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Opinion
PROCHE-ORIENT
Pourquoi il n'y aura
pas d'État palestinien
Pierre Piccinin
Jeudi 5 mai 2011
"Nous devons expulser les Arabes et prendre leur place."
(David BEN GOURION)
Alors que Fatah et Hamas, les frères ennemis, se réconcilient enfin
dans l’intérêt du peuple palestinien, Israël s’indigne et refuse
de dialoguer avec les islamistes, saisissant l’occasion de
freiner, une fois de plus, les négociations sur la création d’un
Etat arabe en Palestine…
Après plus de soixante ans d’annexion progressive de la Palestine
par l’Etat d’Israël, d’occupation et d’extension de la
colonisation juive, il est indéniable que l’objectif du
« Mouvement sioniste », fondé à la fin du XIXème siècle par
Théodore Herzl, est pour ainsi dire atteint : le « Grand
Israël », l’Etat juif, n’est plus très loin de réaliser son
expansion maximale.
En effet, dès les origines du Mouvement sioniste, bien avant
l’indépendance même d’Israël, le projet de chasser les Arabes de
Palestine et d’étendre un Etat juif sur toute la région a
conditionné la politique des premiers colons : si, au début de
leur installation, ils avaient acheté des terres disponibles,
par la suite, devenus suffisamment nombreux et organisés, les
colons implantèrent de force leurs kibboutz, exploitations
fortifiées de palissades et miradors et défendues par une armée
clandestine, la Haganah, mise sur pied et dirigée par le
Mouvement sioniste.
Poursuivant cet objectif, la Haganah mena diverses opérations
destinées à chasser les Palestiniens de leurs terres et à
libérer le territoire pour l’immigration juive, alors que,
officiellement, les leaders sionistes avaient affirmé leur désir
de vivre en paix avec les populations arabes de Palestine et de
créer un Etat mixte où ces derniers auraient eu leur place.
Appuyée par des mouvements terroristes radicaux, tels l’Irgoun (qui
compta dans ses rangs le premier ministre Menahem Begin) et le
Groupe Stern (Yitzhak Shamir, autre premier ministre), l’armée
secrète juive se rendit notamment responsable du massacre de la
population de Deir Yassin, village palestinien dont la
destruction fut suivie de la distribution de tracts aux Arabes
de Palestine, les enjoignant à fuir sous peine de subir le même
sort : « souvenez-vous de Deir Yassin ! ». Pour les
Palestiniens, ce fut le début de l’exode et des camps de
réfugiés, la « Nakba », la « catastrophe ». Pour les Israéliens,
celui de la colonisation massive.
La Guerre des six jours, en 1967, a ensuite permis l’annexion de la
Cisjordanie et du Golan syrien (du Sinaï également, rendu à
l’Egypte suite aux accords de Camp David, en 1978, qui avaient
réuni Anouar al-Sadate et Menahem Begin, sous l’égide du
président états-unien James Carter).
Ben Gourion n'avait-il pas déclaré que « les frontières des
aspirations sionistes incluent le Liban-sud, le sud de la Syrie,
la Jordanie, toute la Cisjordanie et le Sinaï » ? Et d'ajouter :
« nous devons expulser les Arabes et prendre leur place».
Depuis lors, les bouclages systématiques et les incursions
militaires dans les zones palestiniennes, voire leurs
bombardements réguliers sous prétexte de combattre le
terrorisme, ont maintenu les populations arabes dans un climat
d’étouffement économique et d’insécurité permanent. Les frappes
massives sur Gaza, en décembre 2008, en sont un exemple majeur :
plus de 1300 morts et 5000 blessés.
Cette situation est entretenue depuis plusieurs décennies par
l’État israélien, ce qui est aujourd’hui plus qu’une hypothèse,
mais un fait clairement établi, suite à la publication par le
site « Wikileaks » de courriers électroniques de la diplomatie
états-unienne : Israël a volontairement asphyxié économiquement
les territoires palestiniens, en particulier Gaza, en prenant
soin toutefois de ne pas aller jusqu’à provoquer une crise
humanitaire, de sorte à prévenir toute réaction de la communauté
internationale.
Cette politique israélienne a pour conséquence l’émigration
progressive de la population palestinienne et leur départ vers
l’Egypte, la Jordanie, les Emirats arabes…
Que peut bien espérer, en effet, un père de famille, lorsqu’il ne
peut ni travailler pour nourrir les siens, ni en assurer la
protection ?
Même si le taux de natalité est élevé, côté arabe, les enclaves
palestiniennes se vident donc peu à peu, tandis que les colonies
juives qui les entourent resserrent irrémédiablement leur
périmètre.
Cette politique, manifestement planifiée de longue date, ne laisse
ainsi aucune chance à la création, un jour, d’un Etat arabe en
Palestine, perspective qui, de toute évidence, n’a jamais fait
partie de l’agenda réel du gouvernement israélien.
Forcé par la communauté internationale de faire bonne figure et de
s’asseoir à la table des négociations, ce gouvernement se ménage
cependant systématiquement une porte de sortie, évitant
soigneusement d’aboutir à un accord, ce dont il vient encore de
faire la preuve, en septembre dernier, en refusant de prolonger
le moratoire sur la colonisation, alors que les négociations
israélo-palestiniennes ont repris, à l’initiative de
l’administration Obama.
Ainsi, seules les Nations Unies pourraient, d’autorité, imposer la
création d’un Etat palestinien, et ce, pour commencer, sur base
de la célèbre résolution 242 de 1967, qui ordonne à Israël de se
retirer des territoires occupés lors de la guerre des six jours,
décision réaffirmée en 1973 dans l’article 2 de la résolution
338 consécutive à la Guerre du Kippour.
Certes, Israël a toujours joué sur l’ambiguïté de la version
anglaise de cette résolution (article 1.i) : tandis que la
version française ordonne le retrait « des » territoires, la
version anglaise parle du retrait « de » territoires (« withdrawal
of Israel armed forces from territories occupied in the recent
conflict »). Cependant, dans la mesure où le préambule de la
résolution 242 justifie la décision en l’appuyant sur le
principe de « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires
par la guerre », l’esprit de la résolution est sans équivoque :
Israël doit se retirer des territoires annexés en 1967.
Rappelons que cette résolution n’a jamais été appliquée par Israël,
qui viole ainsi le droit international, impunément, depuis plus
de quarante ans.
Cependant, comment l’ONU, systématiquement bloquée par le veto des
Etats-Unis, grand allié d’Israël, pourrait-elle aboutir à une
telle résolution imposant l’Etat palestinien ?
Sans aucun doute, dès lors, il n’y aura pas d’Etat palestinien.
Et pourtant, n’oublions pas que, légalement, cet
Etat existe déjà bel et bien, mais sur le papier seulement : il
fut créé en même temps que l’Etat d’Israël, par la résolution
181 des nations Unies (que n’annulent pas les résolutions 242 et
338), votée par l’Assemblée générale, le 29 novembre 1947, et
qui établissait avec grande précision les frontières de cet Etat
arabe de Palestine…
Lien(s) utile(s) :
L'Orient - Le Jour.
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Pierre PICCININ
Professeur d’histoire et de sciences politiques
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Publié le 5 mai 2011
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