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Chronique
À bon endormeur,
salut !
Philippe Randa
Philippe Randa
Mardi 26 janvier 2010
Ce matin, les commentaires vont bon train sur la prestation télévisée de
Nicolas Sarkozy hier soir sur les plateaux de télévision. Qu’ils
soient favorables ou non au chef de l’État, tous sont convenus.
À croire qu’ils auraient pû être écrits avant même l’émission.
C’était d’ailleurs probablement le cas.
Les opposants à sa politique ne s’attendaient pas être ébranlés
dans leurs convictions ; ses partisans non plus. Quant aux
autres, on peut sans doute compter sur les doigts de quelques
rares mains les courageux qui ont suivi l’émission jusqu’au bout
sans cligner des paupières ou bailler d’ennui.
Attend-on d’un président qu’il vienne ainsi papoter de tout et
de rien, des petits malheurs des uns et des grandes angoisses
des autres, consoler à sa gauche et cajoler à sa droite,
promettant des lendemains qui chantent et des surlendemains qui
rient, répétant comme un leit-motiv qu’il est à l’écoute des
préoccupations de tout à chacun dès qu’il entend une plainte ?
S’il y a bien une chose que la Sarkozie n’a pas révolutionné,
c’est l’absence totale de surprise de telles émissions qui n’ont
de « politiques » que leur intitulé. La sélection des
interlocuteurs du président n’avait elle-même rien non plus
d’étonnant : elle se voulait représentative, mais n’avait pioché
que dans la France d’en bas et du milieu. Seul manquait en effet
un représentant de la « France d’en haut ». Nicolas Sarkozy a du
juger qu’il en était un représentant bien suffisant.
L’émission est jugée « affligeante » par Claude Bartolone,
député socialiste, tandis que Frédéric Lefebvre, porte-parole de
l’UMP, considère pour sa part que « le Président de la
République a tenu un langage (…) proche des préoccupations des
Français. »
On ne peut donner tort ni à l’un, ni à l’autre.
Affligeante, elle l’a tout d’abord été dans les questions posées
par Laurence Ferrari, quasi-systématiquement remise à sa place
par Nicolas Sarkozy dont on ne retiendra probablement que son
parfait manque de courtoisie. À une question sur le
double-salaire au montant abracadabrantesque d'Henri Proglio, il
n’a pas hésité à faire allusion au propre salaire de la
journaliste… Jadis, un monsieur bien élevé se faisait un point
d’honneur à ne jamais parler d’argent avec une dame. Nicolas
Sarkozy n’a pas été élevé ainsi, visiblement. D’ailleurs,
prudente, miss Ferrari avait sans doute jugé plus prudent de ne
laisser aucun bouquet de roses à la portée de son invité… de
peur probablement de s’en prendre une dans la figure si elle
commettait quelque dérapage de lèse-président…
Émission affligeante, ensuite, par le face-à-face avec onze
personnes, savamment sélectionnées parmi les Français et
Françaises qui travaillent et ceux qui ne le peuvent pas ou
plus, ou risquent bien de ne plus travailler sous peu… de la «
p’tite jeune chômeuse » au diplôme plus embarrassant qu’inutile,
au brave papy dont la retraite est insuffisante, en passant par
Perrette dont le pot de lait ne vaut même plus la peine d’être
cassé, au chef d’entreprise asphyxié par sa banque et à
l’infirmière soignant les malades au milieu des couloirs… Tout
le monde y a été de ses récriminations plutôt justifiées,
jusqu’au camarade-cégétiste, aboyant, mais de façon toutefois
mesuré, les slogans habituels de sa Confédération.
Face à eux, Nicolas Sarkozy a été un excellent saltimbanque,
dégoulinant de bons sentiments, rabâchant ses bonnes intentions,
insistant sur sa bonne politique, son bon Premier Ministre, sa
bonne Ministre de l’Économie, ses bonnes résolutions, son bon
espoir de sortie de crise…
Bref, Nicolas Sarkozy était venu pour le marteler et ne s’en est
pas privé : c’est un bon président. Avis à ceux qui en
douteraient et honni soit qui ne voit en lui qu’un bon larron,
doublé d’un bon endormeur, à défaut d’un bon samaritain…
Les chroniques de Philippe Randa
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