Opinion
Pourquoi l'Afrique
doit impérativement
s'inspirer d'Hugo Chavez
Olivier
Dossou Fado
Dimanche 24 mars
2013 Comme il sied en pareille
occasion, je voudrais avant tout, saluer
la mémoire du Président Chavez décédé le
05 mars 2013 à Caracas au Venezuela. Un
immense phare s’est éteint. Hugo Chavez
Frias a donc définitivement succombé au
mystérieux cancer qui le rongeait depuis
plusieurs mois. Il avait 58 ans et
venait d’être réélu pour un troisième
mandat.
Une perte
incommensurable.
D’extraction modeste, Hugo
Chavez, le « Zambo », métis
indo-africain, n’appartenait pas à
la caste des élus, celle des
descendants des colons espagnols qui
ont longtemps trusté le pouvoir
d’Etat au détriment des petites
gens, en instaura un bipartisme
corrompu, oligarchique, et
totalement inféodé aux Etats-Unis.
Ces dernières décennies, l’Amérique
latine n’a eu de cesse d’offrir au
monde entier un champ inouï
d’imaginaires et d’innovations
politiques dont le noyau essentiel
reste la conquête de la souveraineté
pleine et entière.
Depuis son accession au pouvoir
en 1999, Hugo Chavez fut
l’inspirateur, le moteur et le
centre de gravité politique de
toutes les mutations politiques
majeures dans cette partie du monde.
L’objectif de cette tribune libre,
est de s’inspirer des enseignements
d’Hugo Chavez, pour formuler à
l’adresse de l’Afrique, un message
d’optimisme afin qu’à son tour,
celle-ci s’affranchisse totalement
du joug néocolonial.
1. Le socialisme
révolutionnaire est un humanisme
toujours d’actualité…
Face à l’atomisation croissante
de nos sociétés, à l’exclusion
sociale et à la misère grandissante
dans les villes africaines, il urge
de redéfinir un nouveau contrat
social basé sur un socialisme
révolutionnaire. Une sorte de «
socialisme de 21è siècle » comme
aimait à l’appeler Hugo Chavez
lui-même. Chavez l’appelait
également « révolution bolivarienne
» du nom de Simon Bolivar, héros des
luttes d’indépendances en Amérique
Latine, parvenu à ses fins grâce à
l’apport politique et logistique de
la République noire d’Haïti en 1824.
Qu’importe la dénomination qu’on
voudra, le primordial restera
l’extirpation de la pieuvre
néocoloniale et de ses tentacules
partout en Afrique. Or cela n’est
possible que dans le cadre d’un
mouvement politique révolutionnaire
qui entrainerait une mutation
radicale des institutions, des
hommes et des idées dans nos pays.
Par ailleurs, depuis les
indépendances nominales de 1960 qui
ont surtout consacré la
contractualisation asymétrique
(post-colonie/métropole) des
rapports de domination, la France
exerce, plus que de raison, un droit
de propriété sur le sol, sous-sol,
espace aérien de son ancien
pré-carré. Il faudra y mettre un
terme ! Cela ne sera possible que
dans un paradigme totalement
révolutionnaire, loin du cadre
institutionnel émasculateur actuel
qui a cours dans nos Etats
francophones.
Dans les pays africains,
l’impression globale qui se dégage
est celle d’une histoire finie,
figée, écrite pour nous par autrui.
Nous devons être les propres acteurs
de notre histoire et non des
contemplateurs passifs voire des
sujets totalement inertes. La
révolution bolivarienne socialiste
d’Hugo Chavez nous montre la voie
malgré ses défauts inhérents à toute
œuvre humaine. L’Afrique doit
s’affranchir de la logique des Etats
néo-patrimoniaux où sévit
néocolonialisme, corruption, crimes,
misère, enkystement démocratique et
racket institutionnel afin d’édifier
de véritables Etats souverains,
démocratiques et progressistes.
2. Le
peuple comme ultime gardien du temple
démocratique…
Le bilan politique des années Chavez
est celle d’une véritable leçon de
démocratie participative contre
l’oligarchie des classes possédantes
inféodées à Washington.
Lors du pronunciamiento (coup d’Etat)
avorté d’avril 2002, ce sont les
modestes populations des ranchitos
(bidonvilles) qui marchèrent sur le
palais présidentiel de Miraflorès pour
exiger le retour immédiat de leur
président.
En Afrique, nos formes de «
démocratie » manquent cruellement
d’assises populaires.
Les Chefs d’Etats africains doivent
souvent leur pouvoir à l’imposante garde
prétorienne qui leur sert de cache-sexe
démocratique. La démocratie sous nos
cieux, se résume à une kyrielle de
zombies institutionnelles à la
légitimité souvent douteuse. Ces
institutions pourries, oligarchiques,
sont centrées principalement autour du
Chef de l’Etat, son clan, ses obligés et
son parti-Etat au pouvoir. A cela
s’ajoute une ritualisation électorale
vide de sens, sans symbolique, et plus
grave, sans incidence aucune, sur la vie
des petites gens.
Or l’Afrique gagnerait à s’inspirer
aussi du modèle démocratique populaire
du Venezuela qui n’est certes pas
parfait, mais au moins, a le mérite de
vivifier la vie politique de ce pays.
Depuis 1999 sur toutes les questions
essentielles ou accessoires (limitation
du mandat, nationalisations du pétrole,
révocation du président, élection de
conseils communaux et de provinces,…),
le peuple vénézuélien est fortement
impliqué au quotidien et a toujours
porté massivement ses préférences sur
celles de son président Hugo Chavez.
Par ailleurs, ces consultations
électorales ont aussi l’intérêt d’élever
le niveau de conscience politique de la
population qui devient la véritable
gardienne de sa souveraineté
démocratique. En dernière analyse, il
est à noter que sur une quinzaine
d’élections démocratiques, Chavez en a
remporté quatorze à plus de 10 points
d’écarts de ses principaux rivaux
politiques en treize années de
présidence ! Un record mondial !
3. Constitutionnaliser la
protection vitale de secteurs
stratégiques africains…
Les économies africaines sont
structurellement désorganisées depuis la
période coloniale.
Cette déstructuration s’est fortement
accentuée durant les décennies des
Programmes d’Ajustements Structurels
(PAS) du début des années 80
jusqu’aujourd’hui.
Ces vagues de privatisations et
libéralisation économiques ont affaibli
nos capacités à conserver nos secteurs
stratégiques dans le giron de l’Etat
central.
Ce qui entraine comme conséquence que
notre souveraineté économique se trouve
aux mains des multinationales
étrangères. Une dépendance économique
qui obère fortement nos politiques de
développement dans la mesure où des
secteurs aussi vitaux que l’eau,
l’électricité, les télécommunications,
les voies portuaires, ferroviaires et
aéroportuaires sont détenus par des
capitaux privés dont l’objectif ultime
est l’accumulation de profits à court
terme au détriment des missions de
service public. Un rapide bilan des
secteurs économiques privatisés (eau,
électricité, télécoms, ports, chemins de
fer…) montre grosso modo une indigence
de la qualité de service, des prix trop
élevés et une dégradation très avancée
du patrimoine cédé aux intérêts privés.
Il faut en finir avec cette prédation
inadmissible des biens communs à la
Collectivité.
A ce niveau, la révolution
bolivarienne du Venezuela nous
enseigne que l’urgence pour nos
Etats, demeure d’abord la protection
constitutionnelle des secteurs
stratégiques (Sol, sous-sol, ciel et
terres arables…) de nos économies
africaines par un arsenal législatif
très contraignant logé dans un
nouveau dispositif constitutionnel.
Quand Chavez arriva au pouvoir en
1999, il organise dans la foulée, un
référendum portant sur la
nationalisation de l’or noir
vénézuélien. Pourquoi? Parce que Hugo
Chavez comprend tôt l’importance vitale
que revêt le pétrole pour son pays dans
les nécessaires reformes sociales qu’il
entend mettre en œuvre durant son
mandat. Referendum qui sera d’ailleurs,
approuvé à plus de 60% par les électeurs
vénézuéliens.
Dans ce corpus législatif, les
articles 302 et 303 de la Constitution
vénézuélienne de 1999 stipulent que
d’une part l’Etat se réserve la primauté
pour des questions d’intérêt national,
de nationaliser les secteurs économiques
stratégiques vitaux pour des besoins de
développement économique national et
d’autre part, ces articles renforcent
aussi la mission de contrôle du
gouvernement dans tous les entreprises
et leurs filiales ayant un caractère
stratégique pour le Venezuela. L’Afrique
doit aller impérativement à cette école!
Il est révoltant de voir nombre de
pays africains brader leurs mines,
ports, aéroports, et voies ferroviaires
sans aucune consultation populaire ni
parlementaire !
A ce titre, l’exemple des Ports
Autonomes de Lomé, Conakry et Cotonou
bradés à l’homme d’affaires français
Vincent Bolloré est assez édifiant sur
l’incurie de nos dirigeants africains
actuels. Au demeurant, une étude récente
montre que la multinationale Bolloré
Africa Logistics dégage plus de 80% de
son chiffre d’affaires en Afrique
francophone, soit 2,5 milliards de
d’euros ! Or ce droit d’exploiter les
ports africains a été acquis souvent en
violation du code des marchés publics
des pays en africains comme en
Guinée-Conakry, au Bénin et au Togo.
Inutile de dire que les parlements des
pays précités n’ont pas accès aux
clauses contractuelles de ces
transactions commerciales !
4. Vaincre la malédiction des
richesses minières en Afrique…
Si le Venezuela joua une part active
à la création de l’Organisation des Pays
Exportateurs de Pétrole (OPEP) lors de
la Conférence de Bagdad le 14 septembre
1960, il n’a pas su toujours tirer
meilleure partie de la manne pétrolière.
Alfonzo Adolfo Perez alors ministre
vénézuélien du Pétrole, parla même du
pétrole comme étant « l’excrément du
diable »!
Tant l’exploitation du pétrole est
souvent porteuse d’une charge
particulièrement déstabilisatrice
(guerres civiles, putschs,
insurrections, corruption…) pour les
Etats qui en détiennent d’importantes
réserves. Hugo Chavez a su inverser la
tendance au péril de sa vie et de son
pouvoir. Depuis lors, l’importante manne
financière issue des recettes
pétrolières a permis en 14 ans, de
construire plus de 700.000 logements
sociaux depuis 1999, d’abattre l’extrême
pauvreté de plus de 50%, de rendre
l’éducation et la santé gratuites, de
permettre à plus de 83% des jeunes
d’accéder à l’enseignement supérieur,
d’instaurer un salaire minimum et in
fine, de favoriser l’augmentation du
standard de vie des vénézuéliens.
Une révolution sociale inédite! Si
Hugo Chavez a ainsi permis une véritable
extension du rôle social de l’Etat
vénézuélien, en Afrique globalement,
l’Etat social a entièrement disparu.
Par ailleurs, en Afrique, les
richesses minières de façon générale,
n’ont jamais réellement servi les
couches sociales marginales. Seule une
infime minorité inféodée aux
multinationales impérialistes pillent
abusivement les recettes issues des
industries extractives.
Le Gabon fut appauvri par une classe
dirigeante qui s’est longtemps partagée
l’argent du pétrole avec les politiques
français toutes tendances confondus.
Ainsi, le pétrole gabonais avec des
réserves prouvées de 3,7 milliards de
barils pour une population de 1, 5
millions d’habitants n’a jamais
réellement profité à la population qui
croupit dans une misère révoltante.
Quant au pétrole du Congo-Brazzaville
depuis sa découverte dans les années
1970, il n’échappe, pas non plus à cette
triste réalité. La découverte en
1992/1993 des gisements prometteurs de
N’kossa évalués à 500 millions de barils
au large de Pointe-Noire, a exacerbé les
tensions politiques entre le président
d’alors, Pascal Lissouba, et Denis
Sassou Nguesso, l’obligé de Paris et de
la compagnie pétrolière Elf. La
conséquence logique de cette
polarisation politique entre Lissouba et
Sassou fut une guerre civile par milices
tribales interposées; Cobras (Sassou
Nguesso), Cocoyes (Lissouba) épaulées
les Ninjas de Bernard Kolélas et leurs
différents alliés régionaux (Tchad,
Gabon, Angola, Congo RDC, Rwanda,…).
Plus de 200.000 morts furent
comptabilités durant cette tragédie
politique dont la toile de fond reste la
maitrise de l’or noir congolais par la
France.
Par ailleurs, ce qui est vrai pour le
pétrole dans certains pays africains,
l’est aussi, mutatis mutandis, pour les
autres ressources minières. L’Afrique
est abondamment pillé et c’est un secret
de polichinelle que de l’affirmer. Un
pays comme le Niger, qui connait une
pauvreté endémique avec des indicateurs
sociaux parmi les plus faibles au monde,
nous renseigne sur l’absence de
souveraineté économique en Afrique
francophone.
L’uranium nigérien est abondamment
pillé par la multinationale française
AREVA depuis plus de cinquante ans et
tous les régimes qui se sont succédés au
pouvoir ont été incapables de changer
cette donne. L’Etat du Niger aurait
perdu pas moins de 20 milliards d’euros
depuis 1960 pour un Produit Intérieur
Brut (PIB) estimé à 2 milliards d’euros
« gracieusement » alimenté par l’Aide
Publique au Développement (APD) qui
vient principalement du trésor français.
Or, une politique volontariste de
nationalisation des sites uranifères et
une gestion parcimonieuse et des
recettes issues d’une revalorisation du
prix au kilo permettraient au Niger de
relever le standard de vie des couches
les plus précaires. Le Niger peut
inverser radicalement la malédiction de
l’uranium pour édifier une société
prospère et apaisée socialement. Hugo
Chavez lui a montré la voie, à elle de
s’en inspirer pour s’affranchir
définitivement du joug impérialiste
français.
En guise d’épilogue, Hugo Chavez est
parti à jamais mais ce qu’il a incarné,
illuminera encore longtemps l’Amérique
latine et toute l’Afrique. Le chavisme
continuera d’éclairer tous ceux qui
aspirent à un nouvel ordre politique
basé sur la justice sociale, le progrès
émancipateur et la solidarité envers les
plus pauvres. Dans cette quête
politique, l’Etat socialiste
révolutionnaire est une voie d’avenir
qu’il importe de réenchanter partout en
Afrique.
Enfin, il est scandaleux de voir
qu’aucun dirigeant africain de premier
plan, n’ait fait le déplacement de
Caracas afin de rendre un dernier
hommage au Président Hugo Chavez,
excepté Teodoro Obiang Nguema Mbasogo de
Guinée Equatoriale. Quelle lâcheté !
Pourtant nul n’ignore que le
Venezuela d’Hugo Chavez, accessoirement
membre observateur de l’Union Africaine,
a augmenté significativement sa
coopération en direction de l’Afrique
ces dernières années.
Olivier DOSSOU FADO
Mouvement pour la Renaissance Africaine
(MORAF)
Bruxelles, le 19 mars 2013.
« Nous
sommes les héritiers de toutes les
révolutions du monde »:
(Thomas Sankara, 1949-1987)
Le dossier Afrique noire
Les dernières mises à jour
|