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Cuba
Une logique
cartésienne
Compte-rendu du livre de Salim
LAMRANI Double morale.
Cuba, l’Union européenne et les droits de l’homme.
Paris : Editions Estrella, 2008
Ramon Chao *
Ramon Chao
28 octobre 2008
Si vous voulez voir appliquée à la littérature la formule
qu’avait Jean Vigo pour filmer ses documentaires : (“un point de
vue documenté”, disait-il), lisez n’importe quel livre ou
article de Salim Lamrani, un jeune de gauche engagé
particulièrement avec Cuba et le Venezuela. Lamrani expose ses
convictions avec un tel flot de références qu’il devient très
difficile pour tout contradicteur de les réfuter. Donnez-lui un
thème utilisé par la presse bourgeoise sur (ou presque toujours
contre) les deux pays cités, et le fureteur Lamrani sort un
arsenal d’analyses, de citations et de déclarations qui laisse
l’autre sans voix.
Il avait
déjà déployé son arsenal dialectique dans des ouvrages tels que
Washington contre Cuba, Cuba face à l’Empire,
entre autres.
Poursuivant les analyses sur cette lutte injuste, inégale
et héroïque de la part de la petite île, il étudie à fond le
rapport d’Amnesty International sur le respect des droits de
l’homme dans le monde, et avec une logique cartésienne, il
expose ses principales résolutions et principes, en particulier
sur les sanctions diplomatiques imposées à Cuba par l’Union
européenne entre 2003 et 2005 en raison de la « situation des
droits de l’homme ».
Lamrani commence par faire l’éloge du sérieux et du
prestige d’Amnesty International (« sans
doute l’organisation de défense des droits de l’homme la plus
prestigieuse au monde »),
ce qui l’autorise par la suite à tirer certaines conclusions du
rapport. Cuba est le pays qui viole le moins les droits de
l’homme : 23 des 25 nations qui ont voté les sanctions
politiques et diplomatiques contre ce pays présentent un
panorama des droits de l’homme bien plus désastreux que celui de
l’accusé. Par conséquent, elles ne sont pas autorisées à
s’ériger en juges, et encore moins à imposer des sanctions.
Cette prémisse étant établie, Lamrani démarre toute une
série de considérations. Amnesty ne signale aucun cas
d’assassinat politique à Cuba contrairement à la
Grande-Bretagne ; elle n’a découvert aucun cas de torture à Cuba
(sauf les innombrables de Guantanamo !), alors qu’elle qualifie
de traitement inhumain les agissements de la police en Belgique,
en France, en Grèce, en Italie, etc. ; elle dénonce
l’utilisation de la torture pour obtenir des preuves en
Allemagne, des disparitions en Estonie, des séquestrations de
personnes par les autorités en Italie, l’impunité pour les
crimes commis par des agents de l’Etat en Autriche, en Espagne,
en Grèce etc. ; la stérilisation forcée de femmes issues de
minorités en République tchèque, et d’autres exemples qu’il
conviendrait de détailler mais il faudrait citer tout le livre
pour cela.
Si la comparaison entre Cuba et l’Union européenne est
celle que nous venons de relater, que dire de la comparaison
avec les pays d’Amérique latine? On aura beau chercher, Amnesty
n’a évoqué, pour Cuba, aucun cas d’assassinat ou d’exécution
extrajudiciaire de la part des forces de l’ordre, comme c’est le
cas aux Bahamas, au Brésil, au Canada, en Colombie, en
République dominicaine, au Mexique (les femmes !) et j’arrête
là. La liste est beaucoup, beaucoup plus longue. Cela semblerait
incroyable si Lamrani n’examinait pas minutieusement les
situations et les cas dans chacun des pays. Bien sûr, tout cela
se sait de façon dispersée ; cela se sait, mais voir tout cela
réuni est terrifiant. Oui, cela se sait, mais comme a dit Gide :
« Dans le monde tout est dit, mais comme personne n’écoute,
il faut répéter cent fois ».
Double
morale. Cuba, l’Union européenne et les droits de l’homme
Préface de Gianni Minà
Paris : Editions Estrella, 2008.
123 pages.
10€
Pour toute commande, veuillez contacter
lamranisalim@yahoo.fr
*Ancien rédacteur en chef du service Amérique latine de Radio
France Internationale, Ramón Chao est écrivain, journaliste et
père du célèbre chanteur Manu Chao.
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