amérique
elle-même.
Inacceptable non plus pour son
successeur démocrate Barack Obama.
La Syrie et l’Iran seront placés dans
l’axe du mal, Yasser Arafat
méthodiquement confiné dans son complexe
de Ramallah dans une sorte d’étouffement
symbolique de la revendication nationale
palestinienne. Le décès du chef
historique de la Résistance
palestinienne, au terme de trois ans de
confinement hideux (novembre 2004),
l’élection dans la foulée deux mois plus
tard à Bagdad, l’ancienne capitale des
abbassides, d’un Kurde à la tête d’un
Etat irakien doté d’un nouvel emblème
aux couleurs kurdo-israéliennes (Bleu
jaune) (Janvier 2005), le basculement
dans le camp américain de Jacques
Chirac, le principal opposant mondial à
l’invasion américaine de l’Irak,
accréditeront, à tort ou à raison,
l’idée d’une vaste conjuration
occidentale visant à mettre au pas tout
récalcitrant à l’ordre
américano-israélien dans la zone
(septembre 2004). L’assassinat le 14
février 2005 du chef du clan saoudo
américain à Beyrouth augure un nouveau
chapitre de violence marqué par l’entrée
en action de l’armée israélienne à un
degré de violence inouïe.
Israël et les alliés Libanais de
l’Amérique subiront cumulativement
revers militaires et camouflets
politiques depuis 2006, entravant
considérablement la mise au pas du
Liban, au-delà, la Syrie, l’Iran et la
portion palestinienne sous l’autorité du
Hamas. C’est ainsi que dans une démarche
symétrique mais non synchronisée, le
Hezbollah infligera en effet à Israël,
l’été 2006, un retentissant camouflet
militaire, dont le Hamas s’en inspirera
avec succès en décembre 2008 au moment
de l’invasion de la bande par les forces
d’occupation israéliennes, alors que
parallèlement les dirigeants maronites,
Nassib Lahoud et Amine Gemayel étaient
battus répétitivement dans une
compétition électorale, dans leur propre
fief du Metn, par le principal allié
chrétien du Hezbollah le Général Michel
Aoun, un échec comparable au revers
électoral du président palestinien
Mahmoud Abbas face à ses opposants
islamistes. Une séquence à tous égards
calamiteuse pour l’administration
néoconservatrice américaine.
Le Royaume wahhabite vit comme une
rente de situation l’Islam et le
pétrole, les deux vecteurs de sa
puissance. Puisant son magistère moral
de la présence sur son sol des
principaux Lieux Saints de l’Islam (La
Mecque et Médine), et sa puissance
financière de ses gigantesques réserves
énergétiques, il consacrera l’essentiel
de ses efforts à combattre plus qu’aucun
autre pays le nationalisme arabe,
mettant sur pied l’Organisation de la
Conférence Islamique (OCI), une
structure de diplomatie parallèle
concurrente de la Ligue arabe. Dans la
foulée du revers militaire israélien au
Liban, l’été 2006, il se muera, à la
grande stupéfaction de la quasi-totalité
des observateurs internationaux, en
parangon de l’Arabisme. Le chantre de la
fraternité islamique pendant trois
décennies, accusera, sans vergogne, la
Syrie d’avoir pactisé avec l’Iran, la
perse antique, pays musulman certes mais
non arabe. Une tare indélébile pour le
nouveau porte-étendard de l’arabisme
Le «péril chiite» succède alors au
«péril rouge» qu’Américains et Saoudiens
avaient combattu sans relâche, les
décennies précédentes. Dans la foulée du
revers militaire israélien au Liban,
l’été 2006, l’Arabie se redécouvre arabe
pour se démarquer du triomphe du
Hezbollah, la milice chiite Libanaise.
Négligeant son premier vecteur
transnational MBC (Middle East
Broadcasting Corporation), elle se dote
d’une chaîne transfrontière du nom
d’«Al-Arabiyah» comme pour mieux
revendiquer son arabité, un terme
qu’elle avait pourtant banni de son
lexique diplomatique pendant un
demi-siècle.
Un comportement qui s’apparente à une
mystification. Mais le Royaume qui aura
lancé deux plans de paix pour le
règlement du conflit israélo-arabe (Plan
Fahd, en 1982, Plan Abdallah, en 2002),
sans rencontrer le moindre écho tant du
côté américain que du côté israélien, ne
déviera jamais, malgré cette rebuffade,
de sa ligne, à savoir l’alliance
privilégiée avec le grand protecteur du
principal ennemi des Arabes, Israël,
l’usurpateur de la Palestine au regard
d’une large fraction de la population
saoudienne et arabe, faisant droit à
toutes ses requêtes sans hésitation sans
la moindre retenue. Et pour cause. La
dynastie wahhabite aura été le principal
bénéficiaire du travail de sape opéré
depuis trente ans par les Américains et
les Israéliens pour réduire la
résistance du noyau dur du Monde
arabo-islamique: neutralisation de
l’Egypte par le Traité de paix avec
Israël (1979), destruction de l’Irak
(2003), étranglement de la Syrie (2004),
caramélisation de la Libye (2005),
isolement de l’Iran (2006) au point
qu’Israël apparaît en fin de compte
comme le meilleur allié objectif des
Wahhabites, rare conjonction de deux
régimes théocratiques, l’état hébreu
n’étant à fonctionnement démocratique
que pour la potion juive de sa
population.
Le tribunal international pour le Liban
et la menace potentielle nucléaire
iranienne constituent les deux
instruments de la diplomatie occidentale
pour amener à résipiscence les deux
réfractaires à l’ordre américain, quand
bien même la menace nucléaire iranienne
se trouve au stade virtuel et sa réalité
contestée par les services américains,
quand bien même elle est postérieure de
soixante ans à la menace nucléaire
israélienne, bien réelle, elle, qui
hypothèque tout règlement qui ne
souscrirait pas au diktat israélo
américain.
Ramollir le noyau dur du Monde arabe
par l’invasion répétitive de Gaza, fief
du mouvement islamiste Hamas, le
harcèlement du Hezbollah par des
opérations de diversion des politiciens
libanais, la neutralisation de la
constellation du Douwal al Moumanah,
l’alliance de fait entre le Hamas
palestinien le Hezbollah libanais, la
Syrie et l’Iran qui se considère comme
le système de pré alerte visant à
immuniser le monde arabo-musulman contre
le virus de la soumission à l’hégémonie
israélo-américaine. Epuiser le dernier
îlot de résistance en prélude à une
éventuelle offensive contre l’Iran qui
donnera la possibilité aux Etats-Unis
d’opérer une magistrale culbute,
passant, de par son piètre bilan
diplomatique sur la question
palestinienne de plus grand ordonnateur
de la «Pax Americana» au Moyen orient:
telles sont les principales lignes de
force d’une politique si coûteuse sur le
plan humain et économie, si désastreuse
pour l’image de l’occident par ses
turpitudes et sa duplicité, si
avilissante pour les Arabes pour leur
servilité, dont les pays occidentaux en
paieront leur prix par leur perte
progressive de leur hégémonie absolue
sur le reste de la planète.
Le Monde arabe constitue avec
l’Amérique latine l’une des rares de
zone de contestation de l’hégémonie
américaine. Au delà des vives critiques
fondées et justifiées sur les turpitudes
syriennes, si l’implosion de la Syrie
venait à surgir entraînant dans son
sillage le collapsus du Liban, une
longue période de servitude et de
tribalisation s’ouvrirait alors pour les
Arabes, Sunnites et Chiites, Salafistes
ou Soufistes, Malekites, Chaféites,
Hanafites ou Hanbalites, Kurdes et
Druzes, Alaouites et Wahhabites, voire
même Maronites. Et La Syrie, tout comme
le Liban chéri des Occidentaux ne sera
plus qu’un «Hariristan» à l’image du
Kurdistan irakien, voire même du
bantoustan palestinien que les
Israéliens et les Américains
s’appliquent à édifier sur les lambeaux
de la Palestine. Et la perte de la
Syrie, comme celle du Liban seront alors
pleurées comme l’aura été la perte de la
Palestine, comme auparavant la perte de
l’Andalousie: abondamment
A moins d’un arrangement entre l’Iran
et l’Arabie saoudite sur tous les points
du contentieux opposant les deux chefs
de file des courants de l’Islam
révolutionnaire et conservateur du Monde
arabo musulman, tant à propos du partage
de leur influence respective en Irak, au
Yémen, que dans la zone pétro
monarchique, un coup de force contre la
Syrie, voire contre l’Iran ou le
Hezbollah libanais, par une sorte de
mécanique des fluides, marquerait le
début d’une apocalypse dans
l’apocalypse, qui pourrait emporter bon
nombre de nantis de la région.
L’activisme du Qatar s’explique par
la crainte de l’enlisement du dossier
syrien, qui priverait les Occidentaux
d’une victoire stratégique majeure à
l’effet de conforter durablement les
pétromonarchies du Golfe (7). Une course
de vitesse est en effet engagée entre la
relégation économique de l’Europe et ses
prises de guerre compensatoire visant à
en retarder l’échéance. Toute la
stratégie de l’Iran, de la Syrie, et,
au-delà, de la Russie, est de tenir dans
l’espoir que Barack Obama, totalement
démasqué, soit tétanisé par le marasme
économique américain et que Nicolas
Sarkozy soit relégué enfin dans les
oubliettes de l’histoire afin de
permettre au pouvoir syrien de mener les
réformes drastiques qui s’imposent et de
mener à bon terme le mandat de son chef,
veillant à assurer une transition non
hostile au camp de la contestation anti
israélo-américaine. Tel est le pari
audacieux de Bachar et de ses alliés
régionaux devant la nouvelle et sans
doute la plus redoutable manœuvre
d’étranglement du «cœur palpitant de
l’arabisme».
A moins que la capture du drone
sophistiqué américain ne porte
l’administration Obama à reconsidérer
ses visées sur la Syrie, la conduisant à
alimenter une guerre d’usure contre le
pouvoir baasiste, jusqu’à ce que cesse
le combat faute de combattants….. Pour
le plus grand bénéfice d’Israël et la
plus grande satisfaction des
pétromonarchies. L’avènement d’un «Islam
des Lumières» pourra ainsi, enfin, être
célébré au sein du camp occidental par
la mise en œuvre du pernicieux protocole
de validation d’un islam domestiqué à
l’ordre israélo américain.
Références
1- Le coup d’état pro
saoudien du général Salim Hatoum a eu
lieu en 1966 et avait coûté au Roi Saoud
son trône en ce qu‘il était intervenu en
pleine phase de détournement des eaux du
Jourdain par Israël. Le soulèvement des
Frères musulmans à Hama s’est produit en
février 1982 dans une opération de
diversion à quatre mois de l’invasion
israélienne du Liban, en juin 1982
visant à l’intronisation du chef
phalangiste pro israélienne à la tête de
l Etat Libanais. La mise à l’index de la
Syrie comme élément de l’axe du mal a eu
lieu en 2003 en vue de réduire
l’opposition de la Syrie à l’invasion
américaine de l’Irak, et, sa mise en
quarantaine, en 2005, dans la foulée de
l’assassinat de l’ancien premier
ministre Rafic Hariri, a débouché sur
son retrait du Liban.
2- Bourhane Ghalioune
Wall Street Journal Au pouvoir, je
romprai les relations de la Syrie avec
l’Iran le Hezbollah et le Hamas
http://www.alquds.co.uk/index.asp?fname=today\02z498.htm&arc=data\2011\12\12-02\02z498.htm
3- Conseils gratuits
pour une politique étrangère» paru le 10
décembre 2011 dans le journal libanais «
As Safir » :
http://www.assafir.com/Article.aspx?EditionId=2023&ChannelId=47985&ArticleId=920&Author=هسثم%20مناع
Et chronique de
Rachad Abou Chawar dans ’Al Qods Al
Arabi.
4- Selon le Canard
enchaîné, dans son édition du 23
novembre 2011 et le journal turc
Milliyet du 9 décembre 2011.
5 – Russie-Syrie,
même combat Le journal libanais Al
Akhbar 29 novembre 2011
http://www.al-akhbar.com/node/26676
6- «Et la guerre
d’Iran n’a pas eu lieu» par Hédi
Belhassine – http://hybel.blogspot.com/
7- Sur le rôle du
Qatar, cf. le papier, L’homme de l’année
2011, l’Emir du Qatar, le nouvel Air and
Field Marshall du Monde arabe, paru sur
www.renenaba.com le 1er janvier 2012
© René Naba
Reçu de René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
Le
dossier Syrie
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