Europe - Sionisme
Pour que s'arrête
la peur !
Pierre Piccinin
La Libre Belgique,
28 octobre 2011
Le mardi 27 septembre, le quotidien
La Libre Belgique (LLB),
auquel je collaborais depuis plusieurs
années, a publié un billet assassin
m’incriminant personnellement, ainsi que
Souhail Chichah, chercheur en économie
de la discrimination à l’Université
Libre de Bruxelles (ULB).
Selon les termes de ce billet, Souhail
Chichah et moi-même, tous deux
« membres de l’ULB »,
aurions « approuvé
les outrances d’un étudiant en sciences
politiques » qui, dans un
commentaire posté sur le site de
socialisation Facebook, qualifiait de
manière peu amène le philosophe Guy
Haarscher, professeur à l’ULB
(l’étudiant réagissait aux prises de
position de ce professeur, favorable à
l’intervention de l’OTAN en Libye).
À l’origine de ce billet ? Une
déclaration de l'Union
des Étudiants juifs de Belgique
(UEJB), qui, faisant écho à une
publication du site
Philosémitisme, se
disait inquiète de « l’importation
du conflit israélo-palestinien en
Belgique ».
On notera d’emblée que le propos de
l’étudiant portait sur la Libye et non
pas sur Israël ou la Palestine; on se
demandera dès lors pourquoi l’UEJB s’en
est inquiétée et pourquoi LLB a
cru utile de titrer sur le conflit
israélo-palestinien (en fait, seul le
mot « sionistes
», dans le texte de l'étudiant, présente
un quelconque rapport avec Israël; rien
d'autre).
On notera également que ce ne sont pas
les mots « va-t-en-guerre » et
« atlantiste » qui semblent poser
problème, mais le mot « sioniste ». Or,
ce mot n’a aucune connotation raciste,
contrairement à ce que le ton
« alarmant » de l’article essaie
cependant de suggérer (sioniste : qui
milite pour la constitution d’un État
juif en Palestine –dictionnaire
Larousse).
On notera encore que
LLB a choisi de ne publier
du commentaire de l’étudiant que les
quatre mots qui pouvaient choquer,
quatre mots totalement détachés et du
contexte et du contenu du commentaire.
On notera enfin que c’est là tout ce que
l’UEJB a pu trouver, semble-t-il,
c’est-à-dire absolument rien du tout, en
scrutant pourtant les moindres de mes
gestes et paroles et en espionnant
quotidiennement les pages Facebook de
mes collègues et la mienne.
Non seulement, je ne suis plus membre du
personnel scientifique de l’ULB et
n’exerce plus aucune fonction dans cette
université (si l’auteur du billet avait
eu la déontologie de me contacter et de
vérifier ses sources, comme le fait un
véritable journaliste, il aurait pu
s’épargner cette bévue).
Mais, d’autre part, je n’ai nullement
« approuvé » (ni, par ailleurs, non plus
condamné) les « outrances » ou le
caractère satirique de cette boutade
estudiantine, somme toute fort banale
pour qui fréquente les cercles de
baptême.
En revanche, j’ai certainement apprécié
la substance du propos de l’étudiant,
qui semble avoir tout à fait échappé à
l’auteur de ce billet de presse bien peu
honorable : j’ai pu considérer le propos
de l’étudiant sur l’intervention
atlantique en Libye avec d’autant plus
de pertinence que je venais alors de
rentrer de Benghazi et d’avoir passé
plusieurs jours sur le front libyen, en
compagnie des combattants de la
rébellion, où j’avais pu constater une
réalité très éloignée de la
simplification manichéenne véhiculée par
les médias européens et promue par
certains intellectuels ignorant tout de
cette réalité.
Aurais-je dû me montrer plus prudent, du
fait de cette raillerie grivoise?
D’une part, je ne suis pas l’auteur de
ces mots (c'est là le style d'un
étudiant; ce n'est pas le mien) et,
d’autre part, Facebook n’est quand même
pas
Le Monde diplomatique, mais
un lieu propice aux conversations
informelles où le sens de la diatribe et
la libre polémique devraient pouvoir
s’exprimer sans censure. Surtout,
j’aurais fait plus attention si j’avais
pu imaginer qu’il existait des esprits à
ce point retors, pour fouiner ainsi dans
les moindres de mes actes et essayer de
me couvrir d’opprobres sur leur site
ignoble. Mais, en vérité, je dois avouer
que ce ne sont pas ces quatre mots qui
avaient attiré mon attention et
-peut-être ai-je les idées trop
larges- que je n’en avais pas même
souvenir lorsque je les ai vu reproduits
par LLB.
Cela étant, ce billet n’aurait bien
évidemment eu aucun retentissement ni
impact, s’il ne s’était agi que du mot
un peu trop cru d’un étudiant taillant
un costard à l’un de ses professeurs, un
mot posté sur Facebook et négligemment
(imprudemment !) relevé d’un « like »
(« dérapage sur le net » eût d’ailleurs
mieux convenu en titre de ce billet, si
dérapage il y avait eu).
L’intérêt est donc ailleurs : l’UEJB a
voulu jeter le discrédit et, par
l’exercice d’une diffamation suggestive,
laisser entendre que, peut-être, ces
deux enseignants, qui auraient
« approuvé » l’expression qui fâche, ne
seraient pas tout à fait exempts d’une
ou l’autre mauvaise pensée… Pour ce
faire, la moindre aspérité est extraite
de son contexte, transformée en faux
pas et utilisée, montée en épingle,
remodelée et balancée sur la place
publique, sans autre forme de procès. Et
le saut est fait, en un clin d’œil, du
rejet du sionisme à l’antisémitisme.
Antisémitisme ! Le mot est lâché.
Et l’exercice est concluant. Pour en
avoir la preuve, il ne faut pas se
donner plus de mal que la peine de lire
les dizaines de réactions de la foule
désinformée, hallucinantes, plus
exaltées les unes que les autres, qui se
sont bousculées sur le site de
LLB après la publication de
l’article en question : « Boycott
de l'ULB devenue un repaire
d'antisémites! Quelles sanctions contre
Chichah et Piccinin ? » ; « Un
assistant et un prof qui approuvent des
propos pareils, on doit les virer
illico! » ; « C'est
tout de même troublant qu'une unif
laisse enseigner un antisémite » ;
« Plus
un pays s'islamise, plus il devient
anti-israélien et antisémite » ;
« Belle
illustration de la ‘Libre Pensée’ que ce
lâchage antisémite! », etc.
En publiant ce coup-bas racoleur,
LLB a choisi son camp :
celui de la délation manipulatrice
malsaine.
LLB
a publié quatre mots totalement hors
contexte et laissé chacun se faire une
idée... une fausse idée. C’est cela
de la « diffamation suggestive », dont
transpire ce billet.
Le procédé n’est pas nouveau et ce genre
d’attaque ne m’est pas inconnu.
Il y a trois mois à peine, j’avais une
nouvelle fois fait l’objet d’un même
amalgame vicieux, dans le mensuel
Points critiques, la revue
de l'Union
des Progressistes juifs de Belgique
(UPJB) : dans un article intitulé
Pour en finir avec (l'imposteur)
Dieudonné (Points
critiques, juin 2011, p.
16 et
p. 17),
un « journaliste » associait mon nom à
l’extrême-droite et, se référant à un
douteux ouvrage publié en France (M.
BRIGANTI et al., La Galaxie
Dieudonné),
me stigmatisait, ainsi que Souhail
Chichah et plusieurs autres
intellectuels belges, comme membre d’un
réseau antisémite promouvant l'amalgame
entre l'antisémitisme et l'antisionisme
dans le but d’inciter au racisme.
Premièrement, l'ouvrage qui était cité
ne fait pas la moindre allusion à moi
et, deuxièmement, j'ai dénoncé à maintes
reprises cet amalgame, auquel
encouragent au contraire les
organisations sionistes, dans le but de
discréditer et d'intimider, en les
taxant d'antisémitisme, les
intellectuels qui s'opposent au
sionisme, c'est-à-dire à la politique
colonialiste de l'État d'Israël en
Palestine (voir le
droit de
réponse).
Procédés diffamatoires, donc, dans le
chef de l'UPJB. Et usage décomplexé de
cet amalgame que l'UPJB prétendait
pourtant dénoncer...
Le billet du 27 septembre, procédé
habituel de ces milieux, n’aurait donc
pas eu plus de conséquence, si toutefois
LLB, en la rédaction duquel
quotidien j’avais toute confiance,
n’avait décidé, en quête de
dédouanement, de mettre un terme à notre
collaboration et de refuser désormais de
publier mes contributions, sans même
demander à m’entendre.
En outre, alors que nous avions eu un
entretien téléphonique des plus aimables
au cours duquel m’avait été assuré un
espace de réponse comme mon droit le
plus évident, la rédaction m’a, une
demi-heure plus tard, adressé un
courrier laconique me déniant ce droit
de réponse (par l'intervention de mon
conseil juridique, la LLB a
depuis lors été mise en demeure de
publier ma réponse, selon les prescrits
légaux, et n'a pas eu d'autre choix que
de s'exécuter (voir le droit
de réponse, dans LLB
du 28 octobre 2011; toutefois, LLB
n'a pas rempli ses obligations
puisqu'elle n'a pas publié ce droit de
réponse à la une de la version
électronique; aussi, j'envisage une
action en justice dans le but d'obtenir
la condamnation du journal).
Je déplore d’autant plus cette attitude
indécente de la part de ce quotidien,
qu’il avait encore publié deux de mes
articles il y a quelques semaines à
peine, à la suite des investigations que
j’avais menées en Syrie au courant du
mois de juillet.
Et je m’interroge sur les raisons pour
lesquelles ce simple fait divers d’une
dizaine de lignes a curieusement été mis
à « la une » de l’édition électronique
du journal : tous ceux qui ont consulté
le site de
LLB ne pouvaient pas ne pas
le voir. En cela, LLB a
participé a la campagne de diffamation
qui nous vise, Souhail Chichah, d'autres
et moi.
Tout comme je m’interroge également sur
ce qui est en train d’arriver au sein de
la rédaction de
LLB. C’est que cette
« dénonciation » traînait déjà sur le
site
Philosémitisme depuis quinze
jours avant sa publication par
LLB ;
Philosémitisme, ce site
haineux, qui pratique la délation
anonyme, ce site nauséabond… Est-ce donc
là que, désormais, les journalistes de
LLB iront chercher leur
inspiration ?
Il est en tout cas très inquiétant qu’un
grand quotidien reproduise et cautionne
de la sorte des propos tirés d’une
publication dont le seul objectif est
d’inciter à la haine.
Quoi qu’il en soit, par cette décision
et en me fermant désormais ses colonnes,
LLB offre à ces groupes de
pression une belle victoire, et la
démocratie et la liberté d’expression
n’en sont que plus affaiblies.
Pourquoi ces attaques et ce système, qui
peuvent apparaître incroyables,
aujourd’hui et dans un pays démocratique
comme la Belgique, où l’on pourrait se
croire en sécurité, libre de ses
opinions, à l’abri de ce genre de
procédés ?
J’en ignorais jusqu’à l’idée, il y a un
an encore ; et, si quelqu’un m’avait
expliqué que, en Belgique, dans les
années 2010’, de tels procédés étaient
mis en œuvre par des associations juives
et que leurs manœuvres pouvaient être
couronnées de succès, je suis à peu près
certain que j’aurais eu grand mal à le
croire. Et pourtant, c’est, depuis un
an, la réalité de mon quotidien...
En avril 2010, au grand dam du Cercle du
Libre Examen, organisateur de
l’événement, les autorités de l’ULB
avaient censuré la projection du film du
journaliste Olivier Mukuna, film dont le
sujet central, l’humoriste français
Dieudonné, avait déchaîné les passions
et provoqué une levée de boucliers dans
les rangs du
Comité de
Coordination des Organisations juives de
Belgique (CCOJB),
organisation puissante, membre du Congrès
juif européen et du
Congrès juif
mondial.
Révolté par ces pratiques liberticides,
me sentant personnellement attaqué dans
ma liberté de juger de par moi-même,
j’avais alors pris ma plume pour
m’indigner publiquement de
l’accumulation de décisions de cet
acabit, de plus en plus fréquentes dans
le chef des décideurs ulbistes (P.
PICCININ, Censure, pressions ou usure?
Qu'est-il en train d'arriver à
l'Université Libre de Bruxelles?,
L'Écho,
5 mai 2010; et
La Libre Belgique,
7 mai 2010).
Le 20 septembre 2010, au terme d’une
longue polémique et d’interventions
médiatiques, le film fut finalement
projeté dans le grand auditorium Janson,
à l’ULB (mais pas dans les meilleures
conditions). La projection fut suivie
d’un débat, qui tourna presque au
pugilat verbal : venus en force, des
membres des diverses organisations
juives évoquées plus haut, accompagnés
de surcroît d’hommes armés -envoyés sur
le campus par le « Bureau
exécutif de Surveillance communautaire »
(BESC), sorte de milice juive, présente
sur le territoire national et dont la
légalité et les contours exacts posent
question-, se sont déployés dans
l’assemblée et ont tenté de saboter la
conférence par des cris et des menaces
physiques, interrompant régulièrement le
déroulement du débat (voir
la vidéo de la conférence -à
la sortie de la conférence, un
journaliste et un photographe qui
s'intéressaient à la présence du BESC
ont été pris à partie et molestés par
ses membres; les miliciens du BESC ont
obligé le photographe a effacer toutes
les photographies qu'il avait prises).
Durant toute la conférence, ces éléments
perturbateurs ont surtout visé Souhail
Chichah, un des orateurs, très critique
vis-à-vis de la politique israélienne en
Palestine.
Dans les semaines qui ont suivi cette
conférence, Souhail Chichah a reçu de
nombreux courriers le menaçant d’être
tabassé, le menaçant de mort, menaçant
sa famille. Il fut plus tard victime
d’une tentative d’attaque au couteau,
qui échoua grâce à l’intervention de
voisins.
Plusieurs sites sionistes l’ont attaqué
sur internet et ses propos furent
volontairement déformés : alors que
Souhail Chichah, comparant la situation
des immigrés maghrébins en Belgique à
celles des Juifs qui fuyaient les
persécutions, avait expliqué que ces
derniers avaient souffert de la pauvreté
et qu'ils avaient eu aussi été perçus
comme sales, nuisibles, ces sites ont
asserté qu’il s’était exclamé « sales
Juifs ! ».
L’UEJB a diffusé une petite vidéo
intitulée « Dérives
incontrôlées à l'ULB »,
grossier montage de plans découpés,
filmés lors de la conférence du 20
septembre, et de phrases extraites de
leur contexte, et ce dans le but de le
faire passer pour antisémite (la
conférence avait cependant été
intégralement filmée ; la supercherie a
rapidement été démontrée -voir
la vidéo de la conférence).
Enfin, le CCOJB, très présent à l’ULB,
demanda des sanctions, à savoir le
licenciement du chercheur.
Étant informé de cette situation
infernale et nerveusement insoutenable,
que subissait cette personne pour avoir
osé s’exprimer sans détour sur le
conflit israélo-arabe, comment
pouvais-je décemment me terrer dans la
sécurité de ma réserve, me taire ? A
fortiori alors que j’avais assisté à
cette conférence du début jusques à la
fin. Je suis donc intervenu une seconde
fois dans ce contexte, en publiant une
carte blanche appelant à la mobilisation
contre le terrorisme de la pensée (P.
PICCININ, La Liberté d'expression
menacée de mort,
La Libre Belgique,
14 octobre 2010).
C’est alors que j’ai moi-même commencé à
faire l’objet des mêmes tentatives
d’intimidation...
Menaces de mort, courriers d’insultes,
lettres adressées à mes collègues
m’accusant d’antisémitisme, à mes
supérieurs demandant mon licenciement,
calomnies sur internet, où j'ai été
attaqué aussi parce que d'obédience
catholique (voir par exemple Juif.org ;
France-Israël ;
Philosémitisme)… Des
extraits de conversations de ma page
Facebook ou des parties de phrases de
certains de mes articles, sortis de leur
contexte, se sont retrouvés sur des
sites sionistes, déformés et montés en
épingle, sous l'étiquette de
l'antisémitisme. Et, systématiquement,
les noms des institutions où j'enseigne
sont mentionnés, avec insistance, dans
le but de provoquer l'inquiétude de mes
supérieurs et des les amener à se
désolidariser.
Plus sérieusement, ma participation à
des conférences et tables rondes a été à
plusieurs reprises annulée (par exemple
:
participation
déprogrammée par l'IERI), et
ces mêmes sites sionistes s’en sont
vantés (voir
Juif.org) :
des avalanches de courriers menaçant de
boycott effrayaient les propriétaires
des salles ; des menaces sur la carrière
des organisateurs les amenaient à
renoncer (l’un d’eux m’a appelé,
paniqué, un matin, à l’aube, tant il
avait reçu de courriers d’une singulière
véhémence, pour s’excuser de devoir
annuler tout un programme).
Parfois, je me dis que j'aurais mieux
fait de dessiner des caricatures de
Mahomet; on m'aurait probablement donné
un prix et une médaille...
Par recoupement, il a été possible
d’établir que ces différentes
interventions étaient coordonnées,
résultats de mots d’ordre et
d’organisations pyramidales, et ne
résultaient pas d’initiatives
individuelles isolées.
Interpellée à diverses reprises, dans
l’expectative, ma direction m’a demandé
de m’engager par un écrit, dans lequel
je promettais, d’une part, de ne pas
faire état, dans mes cours, d’opinions
personnelles sur les questions ayant
trait au Moyen-Orient ou au conflit
israélo-arabe et, d’autre part, de ne
plus mentionner lors de mes conférences
ou interventions publiques le nom de
l’institution dans laquelle j’enseigne.
Cet engagement fut signé à huis-clos et
le document, à caractère strictement
confidentiel, archivé par
l’administration.
Quelques jours plus tard, plusieurs
sites sionistes publiaient de larges
extraits du texte...
Une enquête est aujourd'hui en cours,
pour identifier la (ou les) personne
qui, ayant partie liée avec les milieux
sionistes, a subtilisé et transmis ce
document.
Ainsi, le billet publié ce 27 septembre
par
LLB et la décision de la
rédaction de ce quotidien constituent le
dernier acte en date dans cette campagne
de destruction.
C’est comme cela que l’on essaie de
faire taire.
Par l’exercice d’un terrorisme
intellectuel qui muselle souvent même
les plus vertueux, par cet amalgame
facile à générer dans l’esprit de
personnes peu averties, où se mélangent
antisionisme et antisémitisme, où le
fait de critiquer Israël et la politique
colonialiste en Palestine, le sionisme,
est perçu comme le symptôme d’un racisme
antijuif, de l’antisémitisme.
Souhail Chichah et moi ne sommes pas
seuls à faire l’objet de pressions et
d’intimidations.
Des centaines d’intellectuels, connus ou
anonymes, sont sous la menace, en
Belgique, en France, ailleurs en Europe
et aux États-Unis : Charles Enderlin,
journaliste, harcelé par de violentes
campagnes de dénigrement depuis plus de
dix ans, pour avoir rapporté la mort du
petit Mohamed al-Dura, un enfant
palestinien tué par l'armée israélienne
en 2000 et devenu le symbole des
injustices commises par l'État hébreux.
L'écrivain Paul-Éric Blanrue, auteur de Sarkozy,
Israël et les juifs, ouvrage dont
aucune des maisons d'édition qui
publiaient ordinairement ses oeuvres n'a
voulu et que certains diffuseurs ont
refusé de distribuer. Le caricaturiste
Siné, collaborateur historique de
Charlie Hebdo, dont il a été
licencié pour une chronique dans
laquelle il avait ironisé sur le rapport
entre les Juifs et l'argent. Eric Mazet,
journaliste, mis à pied en septembre
dernier pour avoir osé poser la question
« DSK est-il soutenu par un lobby
juif ? ». Plus récemment, encore,
Étienne Leenhardt, directeur-adjoint de
l'information de la chaîne de télévision
France 2, attaqué par le Conseil
représentatif des Institutions juives de
France (CRIF) à la suite d'un
reportage qui analysait le
fonctionnement du lobby israélien aux
États-Unis... La journaliste Silvia
Cattori, le journaliste Alain Ménargues,
l'éditeur Éric Hazan, le philosophe
Alain Badiou, le journaliste Richard
Labévière, l'universitaire Pascal
Boniface, etc.
On pourrait multiplier ainsi les
exemples.
Des personnalités juives aussi en sont
victimes, accusées d’être antisémites
( !) et harcelées par des groupes de
pression.
La liste en est longue : Stéphane
Hessel, rescapé du camp
concentrationnaire de Buchenwald,
l’auteur du désormais très célèbre
Indignez-vous ! ; il avait
osé soutenir le mouvement de boycott des
produits israéliens pour protester
contre le sort fait à la population de
Gaza ; en janvier dernier, le CRIF et
l’organisation juive Europe-Israël
lançaient une campagne contre cet esprit
libre et contraignait les autorités de
l’École Normale Supérieure (Paris) à
annuler sa conférence. Mathieu Kassovits,
réalisateur français, qui avait dénoncé
le sionisme radical, expliquant que ce
sont ces méthodes, précisément, qui
choquent les gens et sont à l’origine
d’une recrudescence de haine envers les
Juifs. Noam Chomsky. Ou encore Norman
Finkelstein, professeur de sciences
politiques à l’Université DePaul de
Chicago et remercié après la publication
de son essai
L’industrie de l’holocauste,
ouvrage dans lequel il regrettait la
manière dont les Juifs sionistes
instrumentalisent le génocide des Juifs
d’Europe pour justifier la colonisation
israélienne en Palestine et imposer le
silence aux critiques. Edgar Morin, qui
avait dénoncé dans le journal Le
Monde la ghettoïsation des
Palestiniens et les humiliations subies.
Daniel Mermet, journaliste, attaqué par
l'Union
des Étudiants juifs de France pour
avoir critiqué la politique d'Ariel
Sharon. Gilad Atzmon, Olivia Zemor, etc.
C'est l'inquisition en marche et tout le
monde tremble, journalistes,
politiciens, magistrats.
Dans plusieurs articles, pourtant,
j’avais clairement pris position par
rapport à l’antisémitisme, que j’ai
toujours condamné sans ambiguïté aucune,
et j’avais essayé d’expliquer au mieux
comment antisionisme et antisémitisme ne
sauraient en aucun cas être confondus et
pas même rapprochés (par exemple :
P. PICCININ,
Antisémitisme et antisionisme : les
confusions et tabous de l'Occident,
L'Orient - Le Jour,
1er octobre 2010).
Mais ceux qui nous attaquent aujourd’hui
et essaient de nous accrocher
l’étiquette « antisémite » dans le dos
n’en ont cure : leur objectif n’est pas
de lutter contre le racisme, contre
l’antisémitisme, mais de ruiner la
réputation des intellectuels qui osent
dénoncer trop haut les agissements de
l’État d’Israël.
Dans le climat détestable qui règne dans
notre pays, en France tout autant, dans
d’autres pays d’Europe aussi, concernant
tout ce qui touche à la Communauté juive
et à l’État d’Israël, je peux comprendre
que d’aucuns tentent de se protéger en
ouvrant tous les parapluies possibles,
voire de se dédouaner et de donner des
gages, en collaborant. Je connais ainsi
les cas de collègues qui, par
résignation et par peur d’être pris pour
cible, refusent objectivement de
travailler sur des sujets ayant trait au
conflit israélo-palestinien, par crainte
d’être amenés à devoir dire des choses
qui leur attireraient des ennuis. Et je
pense que l’attitude, décevante, du
rédacteur-en-chef de
LLB n’est pas d’un autre
ordre.
Cependant, si les chercheurs honnêtes,
pour qui la carrière n’est pas tout, les
historiens, les politologues, les
philosophes, les journalistes, les
écrivains, si les citoyens se taisent et
cautionnent ces pratiques par leur
silence, c’est à des parcelles entières
de leur propre liberté qu’ils acceptent
de renoncer.
Si ceux qui ont osé briser ce mur de
silence et en payent le prix, victimes
de pressions, de menaces, d’atteinte à
leur emploi ou à leur espace
d’expression, à leur intégrité physique
parfois, restent isolés face à ces
attaques, ils seront écrasés par ce
système.
En revanche, si quelques-uns,
quelques-uns seulement, osent parler et
commencent à dénoncer la politique
sioniste et les méthodes dont elle use,
s’ils montrent du doigt ceux qui se sont
soumis à cette politique et y
participent même activement dans le but
d’en retirer des avantages ou, à tout le
moins, de ne pas s’exposer, si le
silence peut être rompu, chacun pourra
s’exprimer librement.
En ce qui me concerne, je refuse de me
laisser intimider.
Confronté à la gravité de la tournure
que prennent à présent les attaques de
ceux qui voudraient me réduire au
silence, aux atteintes faites à ma
réputation et à ma carrière
professionnelle, j'ai le choix entre
l'équilibre rassurant de l'homme couché
ou la dignité.
Je choisis la dignité.
C'est pourquoi, premièrement, j'ai
déposé un dossier de plainte pour
harcèlement auprès du Procureur du Roi
de Namur, à l'encontre des sites et
publications sionistes impliqués, des
personnes identifiées ayant pris part à
ce système et contre X.
En outre, parce qu’il est grand temps
que cessent ces méthodes exécrables,
qu’il s’agisse du sionisme ou d’autres
objets, deuxièmement, avec le soutien
d'universitaires, de journalistes et de
citoyens engagés, je prends l’initiative
de constituer une
association
pour la protection des libertés et du
droit à l'expression.
J’invite dès lors le monde intellectuel
et tous les citoyens, en Belgique, en
France, en Europe, à se mobiliser.
Pour que s’arrête la peur !
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