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Le Web de l'Humanité
L'armée
d'Olmert toujours prête à tuer
Pierre Barbancey
PhotoCPI
Mardi 4 mars 2008 Bande
de Gaza . Les chars israéliens ont laissé derrière eux plus
d’une centaine de morts palestiniens. La responsabilité de la
communauté internationale est directement engagée.
« Ce n’est pas l’enfer, c’est la fin du monde. »
De son village d’Abassan, dans le sud de la bande de Gaza, Zoher
explique ainsi à l’Humanité ces terribles derniers jours. Près
de chez lui une bombe a dévasté la maison d’un des chefs
militaires du Hamas. À Rafah, c’est la mosquée qui a été
endommagée par les tirs israéliens.
Un massacre planifié
« Il est impossible de décrire l’angoisse qui a saisi
les femmes et les enfants », dit-il en parlant des survols
incessants des avions F16, des hélicoptères Apache et autres
drones, tous aussi meurtriers les uns que les autres. « On
n’arrête pas d’enterrer les morts. » Dimanche, il est
allé manifester avec les militants du Fatah, à Khan Younes.
« Nous avons exigé de Hanniyeh et de Zahar (deux dirigeants
de l’organisation islamique - NDLR) qu’ils nous rendent les
armes qui nous ont été prises en juin dernier. Nous aussi nous
allons défendre notre terre contre l’occupant israélien. »
Un même défilé se déroulait, hier, cette fois à Gaza City.
Le calme était en partie revenu lundi, marquant ainsi une accalmie
dans l’opération « Hiver chaud » (sic). Les blindés
israéliens avaient totalement évacué le camp de réfugiés de Jabaliya
(au nord) où une trentaine de maisons ont été détruites. Les chars
se sont redéployés au voisinage immédiat de la frontière avec
Israël ou du côté israélien. Personne ne se fait d’illusion.
« Après avoir détruit le nord de la bande de Gaza, est-ce
qu’ils ne vont pas entrer par le sud ? » se demande
Zoher. Surtout, le premier ministre israélien, Ehud Olmert, a affirmé
que l’armée allait continuer ses opérations contre le Hamas dans
la bande de Gaza après la fin d’une offensive meurtrière de deux
jours où plus de 70 Palestiniens ont été tués (plus de 100 depuis
mercredi, dont de nombreux femmes et enfants. « Nous sommes
toujours au coeur de la bataille et il ne s’agit pas d’une frappe
ponctuelle », a-t-il déclaré devant la commission des Affaires
étrangères et de la Défense du Parlement. Il a ajouté que
« ce qui s’est passé ces derniers jours n’est pas un incident
isolé. » Il a souligné que « tout est possible »,
évoquant d’éventuels « raids aériens, incursions
terrestres, et opérations de commandos. Le Hamas doit encore s’attendre
à subir ce que nous allons faire et avec quelle ampleur »,
a-t-il insisté. Comme l’indique
Olmert, tout est maintenant en place pour une opération de plus
grande envergure. Il a d’ailleurs réaffirmé que l’objectif des
opérations israéliennes était « une réduction radicale des
tirs de roquettes (contre Israël), un affaiblissement du régime
du Hamas au point qu’il sera incapable de contrôler la bande de
Gaza ». Toujours selon Olmert, un tel résultat ne pourra être
atteint que par une campagne « systématique mettant en oeuvre
une gamme élargie de moyens » sur le terrain.
L’europe coupable ferme les yeux
En réalité, cette suspension de l’offensive israélienne doit
beaucoup à la venue dans la région de la secrétaire d’État
américaine, Condoleezza Rice. Non pas qu’elle se soit élevée
avec véhémence contre le massacre de civils perpétré par Israël.
Mis à part le secrétaire général de l’ONU, les réactions internationales
ont d’ailleurs été assez réservées, voire discrètes, à l’image
de la France qui, avec Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner, est habituellement
donneuse de leçon. L’argument est toujours le même : il y
a égalité entre les tirs de roquettes partant de la bande de Gaza
et les offensives israéliennes. En termes humains, il n’y a aucune
comparaison et dans le domaine politique encore moins puisque Israël
est une force occupante, considérée comme telle par les résolutions
de l’ONU et qu’à ce titre il devrait se conformer aux conventions
de Genève. Ce qui n’est pas le cas. Pour Rice, il n’était évidemment
pas question d’être poussé dans ses retranchements alors qu’après
la guerre en Irak sa diplomatie parvient à renforcer les liens distendus
avec l’Égypte et l’Arabie saoudite. Washington a pourtant les
moyens de faire pression sur Israël. Olmert peut bien se prononcer
pour une reprise des négociations avec l’Autorité palestinienne
de Mahmoud Abbas (ce dernier les a suspendues au moment de l’offensive
israélienne), estimant que, faute d’une perspective de paix,
« il n’y aura pas moyen d’empêcher que la Cisjordanie se
transforme en un nouveau Gaza ». Il ne saurait faire oublier
que les négociations initiées à Annapolis (États-Unis), au mois
de novembre, achoppent sur la poursuite de la colonisation, non pas
à Gaza mais en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. D’autre part,
les tirs de roquettes ne seront pas arrêtés par la répression militaire
mais par le renforcement des acteurs de paix et l’unité retrouvée
du peuple palestinien.
Alors qu’il faut s’attendre, dans les prochains jours,
voire les prochaines semaines, à une reprise des incursions
militaires israéliennes dans la bande de Gaza, la responsabilité
de la communauté internationale est posée. L’Union européenne
et le Conseil de sécurité de l’ONU, si prompts à voter des
sanctions contre l’Iran, n’ose même pas imaginer faire de même
vis-à-vis d’Israël. Pourtant Tel-Aviv bafoue le droit
international et empêche la création d’un État palestinien,
condition pour que les Israéliens puissent vivre en paix et que
les familles palestiniennes ne comptent pas chaque jour un mort de
plus en leur sein.
© Journal l'Humanité
Publié le 5 mars 2008 avec l'aimable autorisation de l'Humanité.
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