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Opinion
Négociations de paix
avec Israël :
les Palestiniens condamnés aux bantoustans
Olivier Bonnet
Michèle Sibony
Mercredi 1er septembre 2010
Plus que jamais, Boycott Désinvestissement
Sanctions !
Où il est question de la colonisation
des territoires occupés, de ses conséquences sur la carte de la
Cisjordanie réduite à peau de chagrin, d’une scandaleuse
exposition de propagande israélienne à la mairie du 3e
arrondissement de Paris, d’un ministre qui suggérait de noyer
les prisonniers politiques palestiniens dans la mer Morte en
2003 et du leader d’un parti de la majorité souhaitant
publiquement il y a trois jours « que tous les Palestiniens
disparaissent de notre monde, que la peste les frappe ! » Et à
part ça, la paix ?
Lors de l’université d’été de la Fédération pour une alternative
sociale et écologique (Fase) à laquelle nous assistions
la semaine dernière, nous avons eu le plaisir de rencontrer Michèle
Sibony, co-présidente de l’Union juive française pour
la paix (UJFP). Elle était venue animer un débat sur la
Palestine et n’avait pas caché son scepticisme concernant
l’issue des négociations de paix qui s’ouvrent ce matin entre le
président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et le
Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
Dénonçant la colonisation devant une carte éloquente projetée
derrière elle, Michèle Sibony déplorait la politique du fait
accompli, consciencieusement menée depuis des années pour
réduire le futur Etat palestinien à des confettis de terres, « des
bantoustans » , encerclés d’implantations juives,
aujourd’hui illégales selon le droit international, mais qui
deviendraient légitimées par l’accord de paix suivant les
exigences israéliennes. La co-présidente de l’UJFP a
accusé la communauté internationale de soutenir l’Etat juif, en
prenant comme exemple le fait que Netanyahu a obtenu de se
présenter aux négociations directes avec les Palestiniens sans
même devoir s’engager à stopper la colonisation dans les
territoires occupés ! En Cisjordanie, elle est pour l’instant
gelée par un moratoire qui expire le 26 septembre prochain. « La
question d’une suspension de la colonisation en Cisjordanie
avait valu aux Israéliens une vive polémique avec les Etats-Unis,
rappelait
Le Monde le 22 août dernier. Washington avait
finalement renoncé à en faire un passage obligé avant toute
négociation directe. De fait, la coalition au pouvoir en Israël,
soutenue par une partie des colons et des religieux, ne semble
pas prête à faire de concession sur ce terrain. »
La colonie Maale Adoumim - Photo:
PCHR
En clair, la
radio militaire a indiqué lundi que « plusieurs
milliers« de logements ayant obtenu toutes
les autorisations légales nécessaires pourraient commencer à
être construits dès le 27 septembre dans 57 colonies, y
compris dans des implantations isolées. Seule une prolongation
officielle du gel de la part du gouvernement pourrait empêcher
ces mises en chantier. » Officiellement, le Premier
ministre a annoncé qu’aucune décision n’était prise concernant
cette prolongation, ce qui est déjà en soi un écoeurante
provocation. Sa majorité est divisée sur le sujet, « les
représentants du parti travailliste se prononçant pour, alors
que des ministres de l’aile la plus à droite du gouvernement s’y
opposaient » ,
indique l’AFP.
Notons la position du ministre de l’Information Youli Edelstein
(Likoud) : selon lui Israël « devait construire
partout en Judée Samarie (Cisjordanie). » On
s’orienterait vers un « mini-gel » , croit savoir
quotidien à grand tirage israélien Yediot Aharonot cité
par l’agence : « L’idée est de prolonger le moratoire
concernant la construction dans les colonies isolées, « sans
l’annoncer publiquement » , selon le journal. En revanche,
le gouvernement donnerait son feu vert aux constructions dans
les blocs de colonies, qu’Israël compte annexer à terme. »
La carte qui soutenait la réflexion de
Michèle Sibony à l’université d’été de la Fase, la
voilà ci-contre. Elle provient du Monde diplomatique,
date de janvier 2009 et nous vous encourageons
à suivre le lien pour en lire les légendes : toute la partie
orange représente la zone entourant les « colonies
israéliennes illégales » , « territoires pratiquement
inaccessibles pour les Palestiniens sans autorisation (régime de
restriction très strict). » Les petits carrés jaune sont
les « check-points permanents » et les triangles les « avant-postes
israéliens illégaux » , destinés à devenir de nouvelles
colonies. Les lignes rouges désignent le « mur ou barrière
de séparation achevé, projeté ou en cours de construction. »
Voilà ce qu’il reste aux Palestiniens de la Cisjordanie,
rongée par le cancer sioniste, criblée de pustules coloniales,
une grande partie de son territoire proprement annexé, l’accès à
la Mer morte, indispensable pour le développement d’une vraie
économie palestinienne, totalement coupé. Et l’on prétend
engager des négociations de paix sans seulement garantir que ça
ne va plus empirer ? Et le principal allié du Likoud,
la formation d’extrême droite Israël Beitenou, ne se gêne pas
pour préciser son plan, par la bouche de son leader, ci-devant
ministre des Affaires étrangères : « Avigdor Lieberman a
indiqué « ne voir aucune raison«
de prolonger le moratoire partiel de dix mois de la
colonisation en Cisjordanie au-delà de l’échéance du 26
septembre. Il s’est dit favorable à l’idée, avancée notamment
par des ministres du courant le plus modéré du Likoud, d’une
reprise de la construction concentrée essentiellement dans les
blocs d’implantations qu’Israël compte conserver aux termes d’un
accord final.. »
Celui que l’on surnomme le « Le Pen
israélien » n’est pas un tendre : « À 8h, nous bombardons
tous les centres commerciaux, à midi, nous bombardons toutes les
stations services, à 14h, nous bombardons toutes les banques »
de Gaza et de Cisjordanie, proposait-il en mars
2002 ; en juillet 2003, il suggérait de noyer les
prisonniers politiques palestiniens dans la mer Morte et
d’exécuter les députés arabes à la Knesset en contact avec le
Hamas ou ayant commémoré l’expulsion de 1948 en mai 2006 (Apartheid
made in Tel Aviv : le « Le Pen israélien » donne le la). Rappel
: ce type est ministre des Affaires étrangères ! Mais
il passerait presque pour un modéré face au chef spirituel du
parti ultra-religieux Shass, membre à part entière de la
coalition gouvernementale avec ses 11 députés à la
Knesset, le rabbin Ovadia Yossef. C’est
l’agence Belga qui raconte, reprise
par
La Libre Belgique le 29 août : il « a voué samedi
soir, dans son prêche hebdomadaire à Jérusalem, le président
palestinien Mahmoud Abbas et son peuple aux gémonies. « Que
tous ces méchants qui haïssent Israël, comme Abou Mazen (le
président palestinien Mahmoud Abbas) et tous les
Palestiniens, disparaissent de notre monde, que la peste les
frappe ! » , a lancé le rabbin dans des propos
diffusés par la radio de l’armée israélienne. » Voilà donc
qu’un partenaire de la majorité de Netanyahu souhaite
publiquement la mort des Palestiniens ! Les négociations de paix
s’annoncent formidables.
Le rabbin Ovadia Yossef - Photo:
Al-Manar
Dans ce contexte encore alourdi par
l’assassinat hier de quatre colons par le Hamas, la situation
apparaissant sans issue, la solution réside selon Michèle Sibony
dans la campagne
BDS,
pour Boycott, Désinvestissement, Sanctions, « la réponse
citoyenne et non violente à l’impunité d’Israël. » La même
arme qui abattit l’apartheid en Afrique du Sud, régime auquel la
co-présidente de l’UJFP compare celui de l’Etat hébreu
: « Vous avez vu qu’ils ont encore interdit deux partis
politiques la semaine dernière ? Et on nous parle de démocratie
? C’est une démocratie pour les citoyens juifs, pas pour
les Arabes israéliens. » Face à la complaisance
internationale vis-à-vis du gouvernement de Tel-Aviv, le BDS
frappe au portefeuille. Mais pas seulement : « le
boycott est un moyen pour amener, par la pression d’en bas, des
gouvernements et des institutions à réagir sur le plan
politique. Parmi les différentes formes de boycott, à côté du
boycott des marchandises, on trouve aussi le boycott
universitaire et culturel comme le boycott dans le domaine des
sports » , détaille le site de la campagne. Exemple dans
l’actualité : « Plusieurs dizaines d’acteurs et artistes
israéliens,
rapporte l’AFP,
ont signé une pétition dans laquelle ils affirment refuser
de se produire dans la colonie juive d’Ariel en Cisjordanie, a
indiqué ce matin à la radio publique un de leurs
représentants. »Ariel se trouve en territoire occupé, et
aucun artiste israélien ne doit se produire en
territoire occupé, ni à Ariel ni dans aucune autre
implantation, car c’est contraire au droit international » , a
affirmé à la radio le dramaturge Yéhoshua Sobol. Ariel,
18 000 habitants, est l’une des plus grandes colonies juives
créées en Cisjordanie occupée depuis juin 1967 et abrite un
centre culturel qui a récemment été inauguré. « Les
habitants d’Ariel disposent d’excellentes routes et n’ont qu’à
s’en servir pour venir nous voir à Tel-Aviv » , a ajouté M.
Sobol. Selon lui, pas moins de 53 acteurs, artistes et
dramaturges israéliens ont signé une pétition en ce sens,
notamment des grands noms du théâtre (…) Cette prise de
position a suscité les réserves d’une partie du monde des
planches, ainsi que la colère des colons et de l’aile droite de
la classe politique, à commencer par le Premier ministre
Benjamin Netanyahu. Cité en substance par la radio publique, il
a affirmé devant ses ministres réunis en séance hebdomadaire qu’
« Israël est victime d’une campagne internationale de
délégitimation, et tout boycottage est inacceptable – encore
moins chez nous, lorsqu’il provient de gens financés par l’Etat. »
Vert de rage !
Yéhoshua Sobol
Contre-exemple flagrant, l’exposition « Mashav »
, organisée à partir du 2 septembre dans les locaux de la mairie
du 3e arrondissement de Paris par son maire, Pierre Aidenbaum.
Une manifestation scandaleuse vigoureusement dénoncée par la
campagne BDS, dans un communiqué relayé par
l’UJFP
: « C’est avec consternation que nous avons découvert le
thème de l’exposition « Mashav » que vous accueillerez dans vos
locaux municipaux à partir du 2 septembre. Cette exposition
organisée par le Ministère israélien de la coopération
internationale et l’organisation B’nai Brith a pour objectif de
« changer l’image d’Israël » ; vous soutenez ainsi la
promotion d’un gouvernement d’extrême-droite dont la politique,
loin d’aller dans le sens des principes universels de la
coopération internationale, de solidarité ou d’humanisme, va
activement à son encontre. Cette exposition est l’un des outils
de propagande destinés à servir une politique qui viole depuis
des décennies les droits les plus fondamentaux des Palestiniens,
que ceux-ci aient la citoyenneté israélienne ou non.
L’implication directe des institutions de l’Etat israélien
responsable d’une occupation et d’une colonisation illégales, au
système législatif raciste, belliqueux et reconnu
responsable de plusieurs crimes de guerre voire contre
l’Humanité (ainsi que l’indique le rapport Goldstone), devrait
pourtant interpeller le maire républicain que vous êtes.
Le B’nai Brith, par son soutien inconditionnel et partisan à
Israël, peut d’autre part difficilement être assimilé à une
organisation humanitaire. Cette exposition souhaite promouvoir «
toutes les ressources et solutions que l’Etat d’Israël a créé
afin de résoudre les grands problèmes de l’eau, irrigation,
santé, éducations, intégration, agriculture en terrain
difficile, etc.» Évoquera-t-elle les « solutions » adoptées
par Israël qui consistent en la confiscation pure et simple des
ressources aquifères des territoires occupés à son profit, au
détriment des villages palestiniens asséchés ? Parlera-t-elle du
détournement des voies d’irrigation pour ses plantations
coloniales dans la vallée du Jourdain ? Montrera-t-elle
l’empoisonnement des terres des Bédouins du Néguev, l’enrôlement
des lycéens dans les chantiers de destruction d’un de leurs
villages, en juillet dernier ? Rappellera-t-elle l’arrachage et
les incendies de milliers d’acres
d’oliviers et de vignes en Palestine ces dernières années ? B’nai
Brith se vante d’avoir aidé des réfugiés dans le monde,
parlera-t-elle des centaines de milliers de Palestiniens devenus
eux-mêmes réfugiés suite à des expropriations violentes que
B’nai Brith lui-même revendique avoir soutenues ? A quoi
ressemble la « coopération internationale » d’un état qui compte
150 résolutions de l’ONU – non appliquées! – qui attaque
violemment et quotidiennement une population sans armée et
tue les militants internationaux qui viennent la secourir,
dans des eaux internationales qui plus est ? Accueillir une
exposition chargée de vanter la coopération internationale
d’Israël pour changer son image, et de dissimuler tous les
aspects violents et hors la loi de sa politique, est une action
de désinformation de nos concitoyens, ce n’est pas là le rôle
d’une municipalité française. « Je suis pour toujours un
homme de gauche, fort de ses convictions et des valeurs
républicaines. Combattre en permanence toutes les injustices,
c’est aussi pour moi combattre le racisme, l’antisémitisme, la
xénophobie, l’homophobie et toutes les formes d’intolérances. Je
veux une société où les mots liberté, solidarité et laïcité
prennent tous leurs sens. La justice sociale n’est pas un
concept abstrait (…) » Monsieur le Maire, c’est vous qui
avez déclaré cela sur votre blog. C’est donc à la cohérence de
l’homme politique que nous nous adressons pour vous demander d’annuler
cette opération de vulgaire propagande qui porte aussi
ostensiblement atteinte aux valeurs républicaines. » On ne
saurait mieux dire.
(Contrairement aux apparences,
cette photo ne montre pas Pierre Aidenbaum
recevant le prix de la meilleure action de propagande
israélienne. C’est injuste, il le mérite !)
Publié le 1er septembre 2010 avec l'aimable autorisation
d'Olivier Bonnet
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