Opinion
Israël et les
antisionistes : l'alignement des Droites
Olivier
Berlanda
Photo: EPA
Dimanche 2 juin
2013 Ces dernières
années ont vu l’apparition d’un
phénomène antisioniste que l’on croyait
disparu avec la seconde guerre mondiale
et l’Holocauste. En France,
un Parti antisioniste (P.A.S.) rencontre
même un succès croissant et le net
devient le vecteur des thèses de plus en
plus virulentes contre l’Etat d’Israël
incarné par M. Netanyahu, ses présumés
complots et plus encore contre les
manœuvres politiques tendant à faire de
l’Occident le bras armé de Tel Aviv dans
le conflit syrien et dans la crise du
nucléaire iranien.
L’antisionisme ressuscité ex
nihilo ou finalement ras-le-bol
de certaines parties de la population
européenne de devenir malgré eux les
moutons d’une politique israélienne
agressive au Moyen-Orient et intrusive
en Occident. Regard sur l’antisionisme.
Plus de soixante ans après la
création de l’Etat d’Israël, force est
de constater que, du côté des
populations européennes de l’Ouest comme
de l’Est, le sentiment antisioniste ne
cesse de gagner du terrain ces dernières
années. Si elle est le fait de
mouvements nationalistes chrétiens ou
des importantes minorités musulmanes
choquées par le comportement de l’état
hébreu face aux « frères palestiniens »,
une fusion des contestataires commence à
s’effectuer entre la partie radicale des
deux premières communautés religieuses
européennes contre l’aile droite de la
troisième communauté ( la communauté
juive ) ultra-minoritaire par le nombre
mais avec l’immense écho et pouvoir de
double pression idéologique et
financière qu’elle exerce par le biais
de ses intellectuels, de ses
journalistes et des représentants
politiques qui la soutiennent. Jusque
là, rien de très nouveau sous le soleil
et les lecteurs nous diront que nous ne
faisons que de reprendre un refrain que
tout le monde connaît.
Après avoir subi l’extermination
nazie, le devoir de Mémoire s’est imposé
aux peuples européens désignés comme
complice du régime nazi qui non
seulement ont écrit ( l’Allemagne) ou
aidé à écrire ( la France, la Suisse, la
Belgique, la Hongrie… ) la page la plus
noire de l’Histoire universelle.. Pour
nombre d’antisionistes, la shoah est,
par contre, à l’Europe se que le rocher
était à Sisyphe : un poids qu’elle ne
cessera jamais de voir retomber sur ses
épaules, une éternelle pénitence.
Du devoir de Mémoire, certaines
parties de la mouvance dite «
identitaire » l’ont ressenti comme étant
visiblement une obligation permanente de
repentance et de soumission : l’Europe
doit payer des compensations
financières, et suivre les directives
des groupes de pression ou de
personnalités de l’incontournable BHL,
au dessin de bombe atomique et de ligne
rouge de M. Netanyahou à l’ONU en
passant par la mise sous tutelle
américaine de la défense européenne.
Cette mouvance politique ne voit pas
à quel titre un personnage comme Bernard
Henry-levy déclarant que « bien
que français sa patrie était Israël»
peut, du Café de Flore devenu
gouvernement idéologique, décider de
mener une guerre en Libye, des printemps
arabes qui tournent au chaos politique
et maintenant conseiller à qui veut
l’entendre que l’OTAN doit intervenir en
Syrie ou contre l’Iran pour garantir la
sécurité d’un pays qui n’a jamais réussi
à faire la paix avec ses voisins arabes.
Si on peut comprendre qu’avec une
telle politique une bonne partie de la
population musulmane s’est fait des
juifs un ennemi héréditaire, il est plus
compliqué de saisir pourquoi
l’antisionisme renaît en Europe .
Des néo-nazis et assimilés il n’y en
a guère à part des marginaux qui n’ont
aucun poids politique, les médias
censurent systématiquement des points de
vue jugés fanatiques et une flopée de
mouvements de protection des droits de
l’Homme vont directement devant les
tribunaux quand une parole douteuse avec
une consonance antisémite est prononcée.
Par contre, quand Alain Soral et
Dieudonné subissent des passages à tabac
pour l’un et une persécution
juridico-médiatique démesurée à chacun
de ses spectacles pour l’autre, nul ne
peut rester totalement indifférent même
si ces personnalités n’ont pas toujours
fait preuve de grande vigilance quant
aux messages qu’ils véhiculent. La
volonté de les effacer médiatiquement,
politiquement et socialement a fait, en
réaction, des émules qui maintenant
n’hésitent plus à remettre en cause non
seulement la politique des faucons
israéliens mais l’existence même du
territoire hébreu. Et là c’est un
phénomène qui touche particulièrement
les « blogs » et les réseaux sociaux ;
du marginal extrémiste isolé,
l’antisionisme (à géométrie variable)
s’est désormais propagé à présent à des
couches entières de la population.
Dans la même optique l’organisation
d’une réunion du Congrès Juif Mondial à
Budapest le cinq mai dernier pour «
défier » les manifestations du parti
jobbik contre les juifs en
Hongrie ( intervenant également suite à
une énième demande de compensation
financière dans un pays en pleine crise
économique ) et l’arrestation d’un
ancien « centième » couteau du régime
nazi à l’âge de 93 ans, sept décennies
après les faits accusé d’avoir été garde
du camp d’Auschwitz pourrait être
assimilée plus à de la vengeance qu’en
une justice humaine. C’est ce que nous
lisons sur la majorité des réactions et
commentaires aux articles parus sur ce
double sujet dans les publications de la
presse contestataire et identitaire.
L’objet de la présente réflexion ne
constitue pas une prise de position mais
une vision empathique ( l’observateur se
place dans la situation du sujet qu’il
observe ) sur ce qui est train de se
dérouler : une situation au Moyen-Orient
qui dégénère en conflit international,
une population musulmane solidaire des
palestiniens jugeant que ceux-ci sont
des victimes eux aussi de déplacement de
population et de colonisation
et,désormais, une vague d’antisionisme à
l’intérieur même de la communauté
chrétienne et laïque.
De même l’ analyste ne pourra
non plus nier que l’antisionisme se
révèle être le récent trait d’union
entre les éléments radicaux de la droite
nationaliste (pourtant historiquement
anti-immigrationniste ) et les musulmans
européens contestataires : si pour
certains il s’agit d’un trouble
bipolaire passager, pour d’autres, ce «
dépassement par la droite » des partis
nationalistes traditionnels (Alain Soral
et le FN en France par exemple, le cas «
atypique » de Laurent Louis en Belgique,
de Krisztina Morvai en Hongrie ) ou de
l’apparition du P.A.S. multiculturel
augure d’un climat qui sera de plus en
plus pesant et réactif face à une
politique jugée dominatrice du
leadership israélien actuel.
Il conviendrait donc aux BHL et
Netanyahu de se rappeler que, pour leurs
ennemis, quand on oblige les peuples à
porter un fardeau éternel d’un crime
historique et en même temps taper du
bâton en réclamant la carotte ; un jour,
ces peuples risquent d’être en colère.
Pour les antisionistes, le devoir de
Mémoire se transforme en droit à
l’insoumission.
En conclusion : l’actuelle fusion
antisioniste entre la droite identitaire
et contestataire et l’aile radicale de
la communauté musulmane opposée à l’Etat
hébreu et à son influence en Occident -
alliance apparemment contre- nature
-s’est polarisée et structurée autour
d’un ennemi commun représenté par la
droite israélienne et son objectif
sioniste.
Cet alignement de deux droites
contre une troisième pourrait t’il se
transformer en opposition de plus en
plus accentuée au fil des tensions en
Syrie devenu le centre d’une guerre
internationale qui ne dit pas son nom ?
D’autre part, la politique des faucons
israéliens et du lobbying qu’ils
exercent en Occident n’est-elle pas en
train de créer en Europe un front
idéologique d’une partie de ses deux
communautés les plus importantes ? A
défaut de valeurs communes autre que le
combat contre Israël, le mouvement
antisioniste implique une véritable
question de positionnement politique qui
risque de déstabiliser un pouvoir
euro-socialiste et pro-OTAN qui n’avait
pas besoin de ce nouveau péril en la
demeure. La Maison Europe construite de
bric et de broc sans fondations risque
tout simplement de s’effondrer à chaque
coup de vent. Et la tempête venue du
Moyen-Orient ne fait que commencer.
© 2005—2013 La Voix de la Russie
Publié le 5 juin 2013
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