Dans
l’éditorial cynique et trompeur publié
samedi, le New York Times
intensifie sa campagne en faveur d’une
subversion politique et d’une action
militaire américaine contre la Syrie
tout en exigeant que Washington adopte
une attitude plus agressive contre la
Russie et la Chine. L’éditorial,
intitulé « Les mensonges d’Assad », est
en soi un ramassis de mensonges étant
donné que le journal reprend le rôle
qu’il a joué durant la période qui avait
précédé l’invasion américaine de l’Irak
lorsqu’il avait colporté les mensonges
du gouvernement Bush sur les supposées «
armes de destruction massive »
irakiennes afin de neutraliser la forte
opposition populaire à la guerre.
Le Times
accuse Assad de « cruauté et
d’aveuglement » ce qui n’en ferait guère
une figure unique dans la région.
Pratiquement tous les alliés et Etats
clients des Etats-Unis au Moyen-Orient –
le Bahreïn, l’Arabie saoudite, le Yémen,
la dictature militaire en Egypte, le
gouvernement Netanyahou en Israël –
affichent ces caractéristiques. Cette
semaine, par exemple, l’on a assisté à
une violente répression des
protestations anti-gouvernementales au
Bahreïn et en Tunisie, tous deux des
régimes de droite étroitement liés aux
Etats-Unis. Il y a eu dans le même temps
des menaces agressives, de la part des
responsables israéliens, d'attaque
unilatérale contre l’Iran, une action
qui représenterait un crime de guerre
aux proportions monstrueuses.
L’éditorial du
Times a été rédigé sur un ton
généralement affligeant, déplorant le «
bain de sang » en Syrie et le danger
d’une « guerre plus vaste » et ce en
dépit du fait que la politique
préconisée par le journal – et pratiquée
par le gouvernement Obama – a
inexorablement pour conséquence ces deux
résultats. Le Times aimerait que
ses lecteurs oublient le fait que le
gouvernement américain arme directement
ou indirectement l’opposition en Syrie
en recourant à la fois aux Forces
spéciales américaines et aux mandataires
des Etats-Unis tels le Qatar et l’Arabie
saoudite. De plus, d’où vient le danger
d’une « guerre plus vaste » – un Assad
assiégé ne serait guère en mesure
d’envahir l’un de ses voisins – si ce
n’est d'une intervention menée par une
coalition dirigée par les Etats-Unis et
alignée sur l’opération conduite l’année
dernière contre la Libye.
Le plus
sinistre dans tout cela c’est que
l’éditorial condamne Moscou et Beijing,
tandis qu’il présente les motifs
américains dans la crise syrienne comme
étant humanitaires, voire altruistes,
tout en vilipendant la Russie et la
Chine pour « jouer un jeu géopolitique
insensé. »
Alors que le
Times laisse supposer que les
Etats-Unis mêmes ne poursuivent aucun
intérêt défini, c'est depuis plus d'une
décennie que le « jeu géopolitique » de
Washington se poursuit au moyen de la
guerre. Il a un but précis : affirmer
aux dépens de ses adversaires
géopolitiques l’hégémonie américaine sur
les riches réserves énergétiques du
Moyen-Orient et d'Asie centrale. Le fait
que la Russie et la Chine s’opposent à
ces objectifs est loin d’être « insensé
».
La campagne
actuelle pour un changement de régime en
Syrie représente un pas de plus dans
cette escalade de l’agression militaire.
Des porte-parole de l’impérialisme
américain ont admis que le motif de
l’attaque du régime de Bachar al Assad à
Damas n’est pas une quelconque
inquiétude quant au sort du peuple
syrien mais la volonté d'isoler
davantage encore l’Iran en renversant
son unique allié dans le monde arabe.
L’éditorial du
Times soutient: « La Russie vend
des armes à la Syrie et utilise son port
méditerranéen de Tartous. Et, après les
événements en Libye, la Russie comme la
Chine semblent déterminés à refuser à
l’Occident une nouvelle ’victoire’ et
continuent donc de s’accrocher à M.
Assad. » Après avoir qualifié cette
attitude d’« incompréhensible », il
conseille au gouvernement Obama d’«
inciter Moscou et Beijing à limiter
leurs pertes. »
La politique
préconisée par le Times – de
faire pression sur la Chine et la Russie
pour qu'elles abandonnent leur
opposition à une intensification des
sanctions économiques et à d’autres
mesures visant à nuire à Assad – mène
directement à une intervention militaire
malgré le démenti de l’éditorial quant
au soutien d’une « nouvelle guerre »
comme celle en Libye.
Ces dangers
sont soulignés par un éditorial publié
dimanche dans un autre quotidien
influent américain, le Washington
Post, qui exige que le gouvernement
Obama abandonne une « diplomatie
incompétente » en faveur d’une action
militaire immédiate. Le Post
qualifie de perte de temps tout type de
diplomatie, soulignant que l'objectif
des Etats-Unis de renverser Assad est
incompatible avec une attitude en public
voulant donner l'impression de chercher
une solution négociée dans la crise
syrienne – autrement dit, dans les
faits, attendre que le régime syrien se
suicide.
Alors que le
Times exprime du scepticisme –
pour le moment – au sujet de mesures
telles la création de « couloirs
humanitaires » pour parvenir aux régions
tenues par les rebelles à l’intérieur de
la Syrie ou bien en invoquant des
dispositions de l’alliance de l’OTAN
pour la défense de la Turquie contre de
soi-disant opérations commando syriennes
au-delà de la frontière turco-syrienne,
le Post exprime visiblement de
l’enthousiasme pour des mesures « qui
pourraient être effectuées au moyen
d’une force militaire modeste qui
pourrait entraîner l’effondrement du
régime. »
Les deux
éditoriaux montrent la composition des
forces au sein de l’élite dirigeante
américaine : une faction exigeant
ouvertement la guerre, la considérant
comme la seule manière d’asseoir les
intérêts américains, alors que l’aile
superficiellement moins belliqueuse
évolue pas à pas dans cette même
direction, tout en proclamant ce faisant
ses intentions « humanitaires » et «
pacifiques. »
Le
gouvernement Obama et ses alliés parmi
les puissances impérialistes européennes
sont en train de progresser
régulièrement vers une action militaire
contre la Syrie. La secrétaire d’Etat,
Hillary Clinton, a réclamé samedi, lors
d’une conférence de presse, une
résolution du Conseil de sécurité de
l’ONU en invoquant le chapitre 7 de la
charte de l’ONU, la section même qui fut
à la base de la résolution de l’ONU sur
la Libye et qui avait approuvé l’attaque
Etats-Unis/OTAN contre ce pays.
Le président
français, Nicolas Sarkozy, est même allé
plus loin, en comparant ouvertement
l’action de l’armée syrienne dans la
ville de Homs aux menaces proférées par
Kadhafi à l’encontre de Benghazi et qui
avaient fourni le prétexte à la fois
pour la résolution du Conseil de
sécurité de l’ONU et pour les frappes
aériennes initiales effectuées par les
Etats-Unis et l’OTAN contre la Libye.
Sarkozy a réclamé l’« établissement de
couloirs humanitaires pour qu’une
opposition puisse exister en Syrie. » En
d’autres termes, les Etats-Unis et les
puissances européennes devraient
intervenir militairement pour créer une
zone dans laquelle les adversaires armés
d’Assad peuvent être formés et armés
afin de lancer des attaques,
conformément au modèle du Conseil
national de transition libyen.
La classe
ouvrière aux Etats-Unis et
internationalement doit s’opposer à
toutes les mesures prises pour subvertir
et attaquer la Syrie, un pays opprimé et
qui a fait longtemps l’objet de
sanctions économiques et d’agression
militaire de la part des puissances
impérialistes et de leurs mandataires
tels l’Etat d’Israël. La Syrie n’est que
le premier pas vers une guerre encore
plus dévastatrice contre l’Iran que
l’impérialisme américain a à présent
ciblée comme étant le principal obstacle
à sa volonté de contrôler les régions
riches en pétrole du Golfe persique et
de l’Asie centrale.
De façon
encore plus inquiétante, l’augmentation
des tensions entre le bloc mené par les
Etats-Unis d’une part et l’alliance
tacite entre la Russie et la Chine
d’autre part accroît la probabilité
d’une guerre entre puissances nucléaires
et dont les conséquences sont
incalculables.
(Article
original paru le 23 avril 2012)