Opinion
Syrie : "le
Protocole de Doha"
Noureddine
Merdaci
Dimanche 9 décembre
2012 Il faudra sans doute attendre
encore des mois, certainement des
années, avant que ne soit reconstitué le
processus par lequel la Syrie s’est
retrouvée piégée dans cette guerre
civile. À l’évidence, Damas n’en a pas
mesuré la dangerosité, non seulement
pour le régime en place mais,
singulièrement, pour la Syrie qui risque
de disparaître en tant qu’Etat national.
Or, le voile commence à se lever sur les
circonstances du « conclave » qui s’est
tenu à Doha au début du mois de novembre
dernier, qui a vu une « opposition »
hétéroclite, divisée, sans programme et
sans perspective, se donner un chef,
Ahmed Moez Al-Khatib et se former en «
coalition ».
Mais pour arriver à ce résultat, les
« opposants » syriens ont été sommés par
le Qatar de « trouver » un accord, sine
qua non, avant de sortir de la salle
mise à leur disposition, affirment des
sources proches du dossier. Autant dire
que les « opposants syriens » avaient le
« revolver » sur la tempe pour arriver à
cet accord minimum. Le Premier ministre
qatari, Cheikh Hamad bin Jassim bin
Jaber al-Thani, y veillait
personnellement. En réalité, la «
révolte » en Syrie, totalement prise en
charge par des pays étrangers et leurs
services de renseignements, a été une
guerre par procuration contre l’Etat
national syrien, laquelle guerre n’avait
besoin de « Syriens de service » que
pour servir de « couleur locale ».
En Syrie ce sont des combattants
venus de nombreux pays arabes, des
éléments d’Al Qaîda, des djihadistes
d’Afghanistan, de la Somalie et autre
Pakistan, bien armés, qui tuent la
population civile syrienne et se battent
contre l’armée syrienne aux côtés d’une
poignée de déserteurs. Donc, à Doha, il
fallait « unifier » l’opposition dont la
crédibilité était mise en doute y
compris par l’un de ses principaux
bailleurs de fonds, les Etats-Unis qui
ont pesé de tout leur poids pour
redonner un semblant de cohérence et de
visibilité à une opposition créée de
toutes pièces par la France, le Qatar et
les Etats-Unis, notamment, appuyée par
la Turquie laquelle a obtenu de l’Otan
l’installation sur son territoire de
missiles « Patriot » aux frontières avec
la Syrie. Doha aura donc été un
recentrage de la rébellion qui
n’arrivait pas à concrétiser les
objectifs que lui ont tracés ses
commanditaires.
On comprend en fait, le pourquoi de
la chose lorsque l’on connaît les
clauses du « Protocole » de Doha, dont
nous avons pu consulter le document,
formulé en treize points qui se
détermine comme suit :
1- réduction du nombre des soldats de
l’armée syrienne à 50 000 ;
2- la Syrie ne pourra faire valoir son
droit à sa souveraineté sur le Golan que
par les moyens politiques. Les deux
parties signeront des accords de paix
sous l’égide des Etats-Unis et du Qatar
;
3- la Syrie doit se débarrasser, sous la
supervision des Etats-Unis, de toutes
ses armes chimiques et bactériologiques
et de la totalité de ses missiles. Cette
pération doit se dérouler sur les terres
de Jordanie ;
4- annulation de toute revendication de
souveraineté sur Liwa Iskandaroun et
désistement au profit de la Turquie de
certains villages frontaliers habités
par les Turkmènes dans les « mouhafadhas
» d’Alep et d’Idlib ;
5- renvoi de tous les membres du Parti
des travailleurs du Kurdistan, ceux
recherchés par la Turquie lui seront
livrés. Inscription de ce parti sur la
liste des organisations terroristes ;
6- annulation de tous les accords et
conventions signés avec la Russie et la
Chine dans les domaines des forages du
sous-sol et de l’armement ;
7- permettre le passage à travers le
territoire syrien d’un gazoduc qatari à
destination de la Turquie puis de
l’Europe ;
8- permettre le passage à travers le
territoire syrien des conduites d’eau en
provenance du barrage Atatürk et à
destination d’Israël ;
9- le Qatar et les Emirats arabes unis
s’engagent à reconstruire ce qui a été
détruit par la guerre en Syrie à la
condition que leurs sociétés aient
l’exclusivité de la reconstruction et de
l’exploitation du pétrole et gaz syrien
;
10- gel des relations avec l’Iran, la
Russie et la Chine ;
11- rompre les relations avec Hezbollah
et les mouvements de résistance
palestinienne ;
12- le régime syrien sera islamique et
non salafiste ;
13- le présent accord entrera en
application dès la prise du pouvoir.
(par l’opposition, Ndlr). Fin de
citation.
C’est là le prix des pressions
étrangères et de la démission et de la
traîtrise arabes.
Un prix fort, exorbitant pour la
Syrie, que des personnes se disant «
Syriennes » ont avalisé. En fait, cet
accord, ou plutôt ce « Protocole »
constitue donc le prix que l’opposition
syrienne aura à payer une fois installée
au pouvoir à Damas, comme le précise
l’article 13 dudit « accord de Doha ».
Ainsi, chacun des parrains de la «
révolte du peuple syrien » s’est servi
selon ses voeux et demandes. Les
Etats-Unis en désarmant la Syrie et en
l’éloignant de ses amis, la Turquie en
récupérant des villages syriens et en
rectifiant à son profit la frontière, le
Qatar en s’octroyant la « reconstruction
» du pays et l’Arabie Saoudite par la
mise en place d’un régime islamiste à sa
dévotion. C’est là en réalité une
castration en règle de la Syrie,
dépouillée de sa souveraineté dans le
même canevas qu’ont été pour l’Egypte
les accords de Camp David en 1979. De
fait, c’est à peine si on n’exige pas de
« l’opposition » - portée à bout de bras
par le Qatar - la reconnaissance
immédiate d’Israël, dont on prévoit
cependant (article 2 de l’accord de
Doha), un règlement négocié. Un partage
du magot syrien. Nulle part il n’est
question de démocratie, de liberté, de
droits de l’homme, de construction d’une
nouvelle Syrie où les Syriens, quelles
que soient leur ethnie, religion et
croyance, jouiraient des mêmes droits.
Or, chacun des « parrains » s’est
d’abord servi et a pris ce qu’il
voulait. Pour ceux qui connaissent
l’histoire mouvementée du Proche-Orient
ottoman, tout s’explique et Doha n’a été
que le point de non-retour d’une
opposition syrienne qui n’avait pas voix
au chapitre. Elle n’était là que pour
justifier la « syrianité » des
événements. On l’a bien vu au Caire avec
le nouveau « patron » de la « coalition
» Ahmed Moez al-Khatib venu dans les
bagages de Cheikh Hamad bin Jassim bin
Jaber al-Thani à la réunion de la Ligue
arabe qui eut lieu à la mi-novembre. En
Syrie, le processus activé pour la Libye
est dépassé et fait désormais craindre
une déstabilisation générale du monde,
voire sa fragmentation comme des «
experts » civils et militaires
américains y travaillent sans
désemparer. A méditer !
Noureddine
Merdaci, journaliste algérien
© 2008-2012 Faire Vivre le PCF
Publié le 14 décembre 2012
Le
dossier Syrie
Les dernières mises à jour
|