Le Web de l'Humanité
Les pressions
s'accentuent sur Netanyahou
Pierre Barbancey
Photo RIA Novosti
Jeudi 11 juin 2009
Israël . Alors que l’émissaire américain est dans la région
réitérant les exigences de Washington en faveur d’un État
palestinien, le premier ministre subit des désaveux jusque dans
son propre camp.
Si la roue n’a pas encore complètement tournée pour
Israël, le premier ministre Benjamin Netanyahou est en tout cas
sous pression depuis l’arrivée au pouvoir de Barack Obama. Le
discours du président américain, prononcé au Caire la semaine
dernière, n’a fait que confirmer les craintes israéliennes.
Washington réaffirme son soutien indéfectible à Tel-Aviv mais se
fait plus exigeant. Quelques jours après avoir reçu Netanyahou à
la Maison-Blanche, et alors qu’il se trouvait en compagnie du
président palestinien Mahmoud Abbas, Barack Obama rappelait :
« Ce que j’ai dit au premier ministre Netanyahou est que chaque
partie a des obligations au regard de la feuille de route. Côté
israélien, ces obligations incluent l’arrêt de la
colonisation ». Une fois n’est pas coutume, évoquant les
obligations palestiniennes - les questions - sécuritaires - il
déclarait : « Nous constatons de grands progrès en matière de
sécurité en Cisjordanie. » Outre qu’il y avait bien longtemps
que les Palestiniens n’avaient pas été félicités, on aura
surtout remarqué la dichotomie faite avec la bande de Gaza.
Pour Aaron D. Miller du Woodrow Wilson Institute, un think
tank américain, « l’administration Obama est peut-être moins
pressée d’arriver à des négociations et à un accord et plus
intéressée par l’installation de nouvelles règles et le
réarrangement du mobilier. Ils pourraient avoir conclu qu’ils ne
peuvent pas parvenir à une vraie solution à deux États avec ce
premier ministre. Peut-être en veulent-ils un nouveau ? Et le
meilleur moyen est de montrer qu’il ne peut pas gérer la
relation la plus importante pour Israël : celle avec les
États-Unis ».
Respecter les accords
C’est peut-être à cette aune qu’il faut percevoir les
déclarations du ministre israélien de la Défense, le chef du
parti travailliste Ehud - Barak, qui feint de découvrir les
choix politico-stratégiques de Netanyahou. Comme s’il
participait à ce gouvernement sans savoir que le premier
ministre refusait de se prononcer pour la création d’un État
palestinien. « Le gouvernement actuel a été formé en prenant
l’engagement de respecter les accords conclus par les
gouvernements précédents, y compris la feuille de route qui
stipule clairement que le conflit doit être résolu sur la base
du principe de deux États pour deux peuples », a affirmé Ehud -
Barak qui, lorsqu’il était premier ministre, a battu tous les
records de construction de nouvelles colonies. « Si cette
solution devait échouer, il y aurait comme seule entité
politique s’étendant de la vallée du Jourdain à la
Méditerranée : l’État d’Israël. Dans ce cas, si les Palestiniens
ont le droit de voter, il ne s’agira plus d’un État juif, mais
d’un État binational et s’ils n’ont pas de droit de vote, il
s’agira d’un régime d’apartheid. »
Mission délicate pour l’émissaire américain au Proche-Orient,
George Mitchell, qui se trouve sur place. Il a déjà montré aux
Israéliens qu’il n’était pas dupe et qu’il fallait faire leur
deuil d’une certaine complaisance. Lors d’une rencontre à
Londres à la fin mai entre Mitchell et Dan Meridor, le
vice-premier ministre ainsi que des conseillers de Netanyahou,
les Israéliens ont ressorti la fameuse lettre de Bush à Sharon
où il indiquait que les blocs de colonies resteraient entre les
mains d’Israël et donc que les constructions étaient permises.
Sans se démonter, Mitchell a pointé un des paragraphes de la
lettre mentionnant le principe de deux États pour deux peuples.
« C’est aussi marqué dans la lettre. Vous êtes d’accord avec
ça ? » a-t-il demandé.
Apparemment soucieux d’apaiser les dirigeants israéliens,
George Mitchell a répété que l’engagement des États-Unis envers
la sécurité d’Israël est « inébranlable » et que les divergences
stratégiques ne sont « pas des désaccords entre des
adversaires » mais entre « des alliés proches et des amis ». Il
a d’ailleurs donné des gages en parlant d’un « État palestinien,
vivant en paix et sécurité à côté de l’État juif d’Israël ».
État juif, c’est exactement ce que veulent les dirigeants
israéliens et que refusent les Palestiniens puisque cela
signifierait l’abandon du droit au retour pour les réfugiés et
un drôle de statut pour les Arabes israéliens.
Pour éviter d’être acculé, Benjamin Netanyahou devrait
prononcer dimanche à l’université Bar Ilan de Tel-Aviv « les
grandes lignes de sa politique pour obtenir la paix et la
sécurité ». Selon les médias, Barack Obama doit, lui, présenter
un plan de paix détaillé dans les semaines à venir sans que l’on
sache s’il est déterminé à forcer Israël une fois pour toutes.
Après avoir rencontré les responsables de l’Autorité
palestinienne en Cisjordanie, George Mitchell se rendra en Syrie
et au Liban.
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l'Humanité
Publié le 12 juin 2009 avec l'aimable autorisation de
l'Humanité.
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