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Il dénonce l'apartheid et soutient le
boycott comme moyen de pression
Un professeur israélien menacé par la
présidente de son université
Olivier Bonnet
Neve Gordon
Dimanche 30 août 2009
Les défenseurs inconditionnels d’Israël mettent constamment en
avant le caractère démocratique de l’État hébreu. Toutes les
opinions peuvent-elles aujourd’hui s’y exprimer ? Il faudra
suivre attentivement le sort fait à Neve Gordon,
professeur à l’université Ben-Gourion du Néguev, qui a publié le
20 août dernier dans le Los Angeles Times un texte
titré Boycottez Israël (traduit
en français par l’Union juive française pour la paix). "Je
suis convaincu que c’est le seul moyen de sauver Israël de
lui-même", explique-t-il dans cet éditorial dont le passage
clé est le suivant : "si la solution par deux États est le
moyen de stopper l’État d’Apartheid, comment peut-on y
parvenir ? Je suis convaincu que les pressions extérieures sont
la seule réponse. Au cours des trois dernières décennies, le
nombre des colons Juifs des territoires occupés a terriblement
augmenté. Le mythe du Jérusalem unifié a conduit à la création
d’une ville d’Apartheid où les Palestiniens ne sont pas citoyens
et manquent des services de base. Le camp de la paix israélien
s’est réduit progressivement si bien qu’à présent il est presque
inexistant, et la politique israélienne va de plus en plus vers
l’extrême droite. Pour moi, il est clair par conséquent que le
seul moyen de contrer la tendance vers l’Apartheid est par une
pression internationale massive. Les mots et les condamnations
de l’administration Obama et de l’Union Européenne n’ont donné
aucun résultat, pas même un gel de la colonisation, sans parler
d’une décision de se retirer des territoires occupés. Par
conséquent j‘ai décidé de soutenir le mouvement Boycott,
Désinvestissements Sanctions lancé par des militants
Palestiniens en juillet 2005, et qui a rassemblé depuis un large
soutien autour du monde. L’objectif est de garantir qu’Israël
respecte ses obligations sous la loi internationale et que les
Palestiniens reçoivent le droit à l’auto-détermination."
Ces propos ont déclenché en Israël ce que l’historienne
Esther Benbassa décrit
sur Rue89 comme une "vague d’hystérie" : "Ces
derniers mois, après l’offensive contre Gaza et l’arrivée au
pouvoir d’un gouvernement de coalition de droite dure, incluant
l’extrême droite, la liberté d’expression est devenue une peau
de chagrin dans un pays où, pourtant, dans le passé, des
intellectuels critiques avaient encore le droit d’exprimer des
opinions allant à l’encontre des thèses officielles. Les
persécutions contre les membres de
New
Profile, une organisation qui œuvre contre la militarisation
de la société israélienne, les attaques violentes visant des
militants non violents qui protestent contre le Mur de
séparation et l’occupation, l’arrestation de l’activiste
Ezra Nawi, qui lui aussi sans violence s’opposait à la
destruction d’une maison palestinienne (Neve Gordon fait partie
de son comité de soutien) dénotent le lourd climat de tension
qui règne en Israël et le raidissement consécutif, qui dans tous
les cas ne peut qu’être préjudiciable à la liberté d’expression
en général."
Aussi la réaction de la présidente de l’université au sein de
laquelle enseigne Neve Gordon, Rivka Carmi, ne
s’est-elle pas faite attendre, qui parle de "trahison"
envers Israël : "Des déclarations comme celles-ci, qui
expriment une critique brutale et dévastatrice de l’État
d’Israël, vont à l’encontre de l’excellent travail accompli à
l’université Ben-Gourion et dans toutes les universités en
Israël." Neve Gordon sera-t-il licencié pour délit
d’opinion ? "Elle invite ceux qui pensent comme Neve Gordon
à se chercher un autre point de chute personnel et professionnel",
précise Esther Benbassa : "la menace est là. Et surtout la
menace de faire taire tous ceux qui refusent la politique
israélienne à l’endroit des Palestiniens telle qu’elle se
déploie et ses retombées inacceptables pour les citoyens d’un
pays peuplé d’hommes et de femmes dont les aïeux ont subi dans
le passé les pires persécutions", conclut-elle.
Publié le 31 août 2009 avec l'aimable autorisation d'Olivier
Bonnet.
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