Opinion
« Fourest
et les complotistes : posons les bonnes
questions sur la manipulation de l’info.
»
Pascal
Boniface
© Pascal
Boniface
Dimanche 24 février
2013 « Fourest et
les complotistes : posons les bonnes
questions sur la manipulation de l’info.
» Suivi de : « Rudy Reichstadt, le
témoin militant, juge et partie »
Pascal Boniface, directeur de l’IRIS
(Institut de Relations Internationales
et Stratégiques) a réagi aux
documentaires de Caroline Fourest sur
France 5.
LGS publie son texte ci-dessous en le
faisant suivre d’informations inédites
que le téléspectateur aurait dû
connaître pour ne pas confondre
reportages et pamphlets partisans.
LGS
Fourest et
les complotistes : posons les bonnes
questions sur la manipulation de l’info
La semaine dernière, France 5 a
diffusé "Les obsédés du complot",
consacré aux adeptes de la théorie du
complot et premier opus d’une série de
documentaires réalisés par Caroline
Fourest. Pascal Boniface, directeur de
l’Iris, était derrière son écran de
télévision. Pour lui, les conspirations
les plus graves ne sont pas celles
dénoncées par la réalisatrice.
Par Pascal Boniface. Publié par «
Le plus » (Nouvel-observateur).
"Les obsédés du Complot",
documentaire de Caroline Fourest
Au moment où France télévisions se
plaint de devoir faire face à la rigueur
budgétaire, on peut être rassuré de voir
le service public être encore capable
d’acheter de nombreux espaces
publicitaires pour promouvoir une série
documentaire. Celle-ci a été, de
surcroit, relayée par tous les médias
qui ont célébré l’événement. De grands
intellectuels (Marcel Gauchet, Régis
Debray, Françoise Héritier, Élisabeth
Badinter, Edgar Morin, etc.)
auraient-ils été sollicités sur des
sujets essentiels justifiant un tel
engouement ? Non, il s’agit d’une série
de documentaires réalisée par Caroline
Fourest.
Pas grand-chose de neuf
Le battage quasi hollywoodien n’a pas
suscité l’entrain du public. 1,9%
d’audience pour le premier documentaire
consacré au "obsédés du complot". Il n’a
pas non plus suscité l’adhésion. À un
sondage sur le site de France 5
demandant au public si l’enquête de
Caroline Fourest paraissait crédible,
4,4% ont répondu "oui", contre 95,6%
ayant répondu par la négative. Sans
doute le résultat d’un complot.
Le documentaire n’apportait pas
grand-chose de neuf. Thierry Meyssan,
ReOpen, tout ça c’est quand même
passablement du réchauffé. La méthode de
Caroline Fourest consiste à prendre un
fait condamnable ou gênant et de lui
donner une importance sans commune
mesure avec sa réalité, en évitant toute
mise en perspective et contextualisation.
Elle grossit un danger et se pose en
héroïne déterminée à le combattre.
Que quelques farfelus s’agitent sur
la toile pour dénoncer d’improbables
complots, est-ce bien le plus grand
danger qui pèse sur l’information du
public ? Quel est leur impact réel sur
l’opinion ? Il ne faut pas confondre
l’intention de nuire et la capacité à le
faire.
Les manipulations de
l’information ne sont pas réservées aux
complotistes
Fourest dénonce les effets sans
réfléchir sur les causes. Les théories
du complot sont ineptes mais pourquoi
prospèrent elles sur le net ?
Déjà parce que, justement, elles
n’ont pas accès aux médias centraux.
Elles sont la contrepartie des multiples
manipulations de l’information de la
part des gouvernements, des services,
des officines. Cette guerre de
propagande est bien plus grave pour
l’information du public, vu les moyens
dont ils disposent, que quelques
complotistes égarés. Ce sont ces
mensonges et manipulation de
l’information (du type "on fait la
guerre contre l’Irak parce que celui-ci
possède des armes de destruction
massive", etc.) qui suscitent l’intérêt
pour les thèses complotistes. Si
certains naïfs gobent encore tout ce
qu’on leur raconte (et une fois encore
les propagandes gouvernementales ou des
puissances d’argent sont bien plus
fortes), certains exercent leur sens
critique et d’autres refusent tout ce
qui est officiel et sont du coup des
clients potentiels pour les complotistes.
France télévisions, qui a dépensé si
cher pour les documentaires de Fourest
et leur promotion, n’a toujours pas
acheté "Les nouveaux chiens de garde",
qui dénonce les connivences médiatiques,
ou "Inside job", qui dénonce les
véritables responsables de la crise
financière.
C’est la connivence des élites qui
suscite populisme et théories du
complot. Dénoncer les théoriciens du
complot qui crient haro sur les médias
permet de faire l’économie d’une
véritable réflexion sur le système
médiatique. N’aurait-il pas été
intéressant de réfléchir au storytelling
des différentes puissances ?
Ne pas discréditer les
jugements critiques pour autant
Affirmer que la guerre en Libye était
prévue depuis 10 ans ou que le Printemps
arabe a été suscité par la CIA est
stupide. Mais dire que les États-Unis
ont pour stratégie de contrôler le
Proche-Orient est simplement une réalité
stratégique, avouée très franchement par
les néoconservateurs, et qui est de
l’ordre naturel d’une politique de
puissance pour les États-Unis.
Dire qu’il y a un complot
américano-sioniste est une ineptie. Mais
réfléchir aux effets de l’alliance
américano-israélienne ne doit pas être
interdit. Et c’est là que le bât blesse,
parce que la théorie du complot dénoncée
par Fourest est toujours centrée contre
ceux qui mettent en cause les politiques
américaine et israélienne.
S’il faut dénoncer les complotistes,
il convient de ne pas faire d’amalgame
avec tous ceux qui émettent un jugement
critique sur ces politiques. Certains
analystes vont même jusqu’à penser que
certains complotistes sont en fait
manipulés afin de discréditer les
jugements critiques. Un complot dans le
complot ? L’hypothèse aurait au moins pu
être envisagée. Il y a d’ailleurs une
théorie du complot sur laquelle Fourest
ne réfléchit pas, c’est celle qui accuse
Charles Enderlin d’avoir mis en scène la
mort du petit Mohamed Al Durah, qui
serait toujours vivant. Vu l’impact de
cette polémique, on s’étonne que
Caroline Fourest ne s’y soit pas
attardée.
Qui voit des complots partout
?
Dans son documentaire, elle fait
témoigner Rudy Reichstadt, présenté
comme animateur du site Conspiracy
Watch. Il n’aurait pas été inutile pour
l’information du public de préciser
qu’il est également collaborateur à la
revue ProChoix que dirige
Caroline Fourest. Par ailleurs, un
rapide coup d’œil sur le site de
Conspiracy Watch confirme que ce site
est principalement consacré à la
dénonciation des critiques de la
politique israélienne.
Caroline Fourest dit vouloir protéger
le vivre-ensemble alors qu’elle n’a pas
cessé de stigmatiser les musulmans,
criant au complot islamiste qui
soumettrait la France et traitant de
pro-islamistes ceux qui ne partageraient
pas ses vues. Elle qui dénonce la
théorie du complot fustigeait récemment
les réseaux "indigéno-ramadano-bonifaciens"
qui comploteraient contre elle. J’ai
croisé une fois Tariq Ramadan et n’ai
pas été en contact avec lui depuis. Mais
il est vrai que je trouve normal qu’il
puisse s’exprimer. Les Indigènes de la
République sont, à mes yeux, trop
radicaux, mais ils ont droit à la parole
et je trouve anormal que l’agression
dont a été victime Houria Bouteldja, la
présidente, ait donné lieu à un
black-out médiatique. Cela crée-t-il un
"réseau" ? Qui voit des complots partout
?
Pascal Boniface.
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/779779-fourest-et-l...
EN COMPLEMENT, par LGS :
Rudy
Reichstadt, le témoin militant, juge et
partie
Rudy Reichstadt, le responsable du
site Conspiracy Watch, est un témoin
prolixe dans le reportage de France 5.
D’après lui, les sites de gauche contre
qui il ferraille sont en vérité proches
de l’extrême droite.
C’est savoureux quand on sait que
Conspiracy Watch, s’inspirant d’un
article légèrement mensonger du
Figaro, a attaqué naguère (http://www.conspiracywatch.info/Qui-finance-Reporters-sans-f...)
un administrateur du Grand Soir pour sa
critique de Robert Ménard. Ménard qui
vient d’écrire deux opuscules qui ne
chagrinent ni Fourest ni son acolyte : «
Vive Le Pen ! » et « Vive l’Algérie
française ! » et qui a commencé depuis
des mois sa campagne électorale pour
être maire de Béziers en 2014 avec le
soutien du FN.
Rejoignant une bande masquée
d’excités qui prétendent empêcher les
administrateurs du Grand Soir de tenir
des conférences publiques, de participer
à des salons du livre, Reichstadt a dit
un jour son dépit à propos du «
GrandSoir.info, le site de Maxime Vivas
et Viktor Dedaj (qui ont cette année
encore pignon sur rue à la Fête de
l’Huma) ». Cette année encore !
Mais où Rudy Reichstadt, lui,
a-t-il « pignon sur rue » ?
C’est un contributeur régulier de la
revue Prochoix de Caroline
Fourest, mais cela n’est pas dit aux
téléspectateurs. Un très long article de
ce lascar, paru dans Prochoix N°
41, porte le joli titre : “Hugo Chávez
ou la tentation totalitaire”. On y lit
des choses délicieuses comme : «
Chávez n’est ni Staline, ni Mao. Ni même
Castro : il lui reste encore quelques
efforts à faire pour devenir un vrai
dictateur tropical. Pourtant, il en mime
les gestes à la perfection ».
On reste-là dans la logique d’un
combat contre tous ceux qui tiennent la
tranchée anti-impérialiste.
A la longue liste des personnalités
hors de tout soupçon (1) accusées
d’antisémitisme par la mouvance
pro-israélienne dans laquelle s’ébattent
Fourest et Reichstadt, s’ajoutent des
sites dont le seul tort est de ne pas
aduler Tshalal : LGS, bien sûr, en tête
de gondole, mais aussi Bellaciao,
Investig’action (de Michel Collon) et
dernièrement Agoravox : « Agoravox
n’est pas encore mort mais s’est
transformé en hub des théories
conspirationnistes. Une dérive
rouge-brun qui s’explique par un manque
de sous mais aussi par une philosophie
du web 2.0 très utopique. » (http://www.conspiracywatch.info).
Il s’agit bien, pour ces flics de la
pensée de repérer et de caricaturer tous
ceux qui ne soutiennent pas la politique
belliciste et colonialiste des
gouvernements de droite et d’extrême
droite israéliens.
Ce que les documentaires télévisés de
Caroline Fourest ne nous disent pas non
plus sur son complice Reichstadt, c’est
qu’il a été un collaborateur de
l’Arche (« Le mensuel du judaïsme
français ». ), de la revue « Le
Meilleur des mondes » ( proche des
néoconservateurs américains) et qu’il
fréquente la Revue « La Règle du jeu
» dont le directeur est
Bernard-Henri Lévy.
Disons-le tout net :
Reischtadt copine avec qui il veut, on
s’en fiche, c’est son droit. Il écrit là
où ça lui chante, participe aux
séminaires qui lui agréent et il ne nous
vient pas à l’idée de déplorer qu’il
puisse le faire "encore".
Mais quand pleuvent les coups,
il vaut mieux chercher à savoir qui les
donne, et pourquoi.
C’est ce que nous avons fait. Nous
avons regardé la vidéo d’un séminaire de
« La règle du jeu » du 23 septembre 2012
dont le thème (obsessionnel) était : «
Décrypter les rhétoriques de la
conspiration ». Séminaire d’un
inimaginable ennui, les quatre
intervenants étant tous d’accord sur le
fond du sujet.
Rudy Reichstadt y a fait des
interventions soulignées par force
gestes de la main, émaillées de heuuu
interminables encadrant parfois chaque
membre de phrase, ce qui en rendait
l’écoute particulièrement pénible.
Un des passages mérite d’être noté
(Vidéo, à 55 mn42) :
« … le deuxième critère, c’est
celui de la source, heuuu. D’où ça vient
? Heuuu. Quand on est face à une théorie
du complot, heuuu on peut se demander
heuuu qui l’a émise, qui l’a produite.
Et là […] heuuu on retombe à peu près
systématiquement sur les mêmes
personnes, la même mouvance heuuu dont
on voit qu’elle suit un agenda
politique. Il y a vraiment des
prescripteurs de théorie du complot. Il
y a tout un tas de suiveurs, la
blogosphère, etc., qui-qui relayent tout
ça, ces vidéos, ces textes, abondants.
Heuuuu. Mais il y a au départ un
prescripteur. Il y a des théoriciens du
complot. Et qui passent heuuu
une partie de leur temps… », etc.
La moralité est la suivante
: si vous dites qu’il existe des
prescripteurs, des théoriciens du
discours impérialiste, vous êtes
conspirationniste et c’est mal. Si vous
dites qu’il y a des prescripteurs, des
théoriciens du discours anti-
impérialiste, vous êtes anti-conspirationniste
et c’est bien.
Reischtadt et les siens ont le droit
de soutenir que quelqu’un tire dans
l’ombre les ficelles de ceux qui
contestent les politiques étrangères des
USA et d’Israël.
Pour pourfendre le conspirationnisme,
Reischtadt use sans s’en rendre compte
(ou sans vergogne) d’une argumentation
d’essence conspirationniste.
Cette bande de sycophantes est
conspirationniste, contrairement au GS
qui sait à la fois que des décisions
sont prises en catimini, « à l’insu du
plein gré » des peuples, mais que ce
sont ces derniers qui font l’Histoire.
D’où une distance lucide que nous
respectons entre ceux qui voient des
complots partout et ceux qui n’en voient
nulle part.
LGS
(1) Edgar Morin, Daniel Mermet,
Pascal Boniface, Charles Enderlin, Alain
Ménargues, Bernard Cassen, Siné, Jacques
Bouveresse, Pierre Bourdieu, José Bové,
Stéphane Hessel, Pierre Péan, Umberto
Ecco, Yves Calvi, Jean Ferrat, Jean-Luc
Godard, etc. La liste folle est
lacunaire et elle s’allonge sans cesse.
© LE GRAND SOIR -
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même encouragée.
Merci de mentionner les sources.
Publié le 24 février 2013
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