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Après les mots d'Obama,
l'attente des gestes politiques
Pierre Barbancey
Photo: L'Humanité
Vendredi 20 mai 2011
Le président américain s’est exprimé
sur les événements au Moyen-Orient. Il se prononce pour un Etat
palestinien dans les frontières de 1967 mais n’a pas un mot sur
la colonisation. Analyse.
Barack Obama a prononcé, hier, un discours entièrement
consacré à la politique arabe. Le premier du genre depuis son
allocution au Caire, peu après son accession à la
Maison-Blanche. A l’époque, il s’agissait pour le nouveau
président de marquer une rupture avec son prédécesseur et tenter
de donner un nouvel élan aux relations entre les Etats-Unis et
le monde arabo-musulman. Dans l’ensemble, le discours, plein de
bonnes intentions, avait été favorablement accueilli même si on
avait relevé que l’évocation du dossier israélo-palestinien
manquait de consistance. Au-delà de quelques déclarations et la
nomination de George Mitchell comme envoyé spécial au
Proche-Orient, aucun mécanisme nouveau n’était proposé.
Depuis, bien de l’eau a coulé sous les ponts. Et pas
seulement ceux qui enjambent le Tigre et l’Euphrate. Si le
discours d’Obama a été prononcé quelques semaines seulement
après l’annonce de la mort d’Oussama ben Laden, il fallait
aussi, pour les Etats-Unis, se positionner et être à
l’initiative alors que tous les bourgeons du printemps arabe
n’ont pas encore éclos. Voyant dans les soulèvements populaires
au Proche-Orient une « occasion historique », il a assuré que
l'avenir des Etats-Unis était lié à celui du monde arabe, en
proie depuis janvier à des soulèvements sans précédent, de la
Tunisie à l'Egypte ou encore au Yémen. « Les peuples se sont
dressés en exigeant leurs droits fondamentaux. Deux dirigeants
ont quitté le pouvoir. D'autres pourraient suivre », a-t-il dit
devant un parterre de diplomates américains et étrangers, au
département d'Etat à Washington.
Il s’agit pour les Etats-Unis de garder une main
politique sur les évolutions en cours
Illustration de la place que Washington entend prendre, il a
promis un nouveau programme d'aide spécialement destiné aux pays
qui s'ouvrent aux réformes politiques, et en premier lieu la
Tunisie et l'Egypte. Ce programme consistera notamment à aider
ces pays à récupérer les avoirs dérobés par leurs anciens
dirigeants. Il a même évoqué un rôle pour la Banque européenne
de reconstruction et de développement (BERD) de la même manière
que celle-ci s’était investie dans les pays de l’est européen,
après la chute du mur de Berlin. En réalité, il s’agit pour les
Etats-Unis de garder une main politique sur les évolutions en
cours, pour être certain que si changement géopolitique il doit
y avoir, celui-ci se fasse « under control ». Car à la
différence des anciens pays socialistes, les pays du
Moyen-Orient sont tous de fervents adeptes du libéralisme. En la
matière, il n’y a pas grand risque de basculement. En revanche,
les nouveaux pouvoirs, parce que mis en place après un
soulèvement populaire, pourraient s’avérer beaucoup moins
dociles. C’est notamment le cas en Egypte où les relations
économiques avec Israël devrait être revues dans un sens moins
favorable à Tel Aviv. La décision des nouvelles autorités du
Caire de rouvrir la frontière avec Gaza montre également que des
changements notables sont possibles.
Dans une telle situation, Barack Obama ne pouvait pas ne rien
dire sur le dossier israélo-palestinen. La récente démission de
son envoyé spécial, George Mitchell, qui prend effet aujourd’hui
20 mai, marque l’échec d’une stratégie marquée par des
humiliations à répétition de la part des Israéliens qui ont bien
compris que Washington peut très bien céder. Obama se devait de
taper du poing sur la table, au moins pour faire illusion.
D’autant que se dessine une reconnaissance par l’Assemblée
générale de l’Onu, en septembre, d’un État palestinien. C’est
pourquoi le président américain a cru bon de souligner qu’« une
paix durable passe par deux États pour deux peuples » et que
« les frontières d'Israël et de la Palestine devraient être
fondées sur les lignes de 1967 avec des échanges sur lesquels
les deux parties seraient d'accord, afin d'établir des
frontières sûres et reconnues pour les deux États. Le peuple
palestinien doit avoir le droit de se gouverner lui-même et
d'atteindre son plein potentiel dans un État souverain et
contigu. » Mais il a également mis en garde : « Pour les
Palestiniens, des efforts visant à priver Israël de sa
légitimité tourneront à l'échec. Les actes symboliques destinés
à isoler Israël aux Nations unies en septembre ne créeront pas
un Etat indépendant », tout en réaffirmant le caractère
inébranlable de l'engagement des Etats-Unis aux côtés d'Israël.
Ce dont personne ne doutait !
Obama n’a pas montré qu’il entendait mettre en place
une politique coercitive à l’égard d'Israël
Alors que le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou,
est arrivé aujourd’hui aux États-Unis pour une longue visite, le
discours d’Obama apparaît presque comme une insolence. C’est
dire la force de l’influence israélienne sur la politique
étrangère américaine. Mais au-delà des mots, il faut des actes
concrets pour reprendre le chemin de véritables négociations sur
le statut final. Or, en ne disant pas un mot sur la poursuite de
la colonisation – Israël vient d’annoncer la construction de
nouveaux logements dans les zones occupés -, en parlant d’Etat
juif à propos d’Israël, Obama n’a pas montré qu’il entendait
mettre en place une politique coercitive à l’égard d’un Etat peu
scrupuleux du droit international et des résolutions de l’Onu.
La presse israélienne peut bien parler de « confrontation »
entre Barack Obama et Benjamin Netanyahou, il n’est pas certain
qu’elle aille au-delà de l’invective ou de gestes d’humeurs.
Le
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Publié le 21 mai 2011 avec l'aimable autorisation de
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