Mercredi 12 novembre 2008
Le cas de Maâmar Ameur a déjà fait, dit-il,
l’objet de polémiques dans la presse people des États-Unis. Dans
un article paru sur les colonnes de Miami Herald, la
représentante des détenus au département de la Défense, Sandra
Hodgkinson, avait déclaré que l’Algérie ne voulait pas des
détenus de Guantanamo.
Après de
longues années de détention à Guantanamo, les prisonniers
algériens viennent de bénéficier de mesures de clémence
américaines et commencent à arriver à Alger. Ainsi, l’on apprend
que le sixième prisonnier libéré est enfin arrivé à Alger. Après
les formalités administratives et judiciaires, ces prisonniers,
qui ont retrouvé leur liberté, n’ont pas hésité à rompre le
silence à leur retour au pays.
C’est le cas de Maâmar Ameur, âgé de 50 ans. Il a vécu six
longues années dans les geôles de l’île américaine et en
Afghanistan, et est arrivé le 8 octobre à Alger. Et ce n’est que
la semaine dernière que ce sixième détenu libéré est arrivé dans
son quartier natal, Maâmoura, dans la ville de Laghouat.
Maâmar Ameur, qui s’est confié à Liberté a d’emblée tenté de
nous décrire le supplice des prisons américaines. “Coupés de
tout contact avec l’environnement extérieur, rares sont ceux qui
ont pu échapper à l’isolement sordide et inhumain, nombreux ont
subi un fort préjudice moral. Les maladies, le diabète,
l’hypertension artérielle, sont monnaie courante chez les
détenus”, a-t-il témoigné.
Il fait partie des détenus qui ont bénéficié des récentes
“mesures de clémence” prises par le département de la Défense
US.
Ces transferts ont été annoncés, a-t-on appris, au lendemain de
la décision d’un juge fédéral ordonnant que le gouvernement
américain relâche aux États-Unis 17 Chinois Ouïgours détenus à
Guantanamo depuis 2002. Rappelons qu’en 2004, le gouvernement
américain avait admis que ces prisonniers ne constituaient pas
un danger et devaient être renvoyés dans leur pays.
Le cas de Maâmar Ameur a déjà fait, dit-il, l’objet de
polémiques dans la presse people du pays de l’Oncle Sam. Dans un
article paru sur les colonnes de Miami Herald où la
représentante des détenus au Département de la défense, Sandra
Hodgkinson, avait déclaré que l’Algérie ne voulait pas des
détenus de Guantanamo, une fois libérés.
Alors qu’au début du mois de mars 2008, Tayeb Belaïz, ministre
de la Justice, avait confié à la presse que “si les Algériens de
Guantanamo voulaient rentrer au pays, ils seront les bienvenus”.
Le garde des Sceaux avait d’ailleurs indiqué que ceux qui font
l’objet de poursuites judiciaires en Algérie seront jugés selon
le code pénal “et ceux qui ne sont pas poursuivis par la justice
algérienne retourneront auprès de leur famille”.
C’est donc ce qui s’est passé pour Maâmar Ameur, résidant à
Peshawar, au Pakistan, depuis 1990 et qui est membre d’une
association humanitaire chargée de la reconstruction, agréée par
le gouvernement pakistanais et enregistrée auprès du
Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
Ameur a été arrêté le 8 juillet 2002 à Peshawar au moment où il
travaillait depuis 1990 pour une ONG agréée par le gouvernement
pakistanais.
Le frère d’Ameur avait reçu un message électronique de Me Ramzi
Kassem inscrit à un barreau américain. “Ameur Maâmar ne se
trouvait pas au bon endroit, ni au bon moment ce jour-là”, selon
l’avocat.
Ameur raconte les circonstances de son arrestation : “Les
services secrets pakistanais étaient à la recherche d’un
terroriste soudanais qui habitait dans le même immeuble que moi.
J’étais suspecté d’avoir été son complice, alors ils m’ont
immédiatement arrêté et détenu à la prison de Peshawar durant 2
jours avant de me voir transférer vers la sinistre prison de
Baghram en Afghanistan où les conditions de détention étaient
abominables, des plus inhumaines.” Car, selon notre
interlocuteur, “il n’y avait aucune supervision du comportement
des gardiens de prison”.
L’ex-détenu poursuit pour décrire les supplices qu’il a subis :
“De la torture physique à la pression psychologique, tout était
permis. Ce supplice aura duré une année. Ensuite, en compagnie
de mes codétenus d’origine algérienne, qui étaient au nombre de
26, environ 10% de l’ensemble des détenus, j’ai été transféré à
Guantanamo. Un certain soulagement aurait été ressenti par les
détenus en arrivant sur les lieux. Il faudra préciser que nous
étions placés au départ dans des cages avant notre
réinstallation dans des cellules.”
“D’investigation en investigation, en passant par plusieurs
audiences au tribunal militaire, et malgré les multiples
interventions de collectifs d’avocats américains agissant dans
un cadre humanitaire et celles du Haut-Commissariat aux réfugiés
afin que toute la lumière soit faite sur mon affaire, les choses
n’évoluaient pas.”
Son frère l’interrompt et indique, s’appuyant sur des messages
de l’avocat de Ameur, qu’“aucune preuve d’adhésion à un groupe
ou d’activité terroriste n’a été retenue à l’encontre de Ameur”.
L’ex-prisonnier de Guantanamo marque une halte avant de
poursuivre le récit pour décrire d’incarcération : “Durant les
années de détention, la peur et l’incertitude régnaient dans les
cellules, la pression psychologique pratiquée par des agents
américains était telle qu’ils nous déconseillaient de retourner
dans notre pays d’origine, en nous faisant croire que nous
risquerions de subir de nouveau le calvaire. Une avocate
américaine nous a même déclaré qu’à notre retour dans nos pays
d’origine, nous allions être encore emprisonnés durant 7 ans.”
Après tout ce qu’a subi Maâmar Ameur, celui-ci ne trouve pas la
force pour l’instant de demander un dédommagement “légitime”
selon lui, de la part des autorités américaines, eu égard à son
innocence.
Néanmoins, sa situation demeure désespérée. La cinquantaine
entamée, sans aucune ressource, quatre enfants à charge, Maâmar
vit dans une seule pièce et aucune possibilité d’emploi.
Visiblement abattu, il n’hésite pas à lancer un appel de
détresse en direction des pouvoirs publics afin qu’il puisse
être pris en charge socialement dans le cadre de la
réconciliation nationale, et souhaite qu’une telle prise en
charge soit aussi assurée pour la vingtaine d’Algériens encore
détenus à Guantanamo, une fois rentrés au pays. Parmi ceux qui
sont encore à Guantanamo, Ameur cite Mohamed Nechla arrêté en
Bosnie et transféré au camp Delta à Guantanamo et contre qui,
selon le père, “aucune charge n’a été retenue”. Celui-ci caresse
toujours l’espoir de revoir son fils dans les prochains jours.
Signalons, enfin, que, toujours selon notre interlocuteur, tous
les détenus algériens ne faisaient pas partie d’Al-Qaïda.
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Publié le 12 novembre 2008 avec l'aimable autorisation de Liberté.