Opinion
Tripoli, abcès de
fixation de la guerre contre la Syrie
Pierre
Khalaf
Lundi 10 décembre
2012
Journalistes et analystes parlent du
14ème round de violences à Tripoli avec
une amère résignation. Rien que pour la
journée de dimanche, pas moins de six
personnes sont mortes et une quarantaine
ont été blessées, ce qui porte à 20 le
nombre de tués, dont deux enfants,
depuis le début des combats, mardi
dernier.
Des combats à la mitrailleuse et aux
roquettes ont éclaté dans les quartiers
pauvres de Bab al-Tebbané et Jabal
Mohsen. La recrudescence des combats
intervient alors qu'un déploiement de
l'Armée libanaise avait obligé les
miliciens à se retirer vendredi matin,
même si des tireurs isolés restaient en
embuscade. Pendant la nuit, des soldats
étaient stationnés dans les rues autour
des deux quartiers en ébullition, mais
pas sur l'avenue qui sépare les deux
quartiers et qui a désormais des airs de
ligne de front.
La situation à Tripoli, déjà tendue
depuis le début de la crise en Syrie,
s'est à nouveau enflammée mardi après la
mort et la disparition de 22 jihadistes
libanais partis combattre aux côtés des
rebelles syriens, tombés le 30 novembre
dans une embuscade de l'armée syrienne.
Comme si la relation de cause à effet
allait de soi, les miliciens salafistes
de Tripoli ont commencé à tirer contre
le quartier alaouite de Jabal Mohsen,
alors que des rumeurs ont circulé sur
des plans d'enlèvements d'habitants de
ce secteur pour les échanger contre les
islamistes morts en Syrie.
Les violences se sont poursuivies bien
que les autorités syriennes aient
accepté de rapatrier les corps des
combattants, et les trois premières
dépouilles ont effectivement été amenées
à la frontière dimanche, puis remises à
leur famille. Selon une source
officielle libanaise, les autorités
syriennes ont informé Beyrouth que trois
membres du groupe islamiste libanais
infiltré en Syrie avaient survécu à
l'embuscade du 30 novembre et qu'ils
étaient actuellement interrogés.
Il existe donc une volonté claire de
maintenir un état de tension continue à
Tripoli afin de transformer la ville en
base de soutien politique, militaire et
logistique pour les rebelles syriens. Ce
plan est dirigé par l'ancien Premier
ministre Saad Hariri qui a installé une
chambre d'opération depuis mars 2011
dans la localité de Qalamnoun, à
l'entrée sud de Tripoli, animée par des
agents des services de renseignements de
plusieurs pays, qui coopèrent avec la
section des renseignements des Forces de
sécurité intérieure (FSI). Ce groupe
d'action est chargé d'organiser le
trafic d'armes à travers les ports du
Liban-Nord et leur transfert vers la
Syrie. Ces armes arrivent à bord de
navires en provenance essentiellement de
Libye, qui accostent dans la partie
turque de Chypre. Puis les chargements
sont acheminés vers le Liban à bord de
petites embarcations et transportés en
Syrie par les passages clandestins à dos
de mulets.
La tragédie de Tripoli, qui dure depuis
des mois, montre à quel point Saad
Hariri et son équipe sont impliqués
jusqu'au cou dans le jeu sordide de la
guerre et du sang en Syrie. Et cette
tragédie va se prolonger autant que va
durer l'illusion que la Syrie va bientôt
tomber dans l'escarcelle des
pétromonarchies et des pions de l'Otan
dans la région. Le plan de Hariri et de
Samir Geagea consiste à provoquer une
guerre civile au Liban après la chute de
la Syrie, afin de préparer le terrain à
une invasion israélienne, dans une
réédition exacte du scénario mis au
point et exécuté par Bachir Gemayel, en
1982... et qui a lamentablement échoué.
Pourquoi? parce que tous ces acteurs
politiques liés à l'Occident
sous-estiment les capacités d'endurance
et la détermination du peuple syrien,
ainsi que la force et le soutien
populaire dont jouit la Résistance au
Liban. Surtout que le modèle proposé aux
peuples libanais et syriens est tout
simplement effrayant, avec toutes ces
brigades d'islamistes obscurantistes qui
ne rêvent que d'imposer la charia et
d'éradiquer tous ceux qui ne leur
ressemblent pas.
Face à la tragédie de Tripoli, les
dirigeants libanais, notamment ceux qui
arborent fièrement le qualificatif de
centristes, font preuve d'une mollesse
inacceptable et inexpliquée. Pourtant,
les miliciens s'en sont pris à l'Armée
libanaise, ce dimanche, lorsqu'une
roquette a touché de plein fouet une
position militaire, blessant deux
soldats.
Les régions du Liban-Nord et Nord-est
sont victimes de l'équation suivante:
plus l'armée arabe syrienne resserre
l'étau sur les groupes extrémistes en
Syrie, plus leurs complices au Liban
réchauffent les fronts libanais. Cela
prouve sans l'ombre d'un doute que ceux
qui financent, arment, entrainent et
manipulent les rebelles syriennes, sont
également les maitres des extrémistes au
Liban. Ici et là-bas ils envoient les
jeunes gens à la mort sans le moindre
cas de conscience.
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