Voix de la Russie - Mali
Mali : la guerre
éclair des intervenants
Nikita Sorokine
Photo: EPA
Jeudi 17 janvier
2013 La situation au Mali évolue très
rapidement. Les Mirages et Rafales
français bombardent les positions et
les bases arrières des jihadistes,
des blindés français sont entrés
dans la capitale Bamako et des
rebelles touaregs ont récemment
apporté leur soutien au pouvoir
malien. Cependant, les experts sont
loin d’être optimistes : il y a de
fortes chances que le Mali devienne
l’Afghanistan de la région, et même
pire, qu’il entraîne dans un chaos
sanglant les pays voisins.
La décision des
Touaregs du MNLA (Mouvement national
pour la libération de l'Azawad) de
se ranger du côté des autorités
maliennes est une des nouvelles les
plus récentes du front. Il s’agit,
bien évidemment, d’une nouvelle
positive, mais cela ajoute encore de
la confusion à une situation à
l’avenir encore bien incertain. Les
Touaregs sont prêts à combattre les
forces ouest-africaines et les
militaires français avec les
islamistes, mais ne souhaitent pas,
en cas de victoire, voir une armée
du gouvernement ou de la coalition
au nord du Mali, qu’ils considèrent
comme leur territoire.
Les forces de
maintien de la paix de la Communauté
économique des États de l'Afrique de
l'Ouest (CEDEAO) seront déployées
cette semaine. De plus, le président
François Hollande a récemment
déclaré que le corps expéditionnaire
français comprenait 750 soldats et
officiers et qu’il allait bientôt
être renforcé.
Dr Lori-Anne Théroux-Bénoni,
expert en opération de paix de
l’Université de Montréal au Canada,
constate dans un entretien avec
La
Voix de la Russie, que nous
sommes les témoins de la
finalisation de
l’internationalisation du conflit
malien :
«
Il y a de nombreux participants à ce
jeu. Pour que l’opération soit un
succès, il faut une forte
coordination entre les différents
intervenants. Il le faut pour
comprendre nos objectifs et
s’assurer que tous joignent leurs
efforts dans cette direction.
Lorsque l’opération a commencé, une
des questions que se posaient les
analystes et les commentateurs
concernait les buts de la mission :
quels sont les objectifs de
l’opération et quelle est leur
portée ? »
Dans un entretien
avec
La
Voix de la Russie, Méhari
Maru, chercheuse à l’Institut
d’études de sécurité de l’Union
africaine, souligne que la durée et
l’issue du conflit sont
imprévisibles, et ce, depuis le
début :
«
De tels conflits ne peuvent se
régler seulement par une
intervention militaire, comme le
pense la France, parce qu’ils
impliquent une multitude de
problèmes. Il ne s’agit pas que de
terrorisme, mais aussi des
dirigeants des mouvements
nationalistes, qui aspirent à une
autonomie et une meilleure gestion
du pays. Ils insistent également sur
la liberté religieuse en tant que
telle. Le mouvement d’insurrection a
donc plusieurs aspects et le climat
ambiant requiert une solution
complexe. Que peuvent faire les
Français ? Ils sont arrivés, mais
divers groupes, qui « dorment » en
ce moment, peuvent de nouveau
reprendre le dessus grâce à leurs
exigences nationalistes et
régionales ».
Les Touaregs veulent
être autonomes ; les islamistes du
groupe Ansar Dine (qui aurait des
liens avec Al-Qaïda) et les
salafistes du Mouvement pour
l'unicité et le jihad en Afrique de
l'Ouest (MUJAO) souhaitent installer
un califat au Mali ; les autorités
de Bamako, faibles et disparates,
cherchent à retrouver le statu quo.
Pour de nombreux experts, les
oppositions au sein du conglomérat,
tout aussi bariolé, de différents
groupes politiques, ethniques et
religieux rappellent la situation en
Afghanistan. Au Mali, exactement
comme en Afghanistan, les
islamistes, très idéologiquement
marqués, agissent de façon plus
habile et plus organisée. Il est peu
probable qu’ils cèdent rapidement à
la bienveillance des Français et de
leurs alliés locaux du CEDEAO. Les
experts pensent plutôt le contraire,
à savoir que cette intervention peut
provoquer l’intensification des
activités islamistes dans les pays
voisins, vu que leurs frontières
n’ont qu’une signification
conventionnelle et géographique et
qu’elles ne sont pas défendues. En
somme, la guerre éclair des
militaires français et
ouest-africains, qui rencontre un
franc succès pour le moment, risque
de devenir une très longue guerre
sur un très grand territoire.
D’ailleurs, certains
pensent que tout ce qu’il s’est
produit ces dernières années en
Afrique du Nord et de l’Ouest, les
révolutions arabes, est un processus
tout à fait normal, dicté par
l’époque. Comme l’a dit Véniamine
Popov, ancien ambassadeur de l’URSS
et de la Russie à Tripoli, à la fin
de la guerre en Libye, il se produit
un « déplacement des plaques
tectoniques » au niveau
mondial. Il se trouve qu’il a
commencé dans cette partie du monde.
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