Opinion
Libye: le drapeau
vert ne flottera plus sur Tripoli
René
Naba
René Naba
Jeudi 1er septembre
2011
Abdul Hakim Al Hassadi, de Kaboul à
Benghazi, ancien membre du groupe
islamique combattant libyen (GIGL) en
Afghanistan, désormais chargé à Benghazi
de l’encadrement des jeunes rebelles
libyens au sein de la coalition anti
Kadhafi (2).
I – Le
colonel Kadhafi ne pavoisera plus le 1
er septembre
Le drapeau vert ne flottera plus sur
la place verte de Tripoli, haut lieu de
la symbolique révolutionnaire libyenne,
rebaptisé «place des martyrs», terme
ultime d’un règne calamiteux de 42 ans
qui a muté le plus prometteur des
dirigeants arabes de la relève
nassérienne en un des principaux
fossoyeurs de la cause nationale arabe,
le cauchemar absolu de plusieurs
générations de militants politiques.
Pas plus que Kadhafi, son opposition,
sous perfusion permanente, n’a lieu de
pavoiser non plus, tant les divergences
sont profondes entre ses diverses
factions et son crédit obéré par ses
piètres performances militaires et la
pesante tutelle atlantiste qui s’y
greffe avec la caution des
pétromonarchies rétrogrades du Golfe.
La satisfaction légitime de la chute
d’un dictateur ne saurait occulter le
gâchis stratégique provoqué par
l’effondrement d’un pays à la jonction
du Machreq et du Maghreb et son
placement sous la coupe de l’OTAN, le
plus implacable adversaire des
aspirations nationales du Monde arabe.
Acte stratégique majeur comparable
par son ampleur à l’invasion américaine
de l’Irak, en 2003, le changement de
régime politique en Libye, sous les
coups de butoirs des occidentaux, paraît
destiné au premier chef à neutraliser
les effets positifs du «printemps arabe»
en ce qu’il accrédite l’alliance
atlantique comme le gendarme absolu des
revendications démocratiques des peuples
arabes.
Quarante deux ans après leur expulsion
de la base américaine de Wheelus
AirField-Okba Ben Nafeh (Tripoli) et de
la base anglaise d’Al Adem-Abdel Nasser
(Benghazi), les Anglo saxons ont repris
pied en Libye pour en faire leur
plateforme opérationnelle majeure de la
contre révolution arabe, la zone de
sous-traitance par excellence de la
lutte contre l’immigration clandestine à
destination de l’Europe occidentale, le
siège occulte de l’Africa Command pour
la mise sous observation du Maghreb et
la lutte contre l’AQMI au Sahel.
Dans la pure tradition coloniale, le
coup de Libye viserait d’une manière
sous jacente à canaliser le flux
protestataire arabe dans un sens
conforme aux intérêts atlantistes et à
le dévier du Golfe ravitailleur des
économies occidentales. Sinon comment
expliquer ce curieux phénomène d’une
révolution arabe qui enflamme la rive
méditerranéenne du Monde arabe (Egypte,
Tunisie, Libye, Syrie), mais se congèle
dès lors qu’elle aborde les riches
rivages des pétromonarchies du Golfe,
pourtant l’un des foyers de la
régression sociale mondiale, le siège de
la plus forte concentration militaire
occidentale hors Otan?
Non moins paradoxale la conséquence des
interventions occidentales en terre
arabe, qui propulse, par effet
d’aubaine, les Chiites, pourtant bête
noire de l’Occident et de leur principal
allié saoudien, au rang de principaux
bénéficiaires, en terme de satisfaction
morale, de l’élimination de leurs
principaux tortionnaires, l’Irakien
Saddam Hussein, en 2003, et Le Libyen,
Mouammar Kadhafi en 2011, responsable de
la disparition du chef spirituelle de la
communauté chiite libanaise, l’Imam
Moussa Sadr.
Pitoyable destin identiquement
tragique que ces pantins des
Occidentaux, l‘irakien, mercenaire des
Rois du pétrole, qui fixera pour leur
compte pendant dix ans la révolution
chiite iranienne, avant d’être pulvérisé
par ses commanditaires sunnites avec le
puissant appui de l’Otan, le libyen,
volatilisé par la même coalition près
d‘une une décennie plus tard, après
avoir offert aux anglo saxons tout un
pan de la coopération nucléaire
interarabe.
42 ans est un délai amplement
suffisant pour assurer une transition en
douceur du pouvoir, pas nécessairement
au sein de la coterie familiale et
épargner ainsi à son pays une fin si
catastrophique. La Libye n’est pas la
propriété de la famille Kadhafi, ni
celle de Nicolas Sarkozy, ni l’Irak
celle de la famille Saddam Hussein, pas
plus que l’Egypte n’est celle de la
famille Moubarak, la Syrie aux Assad, le
Liban aux Hariri, le Congo aux Kabila,
le Gabon aux Bongo, le Sénégal aux
Wade…voire les lieux saints de l’Islam,
la propriété de la dynastie wahhabite.
La règle s’applique à tous sans
exception, démocratiquement. Elle ne
saurait souffrir des exceptions au
bénéfice des dynasties pro occidentales.
Au terme d’un travail de sape de six
mois, l’estocade finale tant attendue a
finalement eu lieu à dix jours de la
date symbolique du 1er septembre, jour
anniversaire du coup d’état
antimonarchique du Colonel Kadhafi. Tapi
dans ses derniers retranchements, la
caserne de Bab Al Aziyah, à Tripoli,
capitale d’un pays démantelé, en proie à
la guerre civile, celui qui passe pour
être l’un des plus détestés dirigeants
arabes s’est cramponné à son pouvoir,
tenant tête à l’Otan, dans le secret
espoir de lui infliger une contre
performance à l’effet de bonifier
quelque peu sa sortie de l’histoire.
Face à une opposition hétéroclite,
sans vigueur, captive du courant
islamiste (3), discréditée par ses
soutiens pro israéliens et
l’intervention destructrice de l’Otan
contre les infrastructures du pays,
l’homme caressait le fol espoir de
mettre particulièrement en difficulté
les principaux parrains de l’équipée
atlantiste, Nicolas Sarkozy, le
dirigeant français le plus détesté du
Monde arabe, à égalité avec le
socialiste Guy Mollet, l’homme de Suez,
ainsi que l‘intellectuel médiatique,
Bernard Henri Levy, le fer de lance de
la stratégie médiatique israélienne sur
le théâtre européen.
En dépit d’important moyens mis en
œuvre par les grandes puissances
militaires occidentales (Etats-Unis,
Royaume Uni, France), Kadhafi est
demeuré en selle plus que de besoin, au
point d’infliger un camouflet à Nicolas
Sarkozy, lui faisant rater son effet
d’annonce, le 14 juillet, le scalp de
Kadhafi que le président français se
proposait d’offrir à l‘opinion
internationale, le jour de la fête
nationale française, en guise de signal
de lancement de la campagne visant à la
reconduction de son mandat. Echouant à
nouveau à le dégommer avant la date
butoir du début du Ramadan, le 2 Août.
II- Le
ralliement du Commandant Abdel Salam
Jalloud à la rébellion (4)
Mais le ralliement le 19 Août, quatre
jours avant l’offensive finale, du
commandant Abdel Salam Jalloud,
longtemps numéro 2 du régime, a porté le
coup de grâce au régime Kadhafi
entraînant sa débandade. Intervenant
cinq mois après celles d’anciens membres
du groupe des officiers libres, Abdel
Moneim al Honi et de Abdel Fattah Younès,
assassiné en juillet, à la tête de
l’état major rebelle, de même que celle
du propre cousin de Mouammar Kadhafi,
Ahmad Kadhaf Eddem, elle a signé
l’isolement fatal du régime.
Tombé en disgrâce en 1993, dans la
foulée de l’attentat de Lockerbie et de
l’embargo de l’ONU contre la Libye, le
commandant Jalloud avait pris des
distances avec son mentor dont il
désapprouvait le virage pro-occidental
prôné par le fils cadet de Kadhafi, Seif
El Islam.
Nullement associé aux turpitudes
ultérieures du régime, proche des
nassériens et des islamistes, il
pourrait donner davantage de visibilité
à une coalition hétéroclite sans relief,
la doter d’une figure charismatique
autrement plus consistante que le terne
Abdel Jalil, lui conférer une
crédibilité plus substantielle que le
saltimbanque médiatique Bernard Henri
Lévy et faire office éventuellement de
chef fédérateur autrement plus
acceptable par l’opinion arabe.
Natif de Sebha, Jalloud appartient à
la tribu Meghara, la principale tribu du
Fezzan et de la région occidentale de
Libye, l’une des trois principales
tribus, avec les Kadhafa et les Warfalla,
qui ont dirigé le pays pendant vingt
quatre ans (1969-1993), à travers les
comités révolutionnaires et les services
de sécurité.
En 42 ans de pouvoir erratique, ultra
répressif sur le plan interne et
particulièrement nocif pour le camp
arabe, l’homme ne mérite aucune
indulgence. Mais ses adversaires, non
plus, qui ont confié leur sort, non à
leur combat et à leurs sacrifices, mais
à une intervention occidentale, dans la
pire tradition des schémas coloniaux
avec l’appui des Jordaniens et des
Qatariotes, toujours prompts à aller au
devant des désirs de leurs maîtres
occidentaux.
Le président du Comité national de
transition, Moustapha Abdel Jalil,
ancien ministre de la justice, n’est
autre que l’ancien chef de la
juridiction qui a condamné à mort les
sept infirmières bulgares dans l’affaire
de la contamination des enfants libyens
de Sida.
Personnage sans relief et sans
autorité, il parait discrédité et
éclipsé par le rôle assumé par Bernard
Henry Lévy, qui se vit comme le
véritable ministre des affaires
étrangères de l’opposition libyenne.
Il en est de même du nouveau chef d’état
major de l’armée rebelle, le Général
Khalifa Belkassem Haftar, dont la
réputation pâtie de son long séjour aux
Etats-Unis où il s’était réfugié il y a
22 ans après le désastre libyen dans la
guerre du Tchad (1988).
Le spectre
d’Al Qaïda
L’exacerbation des divergences entre
Libéraux et islamistes au sein de la
coalition rebelle a conduit le chef de
la rébellion Abdel Jalil à dissoudre, le
8 Août, son gouvernement dans la foulée
de l’assassinat du général Abdel Fattah
Younès, le commandant en chef rebelle,
ancien ministre de l’intérieur de
Kadhafi, rallié à l’opposition. Le
propre fils du général assassiné a
accusé le pouvoir rebelle de l’avoir
livré aux islamistes pour cette besogne,
alors que, de leur côté, dix sept chefs
de bataillons de l’armée rebelle ont
exigé la démission du ministre de la
défense, Jalal Ad Dighili, et du
ministre de l’intérieur, Ahmad Hassan
Darrat, en signe de protestation contre
cet assassinat dont ils rendent les deux
ministres responsables par leur
négligence (5).
Plus inquiétantes pour la rébellion
sont les réticences de la brigade «Abou
Obeida al Jarrah», fer de lance des
milices islamiques, de participer aux
combats aux côtés des troupes de l’Otan,
un camouflet supplémentaire pour le
président de la coalition et de ses
parrains occidentaux.
Croquemitaine brandi à temps et
contretemps, Al Qaïda aurait opéré une
percée dans la zone à l’occasion de
l’insurrection en Libye. Un personnage
clé du mouvement islamique, Abdel Hakim
Bel Hajj Al Khoueildy, s’est intronisé
gouverneur militaire de Tripoli dès la
prise de la capitale. Plus connu des
services américains sous le nom d’Abou
Abdallah Al Sadeq, Al Khoueildy est le
propre Emir du Groupe islamique
combattant (GIC) libyen, formation ultra
radicale qui disposait de deux camps
d’entraînement en Afghanistan. Arrêté
par la CIA en 2003, il a été enfermé par
le régime de Kadhafi puis relâché après
avoir officiellement renoncé à la guerre
sainte en Libye.
Indice d’une vive inquiétude quant à
la capacité de l’opposition à faire
front à l’infiltration des islamistes
dans les rouages du nouveau pouvoir,
l’Algérie a subordonné la normalisation
de ses relations avec le CNT à une
neutralisation des groupes d’AQMI (Al
Qaida au Maghreb islamique) opérant en
Libye sous couvert de l’insurrection
libyenne. Un scénario cauchemardesque
pour les Occidentaux qui pourraient, en
fin de course, avoir roulé
involontairement pour le compte des
islamistes contre lesquels ils ont
pourtant déclenché une «guerre mondiale
contre le terrorisme», il y a dix ans,
dans la foulée des attentats du 11
septembre 2001.
L’entrée en action du porte-avions
George Herbert Walter Bush sr (CVN-77),
la plus importante base aéronavale
mobile au monde, en substitution au
porte-avions français Charles de Gaulle,
en appui aux opérations sol des
commandos occidentaux et aux
parachutages d’armes, a considérablement
accentué la pression sur Mouammar
Kadhafi et modifié la donne.
Transportant 90 aéronefs, six mille
membres d’équipage, propulsé par deux
réacteurs nucléaires, le porte-avions
dispose d’un rayon d’action illimité. De
la classe du Nimitz, le George HS Bush,
est l’un des dix porte avions géants de
la marine américaine. Ce bâtiment, l’un
des plus modernes au monde, construit en
1998, est équipé de 14 radars de
détection et de surveillance, d’un
système de brouillage électronique, de
deux batteries de missiles surface-air
Sea Sparow MK 57 Mod3, de deux batteries
de missiles surface-air RIM-116 Rollin
Air Frame Missile, de quatre canons anti
missiles de 20mm Phalanx.
Bien qu’ils s’en défendent afin de ne
pas minorer le rôle de l’opposition, le
forcing militaire des Américains (6),
couplé avec les transferts d’hommes et
d’armes via le Qatar, l’encadrement au
sol et les tâches opérationnelles des
forces spéciales britanniques et
françaises sont parvenus à couper les
voies d’accès et de ravitaillement
pétrolier vers Tripoli, parachevant
l’étranglement de la capitale, déblayant
la voie à l’assaut final.
Motivations électoralistes ou volonté
de grandeur personnelle? L’activisme
déployé par Nicolas Sarkozy en Libye,
sans commune mesure au regard de
l’effort de guerre américain, paraît
répondre au souci de la France de
reprendre la main après la déconfiture
de la diplomatie française à la faveur
du printemps arabe, ainsi qu’à une
volonté de détourner l’attention, afin
d’éviter que l’opinion se polarise sur
une situation intérieure difficile et
lui offrir, en quelque sorte, un
dérivatif sur le théâtre extérieur.
Si le vote de la résolution 1973, qui a
permis le déclenchement des opérations
en Libye, a constitué pour la diplomatie
française un véritable succès,
l’engagement libyen, point d’orgue d’une
vingtaine d’intervention humanitaire en
Afrique en vingt ans (7), a révélé les
limites du droit d’ingérence. Par leur
incapacités à résoudre les problèmes
structurels du continent africain,
cinquante ans après la décolonisation,
les ingérences françaises en Afrique et
dans le monde arabe, ont dilapidé
l’héritage gaulliste et le «soft power»
y afférent. L’aventure libyenne a ainsi
étalé au grand jour l’incompétence
française et son impuissance.
La résurrection de l’héritier présomptif
du Clan, Seif El Islam, dont la
livraison à la justice internationale
avait été prématurément annoncée, de
même que l’échappée du fils ainé
Mohamad, alors que les ministres
français des affaires étrangères Alain
Juppé et de la défense Gérard Longuet,
claironnaient la victoire, le 22 Août,
ainsi que la traque de Kadhafi à travers
les dédales de Tripoli et les bourgades
de Libye, ont ajouté une touche
complémentaire de ridicule aux
duettistes français, amplifié par le
camouflet infligé par l’Union africaine
aux Occidentaux, excédée par leurs
interventions incessantes dans les
affaires africaines, de reconnaître leur
pupille, le Conseil national de
Transition.
III- Alibi
humanitaire pour équipées impériales.
En vingt ans, dix neuf interventions
occidentales ont eu l’Afrique pour
théâtre. L’ingérence humanitaire, tant
vantée par le transfuge socialiste
Bernard Kouchner, inventeur de la
formule, apparait ainsi comme le
meilleur des alibis pour des équipées
impériales. Une véritable industrie (Charity
Business), un bon spectacle visant à
faire oublier les maux profonds dont
souffrent près d’un milliard de
personnes à travers le monde, de même
que les sociétés nationales des
belligérants occidentaux.
D’ici 2020, soit moins de dix ans, le
nombre d’enfant souffrant de
malnutrition en Afrique dépassera les 40
millions. Chaque jour, 10.000 enfants
meurent de malnutrition, et, 10 millions
d’enfants décèdent chaque année avant
l‘âge de 5 ans. En 2010, 925 millions
d’individus souffraient de la faim, en
baisse pour la première fois depuis
quinze ans. La proportion d’affamés
reste toutefois la plus forte en Afrique
sub-saharienne, avec 30 % de la
population qui souffre de la faim »,
précise la FAO, l’Organisation des
Nations unies pour l’alimentation et
l’agriculture.
Les deux tiers des 925 millions de
personnes sous-alimentées se retrouvent
également réparties en Asie et en
Afrique, concentrées dans sept pays: le
Bangladesh, la Chine, la République
démocratique du Congo, l’Ethiopie,
l’Inde, l’Indonésie et le Pakistan.
Le rapport PNUD 2007 estime à 800
milliards de dollars le budget
nécessaire pour garantir accès à
l’éducation et aux soins de base, eau
potable et nourriture adéquate, à raison
d’une dépense annuelle de 80 milliards
de dollars sur dix ans. Une somme
dérisoire par rapport aux budgets
colossaux consacrés à la «guerre contre
le terrorisme» et au financement des
plans de soutien à l’industrie de la
peur, alors que dans 190 états, près de
120 millions d’enfants de moins de 15
ans n’ont pas accès à l’école.
Excellent instrument d’ouverture du
marché, l’exemple de la scientologie en
Haïti en porte témoignage, l’humanitaire
permet ainsi aux dirigeants du monde
d’assurer un gardiennage des
populations, un conditionnement à l’aide
des populations les plus démunies, tout
en donnant une bonne conscience à
l’opinion publique des pays donateurs.
Parfait dérivatif aux problèmes
internes des sociétés occidentales, il a
donné aux pays occidentaux la
possibilité de gommer les traces de leur
prédation de l’économie libyenne (8) et
à la France, l’occasion de mener un
combat d’arrière garde, en se donnant
l’illusion de la grandeur. Dans le cas
d’espèce de la Libye, à l’heure du
«printemps arabe», de faire étalage de
son incompétence et de son impuissance
afin de satisfaire la soif médiatique
d’un couple politico mondain, le tandem
Sarkozy BHL, dont l’intervention
intempestive a, paradoxalement, retardé
la véritable libération de la Libye de
la dictature.
La progression militaire de l’opposition
libyenne est intervenue durant la
période des vacances estivales du roman
enquêteur Bernard Henri Lévy, en
villégiature dans le sud de la France,
dans une démonstration significative du
décalage du tempo révolutionnaire et de
la civilisation des loisirs, en ce que
les révolutions ne paraissent pas devoir
s’accomplir au rythme de la farniente
des RTT (réduction du temps de travail).
Menant un combat d’arrière garde en vue
de préserver le pré carré français au
Cameroun, Nicolas Sarkozy a programmé
pour septembre, contre l’avis de son
ministre des affaires étrangères Alain
Juppé, une visite du président du Rwanda
Paul Kagamé longtemps qualifié par la
France de «génocidaire». Que pense de
tout cela Bernard Henry Lévy, le
pourfendeur médiatique des dictatures à
travers le Monde? Qu’il est dur de vivre
une imposture dévoilée.
L’éviction de Kadhafi devrait,
paradoxalement, donner le signal, à tout
le moins l’espérer, de la véritable
guerre de libération de la Libye, au
terme d’une léthargie dictatoriale de
près d’un demi siècle; Une guerre de
libération qui devrait veiller, selon le
schéma des protestataires égyptiens et
tunisiens, à combattre le
néo-colonialisme sous couvert
d’humanisme sous lequel avance l’Otan
masqué afin de prévenir le retour de la
Libye sous ses fourches caudines, afin
de briser net les velléités d’une
cohorte de branquignoles visant à
l‘instauration d’un protectorat
israélo-européen, dans le prolongement
de l’enclave sud soudanaise, à
l’interposition territoriale des deux
révolutions victorieuses du «printemps
arabe», la Tunisie et l’Egypte.
Références
1- Pour aller plus loin Cf.
«Kadhafi portrait total» par René
Naba Editions Golias – Avril 2011
http://www.golias.fr/article4973.html
2- Pour information sur
l’implication des islamistes libyens
dans la rébellion anti Kadhafi, Cf.
à ce propos «De l’Afghanistan à
Benghazi : le voyage d’un ancien
radical libyen
http://magharebia.com/cocoon/awi/xhtml1/fr/features/awi/reportage/2011/07/15/reportage-01
magharebia.com, est le site web
d’AFRICOM’S. « Le portail est
sponsorisé par le United States
Africa Command, le commandement
militaire responsable du soutien et
du renforcement des efforts
américains pour promouvoir la
stabilité, la coopération et la
prospérité dans cette région du
globe», dixit le texte de
présentation.
3- L’exil forcé du commandant
Abdel Salam Jalloud au Maghreb.
Absent de la vie politique libyenne
depuis 1993, soit depuis 18 ans, le
Commandant Jalloud s’est exilé un
moment au Maghreb.
Le retrait de la vie politique
libyenne de ce fougueux pan arabiste
a sanctionné un divorce intellectuel
et un déchirement affectif du
trépignant compagnon de route de
Kadhafi avec son mentor.
Effrayé par le sort infligé à Saddam
Hussein en 1990, dans la foulée de
son invasion du Koweït, Kadhafi, sur
les conseils de son fils Seif Al
Islam, a entrepris de se rapprocher
des Occidentaux pour finir par leur
dévoiler tout un pan de la
coopération nucléaire interarabe.
Partisan de la fermeté, le
Commandant Jalloud s’est opposé aux
concessions diplomatiques à l’égard
des Etats-Unis et des pays
occidentaux en vue de la levée de
l’embargo, estimant que les
sanctions internationales visaient à
déstabiliser le régime en vue de son
remplacement et cela quelles que
soient les bonnes dispositions
manifestées par Tripoli dans
l’affaire de Lockerbie: l’attentat
contre un avion de la Panam le 28
décembre 1991 au dessus de l’Ecosse
qui a entraîné la mort de 287
personnes.
En quarantaine politique, le
Commandant Jalloud s’est alors
laissé gagner par la fièvre
islamiste, ne cachant pas sa vive
admiration pour Sayyed Qotob, Aboul
Ala Al Mawdoudy et Ibn Taymina,
trois inspirateurs du phénomène
islamiste dont les ouvrages
constituent ses livres de chevet. Il
tentait, à travers ses lectures, de
concilier ses tendances
révolutionnaires et sa nouvelle
inclinaison islamiste, en puisant
inspiration auprès du penseur
égyptien Mohamad Ahmad Khalaf,
théoricien de la gauche islamique.
Si l’alliance avec les Warfallas, la
tribu la plus importante de Libye,
dans l’est du pays, avait déjà connu
quelques sérieux accrocs lors des
évènements de 1993, elle a
définitivement lâché fin février le
colonel Kadhafi par la voix de la
plus haute autorité tribale de la
tribu de béni Walid, capitale
historique des Warfallas. La tribu
des Kadhafa, basée au sud de Syrte
et présente à Sebha) demeure loyale
au dirigeant libyen, mais sa
cohésion a été mise à mal à
plusieurs reprises, d’abord lors de
l’assassinat par le régime de Hassan
Ichkel, en 1985, de mère Warfalla,
mais de père Kadhafa et d’une lignée
beaucoup plus haute que celle de
Kadhafi, originaire du clan des
Ghous.
4- L’opposition libyenne: trois
personnalités ont émergé durant le
conflit: Mahmoud Djibril, Premier
ministre du CNT; Moustapha al-Sagisli:
ancien dirigeant des jeunes (chabab),
numéro deux du ministère de
l’Intérieur du gouvernement
provisoire, qui s’est distingué pour
avoir négocié la reddition du
général Younes, Ali Tarhouni,
ministre du Pétrole et des Finances
de la rébellion, ainsi que l’avocat
Abdel-Hafiz Ghoga, porte-parole,
vice-président du CNT. Neuf
mouvements se revendiquent de
l’opposition libyenne, fragmentée,
diasporique, longtemps en exil en
Europe et aux Etats-Unis dont trois
anciens membres du Conseil de la
Révolution, l’instance collégiale de
direction de la Libye, Le Commandant
Abdel Salam Jalloud, Abdel Moneim
al-Honi, qui a démissionné de son
poste d’ambassadeur de Libye auprès
de la ligue arabe et Mohamad Al-Magrif,
président du Front National de
Salut. A ces trois personnalités
s’ajoutent, cinq formations sans
compter les organisations
islamistes: 1-l’Alliance Nationale
de l’ancien ministre des Affaires
étrangères, Mansour Al-Kikhya,
dirigée depuis la disparition de son
fondateur au Caire, 1994, par Achour
Ben Khial, 2-Le Conseil National du
Salut: Ahmad al-Makki, 3- l’Armée
nationale libyenne: Abdallah al-Chikri,
4-Groupement de la révolte d’octobre
1993: Mohamad Abchir, 5-Organisation
nationale libyenne: Bachir al-Rabti.
5- Abdel Fattah Younès a été
remplacé par un membre de sa tribu,
le général Mahmoud Souleymane Al-Obeidi,
ancien commandant de la garnison de
Tobrouk de l’armée libyenne. La
tribu Al-Obeidi avait en effet
menacé de se livrer à des
représailles si elle n’obtenait pas
réparation morale de la perte de
leur chef. Mais, le général Khalifa
Haftar ne parait pas décidé à se
laisser chapeauter par des anciens
sbires du régime, même dissidents.
Haftar suscite de lourdes suspicions
au sein de l’opposition en raison de
son passé militaire. Proche des
services américains, il a dirigé
depuis sa défection à la suite des
revers de la guerre du Tchad, une
organisation paramilitaire anti
Kadhafi l’«Armée Nationale
Libyenne».
6- Vingt Mille raids aériens,
dont huit mille d’attaques par
bombes et missiles ont été
effectuées pour préparer l’assaut de
Tripoli, raids menés par des
chasseurs bombardiers et des
hélicoptères de combat équipés de
missile à guidage laser Hellfire,
lancé à 8 Kms de l’objectif, utilisé
aussi en Libye par les avions
télécommandés étasuniens Predator/
Reaper. Les objectifs sont repérés
par les avions radar Awacs, qui
décollent de Trapani (côte sud-ouest
de la Sicile), et par les Predator
qui décollent d’Amendola (Foggia,
province des Pouilles), en survolant
la Libye 24h/24.
7- Cf. La France est une
puissance coloniale:
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/08/10/la-france-puissance-coloniale
1557888_3232.html
http://www.handicap-international.fr/
Dix neuf missions de maintien de la
paix ont été mises en place par
l’Onu en Afrique, depuis 1992, en
Somalie, qui constituera un échec
profond pour les Nations Unies.
Voici, selon la chronologie, les
missions de l’ONU en 19 ans. Somalie
(1992-1993), Mozambique (1992-1994),
Rwanda (1993-1996), (1993-1997),
Angola (1995-1997), République
centrafricaine (1998-2000),
République démocratique du Congo
(1999), Sierra Leone (1999-2005),
Erythrée et Ethiopie (2000-2008),
Côte d’Ivoire (2003), Burundi
(2004-2006), Soudan (2005), Darfour
(2007), République Centrafricaine et
Tchad (2007-2010), Libye (2011).
8- CF. Goldman Sachs et les
millions libyens, Le Monde
07/06/2011 par Sylvain Cypel. A
propos des pertes du fonds souverain
Libyan Investment Authority (LIA)
dans ses placements auprès de la
Société générale: Sur 1,8 milliard
de dollars (1,27 milliard d’euros)
confiés à la banque française, plus
de la moitié se sont évaporés après
avoir été investis par elle dans de
très opaques produits financiers
dits « structurés ». Créé en juin
2007 avec environ 40 milliards de
dollars en liquidités et propriétés
diverses, LIA détenait, avant le
début de l’actuelle crise libyenne,
environ 70 milliards d’avoirs, dont
53 en actifs financiers. Aux
Etats-Unis, le fonds libyen s’est
principalement tourné vers le
meilleur d’entre les meilleurs:
Goldman Sachs (GS). De janvier à
juin 2008, il lui versa donc 1,3
milliard de dollars. En février
2010, il n’en restait que 25,1
millions. De la somme initialement
apportée, 98 % avaient disparu.
Certes, on connaît des entreprises –
AIG, General Motors, Lehman Brothers,
Fannie Mae et Freddie Mac, dont
l’action, durant la crise
financière, a chuté dans des
proportions similaires. Mais, pour
des placements d’un investissement
souverain, il doit s’agir d’un
record du monde toutes catégories.
-Bilan visuel du régime Kadhafi
http://dotsub.com/view/384a963a-59e6-4922-95eb-ee2b711f5f09
© René Naba
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