Opinion
Le plan "syrien et
souverain" de Bachar al-Assad:
à bon entendeur salut
Pierre
Khalaf
Lundi 7 janvier 2013
Le timing choisi par le président Bachar
al-Assad pour proposer un plan de sortie
de crise n'est pas anodin. Il a
coïncidé, d'abord, avec les défaites
successives des groupes armés, ce qui a
détruit les illusions des Etats-Unis et
de leurs auxiliaires européens et
arabes, faussant tous leurs calculs; et,
ensuite, avec les informations sur une
prochaine réunion russo-américaine, à la
mi-janvier, pour discuter des résultats
de la dernière visite en Syrie de
l'émissaire international, Lakhdar
Brahimi. Ce dernier avait d'ailleurs
entendu de la bouche du président Assad
les grandes lignes des principes qu'il a
développés dimanche à la Maison de la
Culture et des Arts, dans un discours
prononcé en direct en présence de
centaines de partisans enthousiastes. A
la tête de ces principes inaliénables
figurent les points suivants: la
souveraineté et l'indépendance politique
de la Syrie ne sont pas négociables, par
conséquent, Damas n'acceptera aucune
condition imposée de l'extérieur; toute
solution devra refléter la volonté des
Syriens; pas de dialogue avec les
terroristes. Dans sa
première allocution depuis le 3 juin
2012, M. Assad s'est montré inflexible,
assurant que le conflit n'opposait pas
le pouvoir et l'opposition mais "la
patrie et ses ennemis" qui souhaitent sa
partition et son affaiblissent.
Affirmant ne pas avoir trouvé jusqu'à
présent de "partenaire" pour cela et
refusant de négocier avec "des gangs qui
prennent leurs ordres de l'étranger", il
a proposé un plan en trois étapes. Mais
avant tout dialogue, les pays finançant
les "terroristes" devront "s'engager à
arrêter" et "les hommes armés" devront
mettre fin à leurs "opérations
terroristes", a-t-il précisé, dénonçant
"un état de guerre dans tous les sens du
terme". Ce n'est
qu'une fois ces engagements pris, que
l'armée cessera immédiatement ses
opérations, "tout en conservant le droit
de répliquer", a-t-il ajouté.
Dans ces conditions seulement s'ouvrira
"une conférence de dialogue national",
a-t-il poursuivi. Cette conférence devra
rédiger une "Charte nationale" qui sera
soumise à référendum, tandis qu'un
nouveau Parlement et un nouveau
gouvernement émergeront des urnes. Toute
transition doit "se faire selon les
termes de la Constitution", a-t-il
insisté, en faisant référence à des
élections. Le plan
Assad prévoit donc trois étapes, qui
devraient être prochainement présentés
officiellement par le gouvernement afin
d'être inscrits dans une "Charte
nationale" qui sera rédigée par toutes
les parties, avant d'être soumise à
référendum:
Etape 1:
Les pays armant les terroristes
s'engagent à arrêter de les financer.
Arrêt des opérations "terroristes" pour
permettre le retour des réfugiés;
l'armée syrienne met aussitôt fin à ses
opérations, tout en conservant le droit
de répliquer en cas de menace contre la
sécurité nationale; mise en place d'un
mécanisme permettant de surveiller
l'engagement des parties, notamment en
ce qui concerne le contrôle des
frontières.
Etape 2:
Tenue, sous l'égide du gouvernement,
d'une conférence de dialogue national
auquel participeront toutes les forces,
rédaction d'une Charte nationale
défendant la souveraineté de la Syrie,
son unité et son intégrité territoriale,
et rejetant l'ingérence, le terrorisme
et la violence; cette charte doit
ensuite être soumise à un référendum;
organisation d'élections législatives
suivies de la formation d'un
gouvernement élargi à toutes les
composantes de la société, conformément
à la Constitution, en charge de faire
appliquer la Charte nationale.
Etape 3:
Formation d'un gouvernement conformément
à la Constitution, tenue d'une
conférence nationale de réconciliation
et amnistie générale pour toutes les
personnes détenues en raison des
événements, reconstruction des
infrastructures.
Comme s'y attendait
le président Assad, la soi-disant
opposition représentée par la Coalition
nationale syrienne a aussitôt rejeté ce
plan, accusant le chef d'Etat de vouloir
choisir ses interlocuteurs et de
chercher à se maintenir au pouvoir. Le
porte-parole de la Coalition, Walid al-Bounni,
a affirmé à l'AFP à Beyrouth que
l'opposition souhaitait "une solution
politique, mais l'objectif pour les
Syriens est de sortir (M. Assad)".
Le président Assad avait déclaré que de
toute façon, ce plan ne s'adressait pas
à "ceux qui vont le rejeter d'emblée
mais aux vrais patriotes qui ont à cœur
l'intérêt de la Syrie".
"Cela ne sert à rien de discuter avec
ceux qui prennent leurs ordres de
l'étranger, il vaut mieux parler
directement avec le maitre et non pas
avec l'esclave", a-t-il dimanche.
L'initiative du président Assad
intervient alors que les Etats-Unis
semblent s'être résignés devant l'échec
de toutes les pressions, sanctions et
offensives militaires pour obtenir le
départ du chef de l'Etat syrien. Le 29
décembre, la Russie a indiqué que M.
Assad entendait rester au pouvoir
jusqu'au bout de son mandat et qu'il
était impossible de l'en dissuader.
Lors de sa visite fin décembre à Damas,
Lakhdar Brahimi a évoqué un plan "basé
sur la déclaration de Genève", prévoyant
un cessez-le-feu, la formation d'un
gouvernement aux pleins pouvoirs et des
élections. La déclaration de Genève
datant de juin 2012 prévoyait un
gouvernement de transition mais
n'évoquait pas le départ de M. Assad.
M. Brahimi a jugé ce plan susceptible
d'être accepté par la communauté
internationale. Damas a réagi en se
disant favorable à toute initiative
passant par le dialogue.
Après plusieurs rencontres entre Moscou
et Washington, et plusieurs tournées de
M. Brahimi, le ballet diplomatique
s'intensifie dans la région.
Riyad et Le Caire ont appelé à "une
issue pacifique" dont les termes doivent
être définis par les Syriens eux-mêmes.
Le chef de la diplomatie iranienne se
rend pour sa part le 9 janvier au Caire
pour voir les Égyptiens et M. Brahimi.
Toutes ces activités diplomatiques
interviennent alors que sur le terrain,
l'armée syrienne a enregistré des succès
importants dans les régions de Daraya,
Moadhamiyya et la Ghouta orientale, où
des centaines de rebelles, dont des
combattants étrangers, ont été tués. La
soi-disant "offensive pour la libération
de Damas", lancée fin novembre, a encore
une fois tourné au désastre pour les
rebelles, qui ont perdu des milliers
d'hommes sans parvenir à réaliser le
moindre succès sur le terrain. Dans la
région d'Alep, les ligne de fronts se
sont stabilisés. Lentement, l'armée est
en train de reprendre le contrôle des
quartiers de la grande métropole encore
occupés par les qaïdistes du Front al-Nosra.
Idem à Homs, où les derniers rebelles
sont totalement encerclés dans un petit
réduit.
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