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Les dirigeants
israéliens se répartissent les rôles
Pierre Barbancey
Avigdor Lieberman
Mercredi 6 mai 2009
Israël . La tournée européenne du controversé Avigdor Lieberman
ne peut cacher le fond de la politique de Tel-Aviv, défendue par
Shimon Peres, qui ne parle plus d’État palestinien.
Les dirigeants israéliens se sont réparti les rôles. À
l’ancien videur de boîtes de nuit, l’actuel et très controversé
ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, le soin
d’affronter l’Europe. Non pas que l’exercice soit en soi très
difficile. Entre le « grand ami » d’Israël, le Français Nicolas
Sarkozy, l’Allemande Angela Merkel, qui n’a jamais critiqué
Tel-Aviv, l’Italien Berlusconi et le Britannique Gordon Brown,
les défenseurs ultimes, Lieberman n’a pas grand-chose à
craindre.
Kouchner accueille son ami Lieberman
« L’objectif de ce gouvernement n’est pas de produire des
slogans ou de faire des déclarations pompeuses, mais de parvenir
à des résultats concrets », a-t-il ainsi affirmé, après avoir
été interrogé à Rome sur sa position concernant la création d’un
État palestinien. Aux côtés de son homologue italien, Franco
Frattini, Avigdor Lieberman s’est dit confiant dans le fait que
le gouvernement dirigé par Benyamin Netanyahou « parviendrait à
une paix solide et définitive avec les Palestiniens et les
nations arabes autour de nous ». Pressé par les journalistes, il
a insisté sur le fait que le gouvernement israélien était encore
en train de tracer les contours de sa nouvelle politique
étrangère (sic), que le premier ministre, Benyamin Netanyahou,
devrait dévoiler avant des entretiens, prévus à la mi-mai, avec
le président américain, Barack Obama.
À Paris, le même Lieberman n’a pas eu de soucis à se faire.
Certes, l’Élysée, prudent, a jugé préférable de le faire
recevoir par le secrétaire général, Claude Guéant, et non par
Sarkozy. En revanche, l’inénarrable Bernard Kouchner l’a
accueilli au Quai d’Orsay. Il n’y a pas eu de conférence de
presse à l’issue de la rencontre, histoire d’éviter les
questions désagréables. Comme celle-ci, par exemple : pourquoi
cette différence d’attitude selon qu’il s’agisse du Hamas,
accusé de ne pas vouloir reconnaître Israël, et ce gouvernement
israélien, qui ne parle plus de la création d’un État
palestinien ?
Shimon Peres comme Netanyahou
Car, contrairement à ce que laissent entendre plusieurs
médias, Lieberman n’est pas le représentant de son parti ou de
ses idées, pas même du gouvernement auquel il appartient, mais
bien d’Israël. Au moment où le ministre des Affaires étrangères
se trouvait en Europe, le premier ministre, Netanyahou,
s’exprimait - via une communication satellitaire - devant la
conférence organisée à Washington par le Comité des affaires
publiques américano-israéliennes (l’AIPAC, lobby américain
pro-israélien). « Nous sommes disposés à reprendre les
négociations de paix sans délai et sans conditions préalables -
le plus tôt sera le mieux », a-t-il dit. Il a détaillé son
approche « en trois volets » - questions politiques,
développement de l’économie palestinienne et renforcement des
forces de sécurité palestiniennes. Mais sans faire référence à
l’établissement d’un État pour les Palestiniens. En revanche, il
attend des Palestiniens qu’ils reconnaissent Israël en tant
qu’État juif !
C’est devant cette même conférence de l’AIPAC que s’exprimait
le président israélien, Shimon Peres. « Benyamin Netanyahou a
été mon opposant politique », a-t-il expliqué, avant d’ajouter :
« Aujourd’hui, c’est mon premier ministre. Il connaît l’histoire
et veut faire l’histoire. Dans notre tradition, faire
l’histoire, c’est faire la paix (sic !) et je suis sûr que la
paix est sa priorité. » Étrangement, Peres, pourtant co-récipiendaire
du prix Nobel de la paix (avec Yitzhak Rabin et Yasser Arafat)
pour les accords d’Oslo, n’a pas eu, lui non plus, un seul mot
sur la création d’un État palestinien. En revanche, il s’est
longuement arrêté sur la « menace nucléaire iranienne ».
C’est-à-dire le même schéma que celui développé par Netanyahou,
depuis Tel-Aviv, et Lieberman, depuis les différentes capitales
européennes. Cela ne doit évidemment rien au hasard. L’Union
européenne et les États-Unis peuvent bien continuer à répéter
qu’ils appuient une solution à deux États, ils sont d’autant
moins crédibles qu’ils n’exercent pas la moindre pression sur
Israël en ce sens. Aujourd’hui comme hier.
© Journal
l'Humanité
Publié le 7 mai 2009 avec l'aimable autorisation de
l'Humanité.
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