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Jordanie / Maroc: Deux
voltigeurs de pointe de la diplomatie occidentale. Part 1/2
Hassan et Hussein, le modernisme
au service de l'archaïsme
René Naba
Paris, 5 décembre 2009 Dans le récit de la prophétie
musulmane, ils portent deux prénoms de légende celui des deux
petits fils du prophète, Hassan et Hussein, vénérés pour leur
martyr, mais ce parrainage prestigieux ne mettra pas à l’abri du
discrédit ces deux monarques parmi les plus instruits du monde
arabe qui se revendiquent de surcroît comme descendants du
prophète, le Jordanien Hussein, chef de la dynastie Hachémite,
et le Marocain Hassan, chef de la dynastie alaouite (1).
A l’inverse des pétromonarques du Golfe d’extraction bédouine
et d’éducation rudimentaire, Hussein comme Hassan auront été les
deux seuls souverains arabes de la seconde moitié du XX me
siècle diplômés des universités occidentales, chacun dans la
filière coloniale de son pays, le Hachémite de l’académie
militaire britannique de Sandhurst, l’Alaouite de la Faculté de
Droit de Bordeaux, mais le savoir acquis au cours de leur cursus
universitaire ne sera jamais affecté à la modernisation de leur
royaume respectif mais à conforter leur archaïsme dans leur
méthode de gouvernement et leur narcissisme dans leur projection
médiatique occidentale.
Hussein le Hachémite:
Un fait plus que tout résume l’histoire de la dynastie
hachémite et explique une large part de ses déboires et de son
rejet au niveau arabe: le Général britannique John Glubb Pacha à
la tête des bédouins de la «Légion arabe» lors de la première
guerre de Palestine en 1948 qui a abouti à la création de l’Etat
Hébreu. Qu’un officier supérieur de la nationalité de la
puissance mandataire de l’époque coloniale se trouve aux
commandes de l’armée nationale jordanienne lors de la première
grande guerre panarabe contre les Israéliens, déployant par
avance ses troupes dans les limites approximatives de la future
ligne démarcation jordano israélienne sans chercher à pousser
plus en avant sa progression, donne la mesure de la duplicité du
trône hachémite et de sa dépendance vis à vis de son parrain
immuable, le Royaume Uni.
Le subterfuge manquait de finesse et la dynastie paiera du
prix fort ce handicap congénital. Evincée de La Mecque par les
Wahhabites, refoulée de Damas par les Français, assassinée à
Jérusalem et décapitée à Bagdad, dans l’un comme dans l’autre
cas par des nationalistes arabes, la dynastie hachémite qui se
rêvait à la tête d’un grand Royaume Arabe s’étendant de la
péninsule arabique à la côte méditerranéenne, se retrouve, au
terme de près d’un siècle de connivence occidentale et de
turbulences anti-monarchiques, réduite à sa portion congrue, le
trône de Jordanie, une principauté taillée sur mesure sur les
débris de la Palestine, par le détachement de la Transjordanie
de la Cisjordanie dans la grande tradition des découpages
propres à l’arbitraire colonial.
Cheville ouvrière de la présence anglo-saxonne au
Moyen-Orient, le «Petit Roi» ainsi que l’appelait les gazettes
mondaines occidentales s’est révélé être un «grand vassal»,
assumant depuis Amman une double mission: la sauvegarde des
pétromonarchies du Golfe, dont il sera longtemps le meilleur
gendarme régional, ainsi que l’intégration israélienne au
Moyen-Orient, qui valut au fondateur de la branche jordanienne
de la dynastie, le Roi Abdallah 1er, d’être assassiné à
Jérusalem même, dans l’enceinte même de la Mosquée Al-Aqsa,
signe indiscutable de la fureur qu’une telle famille inspirait à
la population.
La culture moderniste de Hussein remplira les gazettes
royales européennes de ses exploits sportifs (ski nautique et
pilotage) et matrimoniaux. Sa première épouse Dina Abdel Hamid,
issue de la grande bourgeoisie égyptienne, ralliera la
Révolution palestinienne et son mariage avec un des dirigeants
de l’organisation marxisante du Front Populaire de Libération de
la Palestine (FPLP) retentira comme un désaveu des pratiques
royales. La deuxième épouse, Toni Gardiner, la fille de son
conseiller militaire britannique, lui donnera son successeur,
l’actuel Roi Abdallah II, illustrant non seulement dans l’ordre
symbolique mais également dans le domaine charnel la filiation
britannique du trône hachémite.
Plus grave, le nom de Hussein sera indissolublement associé
au «Septembre noir» jordanien, la première grande opération
d’éradication armée des Palestiniens.
Le Roi, dont les deux tiers de la population est d’origine
palestinienne, n’hésitera pas à bombarder sa capitale et à noyer
dans un bain de sang- trois mille victimes- le mouvement
national palestinien à son envol en 1970 deux ans après la
prestigieuse bataille d’Al Karameh (La bataille de la dignité)
au cours de laquelle plusieurs dizaines de fedayin palestiniens
se laisseront décimés sur place forçant l’armée israélienne à
battre en retraite sous le regard impassible de l’armée
jordanienne, demeurée l’arme au pied dans la vallée du Jourdain
(2).
Son premier ministre d‘alors Wasfi Tall dénommé le «boucher
d’Amman», l’ancien agent de l’Intelligence service britannique,
sera assassiné en représailles en 1971 et lui même sera dessaisi
quatre ans plus tard de la charge de la représentation des
Palestiniens au bénéfice de l’Organisation de Libération de la
Palestine (OLP) par le sommet arabe de Rabat tenu dans la foulée
de la quatrième guerre israélo-arabe d’octobre 1973 à laquelle
il n’aura pas participé.
Son mariage en troisième noce avec une fille de la grande
bourgeoisie palestinienne Alia Toukane, décédée dans un accident
d’avion, ne le protégera pas de cette nouvelle amputation, sans
doute la plus douloureuse puisqu’elle le privait de sa qualité
de «Gardien des Lieux Saints de Jérusalem», fondement de sa
légitimité.
Son quatrième mariage avec une arabo-américaine Lisa Halabi,
fille de l’ancien Président-directeur général de la compagnie
aérienne américaine Panam, sera plus conforme à ses nouvelles
orientations politiques. Que cela soit dans son chalet du golfe
d’Akaba ou à Londres, sa résidence secondaire, Hussein
maintiendra un contact assidu avec les dirigeants israéliens
toute tendance politique confondue qui veilleront toujours, en
retour, à résoudre le problème palestinien dans le cadre
jordanien, jamais d’une façon indépendante.
Un an après l’arrangement israélo-palestinien d’Oslo,
piaffant d’impatience, il prendra de vitesse l’ensemble du Monde
arabe, comme s’il redoutait d’être laissé pour compte et opère
en 1994 une sorte de Blitzkrieg diplomatique, signant sans coup
férir un traité de paix avec Israël normalisant dans la foulée
ses relations avec l’Etat Hébreu, alors que l’Egypte, doyenne du
processus, était au stade de la pré normalisation quinze ans
après la signature de son propre traité de paix.
En juin 1995, Hussein, toujours lui, sera l’un des plus
actifs soutien au coup de force du Qatar qui entraîne l’éviction
d’un émir notoirement francophone au bénéfice de son fils
davantage perméable aux arguments de la firme pétrolière
anglaise «British Petroleum» désireuse de participer à
l’exploitation de gigantesques gisements de gaz de la
principauté, le champ off shore North Dome, dont elle avait été
exclue auparavant.
En octobre de la même année, Hussein s’appliquera à
neutraliser les effets du sommet euro-méditeranéen de Barcelone
en organisant simultanément à Amman une conférence économique
pour le lancement du «Grand Moyen-Orient» devant sceller
l’intégration d’Israël dans le circuit économique arabe.
Barcelone et Amman représentaient le choc frontal de deux
conceptions de la coopération régionale, la conférence
jordanienne soutenue par les Etats-Unis et Israël tentait de
promouvoir une zone de libre-échange en rétrocédant aux
pétromonarchies du Golfe la sous traitance de l’aide financière
aux pays de la zone, alors que Barcelone propulsée par l’Union
européenne s’employait à développer une coopération
trans-méditerranéenne par l’établissement d’une zone tarifaire
préférentielle et un transfert de technologie Nord-Sud.
Par deux fois donc, que cela soit pour le coup de force du
Qatar ou pour le sommet euro méditerranéen de Barcelone, la
Jordanie s’est retrouvée en porte à faux avec la France, mais
Paris ne lui tiendra jamais rigueur de ses mauvaises manières et
fera même preuve d’une déférence constante à son égard. C’est
ainsi que le protocole français veillera pendant des décennies à
ce que tous les ambassadeurs français accrédités à Amman ne
dépassent pas d’une tête le «petit roi» de crainte de donner
l’impression de le toiser de haut.
Hospitalier, Hussein l’était selon une conception singulière
du droit d’asile qui relève davantage de la contorsion juridique
que de la simple application du droit positif. C’est ainsi qu’il
offrira en 1995 l’asile politique au gendre du président irakien
Hussein Kamel pour un débriefing par les services américains.
«Quiconque franchit la demeure d’Abou Abdallah peut y demeurer
en paix», avait-il avancé en guise de justification. Mais le
principe d’hospitalité brandi haut et fort par le Royaume s’est
vite révélé un artifice juridique à usage variable puisque le
monarque n’hésitera pas quinze jours plus tard à livrer aux
Etats-Unis un islamiste palestinien Al-Marzouki dont
l’extradition était réclamée par Washington.
Huit ans plus tard, son successeur et propre fils Abdallah II
offrira l’asile à la famille du président déchu Saddam Hussein
avec l’espoir d’en faire un levier au repositionnement des
sunnites irakiens éliminés de la scène politique par l’invasion
américaine de l’Irak, dont le jeune roi aura été l’un des
catapulteurs. C’est en effet à travers le désert jordanien de
l’Ouest du Royaume que les forces spéciales américaines se sont
frayées le passage pour y contourner et neutraliser les
positions irakiennes bien avant le début officiel des opérations
contre le régime baasiste, en mars 2003.
Inclinaison naturelle ou atavisme familial? C’est à New York
le 22 mars 2005 devant les organisations juives américaines, et
non à Alger devant ses pairs arabes réunis le même jour en un
sommet qu’il boudera, qu’Abdallah II, fils de Hussein, tirera la
sonnette d’alarme sur le «péril chiite» qui menace le
Moyen-Orient dans la configuration géopolitique
post-saddamienne. Un remodelage auquel son père et lui-même
auront grandement contribué non seulement en prêtant le
territoire jordanien aux menées américaines, mais en collaborant
étroitement aux projets de l’administration américaine et de ses
services annexes.
La Jordanie est en effet avec l’Egypte un des principaux
adeptes de la «rendition» (3), la délocalisation de la torture
américaine vers les pays du tiers monde, et, depuis un quart de
siècle, le principal sous traitant régional de la répression
carcérale américaine dans le monde arabe, dont il en tire de
substantielles avantages tant au niveau de la prestation de ses
tortionnaires à ses partenaires arabes, qu’en terme de retombées
médiatiques bienveillantes de la part de la presse américaine.
Le Maroc, l’Egypte voire même la Syrie auraient également
bénéficié de ces «restitutions extraordinaires» de présumés
terroristes, rétrocéder à ces pays connus pour utiliser la
torture.
Atavisme familial ou inclinaison naturelle? Abdallah
infligera à son père le même camouflet que Hussein avait infligé
à son grand père. Bravant les lois de la succession à la veille
de son décès imminent, Hussein, sur pression américaine, avait
destitué son frère Hassan, prince héritier en titre, pour
confier cette charge à son propre fils Abdallah. Devenu roi à
son tour, trahissant les prescriptions de son père, Abdallah II
destituera son frère Hamza du poste de prince héritier pour
confier ce poste à son propre fils encore en bas âge.
Il se montrera néanmoins le digne fils de son père dans ses
frasques amoureuses au point que sa proximité avec la famille du
milliardaire libano saoudien Rafic Hariri, l’ancien premier
ministre assassiné en 2005, a failli mettre en péril son ménage,
l’amputant de son principal atout, sa meilleure image de marque,
son épouse, la Reine Rania al Yassine de Palestine.
Au vu de la politique menée par son père et la sienne propre
depuis son accession au trône, il y a dix ans, notamment
l’imbrication totale de la Jordanie à la stratégie américaine,
Abdallah II apparaît comme le fer de lance de la lutte contre le
terrorisme et de la démocratisation des monarchies arabes, selon
ses laudateurs, le premier «embedded» (incorporé) de l’histoire
de la diplomatie américaine, un «Khizmatché», un «factotum
émérite» de l’axe israélo américain, selon ses détracteurs.
Hassan L’Alaouite:
Son père, Mohamad V, aura été le seul dirigeant de l’Empire
français à refuser d’appliquer les lois racistes de Vichy,
d’imposer le port de «l’étoile jaune» aux ressortissants
marocains de confession juive du temps du protectorat français
(4). A une période où une grande fraction de l’Europe ployait
sous le fascisme, que la France collaborait activement avec le
nazisme, ce sultan arabe et musulman s’est dressé contre ses
propres protecteurs et le racisme européen ambiant. Le courage
moral dont il a fait montre dans l’adversité a conféré au
Royaume une sorte d’immunité, dont son fils, Hassan II, va
hériter, usant et abusant de ce privilège, au point de vivre
cette immunité comme une impunité, une sorte de rente de
situation éternelle.
Auréolé du prestige de son père, crédité d’une intelligence
brillante, en tout cas supérieure à celle de ses pairs arabes,
entouré d’un aréopage d’intellectuels de renom, tels le juriste
Georges Vedel, l’académicien Maurice Druon, auteur de
l’inoubliable «chant des partisans» de la Résistance française,
ou de l’ancien chef de la diplomatie française, Michel Jobert,
pétri de culture occidentale, Hassan II était promis à un règne
éblouissant avec pour mission de propulser son pays à l’avant
garde du combat de la modernisation du monde arabe. Le règne
était prometteur, il sera calamiteux par «le fait du prince»,
par le fait d’un prince qui a succombé à la fascination du
despotisme oriental.
Despote, Hassan II l’aura été dans tous les sens du terme.
Non un despote éclairé, mais un despote rétrograde, supportant
avantageusement la comparaison avec ses émules d’Orient,
n’épargnant ni ses séides, Mohammad Oufkir et Ahmad Dlimi, ses
deux ministres de l’intérieur successifs, ni les censeurs de ses
trop grandes dérives, les deux espoirs d’un Maroc moderne et
démocratique, Mehdi Ben Barka, en 1965, et Omar Ben jelloun, dix
ans plus tard, le plus populaire militant de la gauche
marocaine, qui paieront de leur vie leurs convictions critiques.
Fort de la loyauté et de la gratitude des Juifs du Maroc, il
s’entourera de conseillers politiques issus de cette communauté,
tel le banquier André Azoulay, confiant à certains de ses
représentants les plus avisés la gestion de son patrimoine
privé, considérable, mais le président du comité de sauvegarde
de Jérusalem, loin de mettre à profit ce capital de sympathie
pour promouvoir une solution au conflit israélo-palestinien, en
fera usage comme un bouclier de protection, neutralisant toute
critique à son égard.
Sacrifiant à la société du spectacle, ses conférences de
presse, un des temps forts du rituel diplomatique marocain,
seront non l’occasion de promouvoir un grand projet, mais de
satisfaire à la vanité d’une belle formule que des thuriféraires
recrutés souvent dans la cohorte des journalistes français
s’empresseront de répercuter et d’amplifier avec émerveillement.
Par un phénomène inexplicable, les plumes les plus acérées de
la presse française perdront régulièrement de leur acuité à
l’évocation des turpitudes royales, réservant leur ton
sentencieux aux dirigeants moins hospitaliers. A Rabat, le
devoir d’impertinence a depuis longtemps fait place à la crainte
révérencieuse.
Voltigeur de pointe de la stratégie occidentale en Afrique,
bras armé de l’Arabie Saoudite pour la protection des régimes
honnis, tel celui du satrape zaïrois Mobutu, dans le cadre du
Safari Club, bénéficiant d’un bassin d’audience à sa mesure pour
la propagation des programmes d’une radio à sa dévotion, «Médi
1», critique à l’égard de quiconque sauf de son auguste
personne, Hassan II, monarque absolu, n’imposera aucune limite à
son extravagance.
Son Royaume des bagnes et de la terreur sera pourtant vanté
comme le paradis sur terre sous l’oeil vigilant du «groupe
d’Oujda», animé par Maurice Lévy, le patron de Publicis, le
grand groupe de communication français (5).
Magnanimité ou complaisance?: L’homme qui aura bafoué la
souveraineté française en ordonnant l’enlèvement de Ben Barka en
plein centre de Paris avec la complicité des services français,
l’homme qui aura ridiculisé le plus illustre dirigeant français
Charles De Gaulle, qui aura tyrannisé sans retenue son peuple,
qui aura embastillé une fraction de l’élite intellectuelle de
son royaume pour fait de patriotisme, notamment l’ingénieur
Abraham Sarfati, le mathématicien Sion Assidon et Abdel Latif
Laabi, l’un des grands poètes arabes contemporains, cet homme là
sera, paradoxalement, au crépuscule de sa vie, l’unique
dirigeant arabe à bénéficier de l’extraordinaire privilège de
co-présider la prestigieuse parade militaire du 14 juillet 1999,
la fête nationale française.
Nul en France, ni dans les pays occidentaux ne s’est hasardé
à se pencher sur ce traitement de faveur. Un tel passe-droit
puise-t-il sa justification dans le rôle de base de repli à
l’Etat Français assigné au Maroc par les stratèges occidentaux à
l’apogée de la guerre froide dans le cas d’un nouvel
effondrement français face à une poussée soviétique (6). Ou bien
relevait-il d’une marque de gratitude de la part d’un des
commensaux les plus réguliers des tables royales marocaines, son
homologue français Jacques Chirac? D’un quitus pour un règne
calamiteux? D’une prime pour une problématique lutte contre le
terrorisme islamique qu’il aura nourri par ses abus et ses excès
Comme une sorte de clin d’oeil de l’Histoire, aux deux
extrémités du Boulevard Saint Germain à Paris, deux des
emplacements prestigieux de ce haut lieu de l’Intelligentsia
française ont été dédiés, à la fin du XX me siècle, à deux
personnalités marquantes de l’Histoire du Maroc moderne: le
premier à Mohamad V, sans doute dans un souci des autorités
françaises de se faire pardonner l’exil du Sultan du temps de la
guerre d’indépendance, dont le nom honore désormais la place
centrale de l’Institut du Monde Arabe (IMA), et le deuxième à
Mehdi Ben Barka, dont une plaque commémorative est apposée à
proximité de la brasserie Lipp, lieu de son enlèvement à titre
de repentance posthume pour son supplice. Mais de Hassan II,
point de trace.
La même Chappe de plomb entoure son fils et successeur
Mohamad VI, d’un dilettantisme tranchant avec le comportement
compulsif de son père. A moins de disposer d’un sens de la
dissimulation poussé à l’extrême, le jeune roi ne paraît
nullement concerné par les turbulences du monde, menant grand
train de vie avec un budget équivalent à celui de sept
départements ministériels, n’hésitant pas à sacrifier ses
obligations internationales pour satisfaire à son sport favori,
le ski alpin, à Courchevel (Alpes françaises), ou la plongée
sous marine aux larges des cotes gabonaises.
Avec une opposition divisée sans clair vision d’avenir, une
armée aux arrêts de forteresse affectée à la défense des confins
du Royaume, le Sahara occidental, le Roi Mohamad VI, fort de la
faiblesse des autres, répugne à être fort de l’intelligence des
autres. Son cousin germain, Hicham Ben Abdallah Al-Aloui, un
prince de sang, qui prône une nouvelle définition de la
citoyenneté, est banni de la Cour, exilé aux Etats-Unis sous les
quolibets de ses zélés courtisans, alors que l’opposition
islamique bâillonnée préconise désormais par la voix de la fille
du fondateur du mouvement, Nadia Abdel Salam Yacine,
l’instauration d’une «République». Islamique.
Par sa gestion problématique de grands dossiers, telles
l’affaire de l’îlot Persil dans le détroit de Gibraltar et la
découverte de faramineux gisements pétroliers, le jeune roi aura
attiré l’attention de l’opinion internationale. Par ses
retournements imprévisibles, telle l’annulation in extremis de
la visite officielle du premier ministre algérien en juin 2005
la veille du déplacement, de même que par ses absences
injustifiées, -la première au sommet arabe d’Amman en mars 2001
consacré à la relance de l’Intifada palestinienne, la seconde
aux obsèques de Yasser Arafat, le dirigeant historique des
Palestiniens-, le jeune roi a intrigué l’opinion internationale.
Pour un «Commandeur des Croyants» qui plus est président du
comité «Al-Qods», le comité chargé de sauvegarder les Lieux
Saints de Jérusalem, ses partisans, nombreux dans les
chancelleries occidentales, auraient rêvé meilleur comportement,
un sens plus aiguisé de ses responsabilités. Fait symptomatique:
le premier ouvrage consacré à ce jeune roi appelé à un long
règne a eu pour titre: «Le dernier roi, crépuscule d’une
dynastie» (7). Un tel titre est-il prémonitoire? Ce mauvais
présage relève-t-il d’une grossière erreur d’interprétation ou
d’une simple anticipation divinatoire?
Références 1- Hussein est le troisième Imam des
Chiites et leur préféré. Fils d’Ali, le gendre du prophète, il a
été décapité par les troupes omeyyades du Calife Yazid. Son
martyre à Karbala est la pierre fondatrice de l’islam chiite. La
commémoration de son supplice est célébrée chaque année au 10me
jour du mois musulman de Moharram par la cérémonie dite du
«deuil d’Al Achoura» où les fidèles revivent de façon violente
et passionnelle le supplice de Hussein, se flagellant, se
frappant la poitrine en signe de culpabilité. Son père Ali,
quatrième Calife de l’Islam et premier Imam du chiisme repose au
sanctuaire à Nadjaf autour duquel s’est construite la ville
sainte, où l’Ayatollah Rouhollah Khomeiny, père de la Révolution
islamique iranienne, s’est longtemps réfugié avant de prendre le
pouvoir à Téhéran. Nadjaf a par ailleurs été, l’été 2004, le
théâtre de violentes batailles entre Américains et les partisans
du chef religieux chiite Moqtada Sadr, hostile à l’invasion
américaine de l’Irak.
2- À propos de la bataille d’Al Karameh et des
relations jordano-palestiniennes, cf. à ce propos Yasser Arafat,
l’homme sans lequel la Palestine aurait été rayée de la carte du
monde »
3- La rendition, la délocalisation de la
torture, n’est ni morale ni efficace» par Marc Gerecht, Weekly
Standard, cité dans le «Courrier international» N°763 du 16-22
juin 2005, cf. aussi le quotidien espagnol « El Pais » du 15
novembre 2005, le quotidien français Libération du 18 novembre
et Le Monde du 8 décembre 2005, selon lesquels huit pays
européens (Allemagne, Danemark, Espagne, Portugal, Royaume Uni,
Italie, Norvège, Suède) ont servi de point de transit aux
passages des 800 vols charters affrétés par la CIA alors que
quatre pays de l’Europe de l’Est auraient abrité des prisons
secrètes de la centrale américaine (Pologne, Kosovo, Tchéquie,
et Roumanie) .
4 -En complément au dossier Jordanie et Maroc,
les voltigeurs de pointe de la diplomatie occidentale dans la
sphère arabe, www.renenaba.com publie des extraits d’une étude
de Abraham Sarfati sur la spécificité du judaïsme marocain et
son rapport avec le sionisme. Une étude parue dans la Revue
Souffles numéro spécial 15, 3e trimestre 1969.
5- «Paris, capitale arabe» de Nicolas Beau,
Seuil 1995
6- Paris avait aménagé à l’époque de la guerre
froide soviéto-américaine (1945-1990) une importante ambassade à
Rabat de mille personnes, la plus importante après celle de
Washington, en vue de servir de base de repli au haut
commandement politique et militaire français en cas d’invasion
de Paris par les troupes communistes dans le cadre de la
stratégie du «Stand Behind». L’hypothèse a été ouvertement
évoquée par le journaliste, François-Xavier Verschave, dans un
livre documenté sur le président français Jacques Chirac, «Noir
Chirac» (Editions Les Arènes), paru à la veille des élections
présidentielles françaises de 2002.
7- «Le Dernier Roi, crépuscule d’une dynastie»
de Jean-Pierre Turquoi- Grasset-2001
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Publié le 8 décembre 2009 avec l'aimable autorisation de René Naba.
Les
textes de René Naba
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