Tendances au Moyen-Orient - Le Liban
Le complot pour
soustraire le Liban-Nord à l'autorité de
l'Etat en marche
Pierre Khalaf
Lundi 21 mai 2012
Les
mouvements islamistes extrémistes et
leurs sponsors régionaux et
internationaux ne perdent pas espoir de
mettre en œuvre leur plan qui consiste à
sortir le Liban-Nord du giron de l'Etat,
pour le transformer en base-arrière, où
les insurgés syriens auraient une totale
liberté d'action.
Après
avoir mis à feu et à sang Tripoli, la
deuxième ville du Liban, prenant comme
prétexte l'arrestation d'un militant salafiste, Chadi Mawlaoui, accusé de
"liens avec une organisation terroristes
financée par un ressortissant qatari",
il ont entrepris de provoquer des
incidents dans la région du Akkar,
limitrophe de la Syrie. C'est ainsi que
l'un des députés de la région, Khaled
Daher, connu pour ses relations avec les
groupes extrémistes, a décidé subitement
d'organiser un meeting dans la localité
de Halba, à la même heure et au même
endroit que le Parti syrien national
social, qui commémorait le quatrième
anniversaire du massacre de 11 de ses
militants par des partisans de ce même
Daher. L'Armée libanaise a donc renforcé
ses mesures de sécurité pour empêcher
les frictions entre les deux parties.
Mais
l'incident qui a mis le feu aux poudres
a eu lieu ailleurs, plus précisément
dans la localité de Kweikhat, lorsque le
convoi d'un cheikh sunnite proche de
Khaled Daher a échangé des coups de feu
avec des militaires libanais postés à un
barrage après qu'il eut refusé de
s'arrêter au check-point. Le dignitaire
religieux sunnite, Ahmed Abdel Wahed et
l'un de ses garde du corps ont été tués
et un soldat blessé. L'armée a retrouvé
une demi-douzaine de
fusils-mitrailleurs, un révolver et
plusieurs centaines de cartouches dans
les deux véhicules tout-terrain du
convoi. Un arsenal injustifiée pour une
délégation censée se rendre à un meeting
politique.
Juste
après l'incident, deux députés du Akkar,
Khaled Daher et Mouïn Merhebi, membres
du bloc parlementaire de l'ancien
Premier ministre Saad Hariri, ont
dévoilé leur plan: ils ont appelé les
habitants à "expulser" l'Armée libanaise
du Liban-Nord pour la remplacer par les
Forces de sécurité intérieure, qui sont
dirigées par des proches de Hariri.
Des
groupes de jeunes ont ensuite coupé des
axes routiers principaux au Liban-Nord,
provoquant la paralysie de toute la
région.
Pour
désamorcer la crise, l'armée a annoncé
la création d'une commission d'enquête
afin de déterminer les circonstances de
l'incident. Le commissaire du
gouvernement près le tribunal militaire,
le juge Sakr Sakr, s'est rapidement
rendu au poste de contrôle de Kweikhat
où a été tué le dignitaire religieux.
Le chef
du gouvernement, Najib Mikati, a pour sa
part chargé le ministre de la Justice de
suivre de près les investigations.
Le
président de la République Michel
Sleiman a regretté la mort de cheikh
Abdel Wahed. Le chef de l'Etat a estimé
que cet incident est "une perte pour
l'armée et les habitants du Akkar en
même temps, car ces derniers constituent
une partie très importante de
l'institution militaire".
M.
Sleiman s'est dit satisfait de la
formation d'une commission d'enquête
afin de déterminer les circonstances de
cet incident "le plus tôt possible".
Malgré
ces gestes apaisants, l'escalade s'est
poursuivie. Des rafales sporadiques et
des explosions ont été entendues
dimanche soir dans le quartier de Tarik
Jdidé à Beyrouth. Des dizaines de
miliciens partisans de Saad Hariri ont
attaqué la permanence du Courant arabe,
une petite formation sunnite alliée à la
Résistance, dirigée par Chaker Berjaoui.
Les affrontements qui se sont poursuivis
une bonne partie de la nuit ont fait une
douzaine de blessés au moins.
Dans le
même temps, des jeunes en colère ont
bloqué de nombreuses routes à l'aide de
pneus enflammés en plein cœur de la
capitale. La seule autoroute qui relie
Beyrouth au Liban-Sud a également été
fermée.
Les
forces de l'ordre sont intervenue pour
rouvrir les axes routiers, en évitant
l'affrontement avec les protestataires
pour ne pas envenimer la situation.
Cette
escalade politique et sécuritaire au
Liban s'est accompagnée d'une escalade
régionale, avec la décision du Qatar,
des Emirats arabes unis et de Bahrein
d'interdire à leur ressortissant de se
rendre au Liban.
Le lien
entre les dimension interne et régionale
est évident. Il est clair que le Liban
est victime d'un complot ourdi par les
pays du Golfe, pour créer une zone
sécurisée soustraite à l'autorité de
l'Etat, afin de servir de base aux
insurgés syriens.
Après les
dissensions qui frappent le Conseil
national syrien et l'échec de toutes les
tentatives visant à créer des "Benghazi"
à l'intérieur de la Syrie, il ne leur
reste plus que la carte du Liban-Nord.
Voilà pourquoi ils ont provoqué les
incidents de Tripoli puis ceux du Akkar.
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