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Opinion
J'ai fait un rêve
Rami Zurayk
Dimanche 30 janvier 2011
http://landandpeople.blogspot.com/2011/01/i-had-dream.html
L’#Égypte
n’a pas dormi cette nuit et moi non plus. J’ai fait des rêves
sur le changement qui balaie le monde arabe, et sur les espoirs
que les révolutions en Tunisie et en Egypte et les protestations
en Jordanie et le Yémen ont instillé en chacun des Arabes que
nous sommes.
Le premier résultat des révolutions du peuple arabe est la
prise de conscience de l’étendue et la force de l’identité
arabe. Il suffit de regarder Al Jazeera, ou d’observer la
solidarité massive exprimée dans les pays arabes, en dépit des
tentatives de certains médias et de gouvernements (arabes et
occidentaux) de la minimiser. Pendant plusieurs décennies, la
notion de la « fin de l’identité arabe » a prévalu dans la
pensée occidentale. Ce concept a été construit et colporté dans
l’Empire, et a été seriné par les Arabes qui cherchent à
s’attirer les bonnes grâces des dirigeants mondiaux. Inventée
par les sionistes et les impérialistes qui l’ont utilisée à
disséquer et à diviser pour mieux régner et conquérir, l’idée a
rejoint le discours dominant et est devenue une partie de la
culture populaire, dans la mesure où beaucoup d’Arabes qui
voulaient cacher leur visage brun sous un masque blanc l’ont
répétée comme un mantra. Au Liban, bien sûr, elle est au cœur
des problèmes qui déchirent le pays et - comme me le disent mes
enfants - la question de savoir si les Libanais sont des
Phéniciens ou des Arabes fait toujours rage dans les classes
d’école aujourd’hui.
Un autre enseignement des révolutions est le message clair
que, malgré ce que les racistes-orientalistes voudraient nous
faire croire, le peuple arabe N’EST PAS un peuple vaincu, il
N’EST PAS génétiquement en faveur des dictatures, et être
gouverné par la force N’EST PAS ce que les Arabes souhaitent par
dessus tout. La raison pour laquelle les Arabes ont été battus
par Israël, pour laquelle la Palestine est toujours occupée et
pour laquelle les dictatures ont fleuri, est que l’Empire et ses
hommes de main israéliens ont soutenu des régimes totalitaires
arabes dont la seule fonction est la répression de leur propre
peuple. Et ces régimes s’effondrent. Je crois que la résistance
libanaise a joué un rôle énorme en relevant les esprits arabes :
un petit groupe organisé, mais pauvrement équipé (comparé à ce à
quoi les Israéliens ont accès), a réussi à battre les États-Unis
et Israël par trois fois : ses membres ont mis fin à
l’occupation du Liban en 2000, ils ont battu Israël et les
États-Unis en 2006 et ils ont tranquillement,
constitutionnellement et démocratiquement contrecarré les
tentatives des États-Unis, d’Israël et de leurs marionnettes
arabes d’isoler et de détruire la Résistance au travers d’un
outil politique dénommé Tribunal international. En 2000 et 2006,
la Résistance a rendu, sur le champ de bataille, les Arabes
fiers d’être Arabes. Une partie de ceci s’exprime aujourd’hui.
C’est précisément pourquoi l’Empire et ses chiens de garde ont
si gravement besoin de détruire la Résistance. Il est maintenant
trop tard.
Un troisième résultat a été d’exposer la réalité des
« démocraties » impérialistes et leur partialité. Et je ne parle
pas ici que des gouvernements. Les médias, ainsi que de
nombreuses institutions culturelles et des intellectuels,
participent à cela. Bien sûr, nous avons assisté à ce que Samir
Amin appelle la triade de l’impérialisme collectif (les
États-Unis, l’Europe occidentale et le Japon) qui a tenu un
discours hypocrite sur la démocratie et l’a utilisé comme un
outil de contrôle des populations du Sud et en particulier du
monde arabe. Mais cette fois, les maladresses ont été
flagrantes. C’est un peu comme le phénomène Wikileaks : il ne
vous apprend rien que vous ne saviez déjà, mais il vous donne
les arguments irréfutables pour l’exposer. Regardez les Français
qui ont tenté de soutenir le régime de Ben Ali ! Regardez la
presse occidentale et comment elle traite différemment les
révolutions en Tunisie et en Égypte et la révolution verte en
Iran. Oh je suis tellement fatigué de ces journalistes
occidentaux incompétents qui pontifient sur des pays où ils
n’ont jamais vécu ou qu’ils n’ont même pas visités, dont ils ne
parlent pas dix mots de la langue et qui dépendent pour leurs
analyses de quelques phrases entendues ici et là dans les bars
haut de gamme ou dans des dîners – si vous lisez ceci,
laissez-moi vous le dire : vous n’avez aucune crédibilité, vous
n’êtes que des escrocs et vous le savez. Regardez les États-Unis
qui ont envoyé Jeffrey Feltman en Tunisie pour tenter de
reprendre le contrôle de la révolution de jasmin. Il en a été
expulsé, bravo à nos camarades ! Voyez le discours d’Obama sur
l’Égypte hier : alors que le peuple égyptien meure dans la rue
pour réclamer la fin d’une dictature vieille de vingt années
financée et protégée par les États-Unis, Obama veut maintenir le
régime et encourager les « réformes ». Vous aurez bientôt des
réformes, Monsieur le Président, après que le régime s’effondre,
et la première réforme sera l’annulation du traité de paix avec
Israël. Mais la lutte sera très longue, car les Israéliens, les
États-Unis et leurs alliés, acolytes et marionnettes jouent gros
ici : l’Égypte est la plus grande nation arabe, la plus
puissante et elle a défini historiquement le rythme des
révolutions arabes. L’Empire va se battre durement et salement.
Quatrièmement, je ne peux m’empêcher de remarquer
l’inquiétude et la peur dans les yeux du parti de pouvoir et de
l’argent dans le monde arabe. Je n’évoque pas ici uniquement les
régimes : je parle de la minuscule classe de capitalistes
mondialisés qui a saigné nos pays et a bâti sa richesse sur
l’exploitation des pauvres. Celle-là est inquiète. Elle a
soudain pris conscience qu’il y a d’autres habitants dans les
pays arabes où elle vit, que ces gens sont plus nombreux qu’elle
et qu’ils ne sont plus si dociles, en dépit des appareils
répressifs qu’elle était heureuse de soutenir. Elle découvre
qu’à l’extérieur de ses voitures climatisées, de ses communautés
fermées et de ses centres commerciaux protégés, il y a des gens
qui vivent et qui ne sont pas seulement des serveurs ou des
valets de parking. Elle s’inquiète de perdre son style de vie
luxueux, qu’elle ne peut se permettre que parce que l’argent
qu’elle accumule n’est pas redistribué. Ce sont des gens qui se
pensent eux-mêmes de la même manière les Blancs pro-apartheid en
Afrique du Sud le faisaient, parce qu’ils vivent dans leur
propre apartheid basé sur la classe. Dans leurs conversations
privées et dans les journaux pas si privés, ils parlent de
« différences culturelles » entre eux et les « autres ». Ils
soulignent, chez « les autres » (qui sont généralement aussi les
« arabes »), le manque de « civilisation » (de préférence en
français dans le texte). Et ils disent : « ce pays cessera
d’être habitable, si la racaille prend le dessus ». Eh bien,
sachez le, c’est exactement ce que de nombreux Sud-Africains
blancs avaient l’habitude de dire, et regardez où ils se sont
retrouvés : dehors. Alors, faites nettoyer vos villas de Cannes,
Nice, Marbella, vous pourriez bientôt avoir à déménager là-bas,
et cela contre votre gré.
Traduction de
Nidal
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