IRIS
Afghanistan : le pari d'Obama
Pascal Boniface
Pascal Boniface - Photo IRIS
Jeudi 3 décembre 2009
Barack Obama vient de décider de renforcer la présence militaire
américaine en Afghanistan en envoyant 30 000 soldats
supplémentaires. Obama doit convaincre l’opinion publique
puisque désormais 48% des Américains désapprouvent sa gestion de
la guerre en Afghanistan contre 45% qui y sont favorables. C’est
pour tenir compte de ces réticences qu’il a fixé à 2011 le début
du désengagement américain, c’est à dire un an avant l’élection
présidentielle. Barack Obama qui avait critiqué la politique de
montée en puissance décidée en 2007 par Bush en Irak, a décidé
d’en faire de même en Afghanistan. Dès le
départ, Barack Obama considère que la guerre d’Afghanistan est
une guerre de nécessité contrairement à la guerre de choix
qu’était la guerre d’Irak. Il a reproché à G. Bush d’avoir cessé
l’effort en Afghanistan au moment où celui-ci pouvait payer et
que la victoire pouvait être totale en 2002 lorsque Bush a fait
de l’Irak une priorité délaissant le théâtre afghan. La montée
en puissance militaire décidée par Barack Obama est destinée à
gagner définitivement la guerre contre al-Qaida avant de revenir
à une situation normale. L’opinion publique américaine se pose
des questions. Les troupes qui sont présentes depuis plus de 8
ans sans résultats visibles et sans progrès notoires. Le
syndrome de la guerre du Vietnam plane avec le risque de vouloir
afghaniser des combats sans avoir un véritable relais politique
crédible sur place. Le succès dépend en effet largement de la
crédibilité des forces afghanes et donc des institutions
afghanes.
Or Karzaï qui vient d’être réélu pour un second mandat n’est
pas réellement pris au sérieux par Obama qui en privé dénonce sa
corruption et son inefficacité. L’objectif militaire est de
détruire al-Qaida. (Ce qu’aurait dû faire Georges Bush s’il
avait mené le combat jusqu’au bout en 2002). Il n’est plus de
construire des institutions et une démocratie vivante en
Afghanistan. Il s’agit simplement d’aider le gouvernement afghan
à améliorer sa gouvernance et à combattre la corruption. Une
grande partie de la réponse se tient au Pakistan. Est-ce que les
autorités d’Islamabad ont joué le jeu et est-ce qu’ils vont se
mettre à combattre réellement les Talibans avec lesquels ils ont
un partenariat de facto afin de contrer l’influence indienne ?
Les Européens sont gênés. Si l’OTAN annonce vouloir également
renforcer sa présence, les pays contributeurs ne se bousculent
pas. Ils sont eux-mêmes soumis à des pressions politiques
intérieures. Les opinions ne voient pas de résultats tangibles à
leur engagement militaire dans la région. Elles commencent donc
à se lasser et à s’interroger. Et par ailleurs, les ressources
deviennent rares. Le président Sarkozy en France a appuyé la
démarche de Barack Obama. Mais il est peu probable qu’il envoie
des troupes supplémentaires difficiles à trouver matériellement.
Un renforcement de la présence militaire française pourrait en
outre soulever un débat pour le moment limité dans l’opinion
publique. Il en va de même chez tous les partenaires de l’OTAN
qui participent à la guerre en Afghanistan. Est-ce que les
forces afghanes pourront prendre à terme le relais des forces
internationales ? Tel est le pari de Barack Obama qui engage une
partie de sa crédibilité sur cette affaire.
C’est en tous les cas 30 milliards de dollars par an
supplémentaire qu’il va dépenser pour l’Afghanistan augmentant
ainsi le poids des dépenses militaires américaines à un moment
où les citoyens américains estiment de plus en plus nécessaire
de porter l’effort sur les questions sociales et intérieures. Et
se pose également une question fondamentale. Si chacun s’accorde
à penser que George Bush a manqué une opportunité de mettre fin
à al-Qaida en 2002, est-il toujours temps de le faire par un
renforcement militaire en Afghanistan ? Les quelques centaines
de combattants qui survivent sont plutôt dispersés au Pakistan
qu’en Afghanistan. Le renforcement de la présence militaire
occidentale, perçue comme une force d’occupation peut tout
autant fédérer les Afghans autour des Talibans, qui de fait se
font une réputation de résistance, que permettre une victoire
des forces loyalistes afghanes. Les soldats américains sont-ils
prêts à se mélanger à la population pour gagner la bataille du
cœur et des esprits ou bien vont-ils continuer à vivre isolés et
opérer à l’extérieur de façon perçue comme agressive par la
population ? Des troupes occidentales dans un pays musulman dans
les circonstances stratégiques actuelles ne risquent-elles pas
d’être plus vécues comme des troupes d’occupation – à combattre
– que des troupes de libération à soutenir ?
Les
textes de Pascal Boniface
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Publié le 3 décembre 2009 avec l'aimable autorisation de l'IRIS.
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