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Dans le cas du meurtre d’Abir
Aramin, le dossier est classé !
Nurit Peled - Elhanan
Nurit Peled-Elhanan
Comme il est triste de
constater que le nombre des objecteurs qui échappent au service
dans l’armée de l’Occupation est si bas qu’il n’a
virtuellement aucun effet sur la motivation des enfants d’Israël
pour endosser l’uniforme de la brutalité.
Le professeur Steward Cohen de l’Université de
Bar Ilan tente de nous consoler en affirmant que le blâme est à
rejeter sur l’augmentation des Ultra-orthodoxes qui ne sont pas
enrôlés et il nous affirme que l’armée des Etats-Unis aurait
été heureuse d’avoir un pourcentage aussi bas d’objecteurs
pendant la guerre du Vietnam. Peut-être bien que nous devrions
plutôt écouter ce que nous apprennent les Américains de 1960 ou
bien même les Juifs Ultra-orthodoxes qui ont peur pour la sécurité
de leurs enfants.
Quand l’augmentation de l’objection a été
connue, j’ai été invitée dans un programme de Oded Shahar,
‘ Politika », en tant que mère qui ne permettra pas que
son fils (qui a aujourd’hui 15 ans) rejoigne l’armée. Parallèlement,
j’étais au courant, à propos de ce cours d’une campagne
prolongée de persuasion et qu’il n’y avait que des hommes
invités, la plupart d’entre eux les généraux pro-guerre comme
Effie Eitam et Yossi Peled.
A la suite de cela, j’ai été convaincue que ma
participation au programme était importante et décisive, j’ai
donc accepté.
L’animatrice m’a demandé pourquoi je
n’autoriserais pas mon fils à s’enrôler. Je lui ai expliqué
qu’une armée qui a été engagée, depuis 40 ans maintenant,
dans des abus systématiques et sans cesse croissants à
l’encontre d’une population civile ( ces abus que même un
journaliste courageux comme Gideon Levy appelle par un doux euphémisme
« maintien de l’ordre » ), une armée qui enseigne
à ses soldats que tuer des enfants palestiniens et ceux qui les
protègent, comme Rachel Corrie et James Miller, n’est pas un
crime, une armée dont les gradés peuvent commettre
quotidiennement des crimes contre l’humanité en toute impunité
et sans risque de punition, n’est pas un lieu convenable pour
mon fils qui a été éduqué à aimer les gens, qui a des amis
palestiniens, dont les frères et les parents ont des amis
palestiniens qui sont soumis au même règne de la terreur et des
harcèlements quotidiens.
Après une demi-heure, il me fut dit que malgré
ma contribution décisive, il n’y avait pas assez de sièges sur
la scène.
Quelques jours plus tard, nous avons appris par
une seule et unique radio que le dossier concernant le meurtre
d’Abir Aramin, la fille de Salwa et Bassam Aramin était classé.
Bassam est un des membres fondateurs du mouvement israélo-palestinien
« les Combattants pour la Paix » ( Combatants for
Peace) dont sont membres mes fils Elik et Guy. Bassam Aramin a
passé 9 ans dans une geôle israélienne comme membre du Fatah
dans la région d’Hébron et parce qu’il a essayé de lancer
une grenade sur une jeep de l’armée israélienne qui
patrouillait dans Hébron occupé.
Un mardi après-midi, le 16 janvier 2007, un
soldat israélien a tiré sur sa fille de 9 ans, Abir ; il
lui a tiré dans la tête, au moment où elle quittait l’école
pour rentrer à la maison. Le soldat ne passera pas même une
heure en prison. En Israël, les soldats ne vont pas en prison
quand ils tuent des Arabes. Jamais. Peu importe que ces Arabes
soient jeunes ou vieux, des terroristes réels ou potentiels, des
manifestants pacifistes ou des lanceurs de pierres. La police
n’a pas mené d’enquête sur la mort d’Abir Aramin. Ni la
police, ni les juges n’ont pris la peine d’interroger qui que
ce soit à l’exception de la sœur d’Abir qui lui tenait la
main quand elle est tombée. Cette jeune sœur, on lui a demandé
encore et encore « à combien de mètres elles étaient de
l’école, et de la boutique et de la jeep ??? COMBIEN DE
METRES ??? TU NE TE RAPPELLES PAS ???? » IL n’y
a pratiquement pas eu d’enquête, excepté une enquête privée
par Bassam et ses amis qui savent exactement qui est le tueur.
Mais en ce qui concerne les Forces de Défense israéliennes (IDF),
le tir n’a pas eu lieu. La version officielle de la mort est
qu’elle doit avoir été touchée par un jet de pierre qu’un
de ses camarades de classe lançait sur « nos forces ».
Et ceci, sans se soucier des résultats trouvés par un
pathologiste expérimenté, qui a travaillé de nombreuses années
dans un institut médico-légal.
Une des allégations contre les objecteurs est
qu’ils ne croient plus dans des valeurs comme le « sacrifice ».
Quel sacrifice exactement ? Sur quel autel ? Pour quel
Dieu ? Les soldats d’Israël sont appelés à sacrifier des
enfants, des parents, des bénévoles et parfois eux-mêmes sur
l’autel de la mégalomanie et de la corruption insolente des
dirigeants de l’Etat qui ont réussi à transformer tout ce pays
en un gigantesque autel sur lequel ils sacrifient les enfants des
autres au dieu de la mort. Des enfants, des fétus, des nouveau-nés
sont quotidiennement jetés de sang-froid dans le royaume des
enfants morts qui grandit inexorablement sous nos pieds. Et
personne n’est coupable de leurs morts ; personne n’est
jamais puni pour le meurtre des enfants palestiniens.
L’Etat prend soin de ceux qui le servent....
parfois. Mais d’autres fois, ceux-là aussi sont sacrifiés avec
le même sang-froid et pour les mêmes raisons.
Et qu’en est-il des meurtriers ? Que
peut-on en dire ? Est-ce qu’ils savent qu’ils ont commis
des crimes ? Est-ce qu’ils se tournent et se retournent la
nuit dans leurs lits ? Est-ce qu’ils sont tourmentés par
l’image des petits corps qui se convulsent et tombent sous leurs
fusils, leurs bombes et leurs grenades ? Probablement pas.
Nous ne connaissons aucun cas où un soldat s’est retourné sur
lui-même et a exprimé du remords pour ses actions. Voilà les
plus grands succès de l’éducation israélienne :
distinguer entre un sang et un autre sang, entre un enfant mort et
un autre enfant mort, et réussir à inculquer que pour des
raisons de sécurité l’assassinat de Palestiniens ou de leurs
amis n’est pas un crime.
Chacun de ceux qui s’enrôlent dans l’armée
sait cela et il est préparé pour cela. La moitié de la Nation !
Combien de millions sont-ils dans la moitié de la Nation ?
Combien de millions de jeunes hommes et de jeunes femmes sont
simplement insensibles aux pleurs d’un enfant, aux cris d’une
femme en travail, aux plaintes d’un vieillard et à la mort de
milliers d’innocents ? Combien de millions d’entre eux
n’ont jamais appris à refuser un ordre qui est manifestement
inhumain, même s’il est dans la légalité des lois racistes de
leur pays, et à dire non aux dirigeants corrompus et aux généraux
assoiffés de sang ?
Bravo l’IDF ! Bravo l’éducation juive
Israélienne, qui a réussi presque à la perfection à
transmettre les valeurs du racisme, pratiquement sans opposition !
Si mon fils Yigal, voulait absolument participer
aux programmes militaires qui sont imposés aux étudiants des
classes supérieures, à partir du niveau 10, ou, que Dieu
l’interdise, s’il voulait absolument s’enrôler dans l’armée
d’occupation et de torture, je verrais cela comme un abominable
échec d’éducation. Un terrible échec maternel. Et si je ne
faisais pas tout ce que je peux pour l’empêcher de devenir un
assassin ou un cadavre à l’âge de 18 ans je saurais que je
l’ai trahi, lui, et ma vocation de mère.
Publié par New Profil traduction : Roselyne
Derrien
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