Les habitants de Bil'in ont présenté
plusieurs fois leur cas devant la Cour Suprême israélienne. En
septembre 2007, celle-ci a finalement jugé que le tracé du Mur
de Séparation était préjudiciable pour Bil'in et qu'il devait
être modifié. L’application de ce jugement aurait du permettre à
Bil’in de récupérer presque 50% des terres qui lui avaient été
volées en 2004.
Malgré tous ces jugements et la législation
internationale qui considère que le Mur est illégal, les travaux
continuent et les terres de Bil'in continuent à être volées.
Pour protester contre le vol de leurs terres,
les habitants du village ont organisé des manifestations
hebdomadaires non violentes au pied du Mur. Chaque vendredi, les
villageois, des militants internationaux et la presse se
réunissent près de la mosquée et après la prière ils défilent
ensemble jusqu'au Mur. C’est avec des gaz lacrymogènes qu’Israël
répond à ces manifestations, ainsi qu’avec des balles en
caoutchouc, des balles d'acier enrobées de caoutchouc, des
grenades assourdissantes et des tirs à balles réelles.
Pour la première fois, il y a trois semaines,
les soldats israéliens ont assassiné à Bil'in un manifestant
pacifique. Son nom était Bassem Abu Rahmah. Is lui ont tiré en
pleine poitrine à environ 30 mètres de distance à tir tendu avec
une nouvelle grenade lacrymogène à grande vitesse qui a la forme
d’une balle. Il est mort sur la route l'hôpital de Ramallah.
Malgré les dangers, les manifestations n'ont
pas cessé.
Mondher Abou Rahmah, un villageois de Bil'in,
se rend aux manifestations depuis leur début il y a quatre ans.
Sa famille a perdu 15 dunums* de sa terre à cause du Mur. Il a
été blessé deux fois au cours des manifestations, une fois ils
lui ont tiré dans la main et une autre fois dans l'épaule. Selon
Mondher, « au début, les manifestations étaient complètement
différentes, ce n'était pas tellement dangereux d'y aller.
Maintenant, chaque vendredi, ça le devient de plus en plus».
Selon Mondher chaque manifestation devient
imprévisible : « ils utilisent chaque fois un gaz lacrymogène
différent, quelquefois ils sont derrière le Mur, d'autres fois
ils restent simplement assis et ils surveillent, et d'autres
fois ils tirent avec des balles. ». Mais chaque mouvement
exécuté par les soldats est décidé à l'avance sans tenir compte
du nombre de manifestants ou de combien de pierres sont lancées,
« ils ont leurs ordres avant, ils ont décidé s'ils vont tirer
des gaz lacrymogènes ou des balles. »
Les soldats israéliens attaquent
régulièrement Bil'in, parfois après les manifestations ou, plus
fréquemment, la nuit. Quand les soldats arrivent au village,
selon Mondher, « nous essayons de nous rassembler afin que les
soldats ne puissent arrêter ou kidnapper personne. Lorsque nous
sommes ensemble, nous sommes plus forts. Si quelqu'un est
atteint par un tir, et qu’il se trouve seul il peut mourir vidé
de son sang. Mais si nous sommes tous ensemble, et que quelqu'un
est blessé nous pouvons l'aider rapidement et nous assurer qu’il
ne lui arrive rien. »
Mondher est l’un des habitants de Bil'in qui
a suivi les cours de soins de première urgence dispensés par les
Services d'Aide Médicale Palestinienne (PMRS), une ONG
palestinienne de base. Le PMRS a débuté ses formations à la
première urgence en 1996 en raison de l'accroissement de la
violence en Cisjordanie et parce qu’elle frappait souvent dans
des secteurs isolés où les gens n'ont pas accès aux services
médicaux. Dans des situations où il y a des blessés, s'il n'y a
personne aux environs qui est formé aux premiers secours, des
gens qui tentent d’apporter des secours peuvent souvent aggraver
l’état des blessés.
Ainsi, le PMRS conçoit pour des volontaires,
des cours paramédicaux dans lesquels on enseigne les premiers
secours d'urgence. Ces programmes sont particulièrement
importants dans des villages comme Bil'in où l'hôpital le plus
proche se situe à une demi-heure de trajet.
Mondher est aujourd’hui un volontaire
paramédical et il sera capable d'aider les gens s’ils sont
blessés lors des manifestations hebdomadaires à Bil'in et dans
le village voisin de Ni'lin, ainsi que durant les attaques
israéliennes contre le village.
Quand on lui demande s'il pense que les
manifestations auront quelque effet sur le Mur, en tenant compte
du fait que ni les jugements de tribunal ni la loi
internationale n’en ont eu, Mondher répond : « le Mur est le
Mur, rien n’a changé. Les manifestations et les jets de pierres
font partie de notre histoire et notre culture. C’est une
histoire triste, l'histoire de notre peuple. Nous sommes un
peuple sans terre. Nous avons essayé de récupérer notre terre
pacifiquement, mais à la paix Israël répond avec la guerre.
C'est pourquoi nous allons être toujours en guerre pour notre
terre, et jamais en paix. Eux, vont essayer de réduire notre
terre jusqu'à ce que nous tenions dans un petit cercle, alors
ils en finiront avec nous. »
À la question de savoir ce qui à son
avis pourrait empêcher les Israéliens de continuer à voler la
terre, Mondher répond, « Notre dieu, ni moi ni toi, ni personne.
Seul Dieu peut les arrêter. Nous allons aux manifestations pour
leur démontrer que nous ne nous
rendrons pas, c’est notre terre et nous survivrons jusqu'à la
fin. »