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Opinion
Tous contre Gayssot
!
Paul-Eric Blanrue
Lundi 1er novembre 2010
Ça y est ! Le fondateur de Reporters sans frontières Robert
Ménard, l’écrivain et réalisateur du film Podium Yann Moix,
l’universitaire et essayiste Jean Bricmont, l’ancien
président de la Bibliothèque de France Dominique Jamet et
l’humoriste Dieudonné viennent de signer, avec mille autres
personnes, connues ou inconnues – et de toutes tendances
politiques et confessionnelles -, une pétition réclamant
l’abrogation de la loi Gayssot et la libération du
révisionniste Vincent Reynouard, condamné à un an de prison
ferme pour une brochure illégale de 16 pages et croupissant,
de ce fait, depuis juillet dernier, à la maison d’arrêt de
Valenciennes.
Rappelons-nous que l’intellectuel américain Noam Chomsky
avait soutenu ce projet dès le 5 septembre, en déclarant
qu’il considérait « la loi Gayssot comme complètement
illégitime et en contradiction avec les principes d’une
société libre, tels qu’ils ont été compris depuis les
Lumières ». Cette loi, publiée paradoxalement au JO le 14
juillet 1990, interdit en effet de « contester (…)
l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels
qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal
militaire international [dit de Nuremberg] annexé à l’accord
de Londres du 8 août 1945 » - alors qu’il est loisible à
chacun de dire ce qu’il veut des événements de Bosnie dans
les années 1990, du Rwanda en 1994 ou de l’Arménie en
1915... - et condamne les contrevenants à des sanctions
financières exorbitantes et à de la prison ferme.
Comme indiqué dans la pétition, il ne s’agit pas, pour les
signataires, « de soutenir les idées de Vincent Reynouard
mais de défendre son droit à les exprimer et, ce faisant, de
défendre un des principes fondamentaux de la République
française. »
Il y expose « huit bonnes raisons d’abroger une loi qui,
punissant les révisionnistes, nous empêche, écrit-il, de les
combattre ». Ces huit raisons, les voici selon lui :
« La première raison, c’est que les révisionnistes sont mes
ennemis. Et que, par conséquent, si leurs travaux, si leur
idéologie (je pense que c’en est une, et des plus
dangereuses) ne parvient pas à percer au grand jour, je
n’aurai personne en face de moi. Aucun visage, aucun texte à
combattre. Je me battrai contre des hommes invisibles, des
adversaires que la loi Gayssot m’empêche de considérer comme
des adversaires puisqu’elle fait tout pour empêcher leur
existence. (…)
« La deuxième raison, c’est que vouloir juridiquement
anéantir une réalité, une idéologie ou un courant de pensée
n’anéantit pas cette réalité. Décidons, dès demain matin,
que le cancer est passible de poursuites pénales : les
tumeurs et les métastases s’arrêteraient-elles pour autant ?
(…)
« La troisième raison est encore plus logique, plus
évidente. C’est qu’elle affaiblit les opposants au
révisionnisme. Moi, je pense, de toutes mes forces, que les
révisionnistes et les négationnistes (nous n’allons pas
entrer ici dans les coulisses de ce qui les sépare) se
trompent. Se fourvoient. Se trompent gravement, et se
fourvoient violemment. C’est ma conviction, intime. Mais si
je demande aux tribunaux d’appuyer cette conviction, si je
demande l’assistance d’une juridiction aussi solennelle,
aussi forte, aussi puissante que celle du tribunal,
j’affaiblis cette conviction. Je fais l’aveu de sa
fragilité. (…)
« D’où la quatrième raison : il y a des historiens, en
France, qui sont parmi les meilleurs du monde. Il y a des
instituts de recherche sur la Shoah, et des scientifiques
hors pair en qui j’ai (certains furent mes professeurs à
l’Institut d’études politiques de Paris) une confiance sans
borne. Leur travail, en partie, consiste à réprimer par des
arguments historiques, scientifiques, ce que la loi a choisi
de réprimer, automatiquement, par des arguments juridiques,
pénaux. Ce qui revient à éviter une confrontation, un
affrontement, très utile à mon avis, très fructueux, entre
des grands et vrais historiens et des historiens qui
s’égarent, des historiens qui n’en sont pas. Mais encore
faut-il avoir la possibilité, autrement que par sanction
d’un juge, de démontrer ce que leurs raisonnements ont de
spécieux, leurs méthodes de fallacieuse. (…)
« La sixième raison qui me fait demander l’abrogation de
cette loi naïve et inefficace (loi qui croit que masquer la
réalité c’est l’éradiquer, qu’empêcher sa visibilité c’est
la combattre) tient à la bêtise de l’immense majorité des
négationnistes et des révisionnistes eux-mêmes. Il suffirait
de faire venir une fois chacun des révisionnistes à la télé
pour qu’ils se détruisent tout seuls (…)
« Ce qui me mène à la septième raison : leur cantonnement
obligé à l’ombre et aux coulisses leur confère une aura
mystérieuse, diabolique (parce que diabolisée) qui les rend
attractifs pour un public mal dans sa peau, égaré, haineux,
suicidaire, provocateur, fragile ou peu cultivé. La loi
Gayssot, autrement dit, les décore perpétuellement d’une
médaille de l’infréquentabilité, les pare d’un habit de
soufre qui fabrique de la tentation, de l’attraction, du
désir. On s’y intéresserait de fait beaucoup moins si,
plutôt que de vouloir percer leurs ténèbres, on laissait
éclater au grand jour leur insondable médiocrité.
« Seuls sont « sérieux », ou plutôt « font » sérieux, dans
leur délire révisionniste, Robert Faurisson et Serge Thion.
Rajoutons Henri Roques et Pierre Marais. Cela fait beaucoup.
C’est peu, mais c’est beaucoup. Et la huitième raison est
donc que ce sont ceux-là, les coriaces et les vrais, les
révisionnistes « intelligents » qu’il faut désigner d’abord
pour mieux les combattre ; car la loi Gayssot a cet autre
tort, à mes yeux, de mettre sur un même plan, sur un plan de
stricte égalité, les révisionnistes médiocres et les
révisionnistes brillants, les révisionnistes caricaturaux et
les révisionnistes subtils, les révisionnistes évidemment
aberrants et les révisionnistes plus vicieux, plus malins,
plus roués, plus méticuleux, plus intelligents. »
Que l’on soit d’accord ou non ou avec toutes les raisons
qu’expose Yann Moix, il faut reconnaître qu’il s’inscrit
dans l’esprit de Robert Badinter, ancien président du
Conseil Constitutionnel, qui, tout en affichant un mépris
souverain pour les révisionnistes, a déclaré à l’antenne de
France Info, le 14 octobre dernier : « Ma position est très
claire, très claire : le Parlement n’a pas à dire
l’histoire. Le Parlement fait l’histoire, il n’a pas à la
dire, il n’a pas à la fixer. Les lois mémorielles, que
j’appelle d’ailleurs des lois compassionnelles, qui sont
faites pour panser des blessures, apaiser des douleurs – et
je comprends ça parfaitement – mais elles n’ont pas leur
place dans l’arsenal législatif. La loi est une norme. La
loi a pour fonction de réglementer une société, de prévoir
son avenir. Elle n’a pas à prendre parti dans une querelle
historique ou tout simplement à affirmer un fait historique
même indiscutable. J’ajoute, il faut bien le prendre en
compte : la Constitution ne le permet pas. Je le dis
clairement, elle ne le permet pas ! La loi en France n’est
pas comme en Angleterre, le Parlement ne peut pas tout dire.
Le Parlement a une compétence d’attribution, et rien ne
permet, au regard de la Constitution, au législateur de
s’ériger en tribunal de l’histoire. Rien. Par conséquent je
comprends très bien les passions et le désir des élus de
panser les blessures et de faire des lois compassionnelles :
ça n’est pas la finalité du Parlement et
constitutionnellement, c’est hors de la compétence du
Parlement. »
La pétition pour l’abrogation de la loi Gayssot et la
libération de Vincent Reynouard, lancée à mon initiative le
6 août dernier et clôturée le 25 octobre, a été envoyée,
avec la liste complète de ses signataires, à l’Élysée, à
Matignon, au Conseil constitutionnel, au ministère de la
Culture, à l’Assemblée nationale ainsi qu’à tous les grands
organes de presse. On trouvera la liste complète des
pétitionnaires à cette adresse :
http://abrogeonslaloigayssot.blogspot.com/.
Cette pétition devrait faire du bruit...
Et pourtant : les grands médias vont-ils en parler ?
Publié sur AgoraVox
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